Grand nudibranche au corps très allongé, au museau proéminent
Beige, à stries discontinues brun-rougeâtre
Fourreau branchial volumineux, élevé, en forme de vase
7 branchies bicolores ramifiées
Rhinophores allongés à lamelles brunes
Jorunna veineuse, doris vineuse
Red-lined kentrodoris (GB)
Kentrodoris rubescens Bergh, 1876
On remarque que WoRMS, le site référence de DORIS, indique Jorunna rubescens (Bergh, 1876) et Kentrodoris rubescens Bergh, 1874.
D'autres sites, comme Sea Slug Forum de Bill Rudman, notent Jorunna rubescens Bergh, 1876 et Kentrodoris rubescens Bergh, 1876, du fait que les deux noms sont synonymes.
Océans Indien et Pacifique Ouest
Zones DORIS : ● Indo-PacifiqueOn croise Jorunna rubescens dans l'océan Indien (elle est présente à Mayotte, à La Réunion, à Maurice) et dans le Pacifique Ouest.
L'espèce s'installe dans les lagons à faible profondeur, sur fond de sable ou de débris coralliens, mais aussi dans les prairies à cymodocées et syringodium.
On peut pourtant le rencontrer jusqu'à 20 m de profondeur.
Le corps de ce grand nudibranche est mou, renflé et très allongé. Il peut atteindre 30 cm.
La teinte de fond du manteau est beige clair avec des stries brun-rougeâtre discontinues. Ces stries sont plus rapprochées et plus foncées au bout du "museau", au-dessus de la bouche, ainsi qu'au niveau de la queue, pouvant chez certains individus former pratiquement des macules noires. Entre les stries brunes, on peut remarquer, presque ton sur ton, des points jaune pâle cerclés de blanc. Le bord du manteau est plus clair.
Une observation rapprochée du manteau, semblant un peu rêche, permet de distinguer de tout petits tubercules spiculeux* : les caryophyllidia. Celles-ci sont implantées de façon dense sur la totalité du manteau.
Sur la tête de l'animal, les rhinophores* allongés, à lamelles brunes, émergent d'un large et haut fourreau en forme de cupule brune. Le museau est assez allongé, proéminent, Les tentacules oraux sont coniques et blanchâtres.
Pratiquement à mi-corps et au centre d'un fourreau branchial très élevé, en forme de vase, porteur des mêmes motifs que le manteau, s'élève le panache branchial. Il est constitué de 7 branchies* bicolores ramifiées. Ces feuillets branchiaux tripinnés* sont blancs avec un rachis marqué de brun sombre. La papille anale ferme à l'arrière le cercle des branchies.
La couleur du pied est identique à celle du manteau, complétée de quelques lignes blanches, brisées. La sole* pédieuse est blanchâtre. En vue dorsale, le pied est souvent visible à l'arrière, lorsque l'animal se meut.
Ce nudibranche est assez difficile à confondre ! Il est beaucoup plus grand que les autres espèces de Jorunna, auxquelles il ne ressemble esthétiquement pas du tout.
Son appartenance au genre Jorunna vient entre autres du fait que son manteau est couvert de papilles renfermant des spicules* (caryophyllidia), ce qui est une particularité des Jorunna.
On peut à la rigueur le comparer à quelques espèces de même grande taille, dans les genres Notodoris (ex : Notodoris serenae Gosliner & Behrens, 1997) ou Ceratosoma, mais la confusion ne résiste pas longtemps à l'examen.
Les pontes de Jorunna rubescens peuvent par contre être confondues en forme, voire en couleur, avec les pontes de la danseuse espagnole Hexabranchus sanguineus lorsqu'elles sont roses plutôt que rouges. Le ruban rose à volants de kentrodoris est souvent un peu plus petit, moins haut, un peu plus pâle.
Cette doris a une prédilection pour les éponges du genre Haliclona (mauve) vers lesquelles elle est attirée, très probablement par détection olfactive.
Dans l'hémisphère sud, la période de reproduction s'étend de novembre à février.
Cette doris est hermaphrodite*, comme tous les nudibranches, et l'accouplement se fait tête-bêche, les organes copulateurs se trouvant sur le côté droit de l'animal, derrière la tête. Chez Jorunna rubescens, le pénis est marqué de petits traits sombres, assortis au manteau !
La ponte se présente sous la forme d'un large ruban rose foncé, enroulé en spirale, d'un diamètre de 8 à 10 cm : elle ressemble à un tutu de danseuse.
On ne rencontre guère, chez cette espèce, de rassemblements importants pour l'accouplement.
On peut parfois observer des crevettes commensales sur cette doris, principalement une habituée des grands nudibranches, Periclimenes imperator.
