Algue brun clair à vert olive
Longueur pouvant atteindre 2 m
Thalle formé d’un axe principal constitué d’une bande plate d’environ 1 cm de large et de rameaux plats opposés, poussant dans le même plan, qui peuvent eux-mêmes se ramifier
Rameaux rétrécis aux deux extrémités
Les rameaux du dernier ordre de ramification portent des filaments fins au printemps
Feuille de fougère
Flattened acid kelp, acid weed, sea
sorrel, desmarest’s flattened weed (GB), Plat azijnwier
(NL)
Fucus ligulatus Lightfoot, 1777
Fucus herbaceus Hudson, 1778
Fucus ligulatus var angustior Turner, 1809
Fucus ligulatus var dilatatus Turner, 1809
Herbacea ligulata Stachkouse, 1809
Laminaria ligulata (Lightfoot) C.Agardh, 1817
Desmia ligulata (Lightfoot) Lyngbye, 1819
Sporochnus ligulatus (Lightfoot) C.Agardh, 1820
Desmarestia ligulata var. angustior (Turner) Batters, 1902
Desmarestia ligulata var. dilatata (Turner) Batters, 1902
Desmarestia jordanii N.L.Gardner, 1940
Desmarestia linearis N.L.Gardner, 1944
Desmarestia adriatica Ercegovic, 1948
Côtes froides et tempérées du monde
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Indo-Pacifique, ● Atlantique Nord-OuestCette espèce est rencontrée sur la plupart des côtes froides et tempérées du monde, Atlantique, Pacifique, Antarctique et sub-Antarctique.
L'oseille de mer se rencontre sur les substrats* durs dans l’étage infralittoral*, en zone semi-exposée jusqu’à abritée. Elle peut parfois être rencontrée dans le bas de l’étage médiolittoral*.
Desmarestia ligulata est une espèce caractéristique des habitats EUNIS* A3.124 (Desmarestia spp. dense et algues rouges filamenteuses sur galets et cailloutis et sur roche en place exposés infralittoraux) et A3.224 (Saccharina latissima (anciennement Laminaria saccharina) avec algues rouges foliacées et ascidies sur roche infralittorale abritée soumise aux courants de marée), ces deux habitats étant caractérisés par une certaine mobilité du substrat (il s’agit d’une espèce opportuniste).
Desmarestia ligulata peut également être rencontrée en épiphyte*, notamment de Zostera marina.
L’aire de répartition de cette algue dans l’Atlantique Nord est bornée, en ce qui concerne l’extension sud, par un isotherme* hivernal côté européen (température hivernale maximale permettant le bouclage du cycle de reproduction – de l’ordre de 14 °C) et par un isotherme estival côté américain (température estivale maximale de survie de l’espèce – de l’ordre de 23 °C). L’extension nord n’est en revanche pas bornée par la température. Les populations japonaises semblent avoir une température maximale de survie plus faible que les populations nord-américaines.
Cette algue brun clair comporte un thalle* qui, fixé par un crampon discoïde plus ou moins bulbeux, peut atteindre 2 m de longueur. Le thalle* est constitué d’un axe souple aplati, de 1 à 2 cm de largeur, sur lequel sont fixés de manière opposée des rameaux également aplatis, disposés dans un plan. Ces rameaux reproduisent à leur tour ce mode de ramification. Ils sont tous rétrécis à leurs deux extrémités. Le thalle comporte une nervure centrale, plus ou moins bien visible (plus nette dans les parties les plus larges). Au printemps, les apex* se terminent par des filaments fins, colorés qui disparaissent par la suite.
La couleur de l’algue vire au vert olive lorsqu’elle se décompose.
Au microscope, on peut observer, en coupe transversale, un siphon* central.
Cette espèce présente un habitus (aspect extérieur) caractéristique, qui rend sa détermination aisée sous l’eau. Il convient cependant de noter que la nomenclature des Desmarestia reste sujette à débat (validité des espèces du genre).
Comme toutes les algues, Desmarestia ligulata est autotrophe* photosynthétique*. L'algue tire son énergie de la lumière solaire, et grâce à l'absorption d'eau, de dioxyde de carbone et des sels minéraux dissous dans l’eau, elle fabrique les matières organiques nécessaires à son développement.
Desmarestia ligulata est une algue annuelle.
L’ordre des Desmarestiales, auquel appartient Desmarestia ligulata, présente le même mode de reproduction que les Laminariales, vraisemblablement hérité de leur ancêtre commun.
Le cycle de reproduction repose sur deux phases fortement hétéromorphes* : une diploïde* macroscopique (sporophytes*) et une haploïde* microscopique (gamétophytes*).
Le thalle que l’on peut observer en plongée, objet de la présente fiche, correspond au sporophyte*.
Les gamétophytes microscopiques correspondent à la phase hivernante de l’algue.
Les sporophytes apparaissent au début du printemps et disparaissent à l’automne. En été, ils produisent des sporanges*, uniloculaires*, régulièrement répartis sur les rameaux.
Les zoospores* pyriformes biflagellées possèdent un unique chromatophore* et une tache oculaire. Après leur émission, elles présentent une phototaxie (déplacement en fonction de la lumière) négative et ne nagent que quelques heures avant de se poser sur le substrat*. Une fois posées, elles prennent une forme sphérique puis commencent à germer très rapidement par division cellulaire transversale (au bout de 48 heures) (Nakahara, 1984). Cette germination produit des gamétophytes, qui peuvent être monoïques* ou dioïques*. Les gamétophytes mâles portent des anthéridies* et les gamétophytes femelles des oogones*.
L’émission des gamètes* mâles est induite par une phéromone* sécrétée par les gamètes femelles, la desmarestène. Outre le signal d’émission des gamètes mâles, cette phéromone joue également un rôle d’attraction des gamètes mâles vers les gamètes femelles. Après fusion des gamètes mâles et femelles, il y a production d’un œuf qui donnera naissance à un nouveau sporophyte. La plupart des œufs sont produits au sein même du gamétophyte femelle et vont donner directement un sporophyte.
Expérimentalement, il a été montré qu’il n’y avait pas de maturation des gamétophytes pour des températures hivernales supérieures à 14 °C, ce qui constituerait donc une limite pour la reproduction complète de cette algue (Nakahara, 1984). Ces expériences ont par ailleurs montré que la température de l’eau était davantage un facteur limitant pour la croissance du sporophyte que la durée d’exposition lumineuse, la croissance la plus rapide étant constatée pour une eau comprise entre 5 °C et 10 °C.
En milieu naturel, les gamétophytes constituent la phase hivernante de l’algue. Des expérimentations ont en effet montré que l'espèce était annuelle avec une alternance de phases (Edwards, 2000).
Desmarestia ligulata est une espèce opportuniste. Le recrutement des sporophytes peut être considérablement favorisé par les perturbations qui suppriment la canopée de grandes algues comme les laminaires (ou les kelps, dans les eaux californiennes). Les gamétophytes produisent davantage de photosynthèse* quand ils sont plus éclairés. Ceux qui ne sont pas broutés par des herbivores peuvent survivre jusqu’à 15 mois en milieu naturel, et émettent leurs gamètes chaque fois que les conditions favorables sont réunies.
Le fait que l’œuf soit la plupart du temps maintenu prisonnier du gamétophyte femelle constitue un avantage déterminant, le sporophyte se développant là où les gamétophytes ont trouvé des conditions favorables. Ceci explique la présence préférentielle de cette algue dans des milieux perturbés mécaniquement (éboulis en mouvement, ou fonds rocheux très près d’un substrat meuble en mouvement) où l’espèce pourra prendre le dessus sur d'autres algues, grâce à sa vitesse de reproduction. Il s’agit typiquement de l’habitat EUNIS* A3.124 dont cette espèce est caractéristique.
