Petite holothurie (5 cm taille maximum, individus contractés)
Corps cylindrique, de couleur marron plus ou moins foncé
Tégument épais, rugueux et plissé
Papilles du bivium peu nombreuses, espacées, dispersées sans alignement
Tubes de Cuvier très rapidement expulsés, blancs, très fins et nombreux
Mülleria lubrica Sluiter, 1894
Microthele difficilis (Semper, 1868)
Holothuria altimensis Clark, 1921
Actinopyga bedfordi Deichmann, 1922
Holothuria frequentamentis Clark, 1922
N.B : Holothuria (Platyperona) difficilis Semper, 1868, indiquant le sous-genre, est une appellation également valide.
Mer Rouge, océan Indien et océan Pacifique tropical et subtropical
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]Cette espèce se trouve en mer Rouge, et dans l'océan Indien de Madagascar et des Comores à la mer d'Andaman en passant par les Mascareignes, les Seychelles, les Maldives et l'Inde, ainsi que dans l'océan Pacifique de la mer de Chine et du sud du Japon aux côtes ouest-américaines, mexicaines et équatoriennes en passant par le nord-ouest australien, la Nouvelle-Calédonie, la Micronésie, Hawaï et les Galápagos.
On peut rencontrer cette holothurie de 0 à 20 m, mais la grande majorité des signalements a été faite à une profondeur inférieure à 1 m dans le domaine intertidal* et sur les platiers ainsi qu'en zones sablo-détritiques* ou rocheuses. Elle se cache sous les roches ou les débris coralliens le jour. Ses populations sont généralement agrégées en groupes qui peuvent atteindre une très forte densité (jusqu'à plus de 300 individus par mètre carré), mais on peut aussi la trouver à très faible densité dans d'autres sites.
Holothuria difficilis est la plus petite des holothuries Aspidochirotes. Sa taille maximale le plus souvent documentée est de 5 cm chez des individus contractés, mais des individus peuvent exceptionnellement atteindre 12 cm.
Son corps est légèrement évasé en partie antérieure et arrondi en partie postérieure. Il est brun plus ou moins foncé avec parfois des zones plus claires et un trivium* (face ventrale) brun jaunâtre et aplati. Le tégument* est épais, rugueux et plissé.
Le bivium* (face dorsale) est parsemé de papilles* peu nombreuses, espacées, dispersées sans alignement et portées par un léger renflement du tégument qui peut être plus clair que la couleur générale du corps. Ces papilles ont la même morphologie que les podia* ventraux, mais elles sont courtes et ne portent pas de disque calcaire à leur extrémité. Elles sont en général d'un brun plus foncé que la couleur du bivium.
Les podia ventraux sont nombreux, épais, longs et rangés sur 2 à 4 rangs le long des trois radius* du trivium. Ils sont brun jaunâtre moucheté de minuscules points clairs et portent à leur extrémité un disque calcaire jaunâtre.
La bouche est ventrale et entourée d'un collier de papilles. Les 20 tentacules buccaux, peltés*, sont courts et jaunâtre translucide à marron clair. L'anus est terminal et entouré d'un collier de papilles pointues.
En cas de stress des tubes de Cuvier blancs, très fins et nombreux sont rapidement expulsés.
Holothuria (Platyperona) excellens : cette holothurie a été placée dans la synonymie de H. difficilis, mais cette initiative a été désavouée. La couleur du bivium est plus noire que brune, son corps décontracté est moins trapu et les papilles sur le bivium sont nettement plus nombreuses et coniques.
Holothuria difficilis partage son habitat avec Afrocucumis africana, holothurie de l'ordre des Dendrochirotes, plus petite qu'elle, dont la couleur va du gris foncé au brun noir. L'extrémité postérieure de son corps est en pointe souvent relevée au-dessus du substrat. Ses papilles sont en forme de gros podia très courts et peu nombreux. Les tentacules buccaux, quand ils sont visibles, sont longs, arborescents et déployés dans le courant (son régime alimentaire est suspensivore*). L'espèce ne possède pas d'organe de Cuvier.
H. difficilis est limnivore*, ce qui signifie qu'elle ingère le sable et en retient les nutriments d'origine végétale et animale, les déchets et les bactéries qui y sont contenus. Sa participation à l'équilibre des écosystèmes côtiers tant par élimination de débris organiques que par remaniement du substrat est relativement anecdotique étant donnée la faible taille moyenne de l'espèce, mais cela peut être localement compensé par la forte densité des groupes. On estime à 1 kg/m2/année le poids de sédiment (séché) traité par un individu.
La reproduction peut être sexuée. Cet aspect de la reproduction est peu documenté pour cette espèce. Toutefois, la faible taille des œufs de H. difficilis indique que les larves* sont pélagiques*, comme celles des autres holothuries Aspidochirotes. Les pics de ponte ont lieu durant la saison chaude. Les juvéniles sont marron clair olivâtre avec des podia ventraux peu nombreux et très longs, de couleur jaune clair. L'extrémité antérieure du corps est fréquemment jaune clair elle aussi.
La reproduction peut également être asexuée et se produire par scissiparité*. Chez les holothuries scissipares* la scission commence par une transformation des tissus là où le corps doit se diviser, puis une constriction du corps rétrécit le diamètre à cet endroit et une des parties avance alors que l'autre reste généralement fixe, ce qui produit un déchirement des tissus. Les plaies sont rapidement cicatrisées, et le processus de régénération de la partie manquante de l'organisme commence. Sa durée est différente selon les espèces. On estime à six mois le temps nécessaire pour qu'un individu issu de scission atteigne la taille moyenne de l'espèce chez H. difficilis (un organisme complet ayant été reconstitué avant ce délai). La reproduction asexuée a lieu toute l'année et il n'est pas rare de rencontrer des populations formées à 50 % d'individus issus de scission dans cette espèce.
Les individus scindés de fraîche date sont reconnaissables à la partie en régénération, dont le tégument est plus fin, non plissé et orangé clair. Cette partie, qui est d'un diamètre inférieur à celle du segment d'origine, porte généralement un moins grand nombre de papilles. Les individus issus de scission plus ancienne ont la même forme et la même couleur que les individus de même taille issus de reproduction sexuée, mais le tégument de la partie régénérée reste longtemps plus fin et n'est pas encore plissé.
Comme la plupart des holothuries, H. difficilis peut être victime de parasites externes, notamment des gastéropodes de la famille des Eulimidés.
Comme beaucoup d'espèces d'holothuries les tissus de H. difficilis contiennent une saponine extrêmement toxique appelée holothurine, qui provoque une hémolyse (destruction des globules rouges) pathologique dont l'effet sur les poissons et d'autres organismes marins est mortel.
Sa défense est aussi assurée par l'organe de Cuvier, qui est lié à l’arbre respiratoire droit à proximité du cloaque, les tubes eux-mêmes se trouvant dans cette cavité. Quand l’animal est stressé sa contraction provoque l’injection dans le cloaque de l’eau contenue dans les arbres respiratoires et le gonflement corrélatif des tubules, qui sont alors expulsés. Ils s'allongent au contact de l'eau et se dispersent autour de l'agresseur, qui s'y empêtre. H. difficilis est capable d’orienter son orifice cloacal en direction de l’agresseur, et d’expulser ses tubes de Cuvier en trois ou quatre contractions successives. Ils sont très fins, très nombreux, extrêmement collants et contiennent eux aussi de l'holothurine. Ce moyen de défense semble être inhibé la nuit alors que l’espèce se cache généralement sous des blocs le jour et a une activité principalement nocturne, ce qui l’expose aux prédateurs. Ce paradoxe est inexpliqué, mais l’espèce est connue pour être évitée au moins par les poissons à cause da la forte toxicité de ses tissus. Quelle que soit l'espèce le contact avec ces tubes est susceptible de provoquer chez l'homme une irritation. La médecine rapporte aussi des complications plus graves (érythème, œdème, et même cécité).
Les spicules* du tégument sont composés de tourelles caractéristiques de l'espèce, et de boutons. Ceux des podia et des papilles sont des bâtonnets et des plaques multiperforées. Les bâtonnets des tentacules sont différents de ceux des podia et papilles.
Holothuria difficilis n'est pas considérée comme une holothurie commerciale et n'est pas mentionnée en annexe de la CITES (la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction).
Son statut pour l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) est LC (Least Concerned), ce qui signifie que l'espèce est faiblement concernée par la nécessité de mesures de protection. Elle est pêchée localement à des fins de subsistance.
Holothurie intraitable : si le nom générique "holothurie" est calqué sur le nom latin "holothurium", lui-même repris du grec ancien, l'adjectif "intraitable" est l'un des sens du mot latin "difficilis" (voir à Origine du nom scientifique) et pointe ici la rapidité d'expulsion des tubes de Cuvier en cas de dérangement.
Ce nom vernaculaire est une proposition de DORIS.
Holothuria : Le terme grec [holothourion] est le nom donné par Aristote à un animal que les ambiguïtés de sa description rendent impossible à déterminer. Le mot latinisé "holothurium" a désigné d'abord des cnidaires, puis a été appliqué aux échinodermes. Une tentative de décomposition du mot grec holothourion en [holo-] = entier ; et [thouro-] = impétueux, produit l'interprétation fréquente : « tout à fait impudique ». La forme phallique de ces animaux motive cette interprétation.
difficilis : adjectif latin signifiant difficile, malaisé, pénible, ou morose, chagrin, intraitable. Le descripteur (Semper) ne motive pas le choix de l'épithète spécifique dans sa description de l'espèce (Reisen im Archipel der Philippinen, Zweiter Theil. Wissenschaftliche Resultate. Erster Band. Holothurien. p. 92). Il n'est donc pas aisé de deviner à quoi il faisait allusion. Il s'agit peut-être de la difficulté à trouver cette holothurie, très petite et au comportement cryptique, ou de la rapidité avec laquelle elle expulse ses tubes de Cuvier au moindre contact, qui justifierait la traduction du mot dans le sens d'"intraitable".
NB : le nom scientifique complet de cette espèce est Holothuria (Platyperona) difficilis. L'origine du sous-genre Platyperona vient de ce que Rowe, considérant en 1969 que les espèces Holothuria difficilis, Muelleria parvula (actuelle Holothuria (Platyperona) parvula) et Holothuria sanctori (actuelle Holothuria (Platyperona) sanctori) formaient une unité évolutive au sein du genre Holothuria, décida de créer le sous-genre en question, qui comprend actuellement (sept 2017) 8 espèces. Pour ce qui concerne la morphologie externe, ce sous-genre est caractérisé par un bivium bombé et un trivium plat, des podia ventraux très nombreux et répartis sur tout le trivium, de petites papilles dorsales dispersées et la présence de papilles anales et d'un collier de papilles autour des tentacules, qui sont au nombre de 18 à 20.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Super ordre | Aspidochirotacea | Aspidochirotacés | |
Ordre | Holothuriida | Holothurides | (Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche. |
Famille | Holothuriidae | Holothuriidés | Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal. |
Genre | Holothuria | ||
Espèce | difficilis |
Holothurie des petits fonds
La grande majorité des signalements de cette espèce a été faite à une profondeur inférieure à
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1 m, en PMT
18/06/2011
Petite holothurie
C’est une holothurie plutôt petite puisque la taille maximum le plus souvent documentée est de 5 cm pour des individus contractés bien que certains individus, peu fréquents, puissent mesurer jusqu’à 12 cm décontractés.
Sur la photo, l’individu complètement étiré mesure un peu moins de 6 cm, sa taille en contraction pourrait descendre jusqu’à moins de 3 cm.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
05/10/2016
Grand individu
L’individu photographié, en position rectiligne non contractée, mesurait
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
04/01/2017
Papilles
Les papilles dorsales sont courtes, peu nombreuses et disposées irrégulièrement sur le bivium.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
12/03/2016
Podia ventraux
Les podia ventraux sont nombreux, épais et longs. Le disque terminal est jaunâtre.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
15/01/2014
Tentacules buccaux
L’espèce possède 20 tentacules peltés marron clair.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
12/03/2016
Orifice cloacal
L'orifice cloacal est entouré de papilles. Sur cette photo il est fermé et en position subdorsale, alors qu’il est généralement terminal. La capacité à modifier la position de cet orifice va jusqu’à la possibilité de le diriger vers un agresseur avant de projeter les tubes de Cuvier.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
04/01/2017
Juvénile
Les juvéniles sont marron clair jaunissant, parfois olivâtre, avec des podia ventraux peu nombreux et très longs, de couleur jaune clair.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
09/12/2015
Holothurie scissipare
Holothuria difficilis fait partie des holothuries capables de se reproduire par scission transversale.
La partie du corps en régénération (à droite sur les deux photos) se reconnaît aisément à son diamètre plus faible que le reste du corps, et à sa couleur nettement plus claire.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
15/05/2016 (haut) & 05/11/2016 (bas)
Tubes de Cuvier
Les tubes de Cuvier, très rapidement expulsés en cas de stress, sont blancs, très fins et nombreux.
Ils sortent du cloaque encore épais et s’étirent en se divisant immédiatement au contact de l’eau. Ils sont particulièrement collants.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
16/12/2016
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
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