Coquille lourde, épaisse, ovale à arrondie
De grande taille (jusqu'à 13 cm de long)
Périostracum épais, brillant, brun chez les petits individus, brun vert à noir chez les plus grands
Quahog nordique, praire d'Islande, clam d'Islande, cyprine
Icelandic cyprine, Iceland cyprina (GB), Ocean quahog, mahogany clam, mahogany quahog, black quahog, black clam (USA), die Islandmuschel, die isländiche Venusmuschel (D), Noordkromp (NL), molboøsters (DK), Kuskjel (Nor), Almeja de Islandia (E), циприна исландская (soit cyprine d'Islande) (Rus), Vongola arctica, vongola oceanica (I)
Venus islandica Linnaeus 1767
Cyprina islandica (Linnaeus 1767)
Pectunculus crassus da Costa 1778
Venus buccardium Born 1778
Venus ferröensis Röding 1798
Venus pitar Röding 1798
Arctica vulgaris Schumacher 1817
Cyprina islandica var. crassior Jeffreys 1864
Cyprina islandica var. inflata Odhner 1911
Mer du Nord, Manche, océan Atlantique Nord (Est et Ouest)
Zones DORIS : ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]Des deux côtés de l’Atlantique Nord :
- Atlantique Est : de l’Islande, la péninsule de Kola, la mer Blanche, les îles Féroé, la Norvège, l'Irlande, le golfe de Mecklembourg (ouest de la mer Baltique), la mer du Nord, la Manche et en Bretagne, et dans le golfe de Gascogne jusqu’à la baie de Cadix. Les observations en Méditerranée et plus au sud (Maroc) seraient des subfossiles (- 10 000 ans à - 13 000 ans = Würm)
- Atlantique Ouest : du Labrador (Canada), à Saint-Pierre-et-Miquelon, au cap Hatteras (Caroline du Nord, Etats-Unis d'Amérique).
Dans la zone DORIS elle est difficilement observable en plongée car trop profonde. Elle est observable en Atlantique Nord à faible profondeur dans les eaux très froides.
Arctica islandica vit enfouie verticalement dans les premiers centimètres des sédiments (sable grossier propre, sable fin propre, sable vaseux et vase sableuse) avec les siphons inhalant et exhalant affleurant à la surface. Ses siphons courts ne lui permettent pas de s’enfoncer profondément pour s’alimenter et respirer.
Arctica islandica est observée du bas de la zone de balancement des marées dans certaines régions nordiques et jusqu’à près de 500 m de profondeur selon les endroits. Elle a tendance à vivre plus profondément dans le sud de son aire de répartition. Cette espèce préfère une salinité de 30 à 40 pour mille (mais peut supporter des variations de 18 –en Baltique- à 40 pour mille). Les températures optimales sont comprises entre 6 °C et 16 °C (toujours inférieure à 19 °C). Ce n’est pas une espèce arctique mais plutôt boréale. Elle a une forte tolérance au manque d’oxygène et à la présence d’hydrogène sulfuré.
La coquille est solide, lourde, ovale à presque circulaire, aux valves égales mais inéquilatérales (quand les parties avant et arrière de chaque valve sont inégales) ; les sommets (ou crochets ou umbos*) sont dirigés vers l'avant (en avant de la ligne médiane). La longueur de la coquille peut atteindre 13 cm. La coquille est blanche à jaune pâle ou brune. Le périostracum* est épais, plutôt brillant, brun clair chez les plus petits individus devenant brun verdâtre à noir chez les plus gros spécimens. Le périostracum, en séchant, peut s'écailler facilement. Le ligament est externe, brun ou noir. Les stries de croissance concentriques sont bien visibles. Les bords des valves, lisses, sont jointifs quand le bivalve est fermé.
L'intérieur de la coquille est blanc parfois teinté de rose. La valve droite porte 3 dents cardinales proéminentes et une seule dent latérale postérieure. Devant la dent cardinale antérieure il y a une fosse triangulaire entourée de petites bosses et de crêtes. La valve gauche porte également 3 dents cardinales et une dent latérale postérieure. La dent cardinale antérieure est prolongée par une série de petites crêtes et de denticules. La cicatrice du muscle adducteur postérieur est légèrement plus grande que celle du muscle adducteur antérieur.
