Cténophore pélagique ovale et transparent
3 à 12 cm de long
6 lobes, 2 gros bien visibles, 4 petits moins visibles
1 gros lobe alterne avec 2 petits
2 rangées de palettes ciliées sur les gros lobes, 1 sur chaque petit
Espèce particulièrement réfléchissante
Méduse américaine, cténophore américain, noix de mer
Comb-jelly Mnemiopsis, sea walnut, american comb jelly (GB), Leidy's ribkwal, amerikaanse ribkwal (NL)
Mnemiopsis gardeni Agassiz, 1860
Mnemiopsis mccradyi Mayer, 1900
Mer du Nord, Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Atlantique Nord-Ouest, ● CaraïbesCôtes atlantiques nord et sud-américaines, Norvège, mer du Nord, Méditerranée, mer noire, mer d'Azov, mer Egée, mer Caspienne.
Mnemiopsis leidyi est abondant en mer côtière peu profonde riche en apports organiques. Cette espèce est capable de remonter les estuaires. C'est une espèce euryhaline* et eurytherme*: elle tolère des variations de température et de salinité importantes. Elle supporte aussi des taux d'oxygène très bas. Elle est donc capable de coloniser et d'envahir n'importe quel milieu, même pollué (voir plus bas).
Mnemiopsis leidyi est un cténophore pélagique*, transparent et ovale. Sa surface est parcourue par huit rangées de peignes ciliés. Le corps de l'animal est divisé embryologiquement en huit lobes. Quatre de ces lobes finissent par se souder deux à deux, et l'animal adulte possède donc six lobes, deux gros et quatre petits. Le gros lobe, bien visible et volumineux, alterne avec deux petits, moins visibles. Les premiers portent deux rangées de palettes ciliées, les seconds une seule. Selon la région du globe, la taille de ces lobes peut varier. Cet organisme est fortement réfléchissant à la lumière du soleil ou à celle d'un phare de plongée. Sa taille varie selon les régions du globe de 3 à 12 cm.
Mnemiopsis gardeni Agassiz, 1860 et Mnemiopsis mccradyi Mayer, 1900, étaient autrefois considérées comme des espèces différentes de M. leidyi. En 1994, Seravin contredit cette hypothèse et invalida ces deux noms ; selon lui ces formes correspondent à un polymorphisme de l'espèce dépendant des conditions environnementales.
Mnemiopsis est un planctonophage* extrêmement vorace. Les Tentaculés possèdent en général 2 tentacules recouverts de cellules collantes particulières et propres aux cténophores, les colloblastes*. Cependant, vu la taille des tentacules, qui sont ici secondairement résorbés et non visibles en plongée, l'essentiel du zooplancton* est agglutiné dans du mucus qui recouvre les lobes. La nourriture de cette espèce est constituée principalement d'œufs de poissons, mais aussi de larves* de cnidaires et de crustacés. Une fine ciliature dirige ensuite ce plancton aggloméré vers la bouche. L'essentiel des nutriments est utilisé par les palettes vibratiles, grandes consommatrices d'énergie, et pour la gamétogenèse, très intense. Les restes non digérés sont rejetés par la bouche.
Mnemiopsis est capable de résister à trois semaines de jeûne en réduisant la taille de son corps.
Mnemiopsis leidyi est hermaphrodite* et produit les deux types de gamètes*. La fécondation a lieu en pleine eau et donne une larve* caractéristique, la larve cydippide, pélagique*. Elle donne un adulte miniature en seulement 20 heures, qui pourra se reproduire à nouveau après 13 jours. Cette espèce est aussi capable de s'autoféconder. Un seul individu peut émettre plusieurs milliers d'œufs. Plus l'individu est grand, plus il peut produire d'œufs, jusqu'à 2 800 par jour !
Dans certains cas, cette espèce peut même se reproduire à l'état larvaire...
Mnemiopsis leidyi a en outre la faculté de régénérer des tissus endommagés.
Là où abondent les Mnémiopsis, abondent aussi d'autres cténaires, les béroés comme Beroe ovata. Ces dernières sont des prédateurs quasi-exclusifs de lobiférides.
Observer ces organismes nager au moyen d'un phare est un spectacle féerique, qui a inspiré au réalisateur James Cameron certaines des créatures du film Abyss. En effet cette espèce est particulièrement réfléchissante.
Ces organismes peuvent former des bancs de milliers d'individus lorsque la nourriture est abondante. Il y aurait un lien entre la quantité de nourriture disponible et le taux de reproduction. On constate en effet des fluctuations saisonnières importantes avec des pics marqués qui sont corrélées avec l'abondance de zooplancton.
Mnemiopsis leidyi est le cténophore le plus étudié aujourd'hui dans le monde.
Mnemiopsis leidyi est une espèce exotique originaire de l'Atlantique nord-américain qui a été accidentellement introduite en mer Noire au début des années 1980, grâce aux eaux de ballast des bateaux. Depuis, cette espèce a envahi la mer d'Azov, la mer Egée, la mer Caspienne, et on la trouve déjà en Méditerranée, en Norvège et en mer du Nord...
L'introduction de cette espèce extrêmement vorace a eu des conséquences absolument catastrophiques sur le rendement poissonnier russe des 25 dernières années :
Mnemiopsis leidyi dévore tout ce qui flotte dans le plancton, et en particulier les œufs et les larves de poisson. On en trouve parfois jusqu'à 500 individus au mètre cube ! Aussi a t-il été décidé en 1997 d'introduire dans les mers russes une autre espèce de cténaire, Beroe ovata, afin de juguler l'expansion inquiétante des Mnémiopsis, Beroe ovata se nourrissant exclusivement de sa cousine. Ont également été introduits le "butterfly fish" (Peprilus triacanthus), un saumon (Oncorhynchus keta), ainsi que la morue Gadus morhua callarias, trois poissons qui se nourrissent normalement de méduses.