La radula*, sorte de bande râpeuse très spécialisée dont se servent les Opisthobranches pour ronger leurs proies, possède des dents de forme particulière ainsi qu'une organisation de ces dents propre à chaque espèce. C'est un élément taxonomique discriminant important.
La disposition généralement constatée de la radula chez Jorunna rubescens est d'environ 22 rangées de dents (cela peut évoluer d'un individu à l'autre, sans doute en rapport avec la taille et la maturité de l'animal). Sur chaque rangée, il y a 29 dents d'un côté, rien au milieu (pas de dents rachidiaires) et 29 dents de l'autre, soit une formule radulaire de 22 x (29-0-29). Parmi les dents situées de chaque côté, les dents latérales sont longues, émoussées et ne possèdent qu'une cuspide*, pas de denticules*. Les dents les plus excentrées sont plus courtes que les précédentes, sont courbes et pointues, sans denticules. Cette radula est adaptée à la nourriture de Jorunna rubescens.
On pourrait s'étonner que notre kentrodoris ait rejoint le genre Jorunna, tant il semble morphologiquement différent de la quinzaine d'autres espèces que compte ce taxon. Pourtant, l'étude scientifique indique qu'il rassemble les caractères spécifiques des Jorunna. A savoir principalement les caryophyllidia de forme allongées sur le dos, quelques spécificités organiques internes communes (comme une prostate à deux sections ou une glande particulière insérée dans le tractus reproductif, avec épine copulatoire), un pénis généralement sans crochets (pour "s'arrimer » au partenaire) et des particularités dans la sphère orale (concernant la radula, les mâchoires, etc…).
En réalité, les genres Kentrodoris et Jorunna sont dorénavant considérés par beaucoup de spécialistes comme synonymes, les détails les différenciant étant ténus (notamment l'épine copulatrice fixée sur le pénis ou bien sur une glande annexe). Le nom Jorunna a donc été choisi, sinon par antériorité chronologique, tout au moins par l'usage et une décision de la Commission internationale de nomenclature zoologique (ICZN : International Commission on Zoological Nomenclature).
Kentrodoris : Il s'agit de l'ancien nom de genre pour cette espèce. Ce genre a disparu, considéré comme synonyme de Jorunna.
Jorunna : Bergh a créé ce nom de genre certainement en référence à une héroïne d'une saga islandaise (Laxdæla saga). Il semble d'ailleurs coutumier du fait puisque les genres Thuridilla ou Halgerda dont il est également l'auteur sont aussi tirés de personnages de ces sagas nordiques du XIIIes..
rubescens : du latin [rubeus] = rouge.
Numéro d'entrée WoRMS : 534389
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Gastropoda | Gastéropodes | Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules. |
Sous-classe | Heterobranchia | Hétérobranches | |
Super ordre | Nudipleura | Nudipleures | |
Ordre | Nudibranchia | Nudibranches | Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre. |
Famille | Discodorididae | Discodorididés | Forme aplatie ovale ou un peu rectangulaire. Pied plus petit que le manteau granuleux. Possibilité d’autotomie du bord du manteau. Présence de glandes à acide. Tentacules buccaux coniques ou digitiformes. |
Genre | Jorunna | ||
Espèce | rubescens |
Etiré de tout son long
Quel acrobate, ce nudibranche !
Remarquons notamment le museau très allongé à l'avant des rhinophores, le panache branchial situé pratiquement à mi-animal et le pied qui dépasse largement du manteau, à l'arrière.
Lagon de l'Etang Salé, La Réunion (974), 2 m
06/11/2008
Un profil très reconnaissable
Le panache branchial, constitué de 7 branchies bicolores ramifiées, est volumineux, élevé en forme de vase, au centre duquel se trouve la papille anale.
Ile de Siau, Arch. des Sangihe, Sulawesi Nord, Indonésie, 6 m
09/04/2010
Taille à l'échelle d'une main
Jorunna rubescens est un nudibranche de grande taille ! La main donne ici l'échelle.
Sur cet individu, le corp beige maculé de marron est veiné de noir. Le bout du museau comme le bord du vase branchial sont marqués de noir.
Remarquez le sable noir volcanique du lagon de l'étang salé, au sud-ouest de l'île de La Réunion.
Lagon de l'Etang Salé, La Réunion (974), 2 m
18/11/2008
Tête
Le museau de Jorunna rubescens est inhabituellement allongée. Sur ce cliché, il semble que la partie principale, bulbeuse et lamellée, du rhinophore droit soit manquante ! Résultat d'une attaque ?