La plupart des auteurs écrivent qu'il n'y a pas de sinus palléal ; or il y en a un, discret (voir le dessin), ce qui correspond à la présence des siphons courts et au mode de vie fouisseur de cette espèce.
Les siphons sont rudimentaires aux orifices à peine séparés. Des taches rouges sont présentes près des siphons. Le siphon exhalant est en forme de cône tronqué, brunâtre et translucide et ne porte pas de tentacules* et papilles*. Le siphon inhalant est plus court et plus large. Sa marge comporte une cinquantaine de tentacules jaunes filiformes avec du rouge à la base, sur lesquels se trouvent de fins prolongements droits. Le bord du manteau* porte également des tentacules. A proximité des siphons, les tentacules du manteau ont la forme et la couleur des tentacules du siphon inhalant et leur taille diminue avec la distance.
Cette espèce est difficile à confondre avec tout autre bivalve européen en raison de sa grande taille, de sa forme caractéristique et de son périostracum. Toutefois elle pourrait être confondue avec le clam Mercenaria mercenaria (Linnaeus, 1758) qui est souvent de couleur claire.
Cette espèce est suspensivore* (elle filtre les organismes planctoniques* et les particules en suspension) et dépositivore* (elle consomme le film biologique à la surface du sédiment) en l'aspirant.
Les sexes sont séparés et il n’y a pas de dimorphisme sexuel. L’âge de la maturité sexuelle est variable et tardif (entre 5 et 10 ans voire plus) alors que la majorité des bivalves peuvent se reproduire à la première saison favorable. De juin à octobre les gamètes* mâles et femelles sont libérés dans l’eau de mer. Après fécondation en pleine eau, les embryons donnent chacun une larve* véligère* planctonique* planctotrophique* qui peut rester dans le plancton près de deux mois.
Dans le biotope d'Arctica islandica de nombreuses espèces accompagnatrices sont présentes (étoiles de mer, mollusques, poissons, etc) selon la région considérée.
Un Némerte, Malacobdella grossa (Müller, 1776), a été observé vivant dans la cavité palléale*, comme chez de nombreux autres bivalves.
Arctica islandica est consommée par de nombreux organismes comme les étoiles de mer, des crustacés, des poissons et des oiseaux comme les eiders et les macreuses.
A cause de ses siphons courts, l'animal ne peut s’enfoncer profondément, au risque de ne pouvoir s'alimenter. Toutefois il lui arrive de s’enfoncer plus profondément et d'y rester plusieurs jours (voire plusieurs semaines). L’animal vit alors en anaérobiose (en absence d'oxygène).
Cette espèce a un taux de croissance très rapide jusqu'à 7 ans, plus lent jusqu'à 20 ans et très lent ensuite. La mortalité naturelle est faible, l'âge de maturité sexuelle est tardif (entre 5 et 10 ans selon les endroits) par rapport aux autres espèces de bivalves et le recrutement des jeunes individus est très variable d'une année à l'autre. Sa grande longévité pourrait être liée à plusieurs conditions :
Le périostracum noircit avec l’âge du fait de dépôts ferreux.
Cette espèce appartient à un genre connu depuis le Crétacé inférieur (-145 à -65 millions d’années).
Depuis 1976, cette espèce est pêchée et commercialisée sur la côte est des Etats-Unis (état du Maine) et du Canada. Elle a fait et elle fait encore l'objet de nombreuses études du fait de son faible taux de croissance et de sa maturité sexuelle tardive afin d'éviter l'épuisement des stocks.
En Islande, en Europe du Nord et en Norvège, elle fait l'objet d'une pêche pour fournir des appâts. Elle est consommée sur l'île d'Heligoland (Allemagne). Elle est notée comme excellente dans la faune de Perrier.
Cette espèce est remarquable par sa grande longévité. En 2006 et en 2007, différents spécimens ont été récoltés sur les côtes islandaises. Leur âge a été mesuré par sclérochronologie. Cette technique permet d'estimer l'âge d'un individu en comptant le nombre de stries de croissance sur la coquille. Pour un individu, les chercheurs sont arrivés à un âge de 507 ans, ce qui fait de cette espèce le plus vieil organisme non colonial vivant.
Différentes techniques permettent de mesurer l'âge d'un coquillage. Une fine coupe transversale de la coquille est faite du crochet à la marge inférieure. Sur cette coupe, les stries de croissance peuvent être observées au microscope. Des stries quotidiennes, saisonnières et annuelles peuvent être distinguées. De plus, grâce à des méthodes d'analyse très fines, il est possible de mesurer différents éléments chimiques dans le calcaire (de l'aragonite) de la coquille comme :
Toutes les informations recueillies participent à la reconstitution paléoclimatique de l'Atlantique Nord d'abord pour les 500 dernières années, mais aussi grâce aux nombreuses coquilles mortes récoltées dans les sédiments, permettent de remonter sur une période de 12 000 ans. Par exemple, les oscillations climatiques de l'Atlantique Nord sont bien enregistrées ainsi que les essais nucléaires atmosphériques.
Du fait de cette longévité, certains chercheurs utilisent cette espèce en tant qu'organisme bioindicateur pour les éléments traces métalliques (tels que le plomb, le cuivre et le zinc).
Cette espèce est incluse dans la convention OSPAR (convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord) depuis 2003.
Cyprine d’Islande : traduction du nom scientifique utilisé longtemps.
Quahog est le nom commun de Mercenaria mercenaria (Linnaeus, 1758) espèce originaire de l’Atlantique Nord-Ouest. Ce nom vient du Narragansett, une des langues Algonquienne (New England, Etat du nord-est des Etats-Unis d'Amérique).
Cette espèce décrite d’abord sous le nom de Venus islandica par Linné en 1767, a été placée ensuite dans le genre Cyprina Lamarck, 1818 qui a été adopté pendant longtemps (plus particulièrement en Russie). Le genre Arctica Schumacher 1817 étant antérieur a remplacé Cyprina. Le nom de famille Arcticidae a remplacé Cyprinidae qui pouvait être confondu avec la famille homonyme chez les poissons (le cyprin doré = le poisson rouge).
Cyprina , du latin [cyprina] = de cuivre, est l’un des noms de Vénus (qui en alchimie représente le cuivre), allusion à la couleur brun clair du periostracum des juvéniles.
Schumacher ne précise pas l'origine du nom de genre Arctica, probablement parce qu'il s'agit d'espèces de régions froides.
Islandica : d’Islande. Les exemplaires décrits par Linné en 1767 venaient d’Islande.
Numéro d'entrée WoRMS : 138802
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Bivalvia / Lamellibranchia / Pelecypoda | Bivalves / Lamellibranches / Pélécypodes | Mollusques aquatiques, filtreurs, au corps comprimé latéralement. Coquille composée de 2 valves articulées disposées de part et d’autre du plan de symétrie. Absence de tête, de pharynx, de radula et de glande salivaire. |
Sous-classe | Heterodonta | Hétérodontes | Charnière à dents dissociées. Siphon bien développé permettant aux organismes de se nourrir et de respirer tout en restant enfouis. |
Famille | Arcticidae | Arcticidés | Coquille équivalve, inéquilatérale, avec les umbos (crochets) antérieurs à la ligne médiane; périostracum épais. Charnière avec dents cardinale et latérale; ligament externe. Ligne palléale avec un petit sinus palléal.. |
Genre | Arctica | ||
Espèce | islandica |
Arctica islandica
Gros spécimen au périostracum foncé. L'animal est fermé, il a été extrait du sédiment afin de vérifier l'identité du propriétaire des siphons. Ensuite il a été remis en place.
Irlande
2010
Arctica islandica sur le fond.
Grandes étendues sableuses avec Arctica islandica et l'oursin Echinarachnius parma.
Entre Saint-Pierre et Langlade. Saint-Pierre-et-Miquelon (975). 20 m, eau à 2 °C.
09/2016
Récolte pour études par l'IFREMER
Le périostracum* est bien foncé, ces coquilles sont agèes. Elles mesurent entre 8 et 11 cm de longueur.
Entre Saint-Pierre et Langlade, Saint-Pierre-et-Miquelon (975). 20 m, eau à 2 °C.
09/2016
Siphons de Arctica islandica
Les deux siphons bien ouverts affleurent à la surface du sédiment.
Irlande
2010
Siphons rétractés d'Arctica islandica
L'animal, inquiété a rétracté ses siphons. Le bord de la coquille est visible : il est très proche de la surface du sédiment.
Irlande
2010
Photocomposition
En bas à gauche il s'agit d'une coquille de "clam" Mercenaria mercenaria (Linnaeus, 1758) et à droite il s'agit d'une coquille de "vernis" Callista chione(Linnaeus, 1758).
L'exemplaire d'Arctica islandica présenté mesure 12cm.
Côte des légendes ou pays des Abers (Finistère Nord, 29)
2017
L'environnement
Sur de grandes étendues sableuses, on observe Arctica islandica et de nombreux "dollar des sables" Echinarachnius parama.
Entre Saint-Pierre et Langlade. Saint-Pierre-et-Miquelon (975). 20 m, eau à 2 °C.
09/2016
Dessin de l'espèce Arctica islandica vivante
Les siphons sont en extension, ainsi que les petits tentacules du bord du manteau. On devine, à gauche, le pied également en extension.
Figure 1 de la page 95 extraite de l'ouvrage de Meyer & Möbius
Reproduction de documents anciens
1872
Dessin des siphons d'Arctica islandica
Les siphons sont vus du dessus. Le siphon inhalant est à gauche entouré de petits tentacules. Le siphon exhalant est à droite. Les petits tentacules du bord du manteau sont bien visibles.
figure 7 de la page 93 extraite de l'ouvrage de Meyer & Möbius
Reproduction de documents anciens
1872
Dessin de la coquille vide.
La charnière avec ses dents, les empreintes des muscles adducteurs sont bien visibles. Ce dessin est présenté pour montrer la ligne palléale avec son petit sinus caractéristique de la présence des muscles rétracteurs des siphons.
Planche XXIX p 129 volume 4, issue de l'ouvrage de Forbes & Hanley
Reproduction de documents anciens
1853
Dessin des siphons d'Arctica islandica
Dessin des siphons en vue latérale montrant le siphon inhalant (en bas) et le siphon exhalant (en haut) avec les petits tentacules du bord du manteau.
Figure 19 page 162 extraite de l'article de Morse
Reproduction de documents anciens
1919
Détail de la charnière d'Arctica islandica
La valve gauche est en haut, la valve droite en bas. Chaque valve porte 3 dents cardinales et une dent latérale postérieure.
Dessin extrait de l'article de Morton (figure 3) et modifié.
Reproduction de documents anciens
2011
Rédacteur principal : Yves MÜLLER
Correcteur : Pierre NOËL
Responsable régional : Yves MÜLLER
Liehr G.A., Zettler M.L., Leipe T., Witt G., 2005, The ocean quahog Arctica islandica L.: a bioindicator for contaminated sédiments, Marine Biology, 147, 671-679.
Morse E.S., 1919, Observations on living Lamellibranchs of New England, Proceedings of the Boston Society of Natural History, 35, 139-196.
Morton B., 2011, The biology and functional morphology of Arctica islandica (Bivalvia: Arcticidae): a gerontophilic living fossil, Marine Biology Research, 7, 540-553.
Munro D., Blier P.U., 2012, The extreme longevity of Arctica islandica is associated with increased peroxidation resistance in mitochondrial membranes, Aging Cell, 11, 845-855.
OSPAR 2009, Background document for ocean quahog Arctica islandica, OSPAR Commission, 20p.
Tyler-Walters H., Sabatini M., 2017, Arctica islandica Icelandic cyprine. In Tyler-Walters H. and Hiscock K. (eds) Marine Life Information Network: Biology and Sensitivity Key Information Reviews, [on-line]. Plymouth: Marine Biological Association of the United Kingdom. [cited 06-01-2018], Available from: https://www.marlin.ac.uk/species/detail/1519
La page sur Arctica islandica dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : Arctica islandica