Corps blanc avec un pied translucide tentaculiforme à l'avant et dépassant largement sur les côtés
Cérates blancs à beiges avec une marque blanche apicale ponctuée d'une tache noire
Ensemble des cérates montrant un effet "coiffés vers l'arrière"
Rhinophores courts, lisses et brun-orangé, resserrés à leur base
Animal des fonds sableux, souvent enterré dans un trou
Cerberilla bernadetti Tardy, 1965 est une erreur d'écriture du descripteur. Les auteurs suivants ont corrigé.
Atlantique Nord-Est, Méditerranée, Indo-Pacifique (à confirmer)
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]La distribution de Cerberilla bernadettae reste à préciser puisque l'on connaît très peu cette espèce.
On sait que ce nudibranche fréquente les côtes atlantiques françaises (Jean Tardy ayant décrit des individus trouvés à la pointe de la Fumée, en face de l'île d'Aix, Charente-Maritime) et cela est confirmé par des articles concernant des inventaires locaux : [Montaudouin & al. 2000], par exemple. Un individu a été découvert dans le bassin d'Arcachon (33) dans les années 1980.
Cerberilla bernadettae a également été signalée sur les côtes espagnoles des Canaries [Moro & al. 1995] et de Galice, ainsi qu'au Portugal.
On la trouve également en Méditerranée où, considérée comme très peu commune, elle a été observée sur la Côte d'Azur et en Corse (par des photographes de DORIS), ainsi qu'en Italie [Cattaneo-Vietti & al. 1990], notamment en Sardaigne [Cattaneo-Vietti & al. 1992], ou encore sur les côtes africaines de Tunisie.
L'espèce semble encore citée en Afrique du Sud [Gosliner 1985] ou dans le Pacifique (en Australie [Burns 1966 & 1974], en Californie [McDonald 1975], etc.). Nous attendrons d'avoir accès à ces articles pour valider cette distribution indo-pacifique.
Cerberilla bernadettae est un nudibranche rencontré principalement à faible profondeur. Elle a été observée dans la zone des 10 m en Méditerranée et dans la zone intertidale* en Atlantique.
Elle semble préférer les zones sableuses abritées, c'est une espèce fouisseuse, mais on peut également la rencontrer sous les cailloux.
Cerberilla bernadettae peut atteindre 20 mm. Son long corps blanc est relativement aplati et arrondi sur l'arrière. Les bords extérieurs de la sole* pédieuse dépassent très largement sur les côtés du manteau, ce qui rend ce pied bien visible à l'observation. Cette sole pédieuse, bien qu'elle apparaisse translucide au premier abord, est en fait piquetée de très fins points bruns, face ventrale comme dorsale.
A l'avant, le pied s'élargit en larges tentacules pédieux bordés de blanc (parfois d'orangé) et généralement dirigés vers l'arrière, au contact du substrat.
Au-dessus du mufle, deux longs tentacules oraux effilés s'opacifient sur leur face dorsale, au long d'une ligne blanche plus ou moins marquée, et se terminent souvent sur des tons orangés. La base de ces tentacules oraux porte généralement une macule brun-noir de chaque côté qui s'étend sur la tête. Ces taches sombres peuvent englober la base des rhinophores* et forment même parfois deux lignes obliques derrière la tête.
Les rhinophores courts et lisses, très rapprochés à leur base, sont de couleur orangée à brune. Au pied des rhinophores, on remarque un point noir bien visible sur une zone dépigmentée : la tache oculaire (sorte d'œil rudimentaire).
Même si les cérates* (papilles dorsales) situés sur les trois premiers rangs sont plus courts et moins nombreux que ceux des rangs suivants, l'ensemble cératal d'une douzaine de rangées est disposé de façon à donner à l'animal un effet "coiffé vers l'arrière". Les cérates blanchâtres laissent parfois voir par transparence la couleur brun clair de la glande digestive (en fonction de l'alimentation) et se terminent en pointe par une marque blanche à jaune, ponctuée d'une tache subapicale noire.
A l'arrière, le panache des cérates couvre la queue qui n'est en règle générale que peu ou pas visible.
Il existe plusieurs espèces de cerberilles de par le monde. Si Cerberilla bernadettae est la seule représentante du genre en Méditerranée et même si sa distribution est mal connue, les répartitions avec d'autres espèces du genre se recoupent probablement dans d'autres mers.
Concernant les eaux méditerranéennes et atlantiques, peu d'éolidiens peuvent prêter à confusion, ne serait-ce qu'à cause de la forme du pied largement visible sur les côtés de l'animal ainsi que du biotope spécifique que fréquente notre cerberille de Bernadette.
Notons néanmoins, dans le genre Aeolidiella, quelques espèces qui montrent souvent une densité de cérates ressemblante et qui se nourrissent également d'actinies :
- Aeolidiella alderi (Cocks, 1852) : elle est blanche avec une première collerette nuchale* de cérates blancs. Les cérates suivants sont blancs, bruns ou violets, sans jamais montrer la ponctuation finale noire de Cerberilla bernadettae. Mangeuse d'anémones de mer également, elle peut sans doute croiser certaines zones fréquentées par C. bernadettae.
- Aeolidiella glauca (Alder & Hancock, 1845) : elle est blanche à brune, avec une zone sans cérates derrière la tête et les cérates n'ont jamais la ponctuation noire et blanche apicale de C. bernadettae. Elle est absente de Méditerranée.
- Aeolidia papillosa (Linnaeus, 1761) : blanche à brune, ses cérates sont allongés et aplatis. Les tentacules oraux sont beaucoup moins longs que chez C. bernadettae et les rhinophores lisses ne sont pas orange. Absente de Méditerranée.
- Aeolidiella sanguinea (Norman, 1877) : elle possède un corps blanc à rosé, voire orange pâle. Les cérates sont longs et rougeoyants avec une pointe blanche. Les tentacules oraux et les rhinophores sont blanchâtres avec un apex blanc. Absente de Méditerranée.
Enfin, à cause de la couleur des cérates :
- Caloria elegans (Alder & Hancock, 1845) : elle est uniformément blanche avec le sommet des cérates noir et blanc. Les tentacules oraux montrent également une ligne blanche opaque. Mais elle n'a absolument pas le large pied débordant des cerberilles. Mangeuse d'hydraires, elle fréquente surtout les tombants, généralement pas les zones meubles sableuses.
Citons parmi les cerberilles indo-pacifiques ressemblantes : Cerberilla affinis Bergh, 1888, Cerberilla annulata (Quoy & Gaimard, 1832), Cerberilla asamusiensis Baba, 1940, etc.
Vivant souvent enfouie sous le sable, Cerberilla bernadettae se nourrit principalement, comme les autres représentants du genre, d'actinies. Quelques espèces de l'hémisphère nord, citées dans la littérature comme des proies privilégiées de Cerberilla bernadettae : Diadumene cincta, Cereus pedunculatus, Sagartia troglodytes, Actinothoe anguicoma...
Selon que la proie est plus ou moins enfouie, le nudibranche creuse un trou contigu et l'attaque par le pied enterré, évitant ainsi les tentacules urticants déployés à la surface. On a également observé la cerberille attaquant une actinie étalée en surface en happant directement et sans hésitation un des tentacules et le dévorant, sans sembler gênée par les mouvements de rétractation de l'actinie qui la secouait. Jean Tardy la décrit comme faisant "preuve d'une hardiesse et d'une voracité sans comparaison avec celle des autres espèces" (d'Atlantique), pointant sa "gloutonnerie" étonnante.
La reproduction est sexuée (espèce ovipare*) et les individus sont hermaphrodites* comme tous les nudibranches.
Les orifices génitaux sont situés sur le flanc droit, entre les deuxième et troisième rangées de cérates.
L'acte reproductif nécessite donc un rapport proximal entre individus, chacun donnant et recevant les gamètes mâles de son alter-ego et pouvant ensuite aller pondre.
La ponte est constituée d'un cylindre transparent, gélatineux, enroulé en spirale sur deux ou trois tours.
Une extrémité, la première à être émise par l'animal, est dotée d'un filament dépourvu d'œuf, permettant la fixation sur le substrat. L'autre, libre, est arrondie. Les œufs (probablement 10 à 20 000 embryons par ponte) sont disposés en un fin chapelet, venant former spirale dans le cylindre gélatineux sus-cité. On note une couleur blanchâtre à rose, la couleur du vitellus* dépendant probablement de l'alimentation de l'animal.
En aquarium, il a suffit de 5 jours à 18-20 °C pour que l'embryon donne une véligère* libre. Celle-ci mènera une vie planctonique* puis se posera pour évoluer ensuite vers l'adulte mais il est difficile d'en savoir plus. En effet, ces observations proviennent d'études en laboratoire. Il reste donc à préciser ce qu'il en est de la localisation de ces pontes et des paramètres du développement (durée, température, évolution...) dans le milieu naturel.
L'orifice anal se situe sur le flanc droit, sous la cinquième rangée de cérates.
La radula* est un organe de la prédation chez nombre de mollusques et notamment chez les nudibranches. Il s'agit d'une bande râpeuse placée en arrière de l'orifice buccal et dont l'organisation de denticules est propre à chaque espèce. La radula fonctionne effectivement comme une râpe.
L'étude de cette structure radulaire, uniquement observable sous microscope eu égard à la taille, est donc un élément discriminant dans la systématique du groupe.
La radula de Cerberilla bernadettae est unisériée (une seule rangée) et comporte une quinzaine de dents composées de denticules de diverses tailles, les plus longues étant sur les côtés (pas de cuspide* médiane).
Cerberilla bernadettae vit principalement enfouie dans le sable. Son corps aplati, ses cérates repliés vers l'arrière, ses rhinophores courts, la forme générale s'y prêtent effectivement très bien. Mais il semble qu'elle ne se déplace qu'à la surface du sédiment, réservant ses "terriers" au repos, au refuge et à l'attaque de proies.
La cerberille creuse en ondulant sa tête et son corps. Le mufle dévaginé sert alors d'outil aratoire, comme un double soc de charrue, pour creuser un trou dans le sédiment. L'animal parvient à maintenir le trou ouvert à l'aide d'un mucus qu'il sécrète, formant tube et empêchant l'effondrement des parois. L'opération a déjà été "chronométrée" sur 2 mn [Tardy 1965]. L'individu se retourne ensuite et reste visible dans le trou, la tête étant toujours située à la limite de la surface. C'est avec ce genre de technique que Cerberilla bernadettae peut attaquer "par le pied" les actinies dont elle se nourrit.
Cerberilla bernadettae est une espèce probablement rare, très peu observée dans son milieu naturel. Sa taille y est sans doute pour quelque chose mais son mode de vie fouisseur est sans doute prévalent.
On connaît mieux la biologie de cet animal grâce à Jean Tardy, le descripteur, qui a réussi à élever, en aquarium, quelques individus à partir de six exemplaires immatures récoltés sur les rivages de Charente-Maritime en 1964.
Cerberille de Bernadette : francisation du nom scientifique.
Cerberilla : l'origine exacte de ce nom de genre n'est pas trouvée. Il s'agit vraisemblablement d'un diminutif de Cerbère.
En effet, on peut imaginer que le descripteur du genre en 1873, le Dr Rudolph Bergh, habitué à piocher dans les saga nordiques pour nommer les genres qu'il décrit (Jorunna, Aldisa, Thuridilla, Thordisa...) ait également fait appel à la mythologie en utilisant Cerbère, le chien gardien des enfers, pour figurer un genre de nudibranche s'enfouissant dans le substrat, stationnant à l'antre de son trou et dévorant ses proies par le pied enterré. Toute information plus précise sur ce nom de genre sera néanmoins bienvenue !
bernadettae : l'espèce est nommée en hommage à... Bernadette. Il s'agit de l'épouse de Jean Tardy, celui-ci lui ayant dédié l'espèce parce que c'est elle qui a récolté, les 27 et 28 septembre 1964 à Fouras (17), les quatre premiers individus utilisés pour la description.
Numéro d'entrée WoRMS : 138719
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Gastropoda | Gastéropodes | Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules. |
Sous-classe | Heterobranchia | Hétérobranches | |
Super ordre | Nudipleura | Nudipleures | |
Ordre | Nudibranchia | Nudibranches | Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre. |
Sous-ordre | Cladobranchia | Cladobranches | |
Famille | Aeolidiidae | Eolidiidés | Éolidiens au corps large, rhinophores et tentacules buccaux simples sans lamelles, pas de tentacule pédieux, cérates nombreux (non groupés) laissant le milieu du dos libre. |
Genre | Cerberilla | ||
Espèce | bernadettae |
En Corse
Cerberilla bernadettae est une espèce peu courante. Sa distribution complète est mal connue. Elle est néanmoins représentée en Méditerranée.
Ce bel individu a été photographié dans le golfe de Lava, au-dessus d'Ajaccio, sur la côte ouest de la Corse. Le photographe signale de plus qu'il a surpris l'animal sur un substrat plutôt dur, assez éloigné du premier banc de sable...
Golfe de Lava (2A), 8 m
10/05/2009
Caractères distinctifs
Notons en caractères distinctifs, le large pied translucide qui déborde sur les côtés du corps, l'aspect "bien peigné vers l'arrière" des cérates bruns, à pointes blanches et noires ainsi que les très longs tentacules oraux.
Cagnes-sur-mer (06), 15 m, de nuit
11/06/2009
Tête
A l'avant, le pied s'élargit en de larges extensions, généralement dirigées vers l'arrière du corps et bordées de blanc, parfois comme ici d'orangé. Ce sont des éléments tactiles, autour du mufle.
Au-dessus, de longs tentacules oraux qui portent également du blanc et, à l'instar des extensions buccales, de l'orangé.
Au sommet de la tête, les rhinophores orange. Courts et lisses, ce sont des organes sensoriels.
Souvent, des macules noires ou brun sombre parcourent la tête entre la naissance des tentacules oraux, les rhinophores et (pas visible ici) l'arrière de la tête.
Cagnes-sur-mer (06), 15 m, de nuit
11/06/2009
Rhinophores
Les rhinophores courts et lisses, très rapprochés à leur base, sont de couleur jaune-orangé à brun, selon la couleur de l'animal.
A la base de chaque rhinophore, il y a un point noir d'assez grosse taille. C'est une tache oculaire qui apporte des renseignements sommaires sur les caractéristiques lumineuses de l'environnement.
Menton (06), 24 m
21/04/2013
Animal fouisseur
Cerberilla bernadettae vit principalement enfouie dans le sable. L'animal creuse dans le sédiment en ondulant sa tête et son corps. Le mufle dévaginé sert alors d'outil aratoire, comme un double soc de charrue. L'animal parvient à maintenir le trou ouvert à l’aide d’un mucus qu’il sécrète et s'y engage. L’individu se retourne ensuite et observera depuis ce trou.
Cagnes-sur-mer (06), 10 m
24/07/2009
Dans le sable
C'est une espèce que l'on rencontre sur des fonds détritiques et sableux, dans lesquelles elle peut même s'enterrer. C'est certainement une des raisons qui la rendent difficile à observer.
Cagnes-sur-mer (06), 15 m, de nuit
11/06/2009
Sur coralligène
Plus rarement, on peut rencontrer la cerberille de Bernadette sur des zones moins sableuses.
Menton, 24 m
21/04/2013
De nuit sur le sable
Observation de nuit par petits fonds sur le sable : cette espèce se rencontre principalement sur le sable, le photographe a eu de la chance, ce spécimen mesure moins de 2 cm.
Saména, Marseille (13), 10 m de nuit
03/03/2022
Rédacteur principal : Anthony DANIEL
Rédacteur : Alain-Pierre SITTLER
Correcteur : Yves MÜLLER
Responsable régional : Daniel BURON
Cattaneo-Vietti, R., Chemello R., & Giannuzzi-Savelli R., 1990, Atlas of Mediterranean nudibranchs [Atlante dei nudibranchi del Mediterraneo], La Conchiglia, Rome, 264pp.
Cattaneo-Vietti R., Chemello R., Trainito E., 1992, An account of the opisthobranchs of north eastern Sardinia with a record of Cerberilla bernadettae Tardy, 1965 (Nudibranchia; Aeolidiina), Lavori Societa Italiana di Malacologia, 24, 61-68.
Gosliner T.M., 1985, The aeolid nudibranch family Aeolidiidae (Gastropoda: Opisthobranchia) from tropical southern Africa, Annals of the South African Museum 95(6), 233-267.
Montaudouin X. & Sauriau P-G., 2000, Contribution to a sypnosis of marine species richness in the Pertuis Charentais Sea with new insights in soft-bottom macrofauna of the Marennes-Oléron Bay, Cahiers de Biologie marine, 41, 181-222.
Moro L., Ortea J., Bacallado J.J., Valdes A. & Perez Sanchez J. M., 1995, Nuevos aeolidaceos (Gastropoda, Nudibranchia) para la fauna de Canarias, Revista de la Academia Canaria de Ciencias, 9(2-4), 63-75.
Tardy J., 1965, Description et biologie de Cerberilla bernadetti, espèce nouvelle de Gastéropode Nudibranche de la côte atlantique française : discussion sur la position systématique du genre, Bulletin de l'Institut océanographique, Monaco, 65, 1-22.
La fiche de Cerberilla bernadettae dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN