Laminaire de Rodriguez

Laminaria rodriguezii | Bornet, 1888

N° 5087

Endémique de Méditerranée

Clé d'identification

Laminaire à stolons rampants cylindriques fixés par des crampons
Stolons produisant une à plusieurs frondes à stipe cylindrique
Frondes en larges rubans, à bords ondulés posés à plat sur le substrat
Longueur : 2 m maximum ; largeur : 35 cm
Frondes âgées en 2 parties séparées par un étranglement transversal
Frondes supérieures couvertes de petits épibiontes (essentiellement calcifiés)
Sur substrat profond, 30 m minimum

Noms

Autres noms communs français

Algue feuille de tabac

Noms communs internationaux

Ribbonned kombu (GB), Laminaria de Rodriguez (E)

Distribution géographique

Endémique de Méditerranée

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]

La laminaire de Rodriguez est endémique* stricte de Méditerranée. Elle s'y est différenciée des espèces atlantiques de laminaires depuis environ deux millions d'années.

Biotope

Cette algue vit, en général, entre 70 et 150 m de profondeur, sur des fonds rocheux, des formations coralligènes* ou sur des concrétions du fond détritique* côtier soumis à des courants de fond et dans des eaux très claires. Elle évite les eaux troubles et les substrats* couverts de sédiments.
Sa présence en profondeur dépend des sites. Par exemple, on peut la rencontrer en Tunisie à partir de 30 m et en Corse, seulement entre 70 et 90 m.

Description

La laminaire de Rodriguez est une algue de couleur brune à vert olive, à texture caoutchouteuse.
Les frondes*, posées à plat sur le substrat, peuvent atteindre 1 m de longueur par lame et 30 à 35 cm de largeur. Elles sont plates avec des bords légèrement ondulés et sont dépourvues de cryptes pilifères*. Elles se renouvellent périodiquement. Les frondes les plus âgées sont généralement constituées de deux lames successives séparées par un rétrécissement transversal, la lame de l'année précédente se trouvant au-dessus de celle de l'année en cours. La lame supérieure est recouverte d'épibiontes* et ses bords sont peu ondulés. La lame inférieure est plus sombre et dépourvue d'épibiontes.
Le stipe* cylindrique, de 10 cm de long et 5 mm de diamètre, est relié à des stolons* rampants et ramifiés qui sont fixés à la roche par des groupes de crampons.

Espèces ressemblantes

En Méditerranée, Laminaria rodriguezii peut être confondue avec d’autres grandes algues brunes:
Laminaria ochroleuca
: l’espèce est dressée, non stolonifère, le stipe est brun, lisse, rigide et assez long ; la zone stipo-frondale est jaune et la lame est découpée en de nombreuses lanières. Elle a été observée dans le détroit de Messine à des profondeurs avoisinant les 85 m, voire 110 exceptionnellement. Elle forme de véritables forêts en mer d'Alboran, entre l'Espagne et le Maroc, vers 40 m de profondeur.

Phyllariopsis brevipes (C.Agardh) E.C.Henry & G.R.South et Phyllariopsis purpurascens (C.Agardh) E.C.Henry & G.R.South : ce sont deux grandes algues brunes foliacées qui ressemblent beaucoup à de petites laminaires. Ces deux espèces ne sont pas stolonifères et elles ont une lame brune rubanée couverte de cryptes pilifères. Elles vivent dans la zone subtidale de Méditerranée.

Saccorhiza polyschides (Lightfoot) Batters : l’espèce non stolonifère est fixée par un crampon en forme de bulbe creux, de consistance cartilagineuse ; la lame est découpée en de nombreuses lanières. Cette grande algue est caractéristique des eaux peu profondes de l'étage infralittoral*. Elle se fixe sur les rochers et elle affectionne presque exclusivement les zones battues par le ressac.

Dans l’Atlantique Nord-Est, aucune espèce n’est stolonifère :

Laminaria digitata : le stipe est lisse, rigide et conique. Il est très flexible. Il n'y a pas d’épiphytes* sur le stipe et la lame est découpée en de nombreuses lanières. Cette espèce n'est pas présente en Méditerranée.

Laminaria hyperborea
: le stipe est rugueux et porte de nombreux épiphytes ; la fronde est foncée et dépourvue de marques jaunes et la lame est découpée en de nombreuses lanières. Cette espèce n'est pas présente en Méditerranée.

Alimentation

Comme toutes les algues, la photosynthèse* lui permet de synthétiser les matières organiques nécessaires à son développement à partir de l'eau, du dioxyde de carbone et des sels minéraux présents dans son milieu grâce a l'énergie de la lumière solaire.
Un pigment brun lui permet d’utiliser efficacement la faible lumière arrivant dans son habitat profond.

Reproduction - Multiplication

Le cycle de reproduction passe par l'alternance de deux générations :
- celle des gamétophytes* mâles et femelles, microscopiques et filamenteux,
- et celle du sporophyte*, l’algue visible en plongée et décrite dans cette fiche.
La reproduction du sporophyte a lieu à la saison chaude, entre avril et octobre. Les sores* à sporocystes mesurent 8-10 cm x 2 cm ; ils sont linéaires et disposés par paires sur les bords inférieurs de la lame plus ancienne.
Les stolons peuvent, par fragmentation, donner naissance à de nouveaux individus (bouturage naturel).

Vie associée

La surface de l'ancienne lame est colonisée par une multitude de petits organismes, en particulier des hydraires et des bryozoaires, mais aussi des éponges, des polychètes et des ascidies.

La laminaire de Rodriguez peut se développer dans la biocénose* du fond détritique* côtier, à des profondeurs optimales entre 80 et 100 m. Le substrat, plus ou moins constitué de débris d’organismes calcaires, est généralement recouvert par des algues rouges calcifiées, libres, branchues ou en boules grossières, appelées rhodolithes*. Les crampons des laminaires de Rodriguez s’accrochent principalement sur les gros rhodolithes, appelés autrefois "pralines*". Cette association est enrichie par des espèces gravellicoles* et du coralligène, notamment les Peyssonnelia rigides, la cystoseire profonde et Neurocolon foliosum.

En Corse, on a remarqué une certaine abondance de langoustes dans la zone des laminaires de Rodriguez, entre 75 et 90 m de profondeur. Il est possible que ce constat ne soit qu'un hasard mais il est aussi envisagé que cette combinaison de facteurs (substrat dur, eau pure et faible envasement) soit favorable aux deux espèces. Une hypothèse complémentaire est évoquée par les scientifiques : cette laminaire pourrait émettre des substances défavorables aux vertébrés, limitant ainsi la prédation, car plusieurs observations ont relaté la rareté des poissons sur ce type de fonds.

Divers biologie

Des canaux mucifères (producteurs de mucus) sont présents dans le stolon, les stipes et les lames. Ils contiennent des cellules qui sécrètent des substances prenant une consistance visqueuse au contact de l'eau. La sécrétion de ce mucus inhiberait la fixation d'épibiontes lors de la croissance. Cela expliquerait que, contrairement à la lame supérieure ancienne, la lame inférieure, récente, produisant plus de mucus, n'ait pas d'épibiontes.

Séchée, la consistance de cette algue rappelle un peu celle d'une feuille de plastique transparent, plus ou moins cassant.

Vers la fin de l'été, la vieille lame disparaît, en se détruisant peu à peu. On peut donc rencontrer, à l'automne, des exemplaires composés d'une seule lame. En effet, la croissance de la nouvelle lame ne commence qu'en décembre pour atteindre sa longueur maximale en juin-juillet.

Informations complémentaires

Parmi toutes les espèces de laminaires, les stolons et les crampons sont caractéristiques de chacune d'entre elles.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Cette espèce est protégée en Méditerranée par l'annexe I de la convention de Berne et par l'annexe II de l'amendement du protocole de Barcelone.
D'autre part, elle est en nette régression. On annonce, par exemple, une disparition de 85 % dans la mer Adriatique. Il est donc intéressant de noter les dernières dates d’observation : Corse et Maroc en 1992, côtes italiennes en 2002, Tunisie en 2008, Adriatique en 2012, Algérie en 2013, Espagne et Baléares en 2016, îles d'Hyères en 2017 et Turquie en 2019.

Origine des noms

Origine du nom français

Laminaire de Rodriguez : traduction littérale du nom scientifique.

Origine du nom scientifique

Laminaria : du latin [lamina] = lame, en référence à une algue en forme de ruban large ;
rodriguezii : en l’honneur de l’éminent botaniste et phycologue espagnol, Juan Joaquín Rodriguez y Femenías (1839-1905), qui fut reconnu pour ses travaux sur les phanérogames et les algues des Baléares.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 145729

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Ochrophyta Ochrophytes ou Hétérokontes, ou Straménopiles: présence d'un stade unicellulaire à 2 flagelles, un lisse et un à poils tubulaires.
Classe Phaeophyceae Phéophycées Algues brunes.
Ordre Laminariales Laminariales

Fronde stipe haptère parfois thalle en forme de lame

Famille Laminariaceae Laminariacées
Genre Laminaria
Espèce rodriguezii

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