Encore aujourd'hui les industriels et les scientifiques livrent une guerre sans merci pour éradiquer l'invasion de Mnémiopsis car, en plus des problèmes économiques que cette espèce a générés, il faut rajouter les problèmes écologiques liés à l'équilibre de l'écosystème et des chaînes alimentaires.
Depuis peu on signale la présence de cette espèce sur les côtes françaises, et les inquiétudes des scientifiques sont légitimes...
La première observation date de l'automne 2005 dans le port du Havre et on estime que depuis 2009 cette espèce est bien installée sur les côtes françaises de mer du Nord. La baie de Seine possèderait d'ailleurs une population se reproduisant localement et possiblement à l'origine d'une dispersion de l'espèce dans les ports septentrionaux via le trafic maritime commercial.
Traduction directe du nom scientifique.
Mnemiopsis : des racines grecques [mnem] = se souvenir et [opsis] = en forme de...
leidyi en hommage au paléontologue américain Joseph Leidy (1823-1891), découvreur de nombreuses espèces américaines, vivantes et fossiles.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Ctenophora | Cténophores / Cténaires | Organismes carnivores planctoniques (parfois benthiques) transparents à symétrie biradiaire se déplaçant grâce à huit rangées de peignes ciliés et munis le plus souvent de tentacules armés de cellules adhésives particulières, les colloblastes. |
Classe | Tentaculata | Tentaculés | Cténophores possédant des tentacules, qui peuvent secondairement se résorber. |
Ordre | Lobata | Lobiférides | Cténophores pélagiques les plus communs, caractérisés par la présence de deux lobes oraux musculaires de part et d'autre de la bouche. Nombreuses formes, curieuses et énigmatiques, de surface ou abyssales. |
Famille | Bolinopsidae | Bolinopsidés | |
Genre | Mnemiopsis | ||
Espèce | leidyi |
Un animal étrange
Les Mnemiopsis sont fréquents dans les ports de la mer du Nord.
Zélande (Pays-Bas), 3 m
03/2009
Vaisseau spatial...
Apparition luminuse féérique, un mnemiopsis vibre et clignote près de la surface de la mer du Nord...
Zélande (Pays-Bas), 5 m
07/2007
En mer du Nord
Un beau spécimen profite du plancton de la mer du Nord. Notez les flashs lumineux renvoyés par les palettes ciliées. Les gros lobes latéraux sont bien visibles. On distingue deux petits lobes en haut qui ont l'apparence de petites languettes. Cet individu a aggloméré du zooplancton et l'a piégé dans du mucus.
Dreischor (Pays-Bas), 6 m
20/09/2006
Lobes rabattus
Un Mnemiopsis nage. Ses lobes sont rabattus et il ressemble alors à une petite poire.
Den Osse (Pays-Bas), 5 m
19/09/2006
Fantôme...
Un Mnemiopsis nage dans les eaux sombres du Nord et un phare de plongée le sort du néant, apparition fantomatique...
Dreischor (Pays-Bas), 8 m
21/10/2006
En Méditerranée
Un Mnémiopsis sur la côte d'Azur. Cette espèce est très récente en Méditerranée occidentale.
Cap Nègre (83), 2 m
19/04/2009
6 lobes
Sur cette photo on distingue très bien les deux lobes principaux, orientés Nord ouest-Sud est, et les petits, qui ressemblent à des languettes transparentes.
Etang de Berre (13), 3 m
30/09/2006
Transparence
Un beau spécimen nage au dessus des ulves.
Etang de Berre (13), 3 m
09/2007
Luminescence
Sur cette photo la forme ellipsoïde de l'animal est bien visible. Notez la luminescence des palettes ciliées, qui confèrent ici une teinte rouge aux bords du Mnemiopsis.
Etang de Berre (13), 3 m
30/09/2006
Rédacteur principal : Frédéric ZIEMSKI
Vérificateur : Vincent MARAN
Responsable régional : Frédéric ZIEMSKI
Antajan E., Bastian T., Raud T., Brylinski J.-M., Hoffman S., Breton G., Cornille V., Delegrange A., Vincent D., 2014, The invasive ctenophore Mnemiopsis leidyi A. Agassiz, 1865 along the English Channel and the North Sea French coasts : another introduction pathway in northern European waters ?, Aquatic Invasions, 9(2), 167–173.
Mayer A. G., 1912, Ctenophores of the Atlantic coast of North America, Publ. Carnegie Inst. Wash, 16, 1-58.
Miller R. J., 1974, Distribution and biomass of an estuarine ctenophore population, Mnemiopsis leidyi (A. Agassiz). Chesapeake Sci., 15, 1-8.
Purcell J.E., Shiganova T.A., Decker M.B., Houde E.D., 2001, The ctenophore Mnemiopsis leidyi in native and exotic habitats: U. S. estuaries versus the Black Sea basin In “Hydrobiologia" eds. J.Purcell, M.Graham, H. Dumont Kluwer Ac.Pub. P.145-176.
Shiganova T.A., Mirzoyan Z.A., Studenikina E.A., Volovik S.P., Siokoi-Frangou I., Zervoudaki S., Christou E.D., Skirta A.Y., and Dumont H., 2001, Population development of the invader ctenophore Mnemiopsis leidyi in the Black Sea and other seas of the Mediterranean basin, Marine biology, 139, 431-445.