Mille-pattes au corps fin et allongé, longueur maximale 45 mm
Corps de couleur beige-clair avec une tête rousse
45 à 53 segments pédifères
Haut estran jusqu'à la zone de mi-marée
Au microscope : forcipules lisses, sans dent à leur base, présentant 5 stries dans leur concavité
sydjordkrypare (Suède)
Geophilus (Schendyla) submarinus Grube, 1872
Geophilus submaritimus (D.W. Thompson, 1889)
Côtes atlantiques nord et nord-ouest, Méditerranée occidentale.
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises)L’espèce fréquente les côtes de l’Atlantique nord, depuis la Scandinavie jusqu’à l’Espagne, les côtes nord-africaines et les côtes de la Méditerranée occidentale (France, Italie, Grèce). Elle est également présente sur les côtes atlantiques nord-américaines et aux Bermudes.
Hydroschendyla submarina se rencontre sur l’estran*, à la fois sur côtes rocheuses et sur substrats* meubles (on peut ainsi le rencontrer au milieu de graviers médiolittoraux* ou sous des pierres sur fond sableux ou vaseux). Il s’agit de l’espèce de chilomorphe qui descend le plus bas sur l’estran (jusqu’au haut de la zone à Fucus vesiculosus) et qui ne remonte pas très haut (sa limite haute se situerait au bas de la zone supra-littorale*). Elle est donc très largement inféodée à la zone de balancement des marées.
En Méditerranée, cette espèce a été observée dans les mattes de posidonies rejetées sur la plage.
Sur les côtes rocheuses, l’espèce reste fréquemment cantonnée aux fissures, ce qui rend son observation difficile. Elle est, pour cette raison, considérée comme rare dans de nombreux endroits alors qu’elle est très probablement sous-prospectée.
Cette espèce est un “mille pattes” (chilopode) de forme très allongée et fine, comportant entre 45 et 53 segments pédifères* (paires de pattes visibles). La longueur maximale du corps est de 45 mm. Le corps est habituellement beige avec une tête plus sombre, brun-roux. Il arrive que le corps soit plus sombre et tire également sur le brun-roux. La tête est environ 1,25 fois plus longue que large. Les articles* des antennes sont plus longs que larges.
La plupart des caractères distinctifs nécessitent une observation au microscope, avec dissection.
La base des forcipules* ne présente pas de « dent ». Ils présentent 5 stries régulièrement espacées qui peuvent donner l’impression que les forcipules sont crénelés.
Les sternites* ne comportent pas de groupes de pores* mais le dernier segment présente deux pores coxaux* visibles sans difficulté au microscope (les jeunes individus ne possèdent qu’une seule paire de pores coxaux). Les pattes du dernier segment sont relativement épaisses, plus poilues chez les mâles que chez les femelles. Ces pattes se terminent par un tubercule* (et non par une pince comme chez d’autres espèces).
Après dissection, il est possible de constater que l’arc médian du labre*, présentant une échancrure très profonde, est orné de callosités (et pas de dents).
Lorsque l’espèce est rencontrée assez bas sur l’estran*, il n’y a pas de risque de confusion avec d’autres chilopodes. Les choses deviennent plus complexes lorsque l’individu est rencontré en haut de l’estran, car les espèces halophiles* sont nombreuses.
Si l’on est encore nettement sur l’estran, la plus forte probabilité est celle de rencontrer Strigamia maritima. Cette espèce, généralement de couleur sombre, se reconnaît à son allure un peu gonflée sur la partie arrière du corps. Les forcipules présentent une dent bien marquée à leur base.
Mais d’autres espèces halophiles ou halotolérantes peuvent également être rencontrées dans cette zone. Pour le seul nord-ouest européen, on peut notamment citer Geophilus algarum,Geophilus seurati, Geophilus pusillifrater, Geophilus flavus, Pachymerium ferrugineum, Schendyla monodi, Schendyla peyerimhoffi, Stigmatogaster subterranea.
Sur les côtes méditerranéennes, il faudra notamment prendre en compte Geophilus fucorum, Geophilus gracilis, Henia bicarinata et Tuoba poseidonis.
On comprend, à partir de cette énumération, que la détermination certaine ne pourra pas se faire sur photo. Il faudra procéder à un examen au microscope. La plupart des clefs sont fondées sur la présence et la répartition des pores coxaux*, difficilement visibles sur un individu frais. Il faudra donc prévoir un traitement spécifique, par exemple un éclaircissement à l’acide lactique, pour faciliter la détermination.
Hydroschendyla submarina est un prédateur. Il se nourrirait notamment d’annélides. Comme chez tous les chilopodes, la première paire de pattes est fortement modifiée pour constituer les forcipules. Ceux-ci sont parcourus par un canal à venin qui sert à immobiliser les proies.
La reproduction est sexuée et il existe un dimorphisme* sexuel entre mâles et femelles. Les femelles possèdent entre 47 et 53 segments pédifères (paires de pattes visibles) tandis que les mâles possèdent entre 45 et 51 segments pédifères.
Les organes sexuels débouchent à l’extrémité du corps. La fécondation est interne mais il n’y a pas d’accouplement chez les centipèdes. Les mâles élaborent un spermatophore* qu’ils laissent sur le terrain pour qu’une femelle s’en empare. La femelle intéressée introduira elle-même le spermatophore dans ses organes génitaux.
La ponte a lieu quelques semaines après la fécondation et la femelle protège ses œufs.
Les œufs de Hydroschendyla submarina sont entourés d’une membrane étanche et sont déposés à proximité immédiate du lieu de vie des parents, c’est-à-dire à des niveaux régulièrement immergés (alors que Strigamia maritima doit migrer au-dessus du niveau des plus hautes eaux pour pondre). Il n’est pas rare de rencontrer des individus d’âges différents, voire des larves*, au fond de fissures lorsqu’on casse la roche.
Les géophilomorphes sont épimorphes (se dit des myriapodes qui ont tous leurs anneaux dès le jeune âge). Les très jeunes larves* présentent une forme différente des adultes, avec une segmentation déjà bien visible. Les antennes*, moins développées que chez les adultes, sont rabattues le long du corps. Les jeunes larves présentent la particularité d’être encore connectées à des restes d’exuvie*, qui se présentent sous la forme de cordons blanchâtres.
Sur l'estran*, l'espèce se rencontre typiquement au niveau des ceintures à Fucus vesiculosus et surtout des Fucus spiralis ; elle peut remonter jusqu'au niveau des ceintures de Pelvetia canaliculata et des lichens noirs.
Binyon et Lewis (1963) ont étudié la durée de survie de Strigamia maritima et de Hydroschendyla submarina dans de l’eau à différentes concentrations en sel. Pour Hydroschendyla submarina, la durée de survie était de 48 à 84 heures dans une eau contenant 10 % d’eau de mer, de 36 à 48 heures dans 60 % d’eau de mer et de 12 à 36 heures dans 100 % d’eau de mer. L’isotonie (même concentration de part et d’autre) semble être atteinte pour une eau à 60 % d’eau de mer, mais les auteurs ont montré que lorsque cette espèce est immergée dans de l’eau de mer, la concentration corporelle en sel reste constante, même après 14 heures d’immersion, ce qui laisse supposer un phénomène de transfert actif de sel, comme cela se rencontre chez les poissons téléostéens marins (qui boivent de l’eau de mer pour compenser la perte d’eau liée à la différence de pression osmotique entre leur fluide corporel et l’eau de mer et qui rejettent l’excès de sel par les branchies). Les auteurs suggèrent que les glandes salivaires des deux espèces de la zone de balancement des marées pourraient avoir cette fonction, ces glandes étant plus larges que celles des espèces terrestres.
Il existe une différence de comportement marquée lorsque l’on immerge Strigamia maritima et Hydroschendyla submarina dans de l’eau de mer. La première espèce, plutôt rencontrée en haut de l’estran*, devient active au bout de 2 heures dans une eau comprise entre 16 °C et 19 °C, alors que la seconde espèce reste immobile.
Schendyle sous-marine : traduction directe du nom scientifique..
Le nom du genre Hydroschendyla a été construit en 1911, par ajout du préfixe grec [hydro] = eau, par Henry Wilfred Brolemann (1860-1933) et Henri Ribaut (1872-1967) à partir du genre Schendyla (du grec [schendyl] = tenaille pour les forcipules), initialement décrit en 1866 par Jörgen Vilhelm Bergsøe (1835-1911) et Frederik Vilhelm August Meinert (1833-1912).
Le nom d’espèce submarina provient du latin éponyme, signifiant sous-marin, en référence directe au fait que cette espèce peut survivre sous la surface.
Numéro d'entrée WoRMS : 105493
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Myriapoda | Myriapodes ou mille-pattes | |
Classe | Chilopoda | Chilopodes ou centipèdes | Les segments des chilopodes portent chacun une paire de pattes sauf le premier dont la paire d'appendices est transformée en paire de crochets à venin appelés « forcipules ». |
Ordre | Geophilomorpha | Géophilomorphes ou géophiles | |
Sous-ordre | Adesmata | Adesmates | |
Famille | Schendylidae | Schendylidés | |
Genre | Hydroschendyla | ||
Espèce | submarina |
Vue de l'animal entier
En déplacement sur l'estran parmi les balanes.
Estran, Plage de l'avant-port, Binic-Etables-sur-mer (22)
21/05/2022
Vue rapprochée
Cette photo montre l'avant du corps et la tête.
Estran, Plage de l'avant-port, Binic-Etables-sur-mer (22)
21/05/2022
Au microscope
Vue de dessous des forcipules (crochets venimeux).
On peut constater que les forcipules sont lisses et ne présentent pas de dent basale. On voit les stries sur la partie du forcipule correspondant aux fémurs. On devine en arrière-plan des forcipules l’entrée de la bouche.
Photographie ex-situ au microscope, Binic-Etables-sur-mer
(22)
05/06/2022
Rédacteur principal : Christophe QUINTIN
Vérificateur : Pierre NOËL
Responsable régional : Yves MÜLLER
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La page de Hydroschendyla submarina dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN