Nudibranche de couleur rose à bleu pâle
Manteau recouvert de 3 bandes jaunâtres continues
Rhinophores pourpres, lamellés et rétractiles
Branchies en couronne pourpre, rétractiles
Taille comprise entre 5 et 30 mm
Krohn's doris (GB), Doride de Krohn, cromodoride di Krohn (I), Doris de Krohn (E), Krohn-Doris (D), Doris van Krohn (NL)
Glossodoris krohni Vérany, 1846
Doris krohni Vérany, 1846 (est parfois trouvé D. krohnii Vérany, 1846)
Chromodoris trilineata Von Ihering, 1880
Chromodoris krohni (Verany, 1946)
Le nom de genre Felimida a remplacé chez certaines espèces celui de Chromodoris après une étude de Johnson et Gosliner en 2012 de typage des Chromodoris par l'ADN mitochondrial.
Tous les sites scientifiques de référence n'ont pas encore intégré cette modification récente (et peut-être transitoire). Le nom de genre Chromodoris est donc encore provisoirement utilisé pour les photos, dans l'attente d'une harmonisation des sites et d'une pérennisation du nom de genre.
Mer Méditerranée et Atlantique oriental
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]On trouve le doris de Krohn en mer Méditerranée et sur les côtes de l'Atlantique Est (des îles Britanniques jusqu'au Cap Vert).
Ce doris fréquente des profondeurs comprises entre 5 et 30 mètres et se rencontre notamment sur les éponges dont il se nourrit (Ircinia, Hymeniacidon...).
Le doris de Krohn est un nudibranche allongé de 5 à 30 mm de long (15 mm en moyenne).
Le manteau*, un peu translucide, est généralement mauve mais peut varier de rose pâle à bleu-violet. Selon la nuance exprimée, on peut observer une bande mauve pâle à bleu ciel, iridescente, près de la marge du manteau. Celle-ci est toujours bordée par un liseré jaune.
L'animal montre sur le dos trois lignes jaunâtres (entre jaune vif et blanc cassé) longitudinales : une ligne centrale et deux excentrées qui courent parallèlement depuis les rhinophores* jusqu'au bouquet branchial, les lignes latérales se rejoignant à l'arrière de cette zone. Ces lignes sont souvent interrompues. Sur une vue rapprochée, on peut remarquer que ces trois lignes, opaques, apparaissent généralement un peu en relief.
On peut parfois aussi observer sur ce manteau des petits points blancs ou jaunes. Il est intéressant de noter que selon la distribution géographique, ces motifs dorsaux peuvent varier de manière importante. Ainsi, sur certains individus africains, les lignes dorsales peuvent être totalement remplacées par une constellation de petits points jaunes.
A l'avant, sur la tête, les rhinophores* sont de couleur pourpre, toujours plus sombre que le manteau, et ils sont lamellés (12-20 lamelles). Le panache branchial est également pourpre et constitué par 6 à 8 feuillets branchiaux. Ils forment une couronne autour de l'anus. Les rhinophores et les branchies peuvent éventuellement être marqués de petits points blancs qui suivent lamelles et feuillets. Ces deux organes sont rétractiles en cas de dérangement de l'animal.
La partie caudale du pied est visible sur l'arrière de l'animal. Elle porte parfois une ligne blanche ou jaune mais ce n'est pas systématique.
Parmi les Chromodoridés, un certain nombre montre une couleur globale proche. On peut citer :
Felimida britoi (Ortea & Pérez, 1983) : le doris de Brito peut être de couleur très proche. Il montre bien 3 lignes jaunes à blanches sur le manteau mais celles-ci sont souvent anastomosées entre elles et forment des entrelacs, notamment concernant les lignes latérales. De plus, même lorsque les lignes sont plutôt blanches, le centre de la ligne médiane est jaune vif. Le bord du manteau possède une marge diffuse blanche avec du jaune en périphérie. Les rhinophores sont lignés de blanc sur l'arrière et les feuillets branchiaux sont structurés de violet sur un panache plutôt translucide.
Felimida purpurea (Risso in Guérin, 1831) : le doris rose est très similaire à F. krohni mais sans les lignes jaunes. Le manteau mauve translucide, margé de jaune, est uniforme.
Felimida luteorosea (Von Rapp, 1827) : le doris tacheté mauve a le manteau violet, souvent plus soutenu que F. krohni. Il présente en plus de gros pois jaunes et aucune ligne longitudinale.
Felimida luteopunctata (Gantès, 1962) : espèce rencontrée principalement sur les côtes sud de la Méditerranée occidentale et les côtes africaines atlantiques. Il ressemble à l'espèce précédente mais avec de très nombreux points jaunes, plus petits que chez F. luteorosea ainsi que des mouchetures blanches sur les rhinophores.
HYpselodoris picta (Schultz in Philippi, 1836) : une des nombreuses couleurs portées par le doris géant peut être également le mauve (il peut être beaucoup plus bleu, presque noir ou presque totalement jaune pâle !). On peut voir sur le dos et sur les flancs de cette grande espèce une multitude de petits traits, de petits points, de cercles de couleur jaune vif.
D'autres espèces atlantiques et/ou méditerranéennes appartenant au genre Hypselodoris et Felimare (rassemblées arbitrairement dans le groupe dit des "doris bleus") ont un manteau à fond bien plus bleu que violet et la marge jaune/orange du manteau souvent plus étroite. Les lignes dorsales sont également différentes, souvent blanches et parfois accompagnées de lignes bleues plus claires.
Il s'agit notamment de :
- Hypselodoris tricolor (une ligne centrale blanche, des traits latéraux clairs) ;
- Felimare gasconi (une large ligne médiane blanche accompagnée d'une ou deux lignes parallèles beaucoup plus fines et souvent interrompues, bordure du manteau orange franc passant au blanc sur la tête. Une ligne blanche sur les flancs se rejoignant sur la queue) ;
- Felimare malacitana et Felimare cantabrica (plus grands que notre espèce, une bordure jaune et une parallèle bleu vif à l'intérieur. Une fine ligne jaune centrale et une multitude de petits points jaunes autour) ;
- Felimare fontandraui (une ligne centrale blanche "déchirée" et des traits latéraux clairs) ;
- Felimare villafranca (de couleur indigo avec un réseau de fines lignes jaunes ou orange, blanches ou bleues sur tout le corps) ;
- Felimare orsinii (une seule ligne centrale blanche, très fine, bordure du manteau à l'identique).
Rhinophores et branchies, toujours bleus mais parfois soulignés de lignes selon les espèces, servent aussi à la discrimination. Notons qu'eu égard à la taille, c'est avec les juvéniles des "doris bleus" que la confusion est maximale.
Ces nudibranches sont des carnivores et ils se nourrissent de certaines éponges du genre Ircinia ou encore de Hymeniacidon sanguinea.
Comme tous les nudibranches, Felimida krohni est hermaphrodite et se reproduit par voie sexuée.
L'accouplement se fait toujours deux à deux dans un rapport proximal, les individus se présentant tête-bêche sur leur côté droit. En effet, les organes de reproduction, oviducte* et spermiducte*, débouchent conjointement en un "pénis" copulatoire situé derrière la partie céphalique, du côté droit du pied. Entrés en contact, les deux partenaires échangeront leurs spermatozoïdes respectifs puis se quitteront. La fécondation sera interne et chacun pourra ensuite pondre de son côté.
D'avril à septembre, les pontes forment des bandes gélatineuses de 10 mm environ en forme de spirale et de couleur variable (les œufs sont blancs). Quelques temps après naîtront de ces pontes de petites larves planctoniques qui subiront plusieurs modifications avant de se transformer en un animal juvénile.
Les nudibranches sont munis de divers organes des sens. Parmi ceux-ci, une paire de rhinophores se trouve sur la tête de l'animal. Ce sont des organes chémorécepteurs (sensibles aux molécules chimiques) qui servent notamment à appréhender l'environnement physique : présence de proies, de congénères, échanges et communications… Ils servent également à la prise d'informations concernant les courants, les températures, l'orientation, etc. D'autres appendices, comme les palpes labiaux situés près de la bouche, ont une fonction plus tactile.
A l'instar de la grande majorité des nudibranches, a fortiori des doridiens mangeurs d'éponges, notre doris de Krohn possède une radula*, sorte de bande râpeuse située dans la bouche et qui lui permet de ronger ses proies afin de se nourrir. Il s'agit d'un ensemble de denticules organisés selon un schéma spécifique à l'espèce. L'observation et la description de cette radula grâce à des outils optiques, microscope ou loupe binoculaire, sont primordiales dans la discrimination et la taxonomie des espèces. Cela ne pouvant bien entendu pas se faire sur l'animal vif, cette étude est affaire de spécialistes. Dans sa thèse, [Gantès 1980] indique une formule radulaire de 35(20.20), prise sur un individu de 9 mm, et décrit la radula ainsi : "Dent avec une cuspide*, un denticule externe et trois externes".
Chez Felimida krohni comme chez de nombreux doridiens, l'anus se trouve sur le dos, au milieu du bouquet branchial.
Ce bouquet de feuillets branchiaux sert bien entendu aux échanges gazeux qui permettent la respiration de l'animal.
Il est probable que c'est chez les individus juvéniles que l'on trouve les lignes dorsales les plus claires, blanches à jaune pâle, alors que les petits points jaunes pouvant consteller le manteau entre les lignes n'apparaissent que chez les adultes.
Doris de Krohn : provient de son ancien nom scientifique Chromodoris khroni, dédié à A.D. Krohn.
Felimida : L'origine de ce nom de genre, originellement créé en 1971 par les malacologues brésiliens Eveline et Ernst Marcus, n'est pas connue, le couple étant un habitué des dénominations... "bizarres" et n'ayant jamais aimé donner d'explications sur ceux-ci. L'origine du nom Felimida est sans doute à chercher dans la sympathie appuyée d'Ev. Marcus (1901-1990) pour les chats (Felis)...
krohni : l'espèce est dédiée au Dr. Auguste David Krohn (1803-1891). Zoologiste russe d'origine allemande, pionnier de la biologie marine, correspondant de Charles Darwin, il est notamment l'auteur de travaux et de descriptions sur de nombreux groupes d'animaux marins.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Gastropoda | Gastéropodes | Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules. |
Sous-classe | Heterobranchia | Hétérobranches | |
Super ordre | Nudipleura | Nudipleures | |
Ordre | Nudibranchia | Nudibranches | Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre. |
Sous-ordre | Doridina | Doridiens | Corps aplati. Anus dorsal entouré complètement ou partiellement par des branchies de remplacement ramifiées qui peuvent être rétractées (voire absentes). Mangeurs d’éponges, habituellement armés de spicules calcaires internes. |
Famille | Chromodorididae | Chromodorididés | Doridiens au corps mou allongé et étroit, à coloration vive. Dos en général lisse, bord du manteau développé à l’avant. Pied effilé à l’arrière, dépassant du manteau. Rhinophores lamellés, tentacules buccaux courts et coniques, branchies pennées. |
Sous-famille | Chromodoridinae | Chromodoridinés | |
Genre | Felimida | ||
Espèce | krohni |
Aspect général
Aspect typique du doris de Krohn avec son manteau rosâtre, son liseré jaune en marge du manteau et ses trois lignes jaunes continues entre les branchies et les rhinophores.
On peut voir chez cet individu breton quelques petits points jaunes présents entre les lignes et qui témoignent probablement que l'individu est un adulte avancé.
Peouw petite, Belle-île (56), 15 m
26/06/2005
Variations du motif dorsal
Le dessin des 3 lignes jaunes sur le manteau se fait parfois bien plus imprécis, comme sur cet individu. La ligne médiane a quasiment disparue au profit de petites taches informes et les lignes latérales qui encadrent le tout n'ont pas non plus la précision habituelle.
Il est probable que cet aspect témoigne de son âge.
Brest (29), 8 m
08/2008
Reflets bleus lumineux
Selon la nuance de couleur que porte notre doris de Krohn, on peut observer en périphérie du manteau, juste avant la marge jaune, une bande bleue, assez lumineuse, qui se distingue de la couleur centrale. Cette zone bleue n’apparaît pas sur tous les individus.
Cap d'Antibes (06), 12 m
14/07/2008
Transparence et opacité
Ce cliché met en évidence l'aspect translucide du manteau du doris de Krohn ainsi que celui, contrasté, des lignes du manteau qui sont, elles, opaques. On peut même y distinguer que ces dernières forment un relief sur le dorsum*.
Pointe du Cap Ferret (33), 7 m de nuit
31/10/1998
Rhinophores lamellés
Les rhinophores pourpres du doris de Krohn montrent entre 12 et 20 lamelles sur leur longueur.
Grand banc, Bassin d'Arcachon (33), 5 m
10/05/2007
Parfois des mouchetures claires
On peut distinguer, sur les rhinophores et les branchies de cet individu, les mouchetures blanches qui sont parfois visibles chez l'espèce. Elles semblent suivre lamelles et feuillets, sans se répartir sur tout l'organe.
Grande Baie, Rade de Villefranche-sur-mer (06), 15 m
26/11/2006
Extrémité postérieure du pied
L'extrémité postérieure du pied pointu est souvent visible. Le pied est toujours plus long que le manteau.
Cap d'Antibes (06), 12 m
14/07/2008
Cryptobranchia
Le nombre de feuillets branchiaux peut varier. En cas de dérangement, le doris est capable de rétracter ce panache branchial dans un fourreau. On appelle Cryptobranchia ("branchies cachées") la super-famille de nudibranches capables de faire cela.
Crau de Nao, Rade de Villefranche (06), 18 m
21/05/2009
Individu sombre
La couleur violette est bien soutenue. A tel point qu'une bordure bleue plus claire semble ressortir contre la marge. Les lignes jaune vif sont interrompues. Les rhinophores et branchies sont toujours plus sombres.
Antibes (06)
09/04/2007
Jeune individu clair
Sur cette photo hivernale, on peut voir l'une des nuances que peut prendre le manteau du doris de Krohn : mauve clair.
Cap d'Antibes (06), 11 m
18/01/2009
Reproduction
Comme pratiquement tous les doridiens, le doris de Krohn se reproduit deux-à deux, dans une position tête-bêche qui permet aux organes de la reproduction situés sur le côté droit du corps, derrière la tête, d'entrer en contact.
Faire cela juste au pied d'une comatule est-il chez cette espèce le top du romantisme ?!
Rade de Brest (29), 10 m
10/10/2004
Doris de Krohne et hippocampe au Cap Ferret
Photo étonnante montrant un doris de Krohne dans son milieu, posé sur le thalle d'une algue du bassin d'Arcachon, avec un hippocampe en arrière plan. Celui-ci donne une échelle de taille.
Photo prise en frange d'un herbier de zostères.
Cap Ferret, bassin d'Arcachon (33), 4 m
09/06/2018
Atlantique : Brest
Individu breton. Remarquez le motif dorsal un peu particulier dans lequel les lignes en relief jaune n'ont pas la présence prototypique.
Brest (29), 8 m
08/2008
Atlantique : dans le bassin d'Arcachon
Individu atlantique rencontré dans le bassin d'Arcachon. Ce dernier est largement ouvert sur l’océan Atlantique par l’intermédiaire des passes du bassin d’Arcachon et constitue une petite mer intérieure de 155 km² à marée haute et de 40 km² à marée basse. La richesse de cette lagune en opisthobranches est impressionnante.
Grand banc, bassin d'Arcachon (33)
10/05/2007
Meditteranée : dans l'Hérault
Spécimen héraultais rencontré à Palavas.
La forme et l'aspect des rhinophores sont bien visibles.
Les Moures, Palavas-les flots (34), 16 m
07/07/2018
Méditerranée : dans les Alpes-Maritimes
Individu maralpin rencontré sur une plongée du bord.
Antibes (06), 20 m
09/04/2007
Méditerranée : Monaco
Un doris de Krohn "estranger" ! Photographie prise aux abords de Monte-Carlo.
Principauté de Monaco, 19 m
17/07/2004
Rédacteur principal : Joël MEUDIC
Rédacteur : Alain-Pierre SITTLER
Correcteur : Yves MÜLLER
Responsable historique : Denis ADER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Gantès H., 1980, Opisthobranches Arcachon, Thèse Université Bordeaux 1.
Johnson R., Gosliner T., 2012, Traditional Taxonomic Groupings Mask Evolutionary History: A Molecular Phylogeny and New Classification of the Chromodorid Nudibranchs, PLoS ONE, 7(4), 15p.
La page de Felimida krohni dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN