Holothurie de petite taille à section circulaire
Tégument ferme et raviné
Couleur brun rouge à noirâtre avec des taches plus foncées et des podia jaunes
Bouche et anus terminaux
Souvent couverte d'une couche de sable et de débris divers
Ashy sea cucumber (GB), Zanga fleur (à Tolaria, Madagascar), Loli pua (Hawaï)
Stichopus (Gymnochirota) cinerascens Brandt, 1835
Holothuria pulchella Selenka, 1867
Holothuria cinerascens Lampert, 1885
Holothuria willeyi Bedford, 1899
Indo-Pacifique, mer Rouge
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]On trouve cette espèce dans l'océan Indien et l'océan Pacifique tropical, depuis les côtes de l'Afrique de l'Ouest (elle est présente aux Comores et à La Réunion) jusqu'à l'île de Pâques et Hawaï ainsi que du Japon jusqu'à la Nouvelle-Calédonie. On la rencontre également en mer Rouge.
C'est une espèce intertidale qu'on trouve essentiellement par petits fonds, mais elle a été observée jusqu'à 20 m de profondeur. Elle fréquente les fonds sableux ou rocheux, les grès de plage* (ou beach-rock) et les coraux ensablés. On la rencontre souvent dans des anfractuosités, notamment dans des zones à hydrodynamisme fort.
Holothuria cinerascens est une holothurie de petite taille, avec une moyenne de 16 cm de longueur pour 4 cm de largeur, la longueur maximale atteignant 30 cm. Le corps est ramassé et s'affine légèrement aux extrémités. Sa section est approximativement circulaire. Le tégument est assez ferme et fortement raviné sur le bivium* (face dorsale).
La couleur va du brun foncé au brun rouge parfois violacé à noirâtre, avec des taches plus sombres. Celles-ci sont distribuées en deux lignes alors que d'autres, diffuses, peuvent être plus aléatoirement réparties sur le bivium. Ce bivium est couvert de nombreux podia* ocre rouge à disque podial jaunâtre, dispersés sans ordre. Ces couleurs sont souvent masquées par la couche de sable et de détritus divers dont cette espèce se recouvre volontiers.
Les podia sont plus nombreux sur le trivium* (face ventrale), où ils sont répartis sur 3 ou 4 rangs, les interradius* étant très étroits. Les podia sont cylindriques, rose jaunâtre à disque podial jaune vif, avec une hampe translucide en pleine extension. Le tégument du trivium est rose orangé.
La bouche, terminale, est entourée par 20 longs tentacules dendro-peltés. Ce terme signifie que les hampes de ces tentacules sont nues et que les ramifications sont regroupées à leur extrémité. Leur couleur est jaune plus ou moins veinée de brun rouge, jusqu'à paraître parfois entièrement brune. Les ramifications sont blanches à terminaisons brun clair. Les tentacules sont entourés de papilles à extrémité jaune.
L'anus est terminal et entouré de papilles.
Cette espèce ne possède pas d'organe de Cuvier.
Il peut y avoir confusion avec certaines holothuries de l'ordre des Dendrochirotes (les « lèche-doigts »), dont on ne voit le plus souvent que les tentacules. Ce sont alors leurs couleurs qui permettront de proposer une identification, ainsi que leur forme :
Les tentacules d'Holothuria cinerascens sont « dendro-peltés », ce qui signifie qu'ils sont assez longs et possèdent des ramifications importantes [dendro], mais que les terminaisons sont regroupées sur une surface en plateau [pelté] au bout d'une hampe nue.
Les « lèche-doigts » ont des tentacules « dendritiques » (arborescents), ils sont en général plus longs, plus fins et les ramifications se distribuent sur toute la longueur de la hampe.
Holothuria cinerascens est une holothurie filtreuse (le terme « suspensivore » est parfois aussi employé) : elle déploie ses tentacules fortement ramifiés dans le courant pour capturer des organismes planctoniques ainsi que des particules organiques. Ces tentacules sont régulièrement ramenés vers la bouche, qui prélève la nourriture. Plusieurs tentacules peuvent être en bouche en même temps, pendant que les autres continuent à filtrer.
La reproduction est sexuée. Mâles et femelles se dressent alors le plus haut possible pour permettre une large diffusion des gamètes* qu'ils émettent dans la colonne d'eau. Les gamètes sont blanc crème chez les mâles comme chez les femelles.
La libération des gamètes a lieu en saison chaude, au moment où le phytoplancton*, notamment, est abondant. L'observation peut en être faite le soir et le plus souvent de nuit.
Les stades larvaires* se déroulent en pleine eau, puis définitivement posé sur le substrat le juvénile va évoluer vers le stade adulte. Il présente les mêmes caractéristiques morphologiques et le même patron de couleurs que les adultes.
Holothuria cinerascens est la seule holothurie de l’ordre des Aspidochirotes à être filtreuse, autrement dit à se nourrir du plancton en suspens dans l’eau de mer, les autres se nourrissant des particules organiques végétales et animales ainsi que des bactéries contenues dans le sable qu’elles ingèrent.
Elle fréquente les fonds sableux, dans lesquels elle peut s’enfouir en ne laissant dépasser que ses tentacules ramifiés. On peut aussi la trouver fixée verticalement dans une anfractuosité, tête en bas et tentacules déployés dans une zone de courant (le côté rivage des grès de plage par exemple, où elle profite des courants latéraux provoqués par le ressac), mais elle peut être encore complètement masquée dans un trou de roche ou de corail, seuls ses tentacules étant visibles. Son type d’alimentation en fait une espèce presque immobile.
Les spicules sont en tables, tourelles et bâtonnets pour le tégument, et en bâtonnets de types divers pour les podia et les tentacules.
Une étude menée sur Holothuria forskali a montré que cette espèce, comme ses cousins Echinodermes les oursins et les étoiles de mer, possède sur chaque disque podial un système cellulaire complexe permettant l’adhérence au substrat et donc la locomotion. L’épiderme du disque podial est composé de 5 types de cellules. Deux d’entre eux produisent un mucus différent qui, par mélange, devient collant et permet l’adhésion. Un troisième type cellulaire, composé de cellules ciliées dites sécrétrices, permet selon toute vraisemblance de dissoudre la couche superficielle de « colle » fabriquée à la surface du disque et de provoquer le détachement. Les deux derniers types de cellules sont composés de cellules ciliées non-sécrétrices et de cellules de soutien. La stimulation des deux types de cellules ciliées coordonnerait les sécrétions d’adhésion et de détachement, et permettrait ainsi le déplacement. Il est probable que cette organisation du disque podial se retrouve de manière plus ou moins bien conservée chez toutes les espèces d’holothuries, fonction de la modification des podias selon les espèces. La détermination de la nature des sécrétions produites par ces classes d’Echinodermes pourrait à terme déboucher sur la fabrication de colles biomimétiques efficaces en milieu humide ainsi que d’antifouling* pour l’entretien des bateaux.
Cette espèce est pêchée dans un cadre artisanal, par exemple à Madagascar, sa valeur sur le marché étant faible. Elle ne fait pas partie des espèces protégées.
Les holothuries en général sont connues depuis très longtemps en Asie pour leurs propriétés médicinales. Du point de vue médical moderne les comprimés ou gélules produits à partir de certaines holothuries sont considérés comme un supplément alimentaire particulièrement riche en protéines. Ils sont aussi capables de diminuer les douleurs articulaires. Certains composants extraits de leur organisme sont encore connus pour ralentir la progression des infections virales (le sulfate de chondroïtine notamment est utilisé par les Japonais dans le cadre d'une thérapie anti-VIH) et pour des propriétés anti-cancérigènes selon des études chinoises [Chen 2003].
D'autres composants sont reconnus pour leurs propriétés anti-fongiques, pour leur intérêt en immunologie (des expériences sont menées sur les réponses immunologiques d'Holothuria cinerascens, notamment) et pour leur probable capacité à participer au traitement des maladies dégénératives.
Holothurie cendrée : traduction du nom latin.
Holothuria : le terme grec [holothouria] est le nom donné par Aristote à un animal que les ambiguïtés de sa description rendent impossible à déterminer. Le mot latin [holothuria] a d'abord désigné des cnidaires, puis a été appliqué aux échinodermes par Linné. Une tentative de décomposition du mot grec holothourion en [holo-] = entier, et [thouro-] = impétueux, produit l'interprétation fréquente qui propose « tout à fait impudique ». La forme phallique de ces animaux motive cette interprétation.
cinerascens : du mot latin [cinerascens] = en train de devenir cendreux, autrement dit ici, couvert de cendres ou cendré. Le choix du terme renvoie probablement aux teintes violacées à noirâtres que peut avoir le tégument, à moins que ce ne soit à la couverture de sable et de débris divers dont cette holothurie se couvre souvent.
Numéro d'entrée WoRMS : 210846
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Sous-embranchement | Echinozoa | Echinozoaires | Echinodermes non étoilés de forme globuleuse ou allongée. Ce groupe renferme les oursins et les concombres de mer. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Super ordre | Aspidochirotacea | Aspidochirotacés | |
Ordre | Holothuriida | Holothurides | (Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche. |
Famille | Holothuriidae | Holothuriidés | Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal. |
Genre | Holothuria (Semperothuria) | ||
Espèce | cinerascens |
Sans camouflage
Le tégument est brun rouge avec des taches noirâtres disposées en ligne et d’autres plus diffuses réparties sans ordre, ainsi que de fréquentes zones plus claires autour des podia jaunes.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
29/09/2010
Camouflage
La couverture destinée au camouflage est composée essentiellement de sable mais elle peut aussi fixer des débris divers, y compris, comme c’est le cas ici, d’origine humaine.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
29/09/2010
Dans une anfractuosité d’un grès de plage
Ce grand individu, tentacules dehors, est fixé verticalement, tête en bas, dans une anfractuosité d’un grès de plage. Il se situe sur la partie orientée vers le rivage de la formation, ce qui lui permet de profiter des courants produits par le ressac pour trouver sa nourriture.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,5 m
29/09/2010
Bouche terminale
Les holothuries Aspidochirotes ont une bouche ventrale (située au contact du substrat), Holothuria cinerascens est la seule à avoir une bouche terminale (située dans l’axe du corps) du fait de son alimentation différente : elle n’ingère pas de sable, mais filtre les organismes planctoniques et autres particules dans les courants. On voit ici les tentacules qui l’entourent en train de se rétracter.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
26/09/2010
Tentacules
Les tentacules sont dendro-peltés, ce qui signifie qu’ils possèdent des ramifications importantes situées au bout d’une hampe nue. Leur couleur est jaune veiné de brun rouge à terminaisons blanches, mais le brun rouge peut aussi devenir dominant. On voit ici au moins quatre tentacules revenir vers la bouche, les autres continuant à filtrer le plancton.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
29/09/2010
Anus
L’anus est terminal et entouré de podia transformés en forme de papilles.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
29/09/2010
Podia dorsaux
Chez de nombreuses holothuries, les podia dorsaux sont transformés en papilles de diverses formes. Chez Holothuria cinerascens, ils sont restés ce qu’ils sont et peuvent remplir leur fonction adhésive, ce qui permet à cette espèce de se mouvoir et se fixer sur toutes les surfaces des anfractuosités dans lesquelles elle se protège souvent, tout en filtrant sa subsistance.
On distingue bien ici les disques podiaux jaunes situés au bout des podia.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
29/09/2010
Podia ventraux
Les podia ventraux sont rosâtres, piquetés de blanc ; ils s’achèvent par une bague jaunâtre qui entoure un disque podial jaune vif. En pleine extension, leur hampe est blanche. On peut observer qu’ils sont très nombreux : cette espèce se trouve dans des zones à fort hydrodynamisme pour pouvoir prélever sa nourriture dans les courants, elle a donc besoin d’une adhérence forte sur ses supports.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
29/09/2010
Trivium
Les podia ventraux sont répartis sur quatre rangs (ils peuvent l’être sur trois), les interradius étant très étroits. On distingue la hampe blanche de certains podia en extension maximale pour chercher un support permettant de se rétablir en position naturelle.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 0,30 m
29/09/2010
Juvénile
Ce juvénile mesure 2,5 cm en position contractée.
Il présente les mêmes caractéristiques que les adultes et vit dans le même type d'habitat.
La Réunion, 1,50 m
21/10/2015
Très petit juvénile
Dès la transformation du dernier stade larvaire (dit « pentactula ») en juvénile, la minuscule holothurie ressemble à ses géniteurs. Cet individu photographié sous loupe binoculaire mesure 6 mm.
Individu de La Réunion (974), ex situ (photo prise sous binoculaire).
2020
Ensablée
Holothuria cinerascens est fréquemment ensablée, ne laissant dépasser du substrat que ses tentacules filtreurs.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,50 m
03/12/2010
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Chen J., 2003, Aperçu des méthodes d'aquaculture et de mariculture en Chine, La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS 18, 18-23.
Flammang P., Jangoux M., 1992, Functionnal morphology of the locomotory podia of Holothuria forskali (Echinodermata, Holothuroida), Zoomorphology, 111(3), 167-178.
Santos R., 2012, A multidisciplinary analysis of sea-urchin temporary adhesion: morphology, biomechanics and proteomics, 14th International Echinoderm Conference, Plenary abstract, 24p.
Smith A.C., 1977, Immunologic réactions of the Sea Cucumber, Holothuria cinerascens, to Serum from the Milkfish, Chanos chanos, Journal of Invertebrates Pathology, 29 (3), 326-331.
La page d'Holothuria (Semperothuria) cinerascens dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN