Grosse ascidie solitaire en forme d'outre
Tunique fortement incrustée de divers organismes
Siphons avec 8 stries rouge violet séparées par des zones claires
Présence d'un anneau blanc à l'intérieur des siphons
Taille adulte supérieure à 10 cm
Figue de mer, biju ou bijut (catalan), patate de mer, vioulé (Marseille)
Sea fig, violets (GB), Limone di mare, uova di mare (I), Provecho, patatas de mar, buñuelo de mar (E), Eßbare Seescheide (D), Begroeide zakpijp (NL), Strunsi di mare (Ligurie)
Microcosmus sulcatus (non valide) et M. vulgaris (qui désigne une espèce valide mais distincte actuellement) ont été utilisés pour nommer l'ensemble des Microcosmus à sept plis branchiaux.
Méditerranée occidentale, Adriatique et mer Egée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Cette espèce est endémique de la Méditerranée, elle est essentiellement présente dans la partie occidentale, en Adriatique et en mer Egée.
Le violet vit fixé sur des substrats durs très variés comme les roches, le coralligène, les substrats artificiels et plus rarement des débris coquilliers sur les fonds sablo-vaseux. Les violets peuvent s'implanter dès les premiers mètres d'eau jusqu'à plus de 200 m. Les profondeurs où il était rencontré avant 1999 sur le littoral provençal allaient habituellement de 10 à 40 m. Depuis les épidémies successives qui ont débuté en 1999, il est devenu beaucoup plus rare et les observations, en Provence, sont le plus souvent sporadiques et profondes dans la zone des 40 m.
Le violet est une grosse ascidie solitaire d'une taille habituelle de 10 à 16 cm avec un maximum de 25 cm.
Sa forme évoque celle d'une grosse pomme de terre ou d'une outre jaune brun foncé un peu rougeâtre. La tunique* est très coriace, dure au toucher et partiellement ridée. Elle est le plus souvent recouverte d'organismes sessiles* très variés et encroûtants habituellement les substrats voisins. Ce camouflage la rend difficile à identifier pour un œil peu exercé.
Contracté, le violet est quasiment invisible. Lorsque l'animal est détendu, en filtration active, les siphons sont souvent les seules parties visibles de l'animal. Ces siphons sont marqués de 8 stries rouges à rose violacé alternant avec des zones claires plus larges. Un fin anneau blanc est présent à l'intérieur des siphons.
L'orifice buccal (siphon inhalant) est le plus gros et le plus long. La distance qui le sépare du siphon anal est de 7 à 8 cm au maximum. L'entrée du sac branchial est munie d'environ 25 gros tentacules ramifiés. Les branchies possèdent sept plis méridiens internes de chaque côté ; cette caractéristique permet l'identification, par dissection, de cette ascidie. Mais le sac branchial est rarement visible de l'extérieur en plongée. L'orifice anal (siphon exhalant) est moins excentré et plus court. A l'intérieur, les gonades* de couleur jaune vif caractéristique ont une forme de lobes volumineux. Elles recouvrent totalement le tube digestif en occupant une grande partie de l'espace interne (voir photo en coupe). Cette ascidie se fixe au substrat par la partie ventrale, c'est-à-dire par celle opposée aux deux siphons.
Il existe en Méditerranée beaucoup d'espèces ressemblantes de la famille des Pyuridés en particulier dans les genres Microcosmus et Pyura. Leur identification est bien souvent difficile en plongée ou sur les photos.
Microcosmus polymorphus de taille plus petite, présente des siphons plus courts rouge foncé, avec, de temps à autre, des bandes plus claires.
Microcosmus vulgaris de taille similaire (15 cm), présente de longs siphons blanchâtres ou rose pâle sans ligne violette. Il n'est pas observé dans les zones accessibles à la plongée. Il est effectivement récolté sur le plateau et la pente continentale entre 90 et 200 m de fond. Il est cité ici pour son importance commerciale, car ce dernier a pour partie remplacé M. sabatieri sur les étals des poissonniers des côtes françaises méditerranéennes.
Microcosmus nudistigma, difficile à différencier des autres espèces, présente une crête dorsale nette et deux longs siphons clairement opposés.
M. exasperatus et M. savignyi sont quasiment impossibles à reconnaître sous l'eau.
Pyura dura de taille un peu plus petite, également très concrétionnée, fréquente les mêmes biotopes, mais ses siphons sont rose soutenu, plus courts et avec quelques fines bandes blanches.
Pyura microcosmus (tunique marquée de petites verrues), Pyura tesselata (tunique formée de plaques) et Puyra squamulosa (tunique molle et granuleuse) sont plus petits (1 à 3 cm) et de couleur rouge.
Le violet se nourrit en filtrant l'eau de mer qui rentre par le siphon buccal (inhalant) en général le plus ouvert et ressort après digestion par le siphon cloacal* (exhalant) souvent plus fermé. Cette espèce, comme beaucoup d'ascidies, assimile des microalgues comme Monochrysis lutheri.
L'espèce est hermaphrodite. La reproduction a lieu à la fin de la période des eaux les plus chaudes entre septembre et novembre. L'émission des gamètes* a lieu d'octobre à novembre.
L'espèce est le plus souvent couverte par beaucoup d'espèces végétales et animales (épibiontes). La composition de ce « microcosme » est liée à la profondeur et à l'environnement : algues, balanes et vers sédentaires à tubes calcaires près de la surface, hydraires, éponges et bryozoaires dans les zones plus profondes.
M. sabatieri est parasité, comme la plupart des ascidies, par des copépodes dont Ophioseides joubini.
Les ascidies, et en particulier les espèces du genre Microcosmus, ont la capacité de se contracter fortement en cas de danger ou à l'approche d'un plongeur. Cette contraction, accompagnée de la fermeture des siphons, modifie notablement le volume (expulsion d'eau) et la forme de l'ascidie. Le facteur déclenchant est en priorité les variations de pressions ressenties au niveau des siphons. Cette caractéristique permet de différencier une ascidie d'une éponge qui, sauf à de rares exceptions, ne montrera pas de contraction au toucher.
Comme les deux autres espèces avec lesquelles il est confondu et commercialisé (M. vulgaris et M. polymorphus), le violet est récolté pour être consommé cru. Le gourmet ouvre la tunique en deux et gobe les volumineuses gonades de couleur jaune vif (voir photo). Pour cette raison les pêches ont été par le passé très intensives. Aujourd'hui le violet se raréfie et l'espèce est en voie de disparition. La surpêche n'en est pas la cause unique. Effectivement une série d'épidémies ayant débuté dans les années 1990, semble en grande partie responsable de sa raréfaction. Jadis l'espèce était très prolifique en Provence et en Catalogne (voir photos et extrait ci dessous).
En outre M. sabatieri, de par sa forte teneur en iode, a été conseillé dans le passé pour les problèmes de thyroïde.
Microcosmus sabatieri fait partie des espèces qui se sont raréfiées depuis le début du siècle sur les côtes de Provence :
Extrait de la publication [Perez &al. 2000] expliquant ces mortalités :
"Un événement de mortalité massive sans précédent en Méditerranée a été observé à la fin de l'été 1999 sur les côtes de Provence (France) et de Ligurie (Italie). Cet événement a sévèrement affecté une grande diversité d'invertébrés sessiles et filtreurs des communautés de substrats durs, parmi lesquels des spongiaires (en particulier, les éponges cornées Hippospongia et Spongia), des cnidaires (en particulier, les anthozoaires Corallium, Paramuricea, Eunicella et Cladocora), des bivalves, des ascidies et des bryozoaires. Sur les côtes de Provence, l'épidémie s'est propagée d'est en ouest. Une température exceptionnellement élevée et stable sur l'ensemble de la colonne d'eau (23–24 °C pendant plus d'un mois jusqu'à 40 m) a constitué un contexte environnemental probablement déterminant pour le phénomène de mortalité massive. Comme l'anomalie thermique, la mortalité est limitée par la profondeur. Cependant, on ne peut pas préciser si la température a eu un effet direct ou a agi en synergie avec un altéragène (microbiologique ou chimique) latent et/ou véhiculé par les courants. ...
... Des ascidies simples ont été atteintes, en particulier Microcosmus spp., Halocynthia papillosa et Pyura dura, comme l'indiquait une grande quantité de restes de tuniques fixés sur les roches peu profondes des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes."
Violet : en référence aux stries rouge violet présentes sur les siphons et caractéristiques de l'espèce.
Microcosmus : du grec [micro] et [cosmus] = petit monde, en référence à la présence d'épibiontes* présents sur la tunique.
sabatieri : en référence à Armand Sabatier (1834-1910), zoologiste français de Montpellier.
Numéro d'entrée WoRMS : 103844
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Ascidiacea | Ascidies / Ascidiacés | Tuniciers fixés. Solitaires ou coloniaux (seuls capables de bourgeonnement). Chorde uniquement au stade larvaire. Siphon inhalant au sommet, proche du siphon exhalant latéral. Souvent en eau peu profonde. |
Ordre | Stolidobranchia | Stolidobranches | Ascidies pleurogones sans division du corps en thorax et abdomen. |
Famille | Pyuridae | Pyuridés | Ascidies solitaires. Tunique* coriace, branchies avec 6 à 10 plis de chaque côté, tentacules ramifiés, une gonade de chaque côté. Manteau opaque, gonade gauche dans la boucle intestinale. |
Genre | Microcosmus | ||
Espèce | sabatieri |
Belle outre !
Le siphon exhalant à gauche est un peu rétracté ; l'animal a dû détecter la présence du plongeur.
Marseille (13)
N/A
Vue d'ensemble
Un violet à l'abri d'un surplomb vit dans des eaux constamment alimentées en oxygène par les vagues. Son nom Microcosmus "petit monde" n'est pas usurpé tant le nombre d'épibiontes est important. Ici des algues du genre Dictyota. Seuls les siphons inhalant à gauche et exhalant à droite trahissent sa présence. Les 8 stries rouges alternant avec des zones claires plus larges et un anneau blanc présent à l'intérieur des siphons sont caractéristiques de l'espèce.
Porquerolles (83), 2 m
15/05/2006
Vue sans épibionte
La photographie de ce violet, peu colonisé, nous permet de bien voir la tunique jaune et les deux orifices.
Côte Vermeille (66)
N/A
Siphon buccal
Les huit bandes violettes sur fond blanchâtre sont caractéristiques du violet M. sabatieri.
Côte Vermeille (66)
1990
Anneau blanc
Un détail du siphon inhalant montre les 8 bandes rouges de Microcosmus sabateri et l'anneau blanc présent à l'intérieur des siphons.
Porquerolles (83), 2 m
15/05/2006
A Thau
Ce spécimen montre bien la distance entre les 2 siphons de plusieurs centimètres. On notera la présence d'épibiontes y compris sur les siphons.
Thau (34), 7 m
28/06/2009
Couronne tentaculaire et sac branchial
Le siphon inhalant (ou buccal, ici à droite de la photo) est pourvu d'une couronne tentaculaire. Celle-ci participe à générer le courant d'eau qui sera filtré par le sac branchial.
Le sac branchial est aperçu à l'intérieur de l'ascidie grâce à la large ouverture du siphon exhalant ou cloacal (à gauche de la photo).
Côte Vermeille (66)
N/A
Chair jaune vif
Sur cette coupe longitudinale nous pouvons observer les volumineuses gonades de couleur jaune vif, appréciées par les amateurs de fruits de mer. Attention le goût en est particulièrement iodé !
Notez la glande hépatique brune sur la gauche et l’épaisse tunique blanchâtre.
Palavas (34) (pêche professionnelle)
10/02/2007
Collé au coralligène
Sur cet individu relativement propre (peu d’épibiontes), on peut observer le prolongement des lignes violettes sur une grande partie de la tunique. Ce violet est ici en compagnie d'une gorgone Paramuricea clavata et d'anémones encroûtantes Parazoanthus axinellae.
Escampo Bariou, Hyères (83), 30 m
15/08/2008
Grégaire, avant 1999
Ce faciès à Microcosmus appartient, malheureusement, au passé, il est devenu très rare depuis 1999 suite à des épidémies répétées et mal identifiées qui ont décimé cette espèce en Provence. En 2010, les rares spécimens rencontrés dans la région de Marseille sont très profonds (au delà de 35 m).
Côte Vermeille (66)
N/A
Individu jeune
La taille de ce violet qui est de quelques centimètres, montre qu'il s'agit d'un juvénile.
Aile d'avion, Carro, Côte Bleue (13), 43 m
N/A
Tunique jaunâtre, coriace
Exceptionnellement peu concrétionné, cet individu nous montre sa tunique coriace et partiellement plissée.
Côte Vermeille (66)
N/A
Couvert de bryozoaires
On remarquera la couleur jaune de la tunique de cet individu profond.
Aile d'avion, Carro, Côte Bleue (13), 43 m
08/08/2009
Epibionte balane
La taille de ce violet, pêché au large de Sète et ici bien contracté, est de l’ordre de 12 cm.
Palavas (34) (pêche professionnelle)
10/02/2007
Rédacteur principal : Denis ADER
Rédacteur : Frédéric ANDRÉ
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable historique : Denis ADER
Responsable régional : Sylvie HUET
Perez T., Garrabou J., Sartoretto S., Harmelin J.G., Francour P., Vacelet J., 2000, Mortalité massive d’invertébrés marins : un événement sans précédent en Méditerranée nord-occidentale, C.R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la vie / Life Sciences,323, 853–865.
La page de Microcosmus sabatieri dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN