Licorne à points noirs

Naso tuberosus | Lacepède, 1801

N° 3216

Océan Indien Ouest et centre

Clé d'identification

Corps à dos élevé et arc ventral prononcé, pédoncule caudal très fin, taille maximale 60 cm
Protubérance frontale avec un sillon oblique noir
Une paire d’éperons fixes de part et d’autre du pédoncule caudal
Couleur dominante grise à brune, plus claire dans la partie inférieure du corps
Partie supérieure du corps constellée de taches grises à noirâtres, un groupe de taches noires derrière les pectorales
Grande tache brun foncé en forme de demi-lune sous l’opercule

Noms

Autres noms communs français

Nason à points noirs (La Réunion)

N.B. : nason loupe est le nom commun donné à N. tonganus ; il a été appliqué aussi à N. tuberosus avant la séparation des deux espèces, mais il semble désormais réservé au premier.

Noms communs internationaux

Humpnose unicornfish, nom aussi utilisé pour N. tonganus (GB), Rufia narigudo (portugais, Mozambique)

Distribution géographique

Océan Indien Ouest et centre

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique

Naso tuberosus vit dans l’ouest et le centre de l’océan Indien.
Sur la bordure ouest de cet océan, on le trouve des côtes somaliennes au nord de l’Afrique du Sud (KwaZulu-Natal).
Vers l’est il est présent aux Comores, à Madagascar, dans les Mascareignes, aux Seychelles et aux Maldives.

NB : la distribution de l’espèce donnée par FishBase, qui va jusqu’au Pacifique, s’appuie sur des références antérieures à la distinction établie par Johnson en 2002 entre Naso tuberosus et N. tonganus (Kami, 1975 et Randall et al., 1990). Celle de N. tonganus s’étend en effet jusqu’à l’ouest du Pacifique, mais pas celle de N. tuberosus.

Biotope

La licorne à points noirs est un poisson bentho-pélagique* associé aux récifs coralliens et aux pentes externes. Elle apprécie les eaux claires mais on peut également la trouver en eaux saumâtres. Elle fréquente volontiers les herbiers.
Sa distribution verticale va jusqu’à 60 m, mais on la rencontre plus souvent entre 3 et 20 m.

Description

Description succincte : le corps de ce nason est caractérisé par un dos élevé dans sa partie antérieure, par une protubérance frontale qui s’étend jusqu’au-dessus de la bouche et par un pédoncule* caudal très fin. La bouche est proéminente. Les nageoires dorsale et anale sont longues et de faible hauteur ; la caudale est légèrement échancrée. Ses couleurs vont du gris au brun, la partie inférieure étant plus claire. Une multitude de petites taches grises à noirâtres marque le dos et la tête. Un groupe dense de taches noires se trouve derrière les opercules*, et une tache brune en demi-lune est présente sous l’opercule, à proximité de la base des pectorales. Toutes les nageoires sauf les pelviennes portent de nombreux points noirs.

Description détaillée :
Morphologie
Le corps est ovale et se rétrécit fortement vers l’arrière. Il est comprimé latéralement. Le profil dorsal est caractérisé par une brusque élévation du dos de la nuque aux premiers rayons de la dorsale molle, après quoi il descend régulièrement vers le pédoncule* caudal. Le profil ventral est à peu près régulièrement concave. La hauteur du corps entre 2,3 à 2,7 fois dans sa longueur standard (longueur sans la queue) en fonction de l’âge ; les grands adultes ont un corps moins haut que les subadultes*. Le pédoncule caudal est particulièrement fin, sa hauteur entre 5 à 6 fois dans la hauteur de la tête (mesurée à la verticale de la pupille). Sur chacun de ses côté, il porte une paire de larges éperons en forme de griffes orientées vers l’avant. Les très petites écailles dont son corps est couvert lui donnent un aspect lisse. La ligne latérale* est très discrète. La taille maximale documentée pour l’espèce est de 60 cm en longueur standard.

La tête porte une protubérance frontale qui descend en pente douce de l’espace interorbitaire* puis descend verticalement vers la lèvre supérieure sans jamais la dépasser ; l’angle formé est arrondi et se situe sur le même plan horizontal que les yeux. Cette protubérance est marquée par un long sillon oblique qui commence devant les yeux et s’arrête avant l’extrémité de sa partie verticale. La bouche est petite et proéminente, les lèvres forment une sorte de bec arrondi ; la lèvre supérieure est plus développée que la lèvre inférieure. Les yeux sont de taille moyenne, légèrement globuleux et assez haut placés. Le préopercule*, difficilement visible, est fortement oblique, l’opercule* est arrondi.

La nageoire dorsale, de faible hauteur, part de la nuque et s’achève au niveau du pédoncule caudal. Son profil est régulier mais la dorsale épineuse est échancrée. L‘anale est elle aussi longue, basse et régulière ; elle commence à l’aplomb du cinquième rayon dur de la dorsale et s’achève au début du pédoncule caudal. Les pectorales et les pelviennes sont relativement courtes. La caudale est légèrement échancrée et peut paraître tronquée. Elle ne porte pas de filaments à la pointe de ses lobes.

Couleurs
La couleur dominante est usuellement gris foncé dans la moitié supérieure du corps (parfois seulement dans son tiers supérieur) et gris pâle à blanche dans la partie inférieure ; elle peut aussi être gris brun à brune, la partie inférieure étant alors brun jaunâtre. La partie supérieure est constellée de taches grises à noirâtres de formes très diverses et généralement étirées verticalement, parmi lesquelles se trouvent des taches blanches beaucoup moins nombreuses. On trouve derrière les pectorales un agrégat de taches noires plus foncées, plus petites et plus denses. Cet agrégat commence derrière l’extrémité supérieure de l’opercule et descend derrière la base des pectorales, son extension vers l’arrière pouvant aller jusqu’à la verticale du sommet de la bosse dorsale. Une large tache brun foncé en forme de demi-lune se trouve sous l’opercule, à proximité de la base des pectorales. Les éperons du pédoncule caudal sont de la couleur de la partie supérieure du corps, mais légèrement plus foncée.

La tête est de la même couleur que la partie supérieure du corps, avec des taches noires de tailles diverses présentes sur toute sa surface. Ces taches sont moins nombreuses ou absentes sur le menton. Le sillon de la protubérance frontale est noir. Le bord des lèvres est blanc.

Toutes les nageoires sont gris pâle à bleuté avec des rayons blancs sauf les pelviennes, qui sont blanches. Les autres nageoires portent une multitude de points noirs. Les nageoires dorsale et anale ont un liseré d’un bleu très pâle. La caudale a le même liseré précédé par une bande submarginale plus claire, elle-même précédée par une large zone grisâtre sur laquelle se trouvent les points noirs.

Espèces ressemblantes

Dans sa distribution, Naso tuberosus peut éventuellement être confondu avec les espèces suivantes :

  • Naso brachycentron : la confusion est possible avec la femelle, qui est dépourvue de corne, mais son museau est pointu et elle présente une bosse dorsale plus caractérisée qui commence sous le dernier rayon dur et s’achève sous les premiers rayons mous de la dorsale. De plus, sa caudale est en croissant. L’espèce est présente dans l’océan Indien et le Pacifique Ouest et centre.
  • Naso mcdadei : cette espèce décrite en 2002 a souvent été confondue avec N. tuberosus. Cependant, un certain nombre de détails permettent de distinguer les deux espèces : le profil dorsal de Naso mcdadei est régulièrement convexe et nettement moins haut à l’aplomb des derniers rayons durs de la dorsale, sa livrée ne porte pas de points noirs et l’angle formé par la bosse frontale est moins arrondi que chez N. tuberosus. Parmi les différences moins frappantes se trouve un sillon nasal plus court et une bouche moins proéminente. Cette espèce vit dans l’océan Indien et le Pacifique Ouest.
  • Naso tonganus : la confusion est très fréquente, notamment dans les photos proposées sur Internet, mais il peut être facilement distingué de N. tuberosus par la bande submarginale noire qui marque l’extrémité de ses pectorales et par l’absence de la tache brune en demi-lune présente sous l’opercule qui caractérise N. tuberosus. De surcroît, chez N. tonganus la bosse frontale est bulbeuse et peut s’étendre au-delà de l’aplomb de la bouche chez les adultes ; la régularité du profil dorsal est altérée par une bosse caractérisée sous le dernier rayon dur et les premiers rayons mous de la dorsale. Enfin, les taches noires sont plus petites et concentrées sous la bosse dorsale, il n’y en a pas sur la caudale, et le bord oblique du préopercule* est le plus souvent surligné de gris foncé. Cette espèce vit dans l’océan Indien et le Pacifique Ouest.

Alimentation

La licorne à points noir est omnivore mais principalement algivore*. Elle se nourrit d’espèces des genres Caulerpa, Cladophora, Codium, Dictyota, Jania, Laurencia, Padina, Polysiphonia ou Turbinaria, et des organismes épiphytes*. Elle consomme aussi de petits invertébrés benthiques*.

Reproduction - Multiplication

La biologie de la reproduction de cette espèce n’est pas étudiée, à notre connaissance, à la date de publication de cette fiche [07/2024]. Les stratégies de reproduction des poissons-chirurgiens sont variées mais chez tous, les œufs et les larves* sont pélagiques*, et les post-larves* doivent coloniser* un récif pour se transformer en juvéniles.

La forme du corps des juvéniles évoque celle d’une amande, avec un dos élevé et un arc ventral prononcé s’affinant rapidement en descendant vers le pédoncule caudal. Le profil dorsal est régulièrement convexe. Il n’y a pas de protubérance frontale chez les petits juvéniles, dont le front est bombé et le museau pointu. La protubérance frontale se dessine chez les grands juvéniles, dont le front est moins régulièrement bombé et chez lesquels le sillon noir associé à cette protubérance est visible.
Les éperons du pédoncule caudal commencent par un bouton chez les grands juvéniles, puis ils prennent la forme d’un triangle à la pointe arrondie et ne deviennent des griffes orientées vers l’avant que chez les jeunes adultes.
Les yeux sont proportionnellement plus gros et la caudale plus échancrée que chez les adultes.
Leur couleur dominante va du blanc au brun clair avec un anneau blanc sur le pédoncule caudal. Le corps est couvert de petites taches noires et rondes dont la taille diminue en descendant du dos vers la partie ventrale. Ces taches marquent aussi les nageoires, à l’exception des pectorales et des pelviennes. Les nageoires impaires ont un liseré bleu.

Juvéniles ressemblants : la confusion peut surtout avoir lieu avec le juvénile de Naso tonganus, mais chez celui-ci les taches noires présentes sur le corps sont plus densément groupées, la caudale n’en porte pas ou peu et la pointe de ses lobes est légèrement arrondie (vs pointue chez N. tuberosus) ; la bande marginale de la caudale est plus large et elle est blanche, de même que celles des nageoires dorsale et anale, qui sont d’un blanc bleuté.

Le juvénile de Naso vlamingii porte aussi de nombreuses petites taches sur le corps et les nageoires, mais elles sont bleues.

Vie associée

Un rémora rayé (Echeneis naucrates) a été observé fixé sur une licorne à points noirs d’une quarantaine de centimètres à La Réunion. Cette association est assez rare dans la mesure où le rémora choisit généralement des hôtes beaucoup plus grands.

Divers biologie

Chez les individus mesurant jusqu’à 44 cm la dentition comprend 30 à 44 dents finement denticulées sur la mâchoire supérieure, et 30 à 46 dents identiques sur la mâchoire inférieure. Le nombre de dents augmente avec l’âge.

L’espèce est diurne, les individus remontent dans la colonne d’eau le soir. On peut les trouver en groupes, éventuellement multispécifiques, ou solitaires.

Naso tuberosus peut vivre de 30 à 45 ans. Sa croissance est rapide les quatre premières années de sa vie. Plus de 80% de la croissance sont réalisés au cours des premiers 15% de la durée de vie.

Les post-larves* des poissons-chirurgiens sont appelées acronurus parce qu’elles ont longtemps été considérées comme une espèce à part entière appartenant à un genre qui avait été nommé Acronurus.

Les éperons sont tranchants et ils peuvent infliger des coupures douloureuses si le poisson vivant est manipulé. Ce sont des armes offensives (rivaux) et défensives (prédateurs).

La nageoire dorsale comprend 5 rayons durs et 26 à 29 rayons mous, l’anale 2 rayons durs et 26 à 28 rayons mous. Les pectorales ont 16 à 18 rayons.

Informations complémentaires

L’espèce est considérée comme peu commune.

Sur les 21 espèces du genre Naso, seules 4 possèdent une corne frontale (N. annulatus, N. brachycentron, N. brevirostris, et N. unicornis). La corne peut être l’apanage des mâles (par ex. N. brachycentron), ou des deux sexes (par ex. N. brevirostris). De même, la protubérance frontale chez les nasons sans corne n’apparaît que chez quelques espèces (N. tuberosus, N. fageni, N. mcdadei, N. tonganus et N. vlamingii). Ces particularités n’entrent donc pas dans les clés d’identification du genre, qui tiennent entre autres à la présence de deux paires d’éperons fixes de part et d’autre du pédoncule caudal, et à la finesse de ce pédoncule comparé à celui des autres poissons-chirurgiens. D’autre part, on peut être un poisson-chirurgien et présenter une protubérance frontale sans être un nason (par ex. les grands mâles chez Acanthurus bariene).

Tous les poissons du genre Naso ne sont pas des brouteurs d’algues. Par exemple, Naso hexacanthus se nourrit exclusivement de zooplancton*, de même que les adultes de N. brevirostris. N. vlamingii et N. annulatus sont partiellement zooplanctivores..

Une étude menée en aquarium en 2006 (Arai et Sato) sur les comportements sociaux et de reproduction chez Naso unicornis et N. vlamingii montre que, tant chez le premier (avec corne) que chez le second (avec protubérance frontale), ces appendices changent de couleur chez les mâles pendant les parades nuptiales et les rapports de dominance. Les auteurs observent aussi qu’ils ne sont jamais utilisés comme un moyen d’attaque ou de défense lors des rencontres agressives. Ces caractéristiques sont probablement partagées par les autres espèces de nasons dotées d’une corne ou d’une protubérance frontale.

L’espèce est pêchée et sa chair est appréciée. On la capture notamment au filet de fond, au chalut et au harpon.

Le plus grand des poissons-chirurgiens est Naso annulatus, qui peut mesurer 1 mètre de long, et le plus petit est, comme son nom l’indique, Naso minor, qui ne dépasse pas 30 cm.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Le statut de l’espèce pour l’UICN* est LC (Least Concerned, traduit par « Préoccupation mineure »), ce qui signifie que les informations recueillies sur l’espèce ne permettent pas de la classer dans les autres catégories, notamment dans les trois qui alertent sur une menace (CR : en danger critique d’extinction, EN : en danger, VU : vulnérable). En fonction de quoi elle n’est pas actuellement concernée par des mesures de protection.

Origine des noms

Origine du nom français

Licorne à points noirs : Lacépède écrit que le nom de licorne a été donné à Naso unicornis par les matelots de l’expédition à laquelle Commerson participait, qui l’appelaient « petite licorne » ou « licornet » en référence à la créature légendaire au corps de cheval doté d’une longue corne rectiligne et spiralée sur le front. Le nom de licorne ne convient évidemment pas à N. tuberosus puisqu’il n’a pas de « corne », mais comme il est donné à l’ensemble des espèces du genre Naso, les nasons sans corne en héritent.

La mention des points noirs renvoie à ceux qui marquent le corps et certaines nageoires du poisson.

Origine du nom scientifique

Naso : du latin [nasus], qui signifie « nez ».
Le genre est décrit en 1801 par le zoologiste français Lacépède (1756-1825) dans son Histoire naturelle des poissons, Tome 3, page 105. La très courte description ne donne que trois clés, la première étant « une protubérance en forme de corne ou de grosse loupe sur le nez » (le terme « loupe » renvoie ici à son sens d’excroissance). Le nom du genre est donc motivé par la protubérance frontale de certains des poissons qu’il regroupe.
L’espèce-type* est Naso fronticornis (actuellement N. unicornis).
Le genre contient actuellement (07/2024) 21 espèces acceptées.

tuberosus : du mot latin [tuber], qui signifie « tumeur, excroissance, bosse », l’adjectif [tuberosus] signifiant « déformé par les bosses, couvert de bosses ».
Lacepède décrit l’espèce à la suite de sa description du genre et après la description de l’espèce-type (pp. 111-113). La description est faite d’après les manuscrits de Commerson, qui l’avait appelée « licorne à loupe », que Lacépède transforme en « nason loupe ». S’agissant de la protubérance frontale de l’espèce, Lacépède écrit qu’elle « représente une loupe ou véritable bosse », ce qui explique le choix de l’épithète spécifique.
La localité du type* est l’île Maurice.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 219675

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Sous-embranchement Vertebrata Vertébrés Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux.
Classe Actinopterygii Actinoptérygiens Ossification du crâne ou du squelette tout entier. Poissons épineux ou à nageoires rayonnées.
Sous-classe Neopterygii Teleostei Néoptérygiens Téléostéens Poissons à arêtes osseuses, présence d’un opercule, écailles minces et imbriquées.
Ordre Acanthuriformes Acanthuriformes
Famille Acanthuridae Acanthuridés  
Genre Naso
Espèce tuberosus

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