Archipel des Sangihe, Sulawesi Nord, Indonésie, 6 m
09/04/2010
Le pied
Le pied présente aussi des motifs réticulés discontinus, mais ils sont plus fins que sur le corps. On peut observer ici le liseré blanc sur les bords du manteau.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), 1,5 m
19/02/2010
Fourreau des branchies
Cet individu nous permet de bien voir le fourreau dans lequel les branchies peuvent se rétracter.
Apo Island, Philippines, 15 m
25/04/2006
Branchies rétractées
Inquiété, cet individu a complètement rétracté ses branchies.
Apo Island, Philippines, 15 m
25/04/2006
Vue plongeante sur les fourreaux
Les rhinophores et le panache branchial sont protégés par des fourreaux de haute taille qui se referment en situation de stress.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), 1,5 m
19/02/2010
Panache branchial
Le panache branchial comporte 7 branchies ramifiées disposées en cercle. Le rachis de chacune est d’abord blanc à motifs brun rouge dans sa première moitié, puis brun rouge dans la seconde. Le rachis des ramifications est intégralement brun rouge.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), 1,5 m
12/11/2012
Rhinophores vus de dessus
Les rhinophores ont des lamelles brunes souvent bordées de blanc, leur pointe étant blanche. On les voit ici dans leur fourreau protecteur.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), 1,5 m
12/11/2012
Accouplement
Cette doris est hermaphrodite, comme tous les nudibranches. L'accouplement se fait tête-bêche, les organes génitaux émergeant sur le côté droit du corps.
Sur cette photographie, l'individu d'en bas est de face, celui de droite est de trois-quart arrière.
Lagon de l'Etang Salé, La Réunion (974), 2 m
02/11/2008
Gros plan sur les stylets copulateurs
Vue sur les zones péniennes immédiatement après un acte reproductif.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,50 m
16/04/2014
En train de pondre
La ponte ressemble à un tutu de danseuse.
Lagon de l'Etang Salé, La Réunion (974), 2 m
20/11/2008
Ponte
La ponte se présente sous la forme d'un large ruban rose foncé, enroulé en spirale, d'un diamètre de 8 à 10 cm.
Lagon de l'Etang Salé, La Réunion (974), 2 m
17/11/2008
Rose vif
Les pontes de cette espèce peuvent être rose pâle, mais elles sont généralement d’un rose très soutenu. Les vieilles pontes, souvent déchiquetées par des prédateurs et contenant encore quelques sacs d’œufs non éclos, sont de couleur beige. Jorunna rubescens est une des rares espèces de nudibranches à ne pas cacher ses pontes : elles peuvent être exposées à la vue de tous sur une aspérité du substrat ou une roche.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), 1,5 m
09/04/2012
Gros plan sur la ponte
Les œufs sont disposés en rangées plus ou moins régulières dans une substance gélatineuse transparente. Ils sont regroupés dans de petits sacs en forme de coupelle. Cette photo permet de les distinguer aux irrégularités présentes au sommet des coupelles.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), 1,5 m
17/11/2012
Alimentation
Les bords antérieurs du manteau prennent appui sur l’éponge et la bouche, ici largement tachée de noir, se prépare à la dévorer.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), 1,5 m
19/02/2010
De Mayotte
Sur cet individu mahorai, la teinte de fond du manteau est beige clair avec des stries brun-rougeâtre discontinues, plus rapprochées et plus foncées au bout du "museau", au-dessus de la bouche, ainsi qu'au niveau de la queue. Le bord du manteau est plus clair.
Passe en S (Bouée n°9), Mayotte (976), 5 m
15/02/2010
De Bali
Individu sur fond détritique.
The Wall, Amed, Bali, Indonésie, 10 m
04/09/2017
De La Réunion
Un individu réunionnais en train de pondre.
une autre ponte de la même espèce est visible en arrière plan.
Etang-Salé, La Réunion, océan Indien, 1,5 m, en PMT
Frédérique & Sébastien VASQUEZ
02/02/2016
Dans une grotte indonésienne
Cet individu a été rencontré dans une grotte dans laquelle parvenaient des afférences d'eau chaude en provenance d'un volcan voisin...
Ile de Siau, Archipel des Sangihe, Sulawesi Nord, Indonésie, 6 m
09/04/2010
Rédacteur principal : Isabelle COLAS
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Sylvie DIDIERLAURENT
Camacho-García Y.E. and Gosliner T.M., 2008, Systematic revision of Jorunna Bergh, 1876 (Nudibranchia: Discodorididae) with a morphological phylogenetic analysis, J. Mollus. Stud., 74(2), 143-181.
Rudman W.B., 2000 (February 19) Jorunna rubescens Bergh, 1876, [In] Sea Slug Forum, Australian Museum, Sydney.
La page de Jorunna rubescens dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN.