Holothurie de taille moyenne
Couleur brun clair à beige rosé avec 4 à 6 bandes latérales noires
Tégument fin et ridé
Hautes verrucosités à extrémité noirâtre
Tubes de Cuvier de gros diamètre facilement expulsés
Holothurie pervicax
Impatient sea cucumber, stubborn sea cucumber (GB), Teripang oler (Indonésie, langue bahassa), Alolo samo (Indonésie, Sulawesi, langue bajo), Loli (Samoa), Loli ka'e (Hawaï)
Holothuria depressa Ludwig, 1875
Holothuria mammiculata Haacke, 1880
Holothuria dofleinii Augustin, 1908
Holothuria curiosa var. pervicax Panning, 1936
Holothuria fuscocinerea var. pervicax Panning, 1944
Holothuria (Mertensiothuria) pervicax Rowe, 1969
Mer Rouge, Indo-Pacifique tropical
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]Cette espèce se rencontre en mer Rouge, dans l'océan Indien et dans l'océan Pacifique Ouest et centre jusqu'à Hawaï.
Holothuria pervicax vit généralement entre 0 et 10 mètres de profondeur, dans les zones calmes des lagons et plutôt sur substrat meuble et détritique*, ou dans les herbiers. On peut également la trouver jusqu'à plus de 50 mètres.
Holothuria pervicax est une holothurie de taille moyenne (maxima de 35 cm de longueur et 6 cm de largeur) au corps assez haut à section approximativement semi-circulaire, mais les flancs peuvent être légèrement aplatis. Le tégument* est fin et ridé. Des verrucosités de hauteurs différentes, en forme de dômes plus ou moins tubulaires selon l'extension, émergent d'une multitude de granulosités blanches juxtaposées sur le bivium* (face dorsale).
Le bivium est marron clair à beige rosé avec 4 à 6 bandes latérales brun foncé à noirâtres qui peuvent se réduire à de grosses taches autour des verrucosités marquant les radius* (aires ambulacraires). Ces verrucosités sont espacées et de tailles diverses, leur couleur va du beige clair au rose vif tacheté de blanc, leur sommet porte un cercle noir duquel émerge une courte papille conique brune à extrémité translucide. La ligne de démarcation entre faces dorsale et ventrale est nette.
Le trivium* (face ventrale) est plissé, beige à blanc grisé, moucheté de points bruns à orange. Il porte de très nombreux et longs podia* blanchâtres à forme tronconique. Au bout des podia se trouve un large disque podial blanc. Les podia sont plus denses le long des radius, mais ils sont aussi très nombreux dans les zones interradiaires*.
La bouche est ventrale. Elle est entourée par 20 tentacules peltés* de couleur beige clair tacheté de brun et par des papilles coniques sortant de petites verrucosités.
L'anus est terminal et marqué par un large cercle noir ponctué de blanc ; il est entouré de petites verrucosités porteuses de papilles.
Cette espèce expulse facilement des tubes de Cuvier de large diamètre de couleur bleutée.
Les juvéniles de petite taille sont gris sale à blanchâtres sur l'ensemble du corps, avec des taches peu marquées.
Holothuria fuscocinerea : les deux espèces se ressemblent beaucoup, au point qu'elles ont été parfois confondues par les spécialistes. Toutefois, la couleur d'H. fuscocinerea est très variable (de brun foncé homogène à beige avec taches brun foncé). Les taches sur le bivium peuvent être aléatoirement réparties. Les podia ventraux sont cerclés de noir, ce qui n'est pas le cas chez H. pervicax.
Holothuria pardalis : elle est plus petite. Le bivium de couleur marron clair est marqué par deux rangées de 5 à 10 taches de moindre taille régulièrement disposées le long des radius, les papilles sont pointues. Le trivium est d'un jaune plus ou moins prononcé et elle ne possède pas d'organe de Cuvier.
Holothuria erinacea : le bivium est plus foncé, les papilles dorsales sont plus hautes et ne sont pas portées par des verrucosités. Les taches sont plus nombreuses, plus petites et suivent les radius. Les podia sont jaunâtres, les tubes de Cuvier sont fins.
NB : Selenka a initialement décrit l'espèce en se basant sur des spécimens venus de Zanzibar et de Hawaï (îles Sandwich). Selon [Cherbonnier 1951], il se pourrait que ces spécimens aient appartenu à deux espèces différentes.
C'est une espèce détritivore qui prélève les particules organiques végétales et animales, ainsi que les bactéries contenues dans le sable qu'elle ingère, puis restitue en une série de petits tronçons cylindriques de sable compacté. Les holothuries peuvent traiter d'énormes quantités de sable (les estimations faites sur une population d'Isostichopus badionotus répartie sur 4,4 km2 vont de 500 à 1000 tonnes de sable par an) : elles participent ainsi de façon notable, tant par élimination de débris organiques que par remaniement continuel du substrat, à l'équilibre des écosystèmes côtiers.
Chez Holothuria pervicax, la reproduction est sexuée. Mâles et femelles se dressent alors le plus haut possible pour permettre une large diffusion des gamètes* qu'ils émettent dans la colonne d'eau. L'observation peut en être faite le soir et le plus souvent de nuit.
Les stades larvaires se déroulent en pleine eau ; puis, définitivement posé sur le substrat, le juvénile va évoluer vers le stade adulte.
Les plus petits des juvéniles de nombreuses espèces, dont H. pervicax, se rencontrent dans la proximité des brisants ou dans des zones à hydrodynamisme soutenu qui ne correspondent pas à l'habitat des adultes. Il semble qu'il s'agisse d'un recrutement* temporaire avant une migration vers l'habitat des adultes, ce recrutement étant probablement lié à la nécessité de se protéger des très nombreux prédateurs susceptibles d'une prédation létale sur d'aussi petites proies.
Cette espèce est relativement commune dans l'Indo-Pacifique tropical.
On peut la trouver en colonies assez importantes, notamment sur des sites occupés par des algues Halimeda et Caulerpa.
Elle expulse très facilement des tubes (ou canaux) de Cuvier de gros diamètre, qui s'allongent considérablement au contact de l'eau. Les canaux de Cuvier se trouvent près du cloaque, les tubules sont projetés par l'anus. La pression d'eau permettant leur expulsion les fait alors s'allonger, devenir collants et se disperser autour de l'agresseur qui s'y empêtre. Ces tubes contiennent une substance toxique, l'holothurine, susceptible de provoquer chez l'homme une irritation au point de contact. La médecine rapporte aussi des complications plus graves (érythème, œdème, et même cécité). L'éviscération est enfin le dernier recours utilisé par l'holothurie en danger, donnant ainsi satisfaction au prédateur qui laissera s'éloigner l'animal, au prix du temps de vulnérabilité requis par la régénération de ses organes.
Elle reste cachée le jour sous des blocs, souvent en compagnie d'autres holothuries, et n'est active que la nuit.
L'ensemble du tégument contient des spicules* en tourelles ainsi que des pseudo-boutons caractéristiques de l'espèce.
Pour les podia ventraux, les spicules sont en bâtonnets et plaques ; pour les papilles et les tentacules, ils sont en bâtonnets.
Une étude menée sur Holothuria forskali a montré que cette espèce, comme ses cousins Echinodermes oursins et étoiles de mer, possède sur chaque disque podial un système cellulaire complexe permettant l'adhérence au substrat et donc la locomotion. L'épiderme du disque podial est composé de 5 types de cellules. Deux d'entre eux produisent un mucus différent qui, par mélange, devient collant et permet l'adhésion. Un troisième type cellulaire, composé de cellules ciliées dites sécrétrices, permet selon toute vraisemblance de dissoudre la couche superficielle de « colle » fabriquée à la surface du disque et de provoquer le détachement. Les deux derniers types de cellules sont composés de cellules ciliées non-sécrétrices et de cellules de soutien. La stimulation des deux types de cellules ciliées coordonnerait les sécrétions d'adhésion et de détachement, et permettrait ainsi le déplacement. Il est probable que cette organisation du disque podial se retrouve de manière plus ou moins bien conservée chez toutes les espèces d'holothuries, fonction de la modification des podias selon les espèces. La détermination de la nature des sécrétions produites par ces classes d'Echinodermes pourrait à terme déboucher sur la fabrication de colles biomimétiques efficaces en milieu humide ainsi que d'antifouling pour l'entretien des bateaux.
Holothuria pervicax n'est pas considérée comme une espèce commerciale, sans doute du fait de ses nombreux et gros tubes de Cuvier. Elle semble n'être pêchée que dans un cadre artisanal en vue de la subsistance. Elle est toutefois consommée en Chine, mais sa valeur est une des plus faibles de ce marché. Cela suffit cependant à faire courir à l'espèce un risque de surexploitation de la ressource.
Les holothuries en général sont connues depuis très longtemps en Asie pour leurs propriétés médicinales. Du point de vue médical moderne les comprimés ou gélules produits à partir de certaines holothuries sont considérés comme un supplément alimentaire particulièrement riche en protéines. Ils sont aussi capables de diminuer les douleurs articulaires. Les composants extraits des holothuries sont encore connus pour ralentir la progression des infections virales (le sulfate de chondroitine notamment est utilisé par les Japonais dans le cadre d'une thérapie anti-VIH) et pour des propriétés anti-cancérigènes, selon des études chinoises [Chen 2003].
Certains composants extraits d'Holothuria pervicax (cela concerne jusqu'aux tubes de Cuvier !) sont quant à eux reconnus pour leurs propriétés anti-fongiques, pour leur intérêt en immunologie et pour leur probable capacité à participer au traitement des maladies dégénératives.
Holothuria pervicax n'est pas mentionnée en annexe de la CITES (la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) et elle ne fait pas partie des espèces référencées par le rapport sur les espèces commerciales fait à l'issue de la Conférence des Parties du 15 novembre 2002.
Néanmoins, de nombreux pays réglementent la pêche des holothuries en général par fixation de quotas, de saisons de pêche, de limitations des aires, de permis divers ou de tailles minimales, dans la mesure où l'augmentation de la demande mondiale fait courir un risque d'épuisement de la ressource pour de nombreuses espèces. Cela concerne désormais la plupart des espèces commerciales, y compris celles dont la valeur est moyenne à faible et celles qui ne sont pas officiellement considérées comme commerciales par la CITES.
Holothurie têtue : francisation du nom scientifique (proposition du site DORIS).
Holothuria : le terme grec [holothouria] est le nom donné par Aristote à un animal que les ambiguïtés de sa description rendent impossible à déterminer. Le mot latin [holothuria] a désigné d'abord des cnidaires, puis a été appliqué aux échinodermes par Linné. Une tentative de décomposition du mot grec holothourion en [holo-] = entier, et [thouro-] = impétueux, produit l'interprétation fréquente qui propose « tout à fait impudique ». La forme phallique de ces animaux motive cette interprétation.
pervicax : du mot latin [pervicax] qui signifie obstiné, opiniâtre, persistant.
« NB : le nom scientifique complet de cette espèce est Holothuria (Stauropora) pervicax. Le sous-genre Stauropora a été créé par Rowe en 1969. L'auteur compose explicitement ce nom par l'association des mots grecs [staurus] = croix, et [pora] = trou. Il le justifie par l'existence d'un trou en forme de croix situé au centre de certains spicules caractéristiques de l'espèce-type, Holothuria discrepans. Pour ce qui concerne la morphologie externe, ce sous-genre est caractérisé par un corps de petite taille (de 10 à 12 cm), dorsalement arqué et à trivium plat, des podia ventraux alignés sur trois rangs, des papilles dorsales courtes à distribution irrégulière et un collier de papilles entourant parfois la base des tentacules. Le tégument est souple et peu épais, mesurant usuellement entre 1 et 2 mm.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Sous-embranchement | Echinozoa | Echinozoaires | Echinodermes non étoilés de forme globuleuse ou allongée. Ce groupe renferme les oursins et les concombres de mer. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Super ordre | Aspidochirotacea | Aspidochirotacés | |
Ordre | Holothuriida | Holothurides | (Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche. |
Famille | Holothuriidae | Holothuriidés | Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal. |
Genre | Holothuria (Stauropora) | ||
Espèce | pervicax |
Promenade matinale
Holothuria pervicax ne peut généralement être trouvée de jour que sous des blocs. Cet individu progressait pourtant à découvert en matinée, peut-être du fait d’une faible luminosité liée à un temps très gris.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
26/06/2010
Détail du trivium
La partie ventrale, le trivium, est gris rosâtre et piquetée de points bruns. Les podia sont longs et blancs, et on distingue bien leur alignement par rangées.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
21/08/2010
Bouche
La bouche est ventrale, entourée de tentacules (ici rétractés) et de papilles.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/04/2010
Anus
L’anus, de couleur noire, est terminal et entouré de verrucosités porteuses de papilles. Les granulations blanches couvrant tout le bivium sont moins nombreuses mais encore présentes à son niveau.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
26/02/2010
Verrucosités et papilles
Les papilles, brunes à pointe translucide, sont juchées sur des verrucosités plus ou moins longues et piquetées des mêmes granulosités blanches que l’ensemble du bivium.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
11/08/2010
Podia
Les podia sont blanchâtres et translucides piquetés de blanc en extension. Ils ont une forme tronconique et portent un disque podial blanc.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
21/08/2010
Tubes de Cuvier
Même chez les petits individus les tubes de Cuvier sont très longs et de fort diamètre. Ils sont très facilement expulsés par cette espèce.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
27/09/2010
Juvénile
Ce juvénile de 5 cm ne présente pas les nuances rosées observables chez la plupart des adultes, notamment au bout des verrucosités. Mais en dehors de ce détail qui tient aux variations individuelles, il a un aspect général similaire au leur.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,50 m
07/10/2015
La nuit
Holothuria pervicax n’est active que la nuit, elle reste généralement cachée sous des blocs le jour. On la voit ici vaquant à ses affaires d’holothurie une fois la nuit tombée.
Lagon de l'Ermitage
26/10/2010
Confusion possible : Holothuria fuscocinerea
Holothuria fuscocinerea montre un aspect extrêmement proche d'Holothuria pervicax !
Le seul signe discriminant visible pour distinguer Holothuria pervicax (en haut, sur le dos) d’Holothuria fuscocinerea (en bas, placée de même) est sur cette dernière, la présence de bagues brun foncé à noires à la base des podia.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
2010
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Bourjon P., Morcel E., 2016, New observations of holothurians juveniles on Reunion reefs, La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 36, 41-44.
Chen J., 2003, Aperçu des méthodes d'aquaculture et de mariculture en Chine, La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 18, 18-23.
Cherbonnier G., 1951, Holothuries de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, Mémoires de l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (2) 41, 1–65.
Flammang P., Jangoux M., 1992, Functionnal morphology of the locomotory podia of Holothuria forskali (Echinodermata, Holothuroida), Zoomorphology, 111(3), 167-178.
Santos R., 2012, A multidisciplinary analysis of sea-urchin temporary adhesion: morphology, biomechanics and proteomics, 14th International Echinoderm Conference, Plenary abstract, 24p.
Yamada K., Harada Y., Miyamoto T., IsobeR., Higuchi R., 2000, Constituents of Holothuroidea. 9. Isolation and Structure of a New Ganglioside Molecular Species from the Sea Cucumber Holothuria pervicax, Chemical and Pharmaceutical Bulletin, 48(1), 157-159.
La page d'Holothuria (Stauropora) pervicax dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN