Colonies dressées, semi-rigides et foliacées, ou en longues lanières
Lames larges, épaisses, opaques et lobées
Extrémités arrondies
Rugueuse au toucher car zoïdes épineux
Zoïdes sur les deux faces
Odeur de citron des colonies fraîches
Flustre, flustre feuillue
Greater hornwrack (GB), Leafy bryozoan, hornwrack (GB Amérique Nord-Ouest), Briozoo fogliato (I), Briozoo foliàceo grande,rosa de coral grande (E), Grosses Blätter-Moostierchen (D), Groot bladachtig hoornwier (NL), Stor bladlignende mosdyr (Norvégien)
Eschara foliacea Linnaeus, 1758
Atlantique Nord-Est, Atlantique Nord-Ouest
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Atlantique Nord-OuestAtlantique Nord-Est, depuis la mer du Nord et l’ouest de la mer Baltique jusqu’au Portugal. On la trouve tout autour des îles Britanniques, où elle est commune.
En Bretagne, le faciès à Flustra foliacea et Polycarpa spp. opère des remontées sur des fonds d'une dizaine de mètres, localisées dans le golfe de Saint-Malo et au pied de la côte de Granit rose et des Sept-Iles.
C'est en Manche, en Normandie et plus au nord, sur des fonds de 20 à 30 m que cette espèce est la plus commune au large des côtes françaises.
Dans le golfe de Gascogne, elle est rarement observée en plongée car elle vit dans des zones profondes du plateau continental.
On la trouve également dans l'Atlantique Nord-Ouest, de l'Arctique à la Nouvelle-Ecosse et au sud-ouest de l'île de Terre-Neuve.
Elle est absente de Méditerranée.
La flustre vit en colonies denses sur des fonds plus ou moins plats de cailloutis en zone sédimentaire, balayés par les courants. Les colonies sont fixées sur des pierres, des petits cailloux ou des débris coquilliers par une base encroûtante. Elles peuvent former de véritables « prairies » sous-marines.
Elle ne vit jamais dans la zone intertidale* mais au-delà, rarement à partir de 10 m, le plus souvent au-delà de 25 m et jusqu’à 100 m. Elle se développe dans des eaux chargées, sombres et à une profondeur où la concurrence avec les algues est moindre.
Flustra foliacea, associée à plusieurs espèces d’ascidies du genre Polycarpa, forme un faciès particulier habituellement localisé sur les cailloutis profonds à Sabellaria spinulosa du centre de la Manche.
La flustre est un bryozoaire marin formant des colonies de plusieurs centimètres de hauteur. Les plus grandes frondes peuvent atteindre 20 cm de longueur. Ces lames sont épaisses et opaques, plates, semi-rigides, et plutôt rugueuses au toucher. Chaque lobe mesure de 1 à 2 cm de large. Ces colonies dressées, foliacées*, rappellent certaines algues.
Elles se présentent sous deux formes principales : les plus jeunes sous l’aspect d’un éventail plus ou moins ramifié en lobes étroits ; les plus âgées découpées en larges lanières, amincies à leur base, et à l'extrémité tronquée, légèrement arrondie.
Ces lames portent plusieurs milliers de zoïdes* sur les deux faces. Lorsque les lophophores* sont déployés, la colonie a un aspect duveteux.
Les colonies de grandes flustres peuvent avoir différentes teintes allant du gris-beige au brun-jaunâtre en passant par une teinte plus verdâtre.
A l'état frais, les colonies vivantes sentent le citron.
Chartella papyracea (Ellis et Solander, 1786) forme des colonies plus petites, moins hautes, aux lames plus étroites, plus découpées, moins épaisses et plus transparentes. On la rencontre à partir de la zone intertidale (estran) sur des substrats rocheux modérément exposés. Egalement absente de Méditerranée.
Securiflustra securifrons (Pallas, 1766) forme des colonies plus petites, moins hautes aux lames étroites, tronquées et portant des ramifications latérales courtes en forme de coin. Rencontrée à partir des eaux peu profondes sans trop de lumière. Cette espèce boréale arctique n’est pas commune sur le littoral français ; bien que décrite comme présente en France, elle n’y est quasiment jamais observée.
En Méditerranée, les deux espèces endémiques de Flustridés sont parfois confondues avec la grande flustre Flusta foliacea dans la littérature :
Chartella tenella (Hincks, 1887) forme des colonies claires aux lames étroites et bilamellaires (deux couches de zoïdes dos à dos). On la rencontre sur des substrats rocheux verticaux ou en surplomb. Principalement présente en Méditerranée occidentale.
Chartella papyrea (Pallas, 1766), également endémique de Méditerranée, forme de petites touffes jaunes souples aux lames courtes, larges et aux extrémités arrondies. Ces lames très fines à l'aspect parcheminé sont constituées d'une seule couche de zoïdes.
Comme les autres bryozoaires, la flustre filtre activement l’eau de mer afin d’y puiser les particules nutritives, et l’oxygène dont elle a besoin pour vivre.
Seuls les autozoïdes* disposent d’un système digestif complet. Ils possèdent une couronne de tentacules ciliés, le lophophore*, qui crée un courant d’eau dirigé vers la bouche.
Ces tentacules ciliés, recouverts de mucus, piègent les particules nutritives, micro-organismes planctoniques et particules organiques, qui sont ensuite amenées jusqu’à la bouche.
Les polypides* n'ont pas de système excréteur spécialisé. La majeure partie des déchets s'accumule dans la paroi du tube digestif, provoque la dégénérescence, puis la mort du polypide, qui devient un "corps brun"*. Ultérieurement, un nouveau polypide se forme par bourgeonnement et expulse ou digère le corps brun.
Chez les bryozoaires, les deux types de reproduction, sexuée et asexuée, concourent au développement.
Au sein d'une même colonie, des zoïdes mâles et femelles existent, mais on connaît aussi des zoïdes hermaphrodites*.
La fécondation (reproduction sexuée) conduit à la formation d'œufs incubés dans les ovicelles*. Les œufs et les larves, de couleur rose-orangé forment des petites bandes parfois visibles. Ils donnent ensuite des larves libres nageuses, assurant la dissémination spatiale de l'espèce. Puis, ces larves se fixent sur un substrat dur et libre, cailloutis et débris coquilliers, et se transforment en zoïdes primaires isolés appelés ancestrules*.
Chaque ancestrule forme une nouvelle colonie (reproduction asexuée) par bourgeonnement*, qui assure la croissance de la colonie. Cela s'accompagne d'une spécialisation de certains individus au sein de la colonie : on parle de polymorphisme des zoïdes.
Les colonies compactes et buissonnantes abritent une micro-faune importante, notamment d'autres bryozoaires et des petits hydraires dont les polypes peuvent être confondus avec les lophophores.
Une observation au microscope, souvent indispensable pour identifier ce bryozoaire, permet de distinguer la structure des zoïdes, d'une taille inférieure au millimètre, de forme ovale, peu calcifiés avec une surface frontale entièrement membraneuse.
On note la présence de zoïdes polymorphes :
Les autozoïdes*, les seuls à posséder un système digestif complet, portent 4 ou 5 épines larges et courtes qui bordent l’extrémité distale.
Les aviculaires* munis de mandibules semi-circulaires, assurent la défense de la colonie. Un peu plus petits que les autozoïdes, ils s'intercalent sporadiquement entre eux.
Les ovicelles*, peu visibles, sphériques, placés au dessus de l'ouverture zoéciale* servent à l'incubation des œufs. Ils sont plus visibles quand ils contiennent les larves rose-orangé.
La grande flustre vit jusqu'à une quinzaine d'années dans des conditions favorables : les frondes atteignent alors 20 cm de long. Cette espèce a une croissance de l'ordre de 13 mm par an, qui s'arrête en hiver. Cela forme une ligne de croissance visible sur la fronde. Ainsi une colonie dont les frondes ont 12 cm de long aurait 9 ans.
Elle a pour prédateurs certains nudibranches comme Janolus cristatus, Polycera quadrilineata et Crimora papillata, et l'oursin Psammechinus miliaris.
On trouve des colonies de flustres échouées dans les laisses de mer. En particulier, il est fréquent de trouver de grands spécimens sur les plages d'Europe du Nord.
Les chercheurs ont extrait et isolé des bromo-alcaloïdes de flustres de la mer du Nord. Etudiées en laboratoire, ces molécules montrent une affinité avec le récepteur nicotinique neuronal de l'acétylcholine.
L'identification précise des différentes espèces de bryozoaires Flustridés est difficile à l'œil nu ou sur photo. Plusieurs ouvrages (Moen & Svensen 2004, Simeonidis 1997, Weinberg Atlantique 2004 et 2010) présentent des photos de Chartella papyracea pour illustrer des descriptions de Flustra foliacea, entretenant la confusion entre ces deux espèces.
Le Weinberg Méditerranée 2007 présente une photo de Chartella sp., endémique de Méditerranée, sous le nom de Flustra foliacea.
Flustre : simple traduction du nom de genre scientifique Flustra.
Flustra, selon Rémy Perrier, vient du saxon [flustrian] = tresser, ce qui correspond à l'aspect tissé de Flustra foliacea,
foliacea, en latin : qui a la forme d'une feuille.
Numéro d'entrée WoRMS : 111367
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Bryozoa / Ectoprocta | Bryozoaires / Ectoproctes | Petits animaux coloniaux filtreurs aquatiques fixés à un substrat. Tous les zoïdes sont en continuité physique et issus de bourgeonnement à partir d’un individu unique. Chaque zoïde porte un lophophore rétractile et est abrité dans une logette. |
Classe | Gymnolaemata | Gymnolèmes | Colonies polymorphes. Les zoïdes sont cylindriques ou aplatis, les lophophores circulaires. Les parois peuvent être calcifiées ou non. Presque tous marins. |
Ordre | Cheilostomatida | Cheilostomes | Bryozoaires calcifiés, zoïdes* en forme de boîte obturée par un opercule à charnière. Gymnolèmes les plus nombreux et les plus diversifiés des régions littorales, souples à rigides. Groupe au polymorphisme marqué où l’on trouve des individus différenciés (aviculaires, vibraculaires, ovicelles globuleux…). |
Sous-ordre | Flustrina | Flustrine | |
Famille | Flustridae | Flustridés | Colonie encroûtante ou le plus souvent érigée, foliacée, uni ou bilamellaire et flexible, fixée au substrat par une base encroûtante. Zoïdes peu calcifiés au contour rectangulaire. Avec ou sans épines, parfois nombreuses et recouvrant la membrane frontale. Ovicelle réduite. |
Genre | Flustra | ||
Espèce | foliacea |
Colonies aux éventails caractéristiques
La flustre forme des colonies dressées, en forme de feuilles, rappelant certaines algues. Elles forment des éventails caractéristiques, à la fois rigides et flexibles.
Plateau des Ridens, Boulogne-sur-Mer (62), 20 m
10/2007
D'autres éventails
Les colonies ont l'aspect d'éventails ramifiés, découpés en lames larges et lobées.
Plateau des Ridens, Boulogne-sur-Mer (62), 20 m
20/10/2007
Dentelles bretonnes
Colonies de Saint-Malo où est principalement observée cette espèce en Bretagne Nord.
La Basse Chrétienne, St Malo (35), 16 m
14/05/2006
Lames larges et lobées
Les colonies sont faites de lames plates et larges, épaisses mais souples, lobées et aux extrémités tronquées et arrondies.
Les lames portent des zoïdes sur les deux faces.
L'aspect grillagé de ces lames est dû aux logettes chitineuses peu calcifiées dans lesquelles vivent les polypides ou animaux.
La colonie est constituée par la juxtaposition de ces zoïdes.
La Basse Chrétienne, St Malo (35), 16 m
14/05/2006
En Manche, sur un fond rocheux grossier
Cette grande espèce de flustre vit souvent, comme ici, en bancs denses sur des fonds rocheux grossiers et où les courants sont importants.
Flustra foliacea, associée à plusieurs espèces d’ascidies du genre Polycarpa (visibles en haut de la photo, de couleur orange), forme un faciès particulier habituellement localisé sur les cailloutis profonds à Sabellaria spinulosa du centre de la Manche.
Tourlaville (50), 27 m
02/07/2005
Lophophores déployés et forme en lanière
Les lophophores déployés, à droite sur la photo, donnent un aspect duveteux à la colonie.
Ces couronnes de tentacules ciliés servent à créer un courant d'eau en direction de la bouche, apportant ainsi les particules nutritives et l'oxygène dont ont besoin les animaux.
Noter que les parties âgées des colonies ne montrent pas de dégénérescence chez Flustra foliacea.
La Basse du Happetout, Ile Pelée, Cherbourg (50), 18 m
07/05/2005
Espèce profonde et commune en Manche
La ressemblance avec une rose de mer (Pentapora fascialis) peut être ici source de confusion, mais la couleur très pâle, le fait qu'elle semble fixée à même le sable (il y a sans doute un petit fragment solide sous le sable à cet endroit) et la flexibilité des lames indiquent qu'il s'agit bien de Flustra foliacea.
Taille environ 15 cm de large pour 5 cm de haut.
Notez à l'avant-plan à gauche une petite éponge Sycon (probablement Sycon ciliatum).
Epave du Lawford, Courseulles-sur-mer (14), 24 m
21/05/2009
Larves rose-orangé pâle et discrètes
Les larves de couleur rose-orangé pâle, incubées dans les ovicelles, forment de petites bandes parfois visibles comme ici.
Plateau des Ridens, Boulogne-sur-Mer (62), 20 m
20/10/2007
Proie et prédateur
Le nudibranche Crimora papillata, carnivore, mange certaines colonies de bryozoaires comme Flustra foliacea. Il y dépose aussi sa ponte, visible en haut à gauche de la photo.
Saint-Cast le Guildo (22), 15 m
13/05/2010
Microfaune associée
Les larges lames des colonies de flustres offrent un support pour divers organismes.
Sur cette photo, ce sont des hydraires qui profitent de ce support.
Ouistreham (14), 20m
16/09/2007
Spécimen desséché
Grande colonie photographiée pour la postérité.
On ne la rencontre pas en plongée dans la zone du golfe de Gascogne, en particulier dans le bassin d'Arcachon ni dans l'océan limitrophe ; cependant, Flustra foliacea est régulièrement trouvée en laisse de mer sur la côte : ici, sa zone de vie est profonde.
Ile d'Oléron (17), Estran
30/03/2009
Echouage
Belle colonie de flustre échouée sur une plage bretonne.
On trouve fréquemment sur les plages d'Europe du nord de grands spécimens échoués dans les laisses de mer.
Saint-Jacut-de-la-Mer, Bretagne (22), estran
17/04/2010
Flustre en épave sur des galets
La ressemblance avec une algue est grande pour ces flustres en épave sur le littoral de la Manche.
St Aubin (76), laisse de mer
13/12/2009
Autozoïdes épineux
Au sein de la colonie, les autozoïdes, qui sont les seuls zoïdes à posséder un système digestif et un lophophore, portent 4 ou 5 épines, larges et courtes, sur la bordure distale de leur logette.
On peut deviner, au centre de l’arrondi, l’opercule qui ferme la logette lorsque l’animal est rétracté.
Prise de vue en laboratoire, Dieppe (76)
01/2011
Détail : Parois frontales membraneuses
Les zoïdes, d'une taille inférieure au millimètre, de forme ovale et peu calcifiés montrent une surface frontale entièrement membraneuse.
Photo prise sur une colonie ancienne, séchée et ramassée en laisse de mer.
Prise de vue en laboratoire, Dieppe (76)
01/2011
Forme typique en lanière et anatomie des zoïdes
a : Ce dessin ancien illustre la forme typique en longues lanières larges et épaisses de la grande flustre.
b : les zoïdes sont agencés en quinconces et forment des lignes parallèles, ils sont munis de 4 à 5 fortes épines à leur extrémités distales. L'ouverture fermée par un opercule et par où sort le lophophore est semi-circulaire.
Brehm, Alfred Edmund; Pechuel-Loesche, Eduard - Brehms Tierleben. Allgemeine Kunde des Tierreichs. Niedere Tiere. (1893) -
(Brehm A. E.)
Reproduction de documents anciens
1893
Rédacteur principal : Anne FAYOUX
Vérificateur : Michel BARRABES
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable historique : Michel BARRABES
Responsable régional : Laurent FEY
Brunel P., 1998, Catalogue des invertébrés marins de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent, Conseil national de recherche du Canada, 407p.
Peters L., König G.M., Terlau H., Wright A.D., 2002, Four new bromotryptamine derivatives from the marine bryozoan Flustra foliacea, Journal of natural products,65, 1633-1637.
La page de Flustra foliacea dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN