Tunique translucide, blanchâtre à orangée
Consistance élastique dans l'eau, cartilagineuse hors de l'eau
8 taches rouges à orangées sur siphon inhalant, 6 sur siphon exhalant
Intestin en U bien visible
Organisation interne sénestre
Orange-tipped sea squirt (GB)
Corella novarae Drasche, 1884
Corella benedeni Beneden & Longchamps, 1913
Corella dohrni Beneden & Longchamps, 1913
Espèce originaire de l’hémisphère sud (circumpolaire). Invasive Atlantique
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Atlantique Nord-Ouest, ○ [Terres antarctiques françaises]Cette espèce, décrite de Valparaiso (Chili), est originaire de l'hémisphère sud, où elle peut être rencontrée dans les eaux tempérées ou froides (présente jusque dans les eaux antarctiques). Elle a été découverte pour la première fois dans l'hémisphère nord en juillet 2002, sous des pontons flottants dans les ports de Camaret-sur-mer (Finistère) et de Saint-Quay-Portrieux (Côtes d'Armor). L'aire de répartition de cette espèce s'est depuis très rapidement étendue et on la rencontre maintenant sur l'intégralité de la façade française, le long des côtes atlantiques de la péninsule ibérique, en Grande Bretagne et en Irlande. Elle est également présente sur la côte est des Etats-Unis.
L'origine de cette arrivée dans l'hémisphère nord n'est pas connue mais compte tenu du fait que les premières observations se sont produites dans des ports de faible importance, qui aurait tendance à exclure une importation à partir d'eau de ballast ou sur la coque d'un bateau, une hypothèse plausible serait l'importation avec des coquillages.
Cette espèce se fixe, parfois en grandes quantités, sur n'importe quel substrat* – naturel ou artificiel – avec une prédilection pour les zones portuaires. Elle se rencontre également sous les roches.
Corella eumyota est une ascidie simple qui présente une tunique* translucide, blanchâtre à orangée, de consistance élastique.
Le siphon* exhalant (ou siphon cloacal*) est situé environ au tiers inférieur du corps, tandis que le siphon inhalant (ou siphon buccal) est situé en partie haute. Les bords des siphons présentent de petites taches rouges ou orangées (8 pour le siphon inhalant, 6 pour le siphon exhalant). L'intestin, visible par transparence, présente une forme en U très caractéristique, qui permet d'identifier cette espèce immédiatement.
Les individus sont fixés au substrat* par le côté droit. Lorsqu'on la rencontre à marée basse sur l'estran*, elle se présente sous la forme d'une masse gélatineuse à consistance cartilagineuse, où l'intestin reste bien visible.
Les représentants de la famille des Corellidés sont caractérisés par leur organisation interne sénestre* (gonades placées du côté droit, tout comme la boucle du tube digestif).
Cette espèce peut être confondue avec des espèces du genre Molgula, dont elle se distingue par la position des siphons (le siphon exhalant des Molgula se situe plutôt en partie haute du corps, plus haut que celui de Corella eumyota) et par la forme en U de l'intestin, alors que l'intestin des Molgula présente une forme en S.
La confusion est également possible avec Corella parallelogramma, indigène mais très rare sur les côtes françaises, qui présente un corps plus haut et dont l'organisation du tube digestif n'est pas tout à fait semblable (on n'observe jamais une forme en U comme celle de Corella eumyota, mais plutôt une forme en L).
Comme toutes les ascidies, Corella eumyota est un filtreur* actif. Une étude réalisée sur les ascidies antarctiques (Kowalke, 1999) met en évidence le faible taux de piégeage particulaire de cette espèce dans les conditions de son milieu d'origine (eau maintenue à 1 °C) par rapport aux espèces des eaux tempérées. Corella eumyota peut prélever des particules dont la taille dépasse 1 μm. Ceci pourrait provenir d'une adaptation de l'espèce aux conditions locales (forte turbidité des eaux, avec une teneur élevée en particules minérales non digérables, et nécessité d'optimiser la consommation d'énergie dans une eau très froide).
La reproduction de cette espèce a fait l'objet d'études spécifiques compte tenu de sa cinétique d'extension dans l'hémisphère nord.
Corella eumyota est une espèce hermaphrodite* capable de s'autoféconder. Le taux d'autofécondation varie selon les conditions de reproduction rencontrées (plus élevé lorsque le nombre de congénères présents est plus faible). L'analyse de l'ADN de certaines colonies trouvées sur le littoral européen a montré que certaines d'entre elles étaient intégralement issues d'une reproduction par autofécondation. D'une manière générale, la variabilité génétique des individus rencontrés dans l'hémisphère nord est inférieure à celle des individus rencontrés dans l'hémisphère sud, ce qui témoigne d'un recours accru à l'autofécondation.
La tunique de Corella eumyota présente un pH acide très marqué (de l'ordre de 2), qui empêche pratiquement toute fixation d'autre forme de vie sur elle. Ce pH très faible est lié notamment à la présence de vacuoles* contenant de l'acide sulfurique.
Comme beaucoup de tuniciers, Corella eumyota possède la capacité de concentrer le vanadium dans ses tissus, ce qui diminue probablement sa comestibilité pour les prédateurs potentiels (Koplovitz & al. - 2009).
Corella eumyota a été intégrée dans un modèle de prévision d'implantation d'espèces allochtones* au Canada (Locke - 2009). Jusqu'à une période récente, Corella eumyota était considérée comme la seule espèce du genre présente dans l'hémisphère sud, en considérant que cette espèce pouvait présenter une forte variabilité morphologique, comme beaucoup de tuniciers. Plusieurs études récentes (Allurade & al. 2013 notamment) ont permis de confirmer que deux espèces étaient en réalité présentes dans ces eaux, validant de nouveau l'espèce Corella antarctica Sluiter, 1905 qui était jusqu'à présent considérée comme un synonyme de Corella eumyota (Alurralde & al. – 2013). Plus récemment encore, sur la base d'une comparaison morphologique des Corella provenant de plusieurs zones, Françoise Monniot a décrit Corella breweni.
Malgré son caractère invasif marqué, comme d'autres espèces de tuniciers, cette espèce ne fait actuellement l'objet d'aucune réglementation en France ou dans l'Union Européenne.
Le nom vernaculaire* de cette espèce, ascidie cartilagineuse, tient à sa consistance hors de l'eau, qui n'est pas propre à cette espèce.
Corella : du grec [korè] = jeune fille.
eumyota : du grec [eu] = bien et [muos] = muscle. Soit bien doté en muscles. Ce nom provient du fait que cette espèce présente une musculature marquée des deux côtés du corps.
Numéro d'entrée WoRMS : 173223
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Ascidiacea | Ascidies / Ascidiacés | Tuniciers fixés. Solitaires ou coloniaux (seuls capables de bourgeonnement). Chorde uniquement au stade larvaire. Siphon inhalant au sommet, proche du siphon exhalant latéral. Souvent en eau peu profonde. |
Ordre | Phlebobranchia | Phlébobranches | Le sac branchial* a des sinus longitudinaux qui portent ou non des papilles internes mais qui ne sont jamais plissés. Ascidies essentiellement solitaires. Gonades* situées sur l’anse du tube digestif ou à proximité. |
Famille | Corellidae | Corellidés | |
Genre | Corella | ||
Espèce | eumyota |
Sur l'estran, petite ascidie translucide
Telle qu'on la voit sur l'estran.
Agon Coutainville (50), estran
25/07/2010
Tunique transparente
Les organes internes sont visibles à travers la tunique.
Saint Malo (35), estran
01/11/2011
Anse intestinale en forme de U
L’intestin, visible par transparence, présente une forme en U caractéristique, qui permet d’identifier cette espèce.
Saint Malo (35), estran
30/10/2011
3 individus au laboratoire
Photo au contraste forcé montrant bien les 2 siphons et leur position, les points rouges sur leur bord, l'anse intestinale, la position couchée sur la droite de chaque individu.
Trébeurden (22), laboratoire
08/2006
Sur l'estran
Ascidie trouvée sous une roche lors d'une grande marée.
Notez les petits points rouges aux deux siphons (à droite le buccal, au centre le cloacal).
Locmariaquer, Morbihan (56), estran
21/03/2019
Aspect sous l'eau
Sous l'eau, cette ascidie montre des siphons bien ouverts. Chez ces individus âgés, la tunique est orangée.
Notez les petits points rouges bordant les siphons.
Coque de la Paimpolaise (bateau de plongée), Trébeurden (22), 0,5 m
10/08/2006
Rédacteur principal : Christophe QUINTIN
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable régional : Véronique LAMARE
Alder J., Hancock A., 1870, On the larval state of Molgula with description of several new species of simple Ascidians, The Annals and Magazine of Natural History, 4(6), 353-368.
Alurralde G., Torre L., Schwindt E., Castila J.C., Tatián M., 2013, A re-evaluation of morphological characters of the invasive ascidian Corella eumyota reveals two different species at the tip of south America and in the South Shetland Islands, Antarctica, Polar Biology, 36(7), 957–968.
El Nagar A., Huys R., Bishop J.D.D., 2010, Widespread occurrence of the Southern Hemisphere ascidian Corella eumyota Traustedt, 1882 on the Atlantic coast of Iberia, Aquatic Invasions, 5(2), 169-173.
Koplovitz G., Mc Clinktock J.B, Amsler C.D., Baker B.J., 2009, Palatability and chemical anti-predatory defenses in common ascidians from the Antarctic Peninsula, Aquatic Biology, 7, 81-92.
Kowalke J., 1999, Filtration in antarctic ascidians – striking a balance, Journal of Experimental Marine Biology and Ecology, 242, 233-244.
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Locke A., 2009, A screening procedure for potential tunicate invaders of Atlantic Canada, Aquatic Invasions, 4(1), 71-79.
Monniot F., 2013, The genus Corella (Ascidiacea, Phlebobranchia, Corellidae) in the Southern Hemisphere with description of a new species, Zootaxa, 3702(2), 135-149.
Trausted M.P.A., 1882, Vestindiske Ascidiæ simplices, Videnskabelige meddelelser fra den Naturhistorike forening i Kjöbenhavn, 257-288.
La page de Corella eumyota dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN