Grande flustre

Flustra foliacea | (Linnaeus, 1758)

N° 1371

Atlantique Nord-Est, Atlantique Nord-Ouest

Clé d'identification

Colonies dressées, semi-rigides et foliacées, ou en longues lanières
Lames larges, épaisses, opaques et lobées
Extrémités arrondies
Rugueuse au toucher car zoïdes épineux
Zoïdes sur les deux faces
Odeur de citron des colonies fraîches

Noms

Autres noms communs français

Flustre, flustre feuillue

Noms communs internationaux

Greater hornwrack (GB), Leafy bryozoan, hornwrack (GB Amérique Nord-Ouest), Briozoo fogliato (I), Briozoo foliàceo grande,rosa de coral grande (E), Grosses Blätter-Moostierchen (D), Groot bladachtig hoornwier (NL), Stor bladlignende mosdyr (Norvégien)

Synonymes du nom scientifique actuel

Eschara foliacea Linnaeus, 1758

Distribution géographique

Atlantique Nord-Est, Atlantique Nord-Ouest

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Atlantique Nord-Ouest

Atlantique Nord-Est, depuis la mer du Nord et l’ouest de la mer Baltique jusqu’au Portugal. On la trouve tout autour des îles Britanniques, où elle est commune.
En Bretagne, le faciès à Flustra foliacea et Polycarpa spp. opère des remontées sur des fonds d'une dizaine de mètres, localisées dans le golfe de Saint-Malo et au pied de la côte de Granit rose et des Sept-Iles.
C'est en Manche, en Normandie et plus au nord, sur des fonds de 20 à 30 m que cette espèce est la plus commune au large des côtes françaises.
Dans le golfe de Gascogne, elle est rarement observée en plongée car elle vit dans des zones profondes du plateau continental.
On la trouve également dans l'Atlantique Nord-Ouest, de l'Arctique à la Nouvelle-Ecosse et au sud-ouest de l'île de Terre-Neuve.
Elle est absente de Méditerranée.

Biotope

La flustre vit en colonies denses sur des fonds plus ou moins plats de cailloutis en zone sédimentaire, balayés par les courants. Les colonies sont fixées sur des pierres, des petits cailloux ou des débris coquilliers par une base encroûtante. Elles peuvent former de véritables « prairies » sous-marines.
Elle ne vit jamais dans la zone intertidale* mais au-delà, rarement à partir de 10 m, le plus souvent au-delà de 25 m et jusqu’à 100 m. Elle se développe dans des eaux chargées, sombres et à une profondeur où la concurrence avec les algues est moindre.
Flustra foliacea, associée à plusieurs espèces d’ascidies du genre Polycarpa, forme un faciès particulier habituellement localisé sur les cailloutis profonds à Sabellaria spinulosa du centre de la Manche.

Description

La flustre est un bryozoaire marin formant des colonies de plusieurs centimètres de hauteur. Les plus grandes frondes peuvent atteindre 20 cm de longueur. Ces lames sont épaisses et opaques, plates, semi-rigides, et plutôt rugueuses au toucher. Chaque lobe mesure de 1 à 2 cm de large. Ces colonies dressées, foliacées*, rappellent certaines algues.
Elles se présentent sous deux formes principales : les plus jeunes sous l’aspect d’un éventail plus ou moins ramifié en lobes étroits ; les plus âgées découpées en larges lanières, amincies à leur base, et à l'extrémité tronquée, légèrement arrondie.
Ces lames portent plusieurs milliers de zoïdes* sur les deux faces. Lorsque les lophophores* sont déployés, la colonie a un aspect duveteux.
Les colonies de grandes flustres peuvent avoir différentes teintes allant du gris-beige au brun-jaunâtre en passant par une teinte plus verdâtre.
A l'état frais, les colonies vivantes sentent le citron.

Espèces ressemblantes

Chartella papyracea (Ellis et Solander, 1786) forme des colonies plus petites, moins hautes, aux lames plus étroites, plus découpées, moins épaisses et plus transparentes. On la rencontre à partir de la zone intertidale (estran) sur des substrats rocheux modérément exposés. Egalement absente de Méditerranée.

Securiflustra securifrons (Pallas, 1766) forme des colonies plus petites, moins hautes aux lames étroites, tronquées et portant des ramifications latérales courtes en forme de coin. Rencontrée à partir des eaux peu profondes sans trop de lumière. Cette espèce boréale arctique n’est pas commune sur le littoral français ; bien que décrite comme présente en France, elle n’y est quasiment jamais observée.

En Méditerranée, les deux espèces endémiques de Flustridés sont parfois confondues avec la grande flustre Flusta foliacea dans la littérature :

Chartella tenella (Hincks, 1887) forme des colonies claires aux lames étroites et bilamellaires (deux couches de zoïdes dos à dos). On la rencontre sur des substrats rocheux verticaux ou en surplomb. Principalement présente en Méditerranée occidentale.
Chartella papyrea (Pallas, 1766), également endémique de Méditerranée, forme de petites touffes jaunes souples aux lames courtes, larges et aux extrémités arrondies. Ces lames très fines à l'aspect parcheminé sont constituées d'une seule couche de zoïdes.

Alimentation

Comme les autres bryozoaires, la flustre filtre activement l’eau de mer afin d’y puiser les particules nutritives, et l’oxygène dont elle a besoin pour vivre.
Seuls les autozoïdes* disposent d’un système digestif complet. Ils possèdent une couronne de tentacules ciliés, le lophophore*, qui crée un courant d’eau dirigé vers la bouche.
Ces tentacules ciliés, recouverts de mucus, piègent les particules nutritives, micro-organismes planctoniques et particules organiques, qui sont ensuite amenées jusqu’à la bouche.
Les polypides* n'ont pas de système excréteur spécialisé. La majeure partie des déchets s'accumule dans la paroi du tube digestif, provoque la dégénérescence, puis la mort du polypide, qui devient un "corps brun"*. Ultérieurement, un nouveau polypide se forme par bourgeonnement et expulse ou digère le corps brun.

Reproduction - Multiplication

Chez les bryozoaires, les deux types de reproduction, sexuée et asexuée, concourent au développement.
Au sein d'une même colonie, des zoïdes mâles et femelles existent, mais on connaît aussi des zoïdes hermaphrodites*.
La fécondation (reproduction sexuée) conduit à la formation d'œufs incubés dans les ovicelles*. Les œufs et les larves, de couleur rose-orangé forment des petites bandes parfois visibles. Ils donnent ensuite des larves libres nageuses, assurant la dissémination spatiale de l'espèce. Puis, ces larves se fixent sur un substrat dur et libre, cailloutis et débris coquilliers, et se transforment en zoïdes primaires isolés appelés ancestrules*.
Chaque ancestrule forme une nouvelle colonie (reproduction asexuée) par bourgeonnement*, qui assure la croissance de la colonie. Cela s'accompagne d'une spécialisation de certains individus au sein de la colonie : on parle de polymorphisme des zoïdes.

Vie associée

Les colonies compactes et buissonnantes abritent une micro-faune importante, notamment d'autres bryozoaires et des petits hydraires dont les polypes peuvent être confondus avec les lophophores.

Divers biologie

Une observation au microscope, souvent indispensable pour identifier ce bryozoaire, permet de distinguer la structure des zoïdes, d'une taille inférieure au millimètre, de forme ovale, peu calcifiés avec une surface frontale entièrement membraneuse.
On note la présence de zoïdes polymorphes :
Les autozoïdes*, les seuls à posséder un système digestif complet, portent 4 ou 5 épines larges et courtes qui bordent l’extrémité distale.
Les aviculaires* munis de mandibules semi-circulaires, assurent la défense de la colonie. Un peu plus petits que les autozoïdes, ils s'intercalent sporadiquement entre eux.
Les ovicelles*, peu visibles, sphériques, placés au dessus de l'ouverture zoéciale* servent à l'incubation des œufs. Ils sont plus visibles quand ils contiennent les larves rose-orangé.

La grande flustre vit jusqu'à une quinzaine d'années dans des conditions favorables : les frondes atteignent alors 20 cm de long. Cette espèce a une croissance de l'ordre de 13 mm par an, qui s'arrête en hiver. Cela forme une ligne de croissance visible sur la fronde. Ainsi une colonie dont les frondes ont 12 cm de long aurait 9 ans.

Elle a pour prédateurs certains nudibranches comme Janolus cristatus, Polycera quadrilineata et Crimora papillata, et l'oursin Psammechinus miliaris.

Informations complémentaires

On trouve des colonies de flustres échouées dans les laisses de mer. En particulier, il est fréquent de trouver de grands spécimens sur les plages d'Europe du Nord.

Les chercheurs ont extrait et isolé des bromo-alcaloïdes de flustres de la mer du Nord. Etudiées en laboratoire, ces molécules montrent une affinité avec le récepteur nicotinique neuronal de l'acétylcholine.

L'identification précise des différentes espèces de bryozoaires Flustridés est difficile à l'œil nu ou sur photo. Plusieurs ouvrages (Moen & Svensen 2004, Simeonidis 1997, Weinberg Atlantique 2004 et 2010) présentent des photos de Chartella papyracea pour illustrer des descriptions de Flustra foliacea, entretenant la confusion entre ces deux espèces.

Le Weinberg Méditerranée 2007 présente une photo de Chartella sp., endémique de Méditerranée, sous le nom de Flustra foliacea.

Origine des noms

Origine du nom français

Flustre : simple traduction du nom de genre scientifique Flustra.

Origine du nom scientifique

Flustra, selon Rémy Perrier, vient du saxon [flustrian] = tresser, ce qui correspond à l'aspect tissé de Flustra foliacea,
foliacea,
en latin : qui a la forme d'une feuille.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 111367

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Bryozoa / Ectoprocta Bryozoaires / Ectoproctes Petits animaux coloniaux filtreurs aquatiques fixés à un substrat. Tous les zoïdes sont en continuité physique et issus de bourgeonnement à partir d’un individu unique. Chaque zoïde porte un lophophore rétractile et est abrité dans une logette.
Classe Gymnolaemata Gymnolèmes Colonies polymorphes. Les zoïdes sont cylindriques ou aplatis, les lophophores circulaires. Les parois peuvent être calcifiées ou non. Presque tous marins.
Ordre Cheilostomatida Cheilostomes Bryozoaires calcifiés, zoïdes* en forme de boîte obturée par un opercule à charnière. Gymnolèmes les plus nombreux et les plus diversifiés des régions littorales, souples à rigides. Groupe au polymorphisme marqué où l’on trouve des individus différenciés (aviculaires, vibraculaires, ovicelles globuleux…).
Sous-ordre Flustrina Flustrine
Famille Flustridae Flustridés Colonie encroûtante ou le plus souvent érigée, foliacée, uni ou bilamellaire et flexible, fixée au substrat par une base encroûtante. Zoïdes peu calcifiés au contour rectangulaire. Avec ou sans épines, parfois nombreuses et recouvrant la membrane frontale. Ovicelle réduite.
Genre Flustra
Espèce foliacea

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