Arénicole des pêcheurs

Arenicola marina | (Linnaeus, 1758)

N° 577

Mer du Nord, Manche, océan Atlantique

Clé d'identification

Une région antérieure de 6 sétigères dépourvue de branchies
Une région médiane de 13 sétigères avec des branchies ramifiées et touffues (dendritiques) rouge vif
Une région « caudale » plus étroite dépourvue à la fois de branchies et de soies.
10 à 25 cm de long
Couleur jaune verdâtre au rouge-rose orangé et au rouge noirâtre
Présence signalée à la surface du sédiment par un entonnoir et un grand tortillon de déjection caractéristiques

Noms

Autres noms communs français

Arénicole des pêcheurs, buzuc, ver des plages, ver de côte, arénicole rouge, ver de vase, tétine, bocard, bouzou, ver d’eau, ver à l'oeil, chique, buzin, ver arénicole (au Québec).
Leogenn, leogenn-vor, morvuzhugenn (breton)

Noms communs internationaux

Lugworm, blow lug, lob-worm yellowtail, lobworm, european lug worm, blow lugworm, blow (GB), Arenicola (I, E, P), Köderwurm, Wattwurm, Sandpierwurm, Pierwurm (D), Zeepier, wadpier (NL), Fjoeremakk (Norvège)

Synonymes du nom scientifique actuel

Lumbricus marinus Linnaeus, 1758
Lumbricus papillosus Müller, 1776
Nereis lumbricoides Pallas, 1788
Arenicola piscatorum Lamarck, 1801
Arenicola carbonaria Leach, 1816
Arenicola tinctoria Leach, 1816
Arenicola clavata Ranzani, 1817
Arenicola abildgaardti Castelnau, 1842
Arenicola natalis Girard, 1856
Clymenides sulfurea Claparède, 1863

Distribution géographique

Mer du Nord, Manche, océan Atlantique

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Atlantique Nord-Ouest

L’arénicole est présente sur l’ensemble du littoral atlantique européen, de la région arctique, en passant par la mer Baltique, jusqu’aux côtes portugaises.
Elle est présente aussi sur les côtes de l’atlantique Nord-Ouest.

Biotope

Cette espèce vit enfouie dans le sable et le sable vaseux du médiolittoral* jusqu’à 20 m de profondeur. Le sédiment est toujours fin. L'arénicole est aussi fréquente dans la vase des eaux saumâtres estuariennes.

Description

Le corps d’Arenicola marina est divisé en trois parties : une région antérieure de 6 sétigères* dépourvue de branchies*, une région médiane de 13 sétigères avec des branchies ramifiées et touffues (dendritiques*) rouge vif sur la partie dorsale des parapodes* (le notopode) et une région « caudale » plus étroite dépourvue à la fois de branchies et de soies*. Sur la partie ventrale des parapodes (le neuropode), les soies des 19 sétigères sont crochues (les uncini*).
La bouche est située à l'extrémité d'une trompe molle dévaginable* garnie de petits tubercules* et dépourvue de dents. La tête est dépourvue d'yeux et d'appendices sensoriels.
La taille de l'arénicole varie en général de 10 à 25 centimètres de long, rarement plus.
Sa couleur est variable, du jaune verdâtre au rouge-rose orangé et au rouge noirâtre.
L’animal vit dans un tube en forme de U, on observe une dépression conique d’alimentation à la surface du sédiment et à une certaine distance un grand tortillon de déjection (le turricule*) désordonné.

Espèces ressemblantes

Dans les eaux du nord-ouest de l'Europe, quatre espèces d’Arenicolidae sont bien connues : Arenicola marina (Linnaeus1758), Arenicola defodiens (Cadman et Nelson-Smith1993), Arenicolides branchialis (Audouin & Edwards 1833) et Arenicolides ecaudata (Johnston 1835).

Comme le corps du genre Arenicola est divisé en trois parties et en deux dans le genre Arenicolides, l'identification morphologique des spécimens adultes complets de ces genres est relativement aisée.

Genre Arenicola : ce genre est caractérisé par 17 à 19 sétigères* et une longue partie caudale sans soies*. Dans les sédiments des côtes européennes, une autre espèce d’arénicole peut être présente :

  • Arenicola defodiens Cadman & Nelson-Smith, 1993 : l’arénicole noire se trouve dans un habitat similaire à celui d'A. marina, mais habite plus bas sur l’estran* (mi-marée et en dessous). La galerie, en forme de J, est plus profonde (jusqu'à 70 cm de profondeur). Il n’y a pas de dépression alimentaire à la surface. Bien que cette espèce soit morphologiquement très similaire à A. marina, A. defodiens peut être distinguée par sa plus grande taille chez l’adulte (18 cm mais jusqu’à 40 cm de longueur), ses branchies pennées* et par la forme du turricule* à la surface du sédiment. Le turricule, plus petit, est bien ordonné et disposé en spirale.

Genre Arenicolides : ce genre est caractérisé par un grand nombre de sétigères, sans partie caudale.
Deux espèces sont présentes dans les sédiments des côtes européennes.
Tous les segments sont pourvus de soies, les paires de branchies sont plus nombreuses (20 à 30), et les turricules sont bien plus fins.

  • Arenicolides branchialis Audouin & Milne-Edwards, 1833. Cette espèce est signalée en Europe de l’Ouest des îles Shetland jusqu’en Méditerranée. Elle vit en bas de l’estran* et affectionne les sédiments plutôt fins comblant les cavités de la roche ou les espaces inter-blocs. La première branchie est localisée sur le seizième sétigère.
  • Arenicolides ecaudata (Johnston, 1835). Cette espèce est présente en Europe de l’ouest du nord de la mer du Nord jusqu’à la Méditerranée occidentale. Elle creuse des galeries sinueuses dans la vase noire fétide des creux de rochers et sous les pierres, à un niveau assez bas. La première branchie est sur le douzième sétigère.

Alimentation

L’arénicole est un microphage* psammivore* (qui mange le sable). Elle ingère le sable (particules inférieures à 2 mm) au moyen de sa trompe* dévaginable, et ne retient et n’assimile que les particules organiques et la méiofaune* que contient le sable : bactéries, algues unicellulaires, protozoaires*, petits animaux de la faune interstitielle. Régulièrement elle remonte à la surface du substrat* pour y rejeter, par son anus terminal, un tortillon de sable pur caractéristique : ce tortillon (ou turricule*) forme un tas désordonné, ne contenant généralement pas de sédiments anoxiques* (noirs).

Reproduction - Multiplication

La reproduction est sexuée et les sexes sont séparés (espèce gonochorique*). La reproduction a lieu au début de l’automne. La synchronisation de l'émission des gamètes* (ovules* et spermatozoïdes*) est assurée par des phéromones*. Mâles et femelles libèrent leurs gamètes sur le sable. Les ovules sont enfermés dans des masses de gelée en forme de goutte d’eau mesurant quelques centimètres de long. Chaque masse est ancrée dans le sable par son extrémité la plus fine. Les œufs donnent des larves* qui se nourrissent de la gelée. Elles sont libérées quand elles atteignent une douzaine de métamères*. Elles s’enfouissent un peu plus haut que les adultes dans la plage et au fur et à mesure qu’elles grandissent, elles se déplacent vers le bas de la plage.

Vie associée

Par endroits, la densité d'arénicoles peut être très importante, avec plus de 50 individus par mètre carré !

Dans la galerie, on peut parfois observer des annélides polychètes commensales* facultatives comme :
  • Microphthalmus sczelkowii Mecznikow, 1865 (famille des Microphthalmidés)
  • Gattyana cirrhosa (Pallas, 1766) (famille des Polynoidés)
  • Harmothoe longisetis (Grube, 1863) (famille des Polynoidés)
  • Malmgrenia arenicola (Saint Joseph, 1888) (famille des Polynoidés)

Les prédateurs de l'arénicole sont nombreux : les poissons et les crabes en général, et surtout de nombreux oiseaux limicoles*.

Divers biologie

L’arénicole est un animal foreur et fouisseur qui vit dans une galerie en forme de U qu'il a lui même creusée et tapissée intérieurement de mucus afin que ses parois ne s'affaissent pas.

L'arénicole utilise son liquide cœlomique* comme squelette hydrostatique*. Des ondes péristaltiques* répétées provoquent le gonflement successif des différentes parties de son corps, de l'arrière vers l'avant, et permettent ainsi sa progression dans le sable.
L'animal dans sa galerie fait circuler l'eau de l'anus vers la bouche, baignant continuellement ses branchies.
Les deux extrémités de la galerie, visibles à la surface du sédiment, sont matérialisées par une dépression en entonnoir (parfois non visible) du côté de la tête, là où le sable est ingéré puis par un tortillon de sable (turricule*, cône de déjection) du côté de l'anus, là où le sable est rejeté.

A marée haute, grâce à des mouvements ondulatoires incessants, l’eau qui baigne les branchies à des caractéristiques voisines de l’eau de surface. Toutefois la galerie d’Arenicola marina peut se trouver dans du sable réduit (sable noir, anoxique*). L’arénicole possède une hémoglobine extracellulaire (dissoute dans son sang) de très grande taille. Cette hémoglobine a une affinité très forte pour l’oxygène (40 fois plus forte que la nôtre mais de taille beaucoup plus petite).
La circulation d’eau oxygénée est responsable de la couleur claire du sédiment à la périphérie de la galerie si celle-ci est dans une zone réduite (noire, anoxique)
A marée basse, la mer s'étant retirée, l’activité ventilatoire cesse complètement, l’animal demeure immobile, le corps étroitement appliqué contre les parois de la galerie. La réserve d’oxygène du sang est épuisée en dix à vingt minutes. L’hémoglobine est pratiquement désoxygénée. Dans ces conditions un métabolisme anaérobie* se substitue progressivement au métabolisme aérobie*.
Dès le début de la marée haute l’activité ventilatoire reprend immédiatement et, dans les deux ou trois heures qui suivent la réimmersion de la galerie, la dette en oxygène contractée pendant la marée basse est remboursée.
L'arénicole peut survivre et même prospérer dans un biotope* particulièrement inhospitalier grâce à ces propriétés biochimiques et physiologiques et celles de son pigment respiratoire.

Informations complémentaires

Arenicola marina a été trouvée de 0 à 20 m de profondeur (voire 50 m dans les sédiments enrichis en matières organiques sous des sites d'aquaculture en Norvège). L’échantillon le plus profond a été prélevé à 194 m de profondeur en Norvège.

Les arénicoles jouent un rôle important dans les écosystèmes* dans la bioturbation* et l'ingénierie de l'habitat.

L'arénicole est un des appâts les plus utilisés pour la pêche à la ligne en mer. Elle est très appréciée de nombreuses espèces de poissons comme le bar, la morue, mais aussi et surtout les poissons plats (carrelet, turbot, flet ). Elle est récoltée à la pelle, à la fourche, ou à l'aide d'une pompe spécialisée qui sert à carotter le sédiment.

Cette espèce est certainement l'annélide polychète sédentaire la plus connue, l'espèce-type qui est étudiée et disséquée à l'université ! Ceci s'explique par le fait qu'elle est facilement accessible sans se mouiller (ou presque), avec une simple fourche ou une pelle, et par le fait que sa présence en très grand nombre dans les sables des plages est très clairement signalée par les extrémités de sa galerie en forme de U.

Le Dr Franck Zal a créé une société (Hemarina) afin de produire le premier transporteur d’oxygène universel à visée thérapeutique à partir de l’hémoglobine purifiée d’Arenicola marina.

Deux peptides antibactériens et antifongiques puissants (nommés arénicines) ont été extraits de l’arénicole.

Origine des noms

Origine du nom français

Arénicole est la traduction directe de Arenicola.
Arénicole des pêcheurs : ce ver est énormément utilisé comme appât pour la pêche.

Origine du nom scientifique

Arenicola : du latin [arena] = sable, et du latin [colere] = habiter. Ce nom de genre a été créé en 1801 par le zoologiste français Jean Baptiste de Monet chevalier de Lamarck (1744-1829).

marina
: du latin [mare] = mer. Arenicola marina est donc un ver marin qui habite dans le sable ! Ce nom d’espèce a été créé en 1758 par le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778).

defodiens
: du latin [defodio] = creuser, cette espèce vit plus profondément que A. marina.

Arenicolides : nom de genre créé en 1898 par le zoologiste français Félix Mesnil (1868-1931) du fait des différences morphologiques avec le genre Arenicola.

branchialis : les zoologistes français Jean Victor Audoin (1797-1841) et Henri Milne-Edwards (1800-1885) en 1833 ont nommé cette espèce car elle se distingue d’A. marina par un plus grand nombre de branchies.

ecaudata : du latin [ecaudis] = écourté, tronqué, le genre Arenicolides ne présente pas une “queue” comme le genre Arenicola. Cette espèce a été décrite, en 1835, par le zoologiste écossais Georges Johnston (1797-1855).

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 129868

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Annelida Annélides

Vers segmentés (annelés) à section cylindrique, à symétrie bilatérale constitués de segments semblables. Le premier segment porte la bouche et le dernier l’anus. Nombreuses formes marines, dulcicoles ou terrestres, libres ou parasites.

Classe Polychaeta Polychètes

Annélides marines. Chaque segment porte des excroissances locomotrices (les parapodes) plus ou moins développées, munies de touffes de soies chitineuses rigides. Chez la plupart des espèces, la tête porte plusieurs organes sensoriels, des mâchoires, et souvent un panache branchial coloré. Animaux libres dans la colonne d'eau ou sur les sédiments mais aussi galéricoles ou tubicoles.

Sous-classe Sedentaria - Scolecida Annélides polychètes sédentaires Scolécides

Pas d'appendices sur le prostomium mais deux ou plusieurs paires de cirres sur le pygidium. La plupart sont fouisseurs ou tubicoles avec un pharynx éversible muni de papilles. métamérie plus ou moins altérée, parapodes peu développés voire inexistants, à soies capillaires dorsales, à crochets ventraux..

Famille Arenicolidae Arénicolidés Tortillon de sable qui marque l’extrémité postérieure du tube. Corps cylindrique en deux parties. Des branchies buissonnantes au milieu du corps.
Genre Arenicola
Espèce marina

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