Cératosome trilobé

Ceratosoma trilobatum | (J.E. Gray, 1827)

N° 3011

Indo-Pacifique, mer Rouge

Clé d'identification

Grande limace (jusqu'à 15 cm) avec un corps pentu entre branchies et tête
Trois lobes clairement visibles :

- deux lobes latéraux, aliformes, en avant de la zone branchiale
- un lobe en forme de corne à l'arrière des branchies
Une ligne bleu-violet quasi continue parcourant la marge du manteau
Présence fréquente de taches claires avec points ou anneaux orange, rouges ou jaunes
Rhinophores surmontés d'un point bleu, une ligne blanche à l'arrière
Une longue queue nue, lisse et arrondie, portant le même patron de couleur que le reste du corps
Large pied blanc marqué par des points ou une ligne bleu-violet

Noms

Autres noms communs français

Doris trilobée

Noms communs internationaux

Trilobate ceratosoma, three-lobed t-bar nudibranch (GB), Langschwanz-Prachtsternschnecke, Große Hammerschnecke (D)

Synonymes du nom scientifique actuel

Doris trilobata J.E. Gray, 1827
Polycera cornigera Adams & Reeve in Adams, 1848
Ceratosoma cornigerum Adams & Reeve, 1850
Doris trifida J. E. Gray, 1850
Ceratosoma caledonicum Fischer, 1876
Ceratosoma gibbosum Rochebrune, 1894
Ceratosoma lixi Rochebrune, 1894
Ceratosoma berghi Rochebrune, 1895
Ceratosoma corallinum Odhner, 1917

Distribution géographique

Indo-Pacifique, mer Rouge

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]

On rencontre Ceratosoma trilobatum dans l'Indo-Pacifique, de l'Afrique de l'Est jusqu'à Hawaï. Citons notamment les signalements au niveau des côtes est-africaines (mer Rouge, Tanzanie, Mozambique...), des grandes îles et archipels de l'océan Indien (Mayotte, Madagascar, Seychelles...), en Inde, en Indonésie, en Australie et jusqu'au Japon pour une limite nord. L'espèce est présente en Nouvelle-Calédonie.

Biotope

Ceratosoma trilobatum affectionne les lagons, les fonds détritiques* avec herbiers, les récifs tropicaux peu profonds, où l'espèce se nourrit d'éponges.

Description

Grand nudibranche pouvant atteindre 15 cm de long, le cératosome trilobé a un corps allongé, lisse, épais, subpyramidal haut et caractérisé par trois grands lobes bien marqués : deux lobes latéraux en forme d'ailes, situés en avant des branchies* (un de chaque côté), et un troisième postérieur, bien développé, en forme de corne, situé derrière les branchies, et se rabattant le plus souvent sur celles-ci.
La tête est élargie par deux petits lobes (un de chaque côté de la tête), qui sont souvent reliés aux lobes latéraux arrière aliformes* par une crête latérale marquant la limite du manteau*. Il y a néanmoins un étranglement du manteau entre la tête et les lobes arrières.
Le dos suit un plan très incliné de l'arrière vers l'avant, depuis le sommet de la corne postérieure.
La queue est longue, conique pointue, sans être effilée.
Le corps caoutchouteux et ferme repose sur un large pied blanc.

Si la forme est prédominante, la couleur n'est pas du tout typique de l'espèce. Elle est très variable suivant les individus et les régions (différents morphes*). Le corps va du blanc au rouge vineux en passant par le jaune, l'orange et le vert clair !
Des taches diffuses brunes ou orangées nuancent généralement la couleur du fond. On trouve souvent, mais pas toujours, des ocelles*, ponctuant le dos et le pied. Selon les spécimens, ces ocelles sont marqués d'un point, voire même d'un anneau rouge, orange, éventuellement jaune. Parfois il ne s'agit que de petites taches informes claires disséminées sur tout le corps. On peut aussi rencontrer des versions totalement orange de l'animal, sans aucune marque nulle part. Et il existe sans doute d'autres patrons de couleurs avec d'autres associations de motifs...
Le manteau est bordé d'un liseré bleu-violet continu, même s'il s'interrompt parfois entre les lobes frontaux et les lobes latéraux.
Le pied est lui aussi souligné par des points, des tirets voire une ligne continue bleu violet.

Les rhinophores* lamellés sont grands, minces, bruns à jaune sale, surmontés de bleu. Ils sont rétractiles dans une cavité entourée d'un anneau bleu violacé chez les adultes (pas d'anneau chez les juvéniles). Ils portent une ligne blanche sur l'arrière.
Les branchies, situées autour de l'anus, sont touffues, nombreuses et longues, bipennées pour certaines d'entre elles au moins. Elles sont plutôt blanc translucide, ponctuées de petites taches rouges sur les faces internes et externes, ce qui souligne leurs nervures. Comme les rhinophores, ces branchies sont rétractiles dans une cavité, bordée d'un anneau bleu-violet chez les adultes.

Espèces ressemblantes

Ceratosoma tenue Abraham, 1876 :
Cette espèce possède trois paires de lobes (3 de chaque côté) en périphérie du manteau : une au niveau des rhinophores, une paire plus petite derrière la première, entre les rhinophores et les branchies et enfin, une paire de lobes bien visible juste en avant des branchies. La bordure violette qui souligne parfois les lobes latéraux est toujours discontinue. Les fourreaux des rhinophores et des branchies ne montrent jamais de liseré bleu.
Il existe une forme similaire mais sans taches claires ponctuées de rouge. Pour certains auteurs c'est une variante de C. tenue, pour d'autres, c'est une espèce non déterminée : Ceratosoma sp. 1 (selon [Debelius & Kuiter 2007]).

Ceratosoma gracillimum Semper in Bergh, 1876 : la forme est assez ressemblante mais les lobes marginaux ne sont pas connectés avec la tête par la crête costale visible chez C. trilobatum et sont plutôt moins développés que chez ce dernier. La couleur est variable : beige à orange marbré, voire mouchetée de blanc, ce qui compose quelques plaques claires. Il n'y a pas de ligne colorée qui borde le manteau.

Le patron de couleur de certains individus beige clair à bruns, portant des ocelles ou des points pourrait faire penser à certains nudibranches du genre Hypselodoris. Par exemple, H. tryoni qui porte aussi des taches blanches marquées d'un point central, ou H. pulchella maculée de rose semé de mouchetures jaunes, ou encore H. ghardaqana qui est blanc cassé avec des gros points jaunes.
Mais aucune de ces espèces ne montre les lobes latéraux et la corne arrière protégeant les branchies qui est typique du genre Ceratosoma.

Les espèces du genre Aegires (par exemple A. serenae ou A. minor) portent parfois deux lobes latéraux ainsi qu'un lobe central mais ceux-ci ne sont pas aliformes, ne font pas corps avec le manteau et surtout se trouvent devant les branchies, retournés vers l'arrière de l'animal, le contraire des Ceratosoma.

Alimentation

Les représentants du genre Ceratosoma sont généralement inféodés à une espèce d'éponge sans spicules*, mais contenant des substances toxiques.
C. trilobatum se nourrit d'une éponge bleue de la famille Dysideidae, peut-être d'une espèce du genre Euryspongia.

Reproduction - Multiplication

L'espèce, comme tous les nudibranches, est hermaphrodite* synchrone, avec des structures mixtes (ovotestis*) : en partie mâle, en partie femelle. Mais il n'y a pas d'autofécondation, une reproduction sexuée avec un partenaire étant indispensable.
Les organes génitaux mâle et femelle sont voisins et situés au bord avant droit du pied de l'animal.
Pour copuler, les partenaires se mettent en position tête-bêche et s'échangent leurs gamètes* mâles respectifs. Ils stockent les spermatozoïdes* dans une poche (spermathèque*). Ils pondent ensuite un large ruban gélatineux, spiralé, contenant de petits œufs qui sont fécondés au fur et à mesure. La masse d'œufs est orange chez C. trilobatum.
A l'éclosion, les larves* (véligères*) sont planctoniques*. Elles perdront leur coquille après une métamorphose qui leur donnera leur forme adulte.

Vie associée

On peut trouver sur ses flancs ou sur son dos la crevette commensale : Zenopontonia rex. Son rapport aux nudibranches qu'elle chevauche volontiers n'est pas vraiment connu.

Les cératosomes trilobés sont souvent infestés par les copépodes parasites Briarella microcephala (ectoparasite*) et Briarella doliaris (endoparasite*).

Divers biologie

Outre son rôle de protection des branchies, la corne dorsale est une sorte de leurre défensif. Elle attire les prédateurs, mais c'est pour mieux leur faire la leçon : elle contient sur sa bordure des éléments chimiques toxiques issus des éponges consommées, ce qui dissuade le prédateur de s'attaquer au reste de l'animal, et plus généralement à ses congénères.
Les substances toxiques sont donc stockées à cet endroit, ainsi que le long de la marge de la tête.

La radula* chitineuse qui lui sert à râper ses proies permet aux biologistes d'identifier avec certitude les espèces de nudibranches. Chez C. trilobatum, la disposition et la composition semblent changer quelque peu selon les zones géographiques. En règle générale, la radula est large et possède de nombreux rangs (de 55 à 122 selon les individus) de petites dents serrées. Celles-ci, en forme de crochets pointus, sont rarement divisées et les dents latérales sont lisses, avec peu de denticules* (1 à 4 selon la localisation de la dent). Il n'y a quasiment pas de dent centrale ou, lorsqu'elle existe, c'est une petite cuspide* recourbée vers l'avant. La formule* radulaire est par trop disparate pour n'en donner qu'une seule ici.

Ceratosoma trilobatum a une activité plutôt diurne.

Informations complémentaires

On note que certaines livrées particulières sont plus précisément rencontrées dans certaines zones de sa distribution et pas du tout dans d'autres...
Les différentes formes (couleurs) pourraient selon certains auteurs correspondre en réalité à différentes espèces. Une révision sérieuse du genre pourra sans doute faire évoluer ce groupe.

Origine des noms

Origine du nom français

Cératosome trilobé : francisation du nom scientifique.

Origine du nom scientifique

Ceratosoma : du grec [cerato] = corne et [soma] = corps ; donc corps cornu, allusion à la forme particulière du manteau qui recouvre partiellement les branchies sur l'arrière.

trilobatum : du latin [tri-] = trois et [lobatum] = avec des lobes. Ce nom vient pointer la présence des deux lobes latéraux (un de chaque côté) ainsi que du lobe postérieur.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
Super ordre Nudipleura Nudipleures
Ordre Nudibranchia Nudibranches Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre.
Sous-ordre Doridina Doridiens Corps aplati. Anus dorsal entouré complètement ou partiellement par des branchies de remplacement ramifiées qui peuvent être rétractées (voire absentes). Mangeurs d’éponges, habituellement armés de spicules calcaires internes.
Famille Chromodorididae Chromodorididés Doridiens au corps mou allongé et étroit, à coloration vive. Dos en général lisse, bord du manteau développé à l’avant. Pied effilé à l’arrière, dépassant du manteau. Rhinophores lamellés, tentacules buccaux courts et coniques, branchies pennées.
Sous-famille Miamirinae Miamirinés
Genre Ceratosoma
Espèce trilobatum

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