Ascidie solitaire très recouverte d'épibiontes
Polymorphe (sans forme définie)
Taille inférieure à 8 cm en Méditerranée occidentale
Siphons courts, rouge sombre avec de fines bandes blanches (inconstant)
Tunique non ridée
Rock violet (GB), Violeta de roca (E)
Microcosmus sulcatus (non valide) et M. vulgaris (désigne une espèce valide mais distincte actuellement) ont été utilisés pour nommer l'ensemble des Microcosmus à sept plis branchiaux dont M. polymorphus.
Méditerranée (côtes nord) et Atlantique adjacent (+ Japon)
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Le violet de roche est plus fréquent sur les côtes nord de la Méditerranée : des côtes espagnoles et françaises jusqu'à l'Adriatique et à la mer Egée à l'Est.
On le trouve aussi en Atlantique sur les côtes portugaises, marocaines et sénégalaises.
Sa présence est aussi mentionnée dans le Pacifique Nord-Est, au Japon.
On rencontre cette ascidie de la surface jusqu'à 50 m de fond dans les herbiers de posidonies, dans le coralligène et sur les roches. En Adriatique, elle vit sur des fonds sablo-vaseux, accrochée à des coquilles vides.
Le violet de roche est une ascidie solitaire. Sa taille habituelle de 5 à 8 cm en Méditerranée occidentale peut aller jusqu'à 15 cm au maximum en Adriatique.
Sa tunique épaisse, non ridée et abondamment recouverte d'épibiontes* n'a pas de forme définie. Elle évoque grossièrement une outre brun rougeâtre.
Son camouflage affiné le rend difficile à repérer et à identifier pour un œil peu exercé.
Contracté, le violet de roche est quasiment invisible. En filtration active, l'animal se détend ; ses seules parties bien visibles sont alors les siphons. Ils sont courts, fortement pigmentés de rouge sombre, avec de fines bandes claires, inconstantes. L'orifice buccal (siphon inhalant) est plus large que l'orifice anal, ou cloacal* (siphon exhalant).
Cette ascidie se fixe au substrat par sa face ventrale, c'est-à-dire par celle opposée aux deux siphons.
Avertissement : on ne peut pas déterminer les différentes espèces de la famille des Pyuridés avec certitude sur photos, aussi bonnes soient-elles. Les éléments d'anatomie interne sont absolument nécessaires, même au niveau du genre. Si un plongeur averti, dans une localité limitée, peut grouper des spécimens dans une espèce donnée, cela n'est plus valable pour une autre région.
Il existe en Méditerranée beaucoup d'espèces ressemblantes dans la famille des Pyuridés (Pyuridae) et en particulier dans les genres Microcosmus et Pyura :
Microcosmus sabatieri à la forme d'outre, également très concrétionné mais plus gros, est identifiable grâce à ses longs siphons striés de 8 bandes violettes sur fond blanc.
Microcosmus vulgaris de taille plus grande, 15 cm, présente de longs siphons blanchâtres ou rose pâle sans ligne violette. Les plongeurs ont peu de chances de l'observer, car il vit très profond. On le récolte sur le plateau et la pente continentale entre 90 et 200 m de fond. Il est cité ici pour son importance commerciale ; il a pour partie remplacé M. sabatieri sur les étals des poissonniers depuis l'épidémie de 1999.
Microcosmus nudistigma, difficile à différencier des autres espèces, présente une crête dorsale nette et deux longs siphons clairement opposés.
M. exasperatus et M. savignyi sont quasiment impossibles à reconnaître sous l'eau.
Pyura dura de taille similaire, également très concrétionnée, fréquente les mêmes biotopes, mais ses siphons sont rose soutenu avec quelques fines bandes blanches.
Pyura microcosmus, à la tunique marquée de petites verrues, est plus petite et souvent plus propre.
Pyura tessellata a la tunique formée de plaques et Puyra squamulosa a la tunique molle et finement granuleuse. Elles sont plus petites (1 à 3 cm) et de couleur rouge.
Comme toutes les ascidies, M. polymorphus, filtreur suspensivore*, se nourrit de particules organiques et de micro-organismes planctoniques. L'eau est aspirée par le siphon buccal (ou inhalant) équipé de tentacules qui empêchent le passage des trop grosses particules. L'eau est ensuite filtrée au niveau d'une grille pharyngienne qui accumule les particules nutritives. Elle est enfin rejetée par le siphon cloacal (ou exhalant).
La reproduction est sexuée, le violet de roche est, comme l'ensemble des ascidies, hermaphrodite*. Cet hermaphrodisme n'est pas simultané, ce qui empêche toute autofécondation.
Le violet de roche est quasiment toujours recouvert par de nombreuses espèces végétales et animales épibiontes*. La composition de ce « microcosme » est liée à la profondeur et à l'environnement : algues près de la surface, balanes, vers sédentaires à tubes calcaires, hydraires, éponges et bryozoaires plus en profondeur.
Les ascidies, et en particulier les espèces du genre Microcosmus, ont la capacité de se contracter fortement en cas de danger ou à l'approche d'un plongeur. Cette contraction, accompagnée de la fermeture des siphons, modifie notablement le volume et la forme de l'ascidie par expulsion d'eau. Les variations de pression ressenties au niveau des siphons sont le facteur déclenchant principal. Cette caractéristique permet de différencier une ascidie d'une éponge qui, sauf à de rares occasions, ne se contracte pas au toucher.
Description des organes internes (dissection) :
Le manteau est rouge, parcouru de traînées jaune clair. Celui-ci n'est pas visible sans dissection, il est situé sous l'épaisse tunique externe. Celle-ci, brunâtre en coupe, est parfois incrustée de sable.
Les gonades*, une de chaque côté, d'une couleur jaune vif, sont volumineuses. Celle de gauche est fragmentée en plusieurs lobes autour du tube digestif. Les branchies possèdent sept plis méridiens (rarement huit chez les très gros spécimens) de chaque côté.
Comme les deux autres espèces avec lesquelles il est confondu et commercialisé (M. vulgaris et M. sabatieri), le violet de roche est récolté pour être consommé cru. Le gourmet ouvre la tunique en deux et gobe les volumineuses gonades de couleur jaune vif. Pour cette raison, les pêches ont été par le passé très intensives. Aujourd'hui le violet de roche se raréfie et l'espèce est en voie de disparition. La surpêche n'en est pas la cause unique. Effectivement une série d'épidémies ayant débuté dans les années 1990, semble en grande partie responsable de sa raréfaction. Jadis l'espèce était très prolifique en Provence et en Catalogne (voir extrait ci-dessous).
En outre, M. polymorphus, de par sa forte teneur en iode, a été conseillé dans le passé pour les problèmes de thyroïde.
Il est réputé meilleur que les deux autres espèces.
M. polymorphus est pêché au chalut en Adriatique, il est récolté en plongée sur les côtes françaises.
Microcosmus polymorphus fait partie des espèces qui se sont raréfiées depuis le début du siècle sur les côtes de Provence :
Extrait de la publication** expliquant ces mortalités :
"Un événement de mortalité massive sans précédent en Méditerranée a été observé à la fin de l'été 1999 sur les côtes de Provence (France) et de Ligurie (Italie). Cet événement a sévèrement affecté une grande diversité d'invertébrés sessiles et filtreurs des communautés de substrats durs, parmi lesquels des spongiaires (en particulier, les éponges cornées Hippospongia et Spongia), des cnidaires (en particulier, les anthozoaires Corallium, Paramuricea, Eunicella et Cladocora), des bivalves, des ascidies et des bryozoaires. Sur les côtes de Provence, l'épidémie s'est propagée d'est en ouest. Une température exceptionnellement élevée et stable sur l'ensemble de la colonne d'eau (23–24 °C pendant plus d'un mois jusqu'à 40 m) a constitué un contexte environnemental probablement déterminant pour le phénomène de mortalité massive. Comme l'anomalie thermique, la mortalité est limitée par la profondeur. Cependant, on ne peut pas préciser si la température a eu un effet direct ou a agi en synergie avec un altéragène (microbiologique ou chimique) latent et/ou véhiculé par les courants. ...
... Des ascidies simples ont été atteintes, en particulier Microcosmus spp., Halocynthia papillosa et Pyura dura, comme l'indiquait une grande quantité de restes de tuniques fixés sur les roches peu profondes des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes."
Violet de roche pour son biotope habituel et pour le différencier du violet commun M. sabatieri.
Microcosmus : du grec [micro] = petit, et [cosmus] = monde, donc "petit monde" en référence à la présence de nombreux épibiontes sur la tunique.
polymorphus : du grec [poly-] = plusieurs, et [morphos] = forme, polymorphe, en référence à sa forme éminemment variable.
Numéro d'entrée WoRMS : 103842
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Ascidiacea | Ascidies / Ascidiacés | Tuniciers fixés. Solitaires ou coloniaux (seuls capables de bourgeonnement). Chorde uniquement au stade larvaire. Siphon inhalant au sommet, proche du siphon exhalant latéral. Souvent en eau peu profonde. |
Ordre | Stolidobranchia | Stolidobranches | Ascidies pleurogones sans division du corps en thorax et abdomen. |
Famille | Pyuridae | Pyuridés | Ascidies solitaires. Tunique* coriace, branchies avec 6 à 10 plis de chaque côté, tentacules ramifiés, une gonade de chaque côté. Manteau opaque, gonade gauche dans la boucle intestinale. |
Genre | Microcosmus | ||
Espèce | polymorphus |
Grégaire
Plusieurs individus se développent les uns à côté des autres par petits fonds.
Enrochements artificiels, Saintes-Maries-de-la-Mer (13), 2 m
21/02/2020
Siphon buccal
Notez la présence de tentacules ramifiés à l'intérieur du siphon buccal.
Enrochements artificiels, Saintes-Maries-de-la-Mer (13), 2 m
22/02/2020
Echantillon n°1 in-situ
Le siphon cloacal n'est pas visible.
Enrochements artificiels, plage Est, Saintes-Maries-de-la-Mer (13), 2 m
18/10/2020
Echantillon n°1 prélevé
Taille : environ 3 cm de diamètre. Les siphons sont contractés, la tunique a été partiellement débarrassée de ses nombreux épibiontes.
Enrochements artificiels, Saintes-Maries-de-la-Mer (13), 2 m
18/10/2020
Echantillon n°1, dissection pharynx
Cette très belle dissection montre les tentacules ramifiés au siphon buccal et le sac branchial (pharynx) aux plis longitudinaux caractéristiques (7 de chaque côté). Ces plis sont caractéristiques des Stolidobranchia.
Dissection Anne BAY-NOUAILHAT, photo Wilfried BAY-NOUAILHAT
Enrochements artificiels, Saintes-Maries-de-la-Mer (13), 2 m
2020
Echantillon n°1, dissection gonades
La forme, l'aspect, le nombre et la position des gonades est un critère important pour l'identification des ascidies.
Dissection Anne BAY-NOUAILHAT, photo Wilfried BAY-NOUAILHAT
Enrochements artificiels, Saintes-Maries-de-la-Mer (13), 2 m
2020
Siphons courts et pigmentés en rouge
Ce beau et rare violet de roche s'est développé ici sur une gorgone rouge. Sa tunique s'est laissée largement recouvrir par les tissus mous (rouge au centre) de la gorgone.
Golfe Juan (06), 32 m
27/05/2006
Couvert d'algues
Seuls les siphons rouge sombre sont propres, l'inhalant à gauche est plus gros que l'exhalant vu ici de face. Ce violet de roche est ici accroché à des algues calcaires encroûtantes typiques du coralligène.
Photo prise dans la région de Banyuls/Cerbère (66) dans les années 80/90.
Côte Vermeille (66)
N/A
Parfois grégaire
Une fois de plus, seuls les siphons sont visibles sur cet agrégat de violets de roche. La bille verte et luisante à gauche est une algue (Valonia sp.).
Photo prise dans la région de Banyuls/Cerbère (66) dans les années 80/90.
Côte Vermeille (66)
N/A
Siphons ouverts
Ici en Grèce, cet individu montre des siphons rouge très sombre.
Un nudibranche (limace de mer) est venu déposer sa ponte rubanée et jaunâtre sur la tunique de l'ascidie.
Agia Pelagia, Crète (Grèce), 12 m
27/04/2007
Siphons fermés
Une fois contractés, les siphons (ici, seul le cloacal reste visible) prennent une forme rectangulaire à quatre lobes.
Agia Pelagia, Crète (Grèce), 12 m
27/04/2007
Confusion facile avec M. sabatieri
Les longs siphons, l'anneau blanc interne et les bandes violettes nous permettent d'identifier, toujours avec une petite marge d'erreur sans dissection, cette ascidie comme étant M. sabatieri et non M. polymorphus. La couleur rouge sombre du siphon du haut est ici trompeuse !
Port Cros (83), 18 m
18/10/2008
Rédacteur principal : Frédéric ANDRÉ
Vérificateur : Sylvain LE BRIS
Responsable régional : Frédéric ANDRÉ
**Perez T., Garrabou J., Sartoretto S., Harmelin J.G., Francour P., Vacelet J., 2000, Mortalité massive d'invertébrés marins : un événement sans précédent en Méditerranée nord-occidentale, C.R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la vie / Life Sciences 323, 853–865.
La page de Microcosmus polymorphus dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN