Laminaire à stolons rampants cylindriques fixés par des crampons
Stolons produisant une à plusieurs frondes à stipe cylindrique
Frondes en larges rubans, à bords ondulés posés à plat sur le substrat
Longueur : 2 m maximum ; largeur : 35 cm
Frondes âgées en 2 parties séparées par un étranglement transversal
Frondes supérieures couvertes de petits épibiontes (essentiellement calcifiés)
Sur substrat profond, 30 m minimum
Algue feuille de tabac
Ribbonned kombu (GB), Laminaria de Rodriguez (E)
Endémique de Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]La laminaire de Rodriguez est endémique* stricte de Méditerranée. Elle s'y est différenciée des espèces atlantiques de laminaires depuis environ deux millions d'années.
Cette algue vit, en général, entre 70 et 150 m de profondeur, sur des fonds rocheux, des formations coralligènes* ou sur des concrétions du fond détritique* côtier soumis à des courants de fond et dans des eaux
très claires. Elle évite les eaux troubles et les substrats* couverts de sédiments.
Sa présence en profondeur dépend des sites. Par exemple, on peut la rencontrer en Tunisie à partir de 30 m et en Corse, seulement entre 70 et 90 m.
La laminaire de Rodriguez est une algue de couleur brune à vert olive, à texture caoutchouteuse.
Les frondes*, posées à plat sur le substrat, peuvent atteindre 1 m de longueur par lame et 30 à
35 cm de largeur. Elles sont plates avec des bords légèrement
ondulés et sont dépourvues de cryptes pilifères*. Elles se renouvellent périodiquement. Les frondes les plus âgées sont
généralement constituées de deux lames successives séparées par un
rétrécissement transversal, la lame de l'année précédente se
trouvant au-dessus de celle de l'année en cours. La lame supérieure est recouverte d'épibiontes* et ses bords sont peu ondulés. La lame inférieure est plus sombre et dépourvue d'épibiontes.
Le stipe* cylindrique, de 10 cm de long et 5 mm de diamètre, est relié à des stolons* rampants et ramifiés qui sont fixés à la roche par des groupes de crampons.
En Méditerranée, Laminaria
rodriguezii peut être confondue avec d’autres grandes algues
brunes:
Laminaria ochroleuca : l’espèce est dressée, non stolonifère,
le stipe est brun, lisse, rigide et assez long ; la zone
stipo-frondale est jaune et la lame est découpée en de nombreuses
lanières. Elle a été observée dans le détroit de Messine à des
profondeurs avoisinant les 85 m, voire 110 exceptionnellement. Elle forme
de véritables forêts en mer d'Alboran, entre l'Espagne et le Maroc, vers
40 m de profondeur.
Phyllariopsis brevipes (C.Agardh)
E.C.Henry & G.R.South et Phyllariopsis purpurascens (C.Agardh)
E.C.Henry & G.R.South : ce sont deux grandes algues brunes foliacées qui ressemblent beaucoup à de petites laminaires. Ces deux espèces ne sont pas stolonifères et elles ont une lame brune rubanée couverte de cryptes
pilifères. Elles vivent dans la zone subtidale de Méditerranée.
Saccorhiza polyschides (Lightfoot) Batters :
l’espèce non stolonifère est fixée par un crampon en forme de
bulbe creux, de consistance cartilagineuse ; la lame est découpée en
de nombreuses lanières. Cette grande algue est caractéristique des eaux peu profondes de l'étage
infralittoral*.
Elle se fixe sur les rochers et elle affectionne presque exclusivement
les zones battues par le ressac.
Dans l’Atlantique Nord-Est, aucune espèce
n’est stolonifère :
Laminaria digitata : le stipe est lisse, rigide et conique. Il est très flexible. Il n'y a pas d’épiphytes* sur le stipe et la lame est découpée en de nombreuses
lanières. Cette espèce n'est pas présente en Méditerranée.
Laminaria hyperborea : le stipe est rugueux et porte de nombreux épiphytes ; la fronde est foncée et dépourvue de marques jaunes et la lame est découpée en de
nombreuses lanières. Cette espèce n'est pas présente en Méditerranée.
Comme toutes les algues, la photosynthèse* lui permet de synthétiser les matières organiques nécessaires à son développement à
partir de l'eau, du dioxyde de carbone et des sels minéraux présents
dans son milieu grâce a l'énergie de la lumière solaire.
Un pigment brun lui permet d’utiliser
efficacement la faible lumière arrivant dans son habitat profond.
Le cycle de reproduction passe par
l'alternance de deux générations :
- celle des gamétophytes* mâles et
femelles, microscopiques et filamenteux,
- et celle du sporophyte*, l’algue
visible en plongée et décrite dans cette fiche.
La reproduction
du sporophyte a lieu à la saison chaude, entre avril et octobre. Les
sores* à sporocystes mesurent 8-10 cm x 2 cm ; ils sont linéaires et
disposés par paires sur les bords inférieurs de la lame plus ancienne.
Les stolons peuvent, par fragmentation, donner
naissance à de nouveaux individus (bouturage naturel).
La surface de l'ancienne lame est colonisée par une multitude de petits organismes, en particulier des hydraires et des bryozoaires, mais aussi des éponges, des polychètes et des ascidies.
La laminaire de Rodriguez peut se développer dans la biocénose* du fond détritique* côtier, à des profondeurs optimales entre 80 et 100 m. Le substrat, plus ou moins constitué de
débris d’organismes calcaires, est généralement recouvert par des algues rouges calcifiées, libres, branchues ou en
boules grossières, appelées rhodolithes*.
Les crampons des laminaires de Rodriguez s’accrochent principalement sur les gros rhodolithes, appelés autrefois "pralines*". Cette association est enrichie par des espèces gravellicoles* et du coralligène, notamment les Peyssonnelia rigides, la cystoseire profonde et Neurocolon foliosum.
En Corse, on a remarqué une certaine abondance de langoustes dans la zone des laminaires de Rodriguez, entre 75 et 90 m de profondeur. Il est possible que ce constat ne soit qu'un hasard mais il est aussi envisagé que cette combinaison de facteurs (substrat dur, eau pure et faible envasement) soit favorable aux deux espèces. Une hypothèse complémentaire est évoquée par les scientifiques : cette laminaire pourrait émettre des substances défavorables aux vertébrés, limitant ainsi la prédation, car plusieurs observations ont relaté la rareté des poissons sur ce type de fonds.
Des canaux mucifères (producteurs de mucus) sont présents dans le
stolon, les stipes et les lames. Ils contiennent des cellules qui
sécrètent des substances prenant une consistance visqueuse au contact de
l'eau. La sécrétion de ce mucus inhiberait la fixation d'épibiontes
lors de la croissance. Cela expliquerait que, contrairement à la lame supérieure ancienne, la lame
inférieure, récente, produisant plus de mucus, n'ait pas d'épibiontes.
Séchée, la consistance de cette algue rappelle un peu celle d'une feuille de plastique transparent, plus ou moins cassant.
Vers la fin de l'été, la vieille lame disparaît, en se détruisant peu à peu. On peut donc rencontrer, à l'automne, des exemplaires composés d'une seule lame. En effet, la croissance de la nouvelle lame ne commence qu'en décembre pour atteindre sa longueur maximale en juin-juillet.
Parmi toutes les espèces de laminaires, les stolons et les crampons sont caractéristiques de chacune d'entre elles.
Cette espèce est protégée en Méditerranée par l'annexe I de la convention de Berne et par l'annexe II de l'amendement du protocole de Barcelone.
D'autre part, elle est en nette régression. On annonce, par exemple, une disparition de 85 % dans la mer Adriatique. Il est donc intéressant de noter les dernières dates d’observation : Corse et Maroc en 1992,
côtes italiennes en 2002, Tunisie en 2008, Adriatique en 2012,
Algérie en 2013, Espagne et Baléares en 2016, îles d'Hyères en
2017 et Turquie en 2019.
Laminaire de Rodriguez : traduction littérale du nom scientifique.
Laminaria : du latin [lamina] = lame, en référence à une algue en forme de ruban large ;
rodriguezii :
en l’honneur de l’éminent botaniste et phycologue
espagnol, Juan Joaquín Rodriguez y Femenías (1839-1905), qui fut
reconnu pour ses travaux sur les phanérogames et les algues des
Baléares.
Numéro d'entrée WoRMS : 145729
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Ochrophyta | Ochrophytes | ou Hétérokontes, ou Straménopiles: présence d'un stade unicellulaire à 2 flagelles, un lisse et un à poils tubulaires. |
Classe | Phaeophyceae | Phéophycées | Algues brunes. |
Ordre | Laminariales | Laminariales | Fronde stipe haptère parfois thalle en forme de lame |
Famille | Laminariaceae | Laminariacées | |
Genre | Laminaria | ||
Espèce | rodriguezii |
Longues frondes
Expédition Gombessa 5 (Expéditions Gombessa, Laurent BALLESTA) :
Ce plongeur soulevant les frondes donne ainsi une bonne idée de leur taille.
Banc de Magaud, parc national de Port Cros (83), 80 m
05/2014
Champ profond
Expédition Gombessa 5 (Expéditions Gombessa, Laurent BALLESTA) :
Cette algue vit, en général, entre 70 et 150 m de profondeur, sur des
fonds rocheux, des formations coralligènes ou sur des concrétions du
fond détritique côtier soumis à des courants de fond et dans des eaux
très claires.
Banc de Magaud, parc national de Port Cros (83), 80 m
07/2019
Sur du coralligène
Expédition Gombessa 5 (Expéditions Gombessa, Laurent BALLESTA) :
La laminaire de Rodriguez peut se développer dans la biocénose du fond
détritique côtier, à des profondeurs optimales entre 80 et 100 m. Ses crampons s’accrochent principalement sur
les gros rhodolithes, appelés autrefois "pralines".
Banc de Magaud, parc national de Port Cros (83), 80 m
07/2019
Photo prise par un robot sous-marin
Ces laminaires sont posées à plat sur le fond. Leurs bords présentent des ondulations.
Fort d'en Moreu, est de l'île de Cabrera, Baléares, Espagne, 60 m
08/2010
Jeune et vieille lames
On voit bien ici le rétrécissement séparant les 2 lames : la lame de l'année précédente se trouve au-dessus de celle de l'année en cours. L'ancienne lame est recouverte d'épibiontes et ses bords sont peu ondulés. La lame récente est plus sombre.
Méditerranée
Office Français de la Biodiversité
.
Schéma explicatif
Ce schéma montre clairement les stolons ramifiés qui portent les frondes en ruban à la suite d'un stipe cylindrique.
Schéma
31/03/2020
Rédacteur principal : Yves DESCHOMETS
Correcteur : Marc VERLAQUE
Responsable régional : Sylvie DIDIERLAURENT
Doré A., Noël P., Séret B., 2014, Fiches Descriptives des Espèces Marines de France Métropolitaine dont la Protection est Envisagée, Muséum national d'Histoire naturelle, Rapport SPN 2014 - 28, 96.
Huvé H., 1956, Iconographies de la Faune et de la Flore Méditerranéennes, Commission Internationale pour l'Exploration Scientifique de la Mer Méditerranée, Montpellier.
Fredj G., 1972, Compte-Rendu de Plongée en S.P. 300 sur les Fonds à Laminaria rodriguezii Bornet de la Pointe de Revellata (Corse), Institut Océanographique de Monaco, 71-1421, 42.
La page de Laminaria rodriguezii sur le site de référence de DORIS pour les algues : AlgaeBase