Holothurie de taille moyenne à grande
Couleur noire à reflets brun-rouge
Tégument lisse et peu épais
Bouche ventrale, anus terminal
Corps recouvert de sable avec des lacunes circulaires ou longitudinales
Stylo noir (Madagascar, Vezo, région de Tulear)
Lolly fish, black sea cucumber (GB), Loli (Samoa), Thway hmyaw (Birmanie), Loli koko (Hawaii), Black beauty (Philippines), Pesa (Tanzanie), Cera (Indonésie)
Holothuria radackensis Chamisso & Eysenhardt, 1821
Halodeima atra Jaeger, 1833
Microthele affinis Brandt, 1835
Holothuria affinis Selenka, 1867
Holothuria amboinensis Semper, 1868
Holothuria sanguinolenta Bell in Saville-Kent, 1893
NB : Selon la règle d'antériorité, le nom valide devrait être Holothuria radackensis Chamisso & Eysenhardt, 1821, synonyme senior. Cependant un long usage a consacré Holothuria atra qui est considéré comme nom valide, par principe de stabilité.
Cette espèce est parfois désignée avec son sous-genre : Holothuria (Halodeima) atra Jaeger, 1833.
Indo-Pacifique tropical, mer Rouge
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]Cette espèce vit dans l'océan Indien, dont la mer Rouge et le golfe Persique, dans l'océan Pacifique Est et Centre jusqu'à Hawaï, et elle est aussi signalée au Panama.
Holothuria atra vit entre 0 et 30 mètres dans les lagons et sur les pentes externes récifales, sur substrats durs ou fonds sablo-vaseux. On la trouve aussi dans les herbiers, et elle est capable de coloniser tous les biotopes. La majorité des individus est trouvée entre 0 et 5 mètres.
Holothurie de taille moyenne à grande (au maximum 30 cm de longueur et 10 cm de largeur) au corps fusiforme à section approximativement semi-circulaire. Le tégument est lisse et peu épais (de 2 à 8 mm).
La couleur est uniformément noire et peut présenter des reflets brun-rouge. Le tégument peut être nu, mais les individus sont le plus souvent couverts de sable, à l'exception de deux séries de lacunes circulaires laissant apparaître la couleur de l'animal. Ces lacunes peuvent aussi se rejoindre jusqu'à former deux bandes longitudinales.
Le bivium* (face dorsale) porte des podia* courts répartis sans ordre et des papilles coniques de petite taille. Le trivium* (face ventrale) est couvert de nombreux podia épais et courts dispersés sur les radius et les interradius, qui s'achèvent par un disque podial blanc. La bouche est ventrale, elle est entourée de 20 courts tentacules brun-rouge foncé. L'anus est terminal. Il n'y a pas de tubes de Cuvier.
Actinopyga miliaris : cette espèce est plus massive, le bivium est plus élevé, les papilles sont plus nombreuses et plus hautes, et elle possède 5 dents anales ocre très visibles contrastant avec le tégument noir.
Holothuria leucospilota : elle est de plus grande taille, les tentacules sont plus longs, l'organe de Cuvier est présent. Elle se couvre aussi parfois de particules de sable, mais la couverture d' H. atra est composée de sable plus grossier.
Holothuria atra produit une substance toxique rougeâtre lorsque l'on frotte son tégument, alors que H. leucospilota n'a pas cette capacité. De plus H. atra vit à découvert sur fonds sableux et herbiers, alors que H. leucospilota est souvent partiellement cachée sous des blocs coralliens.
C'est une espèce détritivore qui prélève les particules organiques végétales et animales (et les bactéries) contenues dans le sable qu'elle ingère, puis restitue en une série de petits tronçons cylindriques de sable compacté. Elle semble se nourrir préférentiellement d'éléments végétaux. Les holothuries peuvent traiter d'énormes quantités de sable (les estimations faites sur une population d'Isostichopus badionotus répartie sur 4,4 km² vont de 500 à 1 000 tonnes de sable par an) : elles participent ainsi de façon notable, tant par élimination de débris organiques que par remaniement continuel du substrat, à l'équilibre des écosystèmes côtiers.
La reproduction peut être sexuée : mâles et femelles se dressent alors le plus haut possible pour diffuser largement les gamètes* qu'ils émettent dans la colonne d'eau. L'observation peut en être faite le soir et le plus souvent de nuit. Les stades larvaires se déroulent en pleine eau. Le troisième des stades larvaires (blastula, puis auricularia, puis doliolaria) est atteint en 20 jours en conditions expérimentales. A la fin de ce stade le juvénile rejoint définitivement le substrat et évolue vers l'âge adulte.
La reproduction peut aussi être asexuée et se produire par scissiparité*. Les individus en cours de scission cessent de se nourrir et se cachent pour se protéger. Le processus de scission commence par une contraction de l'animal, puis deux parties du corps pivotent en sens inverse et s'éloignent ensuite l'une de l'autre jusqu'à provoquer la déchirure du tégument au point de constriction. Le point de scission naturel se situe chez Holothuria atra à 45% de la longueur du corps en partant de la tête, mais ce point peut être expérimentalement déplacé (le corps de l'animal est fermement comprimé par un morceau de chambre à air, ce qui provoque le comportement de scission) jusqu'à produire des individus médians (sans tête ni anus), qui se régénèrent aussi. La blessure se referme en deux jours et la régénération dure de deux à trois mois après scission expérimentalement induite. Les parties du corps en régénération sont reconnaissables à une protrusion du tégument au-delà de la zone cicatricielle.
De 15 à 20% d'une population d'Holothuria atra proviennent d'un processus de scission, essentiel au maintien de l'espèce dans la mesure où il compense la mortalité et les migrations, et où il est plus sûr : ni la prédation sur les larves, ni la nécessité d'un partenaire, ni les aléas de la rencontre des gamètes n'interviennent. Ce mode de reproduction peut avoir lieu toute l'année, mais il est le plus fréquent en saison fraîche, c'est-à-dire en dehors des périodes de reproduction sexuée.
Holothuria atra peut être parasitée par Encheliophis vermicularis, bien qu'elle ne semble pas être sa victime élective. Ce poisson anguilliforme vit en couple dans les intestins de diverses holothuries et peut atteindre 15 cm. Il se nourrit des tissus de son hôte.
On trouve parfois le polychète Gastrolepidia clavigera se déplaçant rapidement sur son dos. En fait il se nourrit du tégument de son hôte (on retrouve les spicules de l'holothurie dans son estomac) et il s'agit certainement plus d'un parasite que d'un commensal.
Cette espèce est l'une des plus communes de l'Indo-Pacifique tropical. Dans les dépressions d'arrière-récif se forment souvent des agrégations très denses, qui peuvent aller jusqu'à plus de 7 000 individus à l'hectare. C'est dans ces conditions que le plus fort taux de scission est atteint.
Selon certaines sources, c'est la même espèce qu'on retrouverait à plus grande profondeur avec des caractéristiques différentes : les individus sont plus grands (jusqu'à 60 cm), portent de petites verrues et ne sont jamais couverts de sable.
Holothuria atra ne possède pas d'organe de Cuvier, mais elle peut s'éviscérer dans les cas extrêmes, et elle sécrète un exsudat* rouge toxique quand on frotte énergiquement son tégument.
Les spicules sont en rosettes et tables pour le tégument, en pseudo-plaques et rosettes pour les podia et les papilles, et en bâtonnets pour les tentacules.
Une étude menée sur Holothuria forskali a montré que cette espèce, comme ses cousins Echinodermes les oursins et les étoiles de mer, possède sur chaque disque podial un système cellulaire complexe permettant l'adhérence au substrat et donc la locomotion. L'épiderme du disque podial est composé de 5 types de cellules. Deux d'entre eux produisent un mucus différent qui, par mélange, devient collant et permet l'adhésion. Un troisième type cellulaire, composé de cellules ciliées dites sécrétrices, permet selon toute vraisemblance de dissoudre la couche superficielle de « colle » fabriquée à la surface du disque et de provoquer le détachement. Les deux derniers types de cellules sont composés de cellules ciliées non-sécrétrices et de cellules de soutien. La stimulation des deux types de cellules ciliées coordonnerait les sécrétions d'adhésion et de détachement, et permettrait ainsi le déplacement. Il est probable que cette organisation du disque podial se retrouve de manière plus ou moins bien conservée chez toutes les espèces d'holothuries, fonction de la modification des podias selon les espèces. La détermination de la nature des sécrétions produites par ces classes d'Echinodermes pourrait à terme déboucher sur la fabrication de colles biomimétiques efficaces en milieu humide ainsi que d'antifouling pour l'entretien des bateaux.
Cette espèce fait partie des espèces commerciales, mais elle reste cantonnée à un cadre de pêche traditionnelle. C'est une des espèces les moins chères sur le marché de la bêche-de-mer (holothurie traitée pour la rendre propre à la consommation humaine). Néanmoins, du fait de la croissance continue de la demande mondiale, l'augmentation de la pression de pêche concerne désormais toutes les espèces commerciales.
Les holothuries en général sont connues depuis très longtemps en Asie pour leurs propriétés médicinales. Du point de vue médical moderne les comprimés ou gélules produits à partir de certaines holothuries sont considérés comme un supplément alimentaire particulièrement riche en protéines. Ils sont aussi capables de diminuer les douleurs articulaires. Certains composants extraits de leur organisme sont encore connus pour ralentir la progression des infections virales (le sulfate de chondroïtine notamment est utilisé par les Japonais dans le cadre d'une thérapie anti-VIH) et pour des propriétés anti-cancérigènes selon des études chinoises. D'autres sont reconnus pour leurs propriétés anti-fongiques, pour leur intérêt en immunologie et pour leur probable capacité à participer au traitement des maladies dégénératives.
Holothuria atra n'est pas mentionnée en annexe de la CITES (La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction). Néanmoins, de nombreux pays règlementent la pêche des holothuries en général par fixation de quotas, de saisons de pêche, de limitations des aires, de permis divers ou de tailles minimales.
Ce nom est une proposition du site DORIS. Il est justifié par les lacunes dans la couverture de sable.
Holothuria : le terme grec [holothourion] est le nom donné par Aristote à un animal que les ambiguïtés de sa description rendent impossible à déterminer. Le mot latin [holothuria] a désigné d'abord des cnidaires, puis a été appliqué aux échinodermes par Linné. Les éléments du mot grec, composé de [holo-] = entier, complet, dans toutes ses parties et [thuro-] = fougueux, impétueux, joints à la forme phallique de ces animaux, motivent l'interprétation fréquente qui propose « tout à fait impudique ».
atra : c'est le féminin du mot latin [ater], qui signifie noir, sombre, qui manque d'éclat. Il a pu être appliqué à l'encre des seiches ou à la peinture. Le mot renvoie à la couleur du tégument de l'animal.
NB : le nom scientifique complet de cette espèce est Holothuria (Halodeima) atra. Le sous-genre Halodeima a été créé par Pearson en 1914. Le descripteur ne donne pas les raisons de son choix pour le nom choisi pour le sous-genre. Le mot grec [halos] désigne le sel marin, et [deima] est probablement repris du genre Deima, fondé par Théel en 1879, ce mot grec signifiant « frayeur ». Le sens de l'association des deux mots reste obscur. Pour ce qui concerne la morphologie externe, il est caractérisé par un corps épais et cylindrique à trivium plat, des podias disposés en rangs serrés sur chaque radius, éventuellement dispersés et peu nombreux sur les interradius, et de petites papilles dispersée sans ordre sur le bivium.
Numéro d'entrée WoRMS : 148748
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Sous-embranchement | Echinozoa | Echinozoaires | Echinodermes non étoilés de forme globuleuse ou allongée. Ce groupe renferme les oursins et les concombres de mer. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Super ordre | Aspidochirotacea | Aspidochirotacés | |
Ordre | Holothuriida | Holothurides | (Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche. |
Famille | Holothuriidae | Holothuriidés | Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal. |
Genre | Holothuria (Halodeima) | ||
Espèce | atra |
Série de cercles noirs
Cet individu est couvert d’une couche de sable laissant apparaître deux séries de lacunes approximativement circulaires.
La Réunion, 1,5 m
16/04/2010
En famille...
Cette holothurie est rarement solitaire sur ce type de substrat.
Msamboro (Mayotte), 1 m
21/02/2010
Spécimen de Thaïlande
Photographié à 23 m, ce spécimen est remarquable en ceci que les lacunes circulaires dans sa couverture de sable fusionnent en deux bandes longitudinales.
Thaïlande, 23 m
06/04/2010
Tentacules
Les tentacules sont bruns et courts. Ils sont difficilement visibles en dehors d’une situation de ce type.
Lagon de l'Ermitage, la Réunion, 1,5 m
17/08/2010
Podia ventraux
Les podia ventraux sont bruns en situation normale, et transparents en pleine extension. Ils s’achèvent par un disque podial blanc gainé de brun.
Lagon de l'Ermitage, la Réunion, 1,5 m
17/08/2010
La bouche
La bouche est en position ventrale.
Lagon de l'Ermitage, la Réunion, 1,5 m
17/08/2010
Tentacules buccaux
On voit ici les tentacules explorant le sable.
Msamboro, Mayotte, 1 m
08/11/2009
Les fèces en l'air !
Les pelotes fécales sont éjectées comme un noyau de cerise et retombent sur le sable à petite distance de l'animal.
Lagon de l'Ermitage, la Réunion, 1,5 m
11/08/2010
Scission en cours
Cet individu est en train de se scinder, le point de scission étant inhabituellement situé très en arrière du corps.
Après une contraction générale du corps les deux parties pivotent chacune dans un sens opposé, puis s’éloignent l’une de l’autre pour déchirer le tégument au point de scission.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
28/08/2010
Régénération
Cet individu est le résultat d’une scission. C’est une partie postérieure qui régénère la partie antérieure, le processus commençant par une protrusion du tégument, bien visible ici, au-delà de la cicatrice.
Lagon de l'Ermitage, la Réunion, 1,5 m
11/08/2010
Bout d'individu scindé
Cet individu est le résultat d’une scission. La cicatrisation des « parties postérieures » donne souvent à ces individus une forme de cœur.
Lagon de l'Ermitage, la Réunion, 1,5 m
17/08/2010
Emission de gamètes
Vue du dessus : un mâle en train d'émettre des gamètes* par le pore génital situé sur la partie antérieure du corps.
Sakouli, Mayotte, 1 m
07/02/2010
Juvénile
Ce juvénile de 8 cm est issu de la reproduction sexuée, sa morphologie est semblable à celle d'un adulte.
Lagon de l'Ermitage, la Réunion, 1,5 m
17/08/2010
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Correcteur : Yves SAMYN
Responsable régional : Anne PROUZET
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