Au sein de l’habitat EUNIS* A3.124, Desmarestia ligulata peut être rencontrée aux côtés des algues rouges filamenteuses Bonnemaisonia asparagoides et Vertebrata byssoides. On peut y trouver également quelques laminaires fixées sur un substrat* rocheux stable et non érodé.
Compte tenu du pH* très acide à l’intérieur de l’algue (voir ci-dessous), Desmarestia ligulata est accompagnée d’un cortège de bactéries acidophiles, des Acidomicrobiales, très spécifiques.
Les vacuoles* des cellules de Desmarestia ligulata stockent de l’acide sulfurique, ce qui leur confère un pH très acide (de 0,4 à 0,8, soit une concentration en acide de 0,2 N à 0,4 N). Afin de préserver l'équilibre osmotique, les concentrations en ions potassium et chlorure sont réduites. Le pH interne de l’algue varie très peu au cours de sa croissance. Ce stockage d’acide sulfurique est d’autant plus intéressant que la plupart des algues rejettent, au contraire, les sulfates.
Cet acide est responsable de la décoloration de l’algue en phase de dégénérescence ou après récolte (les tissus deviennent alors verts). Il faut à cet égard éviter de transporter Desmarestia ligulata avec d’autres algues si on souhaite les conserver, car l’acide dégagé par cette espèce provoque très rapidement des dégâts sur les autres algues. Cet acide sert notamment de répulsif vis-à-vis des organismes brouteurs tels que les oursins et probablement les mollusques, et d'antisalissures (antifouling) contre les épiphytes*, végétaux et animaux (ex. les foraminifères*).
Les extraits de Desmarestia ligulata présentent des propriétés antioxydantes et cytotoxiques.
Le nom français « oseille de mer » vient du fait que cette algue est très acide, et peut rappeler sur ce point l’oseille terrestre. Le nom « feuille de fougère » est tiré de la ressemblance du thalle* de cette espèce avec une feuille de fougère.
Le nom du genre Desmarestia a été créé par le naturaliste français Jean Vincent Félix Lamouroux (1779-1825) en 1813 en l’honneur du zoologiste français Anselme Gaëtan Desmarest (1784-1838), ami de Lamouroux.
Le nom d’espèce ligulata provient du latin [ligula] = langue. Le terme ligule possède de nombreuses acceptions en botanique. Une espèce ligulée est une espèce qui se présente sous la forme d’une bande étroite ou pourvue de ligules (languettes étroites).
Numéro d'entrée WoRMS : 145309
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Ochrophyta | Ochrophytes | ou Hétérokontes, ou Straménopiles: présence d'un stade unicellulaire à 2 flagelles, un lisse et un à poils tubulaires. |
Classe | Phaeophyceae | Phéophycées | Algues brunes. |
Ordre | Desmarestiales | Desmarestiales | |
Famille | Desmatestiaceae | Desmarestiacées | |
Genre | Desmarestia | ||
Espèce | ligulata |
Cosmopolite
Les spécimens de cette espèce sont signalés comme très présents sur certains sites bretons !
Saint-Quay-Portrieux (22), 6 m
15/05/2021
Sur fond de maërl
Au printemps, le thalle présente de longs filaments qui disparaissent par la suite.
Les Noirs, Saint-Quay-Portrieux (22), 15 m
24/04/2022
détail d'un rameau
Les ramifications sont aplaties et rétrécies aux deux extrémités
Estran, Tregastel (22)
26/06/2013
Rédacteur principal : Christophe QUINTIN
Vérificateur : Marc VERLAQUE
Responsable régional : Yves MÜLLER
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La page de Desmarestia ligulata dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN
La page sur Desmarestia ligulata sur le site de référence de DORIS pour les algues : AlgaeBase