Holothurie de grande taille
Protubérances latérales en forme de mamelles
Bouche ventrale, anus subdorsal
Couleur brun chocolat à noir mat
Taches claires sur les petits spécimens (Pacifique) ainsi que les adultes (ouest de l'océan Indien)
Black teatfish, mammy fish (GB), Zanga benono (Madagascar, Tolaria), Susuhan (Philippines)
Holothuria guamensis Quoy et Gaimard, 1833
Muelleria nobilis Selenka, 1867
Microthele nobilis (Selenka, 1867)
Holothuria fuscogilva (non Cherbonnier, 1980)
Mer Rouge, océan Indien
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]On rencontre l'espèce en mer Rouge ainsi que dans l'océan Indien.
Cette holothurie vit en eaux calmes sur les fonds récifaux, dans les zones sableuses avec débris coralliens, plutôt à proximité des platiers ; mais on la trouve aussi sur les tombants jusqu'à 40 mètres. Elle est généralement solitaire. Les juvéniles fréquentent les herbiers.
Holothurie de grande taille (maxima de 60 cm de longueur et de 15 cm de largeur) à section approximativement semi-circulaire. Le tégument est dur et épais (de 10 à 12 mm), il est lisse à légèrement ridé avec de nombreuses petites excavations coniques à l'emplacement des podia* sur la face dorsale.
De 6 à 10 protubérances en forme de mamelles apparaissent sur les flancs au niveau de la sole* ventrale.
La couleur va du brun chocolat au noir mat, avec quelques taches crème. Ces taches sont dispersées sur le bivium* (face dorsale) et sont de taille diverse, les plus grosses marquant les protubérances latérales en forme de mamelles.
Les juvéniles sont plus clairs.
Le trivium* (face ventrale) est plat. Il est couvert de très nombreux podia courts et fins, répartis sans ordre et il comporte une ligne médiane sans podia reliant la bouche à l'anus. Les podia sont grisâtres. Le tégument est brun foncé, il est parfois décrit lui-même comme grisâtre.
La bouche est ventrale (située au plus près du substrat), elle est entourée de 20 tentacules peltés (les ramifications des tentacules sont regroupées en un plateau circulaire au bout de la hampe des tentacules) de grande taille, blancs à motifs violacés à noirs. Cette bouche est entourée par deux cercles de papilles.
L'anus est subdorsal (situé juste au-dessous de la partie dorsale), il comporte 5 fortes dents. Les tubes de Cuvier, nombreux et fins, sont rarement expulsés, voire jamais.
Holothuria whitmaei : cette espèce est entièrement noire, mais les juvéniles peuvent présenter des taches claires. On ne la trouve que dans l'océan Pacifique. On l'a longtemps prise pour la « forme » de H. nobilis dans le Pacifique, mais les espèces ont été séparées en 2004. Les deux espèces sont allopatriques*.
Holothuria (Microthele) fuscogilva, ou holothurie blanche à mamelles : elle était considérée comme la même espèce que H. nobilis jusqu'en 1980 (Cherbonnier), bien que les pêcheurs du Pacifique les aient distinguées depuis longtemps. La morphologie est identique mais la couleur est beige à blanche avec de larges taches diffuses plus foncées sur la face dorsale et de nombreux points noirs. Pas d'organe de Cuvier, ni anus terminal.
Bohadschia subrubra : il n'y a pas de « mamelles », les zones claires sont généralement plus étendues, la face ventrale est blanchâtre, l'anus est dorsal et n'a pas de dents. Les tubes de Cuvier sont de surcroît facilement expulsés. Enfin, cette espèce se recouvre souvent d'algues et de débris divers.
C'est une espèce détritivore qui prélève les particules organiques végétales et animales contenues dans le sable qu'elle ingère, puis qu'elle restitue en une série de petits tronçons cylindriques de sable compacté.
Elle participe ainsi de façon notable, tant par élimination de débris organiques que par remaniement continuel du substrat, à l'équilibre des écosystèmes côtiers.
La reproduction est sexuée. On estime l'âge de la maturité sexuelle à 4 ans mais cette donnée est empirique. Les juvéniles sont très rarement observés.
Les pontes ont essentiellement lieu en début de saison fraîche.
On peut trouver sur cette holothurie le ver annélide Gastrolepidia clavigera.
Les spicules* sont en tourelles et boutons sur le tégument. S'y ajoutent des plaques sur les podia ventraux et des bâtonnets en sus des plaques sur les podia dorsaux. Les tentacules sont équipés de tourelles et de bâtonnets.
On la trouve souvent recouverte d'une couche de sable fin fixé par un mucus, ce qui la rend difficilement repérable.
Elle se contracte jusqu'à former une demi-sphère presque parfaite quand elle est inquiétée.
Les tubes de Cuvier ne sont pas expulsés même à l'occasion de manipulations répétées et sans ménagement, au point que certains auteurs estiment qu'ils ne le sont jamais.
Une étude menée sur Holothuria forskali a montré que cette espèce, comme ses cousins Echinodermes les oursins et les étoiles de mer, possède sur chaque disque podial un système cellulaire complexe permettant l'adhérence au substrat et donc la locomotion. L'épiderme du disque podial est composé de 5 types de cellules. Deux d'entre eux produisent un mucus différent qui, par mélange, devient collant et permet l'adhérence. Un troisième type cellulaire, composé de cellules ciliées dites sécrétrices, permet selon toute vraisemblance de dissoudre la couche superficielle de « colle » fabriquée à la surface du disque et de provoquer le détachement. Les deux derniers types de cellules sont composés de cellules ciliées non-sécrétrices et de cellules de soutien. La stimulation des deux types de cellules ciliées coordonnerait les sécrétions d'adhérence et de détachement, et permettrait ainsi le déplacement. Il est probable que cette organisation du disque podial se retrouve de manière plus ou moins bien conservée chez toutes les espèces d'holothuries, fonction de la modification des podias selon les espèces. La détermination de la nature des sécrétions produites par ces classes d'Echinodermes pourrait à terme déboucher sur la fabrication de colles biomimétiques efficaces en milieu humide ainsi que d'antifouling pour l'entretien des bateaux.
On estime sa durée de vie probable à plusieurs dizaines d'années.
Espèce devenue relativement rare, en fonction des sites.
Holothuria nobilis est l'une des holothuries les plus prisées de l'industrie de la bêche-de-mer (ou trépang, en malais) du fait de son goût, de l'épaisseur de son tégument, de sa taille, etc. Un spécimen peut faire jusqu'à 4 kg vivant, ce qui rend sa capture particulièrement rentable. Il y a donc une surexploitation des ressources partout où elle est pêchée. L'espèce est considérée en voie d'extinction. Ce problème concerne un nombre de plus en plus élevé d'espèces, la raréfaction des plus chères reportant la surpêche sur les espèces à valeur moyenne, ce qui finira par arriver pour les mêmes raisons aux espèces actuellement de faible valeur. Les élevages en mer et sur terre permettent dans une certaine mesure de pallier ces difficultés. Mais la CITES note que l'espoir de repeupler ainsi les sites naturels se heurte au problème de la masse critique en deçà de laquelle les populations ne peuvent plus se reconstituer sans une élimination totale de la pression de pêche durant 50 ans. Cette interdiction de la pêche légale soulèverait d'énormes problèmes socio-économiques et conduirait de toute façon à une intensification de la pêche illicite. En 2019, la CITES* a cependant inscrit H. nobilis et deux autres espèces d’holothuries à mamelles (H. whitmaei et H. fuscogilva) en Annexe II, cette annexe réglementant le commerce international des espèces visées. Il faut aussi savoir que le problème va au-delà des holothuries elles-mêmes : leur disparition sur certains sites a notamment provoqué un durcissement des sols qui a détruit l'habitat d'autres organismes benthiques, avec les conséquences écosystématiques en chaîne associées.
Les holothuries en général sont connues depuis très longtemps en Asie pour leurs propriétés médicinales. Du point de vue médical moderne, les comprimés ou gélules produits à partir de certaines holothuries sont considérés comme un supplément alimentaire particulièrement riche en protéines, qui sont aussi capables de diminuer les douleurs articulaires. Les composants de la bêche de mer sont encore connus pour ralentir la progression des infections virales (le sulfate de chondroitine notamment est utilisé par les Japonais dans le cadre d'une thérapie anti-VIH) et pour des propriétés anti-cancérigènes (selon des études chinoises) [Chen 2003].
Holothuria nobilis est considérée comme une espèce en voie d'extinction par la liste rouge de l'UICN* actualisée en juillet 2013. Elle est placée dans la catégorie « Endangered », qui s’applique notamment aux espèces présentant un très haut risque d’extinction lié à un déclin rapide des populations de 50 à plus de 70% au cours des dix dernières années, ou dans l’espace de trois générations.
En 2019, la CITES* a inscrit H. nobilis dans son Annexe II, recommandant ainsi un étroit contrôle de son commerce.
Holothurie noire à mamelles : ce nom est descriptif, les protubérances claires (dites aussi « tétons ») sur les flancs de l'animal évoquant des mamelles.
Holothuria : Le terme grec [holothourion] est le nom donné par Aristote à un animal que les ambiguïtés de sa description rendent impossible à déterminer. Le mot latin [holothuria] a désigné d'abord des cnidaires, puis a été appliqué aux échinodermes par Linné.
Une tentative de décomposition du mot grec holothourion en [holo-] = entier ; et [thouro-] = impétueux, produit l'interprétation fréquente : « tout à fait impudique ». La forme phallique de ces animaux motive cette interprétation.
nobilis : cet adjectif latin vient du verbe [noscere] qui signifie « étudier, reconnaître ». Par extension, l'adjectif signifie « facile à connaître », donc « connu » et par là : « célèbre », « de noble famille ». Il est probable que cette appellation vienne davantage du goût des amateurs et donc de son prix que de la prestance propre de l'animal.
NB : le nom scientifique complet de cette espèce est Holothuria (Microthele) nobilis. Le sous-genre Microthele a été créé par Brandt en 1835. Le nom du sous-genre est composé du grec [micro] = petit ; et [thele] = tubercule. Il renvoie aux « mamelles » présentes chez certaines espèces du sous-genre, que mentionne explicitement le descripteur. Pour ce qui concerne la morphologie externe chez ce sous-genre, il est caractérisé par un corps à bivium bombé et trivium plat, un tégument épais et résistant, des podia ventraux en très grand nombre disposés serrés et sans ordre, des papilles dorsales peu nombreuses, et des dents anales. A cela peut s'ajouter la présence de protubérances coniques latérales (les « mamelles ») chez certaines espèces.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Sous-embranchement | Echinozoa | Echinozoaires | Echinodermes non étoilés de forme globuleuse ou allongée. Ce groupe renferme les oursins et les concombres de mer. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Super ordre | Aspidochirotacea | Aspidochirotacés | |
Ordre | Holothuriida | Holothurides | (Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche. |
Famille | Holothuriidae | Holothuriidés | Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal. |
Genre | Holothuria (Microthele) | ||
Espèce | nobilis |
Dans le lagon réunionnais
Spécimen de 40 cm, après "toilettage au pinceau".
En effet, le sable qui recouvre généralement l'holothurie a été ôté pour montrer le bel animal et ses "mamelles" claires.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Camouflage
Couverte de sable fin fixé par un mucus, H. nobilis est difficilement repérable malgré sa morphologie particulière.
L'îlot de sable blanc, Mayotte
04/09/2010
Bouche
La bouche est ouverte, mais les tentacules sont complètement rétractés. On peut voir les motifs qui l’ornent, de couleurs identiques à celles des tentacules. Des éléments du substrat sont en cours d’ingestion.
L’animal a recommencé à se nourrir dès qu’il a été remis dans une position normale.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Tentacules
Les magnifiques tentacules dendro-peltés d’H. nobilis, avec leurs motifs violet foncé.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Anus subdorsal
L’anus est situé légèrement au-dessus de l’axe médian du corps.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Face ventrale
De très nombreux podia disposés sans ordre couvrent la face ventrale. On observe une ligne sans podia reliant la bouche à l’anus. Le tégument est de la même couleur sur le trivium (face ventrale) et le bivium (face dorsale).
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Podia ventraux
Les podia ventraux, de couleur grisâtre, sont très nombreux et répartis sans ordre sur le trivium.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Podia ventraux étirés
La ventouse des podia est très puissante bien qu’H. nobilis ne vive pas en zone battue. Elle ne lâche prise qu’en limite de rupture des tentacules, qui sont remarquablement extensibles.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Mamelon
L’un des mamelons qui motivent le nom vernaculaire des holothuries à mamelles.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/07/2010
Rétractée en demi-sphère
Quand elle est inquiétée, H. nobilis peut se rétracter jusqu’à former une demi-sphère !
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
22/03.2010
Fécès
Ce que l'on peut trouver à la suite de l'holothurie noire à mamelles... Ces petits tronçons cylindriques de sable compacté sont les fécès d'Holothuria nobilis.
Lagon de l'Ermitage
16/11/2011
Juvénile et jeune adulte ?
Ce montage présente deux individus dont l'un mesure 15 cm contracté (en haut) et l'autre 17 cm moins contracté (en bas). Autrement dit leur taille une fois décontractés est approximativement la même. Cependant, l'un porte une livrée juvénile très différente de celle des adultes et l'autre la livrée des adultes, ce qui pourrait signifier qu'il est sexuellement mature.
Dans la mesure où les juvéniles des holothuries en général et de cette espèce en particulier sont très peu étudiés faute d'être trouvés, cette observation de terrain pourrait être intéressante (l'âge de la maturité sexuelle n'est pas connu avec certitude pour cette espèce).
La Réunion, 1,50 m, en PMT
18/11/2015 (en haut) & 11/10/2010 (en bas)
De nuit (sans pyjama)
Il semble que la couverture sableuse habituelle dans cette espèce soit inutile la nuit : cette couverture pourrait être davantage destinée à la protection contre les rayons solaires par petits fonds qu’à une précaution de camouflage
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m, de nuit
12/02/2015
A Mayotte
Individu "propre". C'est très souvent en PMT sur le platier ou dans le lagon que l'espèce est rencontrée.
Plage de Sakouli, Mayotte, 3 m
24/01/2010
En Nouvelle-Calédonie : espèce voisine
Cet individu du Pacifique est Holothuria whitmaei.
Cette espèce a longtemps divisé les taxonomistes quant à sa proximité (voire sa confusion) avec H. nobilis dont elle pouvait passer pour une variation du Pacifique. Mais les deux espèces, dorénavant séparées, sont allopatriques.
Nouvelle-Calédonie
02/12/2013
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Chen J., 2003, Aperçu des méthodes d'aquaculture et de mariculture d'holothuries en Chine, La Bêche-de-mer, bulletin de la CPS, 18, 18-23.
Conand, C., 1986, Les ressources halieutiques des pays insulaires du Pacifique. Deuxième partie: Les Holothuries, FAO Document technique sur les pêches. No. 272.2. FAO, Rome, 108p.
Flammang P., Jangoux M., 1992, Functionnal morphology of the locomotory podia of Holothuria forskali (Echinodermata, Holothuroida), Zoomorphology, 111(3), 167-178.
Lovatelli A., Conand C. & al, 2004, Advances in sea cucumber aquaculture and management, FAO Document technique sur les pêches No. 463, FAO, Rome, 425p.
Santos R., 2012, A multidisciplinary analysis of sea-urchin temporary adhesion: morphology, biomechanics and proteomics, 14th International Echinoderm Conference, Plenary abstract, 24p.
Uthicke S., O'Hara T.D., Byrne M., 2004, Species composition and molecular phylogeny of the Indo-Pacific teatfish (Echinodermata: Holothuroidea) bêche-de-mer fishery, Marine and Freshwater Research, 55, 837-848.
La page sur Holothuria (Microthele) nobilis dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN