Animal de petite taille (3 mm)
Trois segments thoraciques, chacun portant une paire de pattes et six segments abdominaux
Belle couleur gris bleuté
Parfois en grand nombre, en partie haute de l'estran sur la roche ou à la surface des mares
Seashore springtail (GB), Blauwe springstaart (NL)
Lipura maritima Guérin-Méneville, 1836
Podura ambulatoria Ström in Plateau, 1890
Anurida bisetosa Bagnall, 1949
Anurida megalops Bagnall, 1949
Manche, Atlantique Nord, Méditerranée, Caraïbe
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Caraïbes, ● Atlantique Nord-OuestCette espèce est rencontrée sur pratiquement toutes les côtes du monde. Sa présence est attestée sur les côtes européennes en Manche, Atlantique et Méditerranée. Elle est également présente de la façade atlantique sud-américaine (Brésil) aux côtes arctiques. On la trouve aussi sur les côtes pacifiques, au moins de la Californie à la Colombie britannique.
Le collembole marin fréquente la partie haute de l'estran*. S'abritant à marée haute dans des anfractuosités, il est classiquement rencontré, à marée basse, sur les côtes rocheuses dans le faciès* à Fucus spiralis (sur roche du médiolittoral* supérieur exposée à modérément exposée en milieu marin) dont il constitue une espèce caractéristique. L'espèce se rencontre également dans les marais côtiers et s'abrite alors sous des végétaux à marée haute.
C'est un petit animal, d'environ 3 mm de longueur, doté de trois paires de pattes, présent sur la roche à marée basse ou à la surface des mares. Son corps a l'aspect "Bibendum" caractéristique des Poduromorphes, de couleur gris bleuté. Sa tête porte une paire de grosses antennes bien visibles.
L'organisation générale du corps d'Anurida maritima, guère discernable à l'œil nu, est celle d'un collembole classique, avec trois segments thoraciques, chacun portant une paire de pattes, et six segments abdominaux. Contrairement à la majeure partie des collemboles, Anurida maritima ne possède pas de furca*, ce dispositif replié sous l'abdomen qui permet aux collemboles d'échapper aux prédateurs en effectuant un bond spectaculaire. La furca réduite ou absente se rencontre chez plusieurs Poduromorphes. Chez Anurida maritima, une sorte de "poche" arrondie est positionnée à l'endroit où se situe normalement la furca, sur le quatrième segment abdominal, et correspond probablement aux vestiges de la furca.
Anurida maritima peut être assez facilement confondu avec une espèce voisine, Gastranurida denisi (aussi nommée Anurida denisi). Cette dernière espèce, présente assez largement sur les côtes atlantiques européennes, est plus petite (2 mm maximum). Ses yeux sont composés de 3+3 ocelles, contre 5+5 ocelles chez Anurida maritima, ce qui permet une distinction immédiate à la loupe binoculaire (si cette loupe est de bonne qualité...).
Un autre Poduromorphe gris bleuté, donc à l'allure globalement similaire, peut être rencontré sur nos côtes. Il s'agit de Xenylla maritima. De taille plus petite (1,8 mm au maximum), son biotope est différent de celui de Anurida maritima puisqu'on le rencontre plutôt dans les laisses de mer*. La confusion au premier contact est donc improbable. Cette espèce dispose par ailleurs d'une longue furca et saute donc lorsqu'elle est dérangée, ce qui élimine tout risque de confusion.
Une autre espèce de collembole Neanuridé, Anuridella marina, vit sur l'estran en France. La confusion avec Anurida maritima n'est pas possible car cette espèce est de couleur claire, blanc-jaunâtre. Il existe par ailleurs plusieurs autres espèces de collemboles vivant dans la zone intertidale mais appartenant à d'autres familles, donc à l'allure globale différente : l'Hypogastruridé Hypogastrura viatica et les Isotomidés Axelsonia littoralis, Archisotoma besselsi, Archisotoma pulchella, Folsomia sexoculata, Halisotoma maritima.
Anurida maritima est un détritivore*, se nourrissant principalement de cadavres d'arthropodes, même s'il ne dédaigne pas d'autres sources organiques. Son biotope* l'oblige à avoir un comportement de nutrition particulier et très intéressant. A marée haute, le collembole est prisonnier de son lieu de protection et ne se nourrit donc pas. Dès que le lieu l'abritant est découvert par la marée descendante, il sort de sa tanière en quête de nourriture, se dirigeant vers le bas de l'estran. Les collemboles amorcent leur remontée sur l'estran entre 3 heures et 1 heure avant le retour de la marée. L'observation courante de ces collemboles à marée basse ne met pas en évidence des déplacements notables (ces animaux semblent plutôt placides). Les distances de déplacement mentionnées dans la littérature sont donc probablement exceptionnelles. Ce comportement est induit par une horloge interne, circatidale*, dont la fréquence est d'environ 12,4 heures. Cette horloge interne modifie le phototropisme* de l'animal : le phototropisme d'Anurida maritima est normalement négatif, l'animal recherchant la protection des cavités. Le phototropisme devient positif pendant le pic de déplacement. En une marée, les collemboles parcourent une vingtaine de mètres.
Sur les côtes du nord de l'Europe, Anurida maritima ne sort pas la nuit pour se nourrir, alors que ce n'est pas le cas sur les côtes du Brésil, ni lors d'études terrain réalisées en 1996 par Fiona Mc Meechan et ses collègues (voir bibliographie) à Wells-Next-the-Sea, au nord de Norfolk en Grande-Bretagne. La température de l'air la nuit pourrait être à l'origine de cette différence de comportement.
Les collemboles sont des animaux sexués. Il existe des mâles et des femelles, identifiables aisément à fort grossissement, à la forme de l'orifice génital situé sous le cinquième segment abdominal, en forme de fente étroite chez le mâle et de forme arrondie chez la femelle. La fécondation est interne mais il n'y a pas d'accouplement. Le mâle dépose son sperme sur le substrat* dans des spermatophores*. Les femelles réceptives passant à proximité d'un spermatophore viennent positionner leur orifice génital sur le spermatophore pour le capturer. La reproduction est facilitée par le mode de vie grégaire de ces collemboles. Leur tendance au regroupement est amplifiée par l'existence d'une phéromone* propre à l'espèce. Les phéromones sont courantes chez les collemboles et jouent à la fois le rôle d'attracteur pour les individus de la bonne espèce et de répulsif pour les autres espèces de collemboles.
La reproduction a lieu durant l'été. La femelle dépose ses œufs de couleur jaune clair, à l'abri dans les anfractuosités de la roche. Après une période de développement, les œufs entrent en diapause*. Cette diapause s'achève à l'automne, mais le développement de l'œuf ne reprend pas pour autant compte tenu des faibles températures. Au nord de l'Europe, Anurida maritima franchit l'hiver sous forme d'œufs, les adultes reproducteurs succombant avec le refroidissement de la température extérieure, qui freine fortement leur capacité de prospection. Rupert Riedl indique cependant que cette espèce pourrait être observée toute l'année sur les côtes méditerranéennes.
Les collemboles sont les hexapodes les plus "primitifs" et les plus anciens, connus dès le Dévonien (Rhyniella praecursor). Autrefois regroupés avec les insectes, ils forment aujourd'hui une classe distincte, comme les diploures et les protoures - autres hexapodes primitifs - ces animaux appartenant à une branche qui a divergé très rapidement de la lignée évolutive des insectes.
La respiration des collemboles est assurée uniquement à travers la cuticule*. La surface du corps d'Anurida maritima présente des microstructures très particulières, que l'on retrouve globalement chez tous les collemboles, qui jouent un rôle déterminant pour la respiration de cette espèce lorsqu'elle est immergée. Ces microstructures rendent le corps du collembole très peu mouillant en emprisonnant de l'air. Lors de l'immersion, le corps d'Anurida maritima est emprisonné dans une bulle d'air macroscopique, qui régresse progressivement. Cette bulle joue en quelques sortes le rôle de branchie, l'oxygène dissous présent dans l'eau de mer diffusant progressivement dans la bulle au fur et à mesure de la consommation d'oxygène par le collembole. Ce mécanisme est doublé d'une adaptation physiologique remarquable, qui conduit Anurida maritima à réduire efficacement sa consommation d'oxygène lorsque la pression partielle diminue, pour descendre jusqu'à 46 % de la consommation normale.
Ces mêmes microstructures piègent par ailleurs de l'air saturé en eau au plus près du corps à marée basse et permettent à Anurida maritima de mieux résister à la dessication lors de ses pérégrinations sur l'estran que d'autres espèces, comme Anuridella marina.
La microstructure de la cuticule des collemboles a fait l'objet de plusieurs études qui pourraient conduire à des applications concrètes pour rendre des matériaux hydrophobes.
L'orientation sur l'estran d'Anurida maritima est principalement assurée par la différence de luminosité entre la côte et la mer. Des expériences menées sur le terrain ont montré que ce collembole était désorienté si on le positionnait près d'un miroir réfléchissant la luminosité de la mer. Il s'oriente au contraire vers le miroir si on retourne ce dernier pour ne présenter au collembole que sa face sombre lors de sa phase de retour vers le haut de l'estran. La pente du terrain ne joue par contre aucun rôle.
Un doute a longtemps subsisté sur la synonymie réelle de Anurida bisetosa Bagnall, 1949. Cette synonymie avait été établie en 1953 par les travaux de Goto et Delamare Deboutteville, qui avaient conclu que les critères considérés comme distinctifs par Bagnall (présence de deux soies très longues sur les tibiotarses) étaient fortement variables selon les individus collectés. Des travaux plus récents conduits par Arbéa en 2001 (voir partie bibliographique), fondés sur un plus grand nombre de critères, ont mis en doute les travaux de Goto et Delamare Deboutteville. En 2013, Jonathan Ellis et Michelle Davies ont publié des travaux fondés sur l'analyse comparative de l'ARN ribosomique 28S d'individus provenant de plusieurs zones des îles Britanniques ainsi que de Bretagne. Ces travaux n'ont pas mis en évidence des critères de différenciation spécifique : Anurida bisetosa est donc bien un synonyme d'Anurida maritima.
Collembole vient du grec [kolla] = colle, et [embolon] = cale, coin. Ce nom fait référence au collophore (mal nommé...), organe présent sous le premier segment abdominal de ces animaux. On pensait autrefois que le collophore était un organe adhésif. On sait maintenant qu'il n'en est rien et qu'il s'agit d'un organe servant à l'excrétion des fluides et à l'hydratation.
La désignation vernaculaire du collembole marin résume à elle-seule le fait qu'Anurida maritima est le collembole le plus courant sur l'estran.
Anurida : du préfixe grec privatif [a-] et du grec [oura] = queue. Littéralement "sans queue", ce qui correspond à l'absence de furca.
maritima : du latin [maritimus] = maritime. Le biotope de ce collembole est l'estran.
Numéro d'entrée WoRMS : 118139
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Hexapoda | Hexapodes | Arthropodes à six pattes. Ce sont les insectes au sens large. |
Classe | Enthognatha | Enthognathes | Pièces buccales internes. |
Ordre | Collembola | Collemboles | |
Sous-ordre | Poduromorpha | Poduromorphes | |
Famille | Neanuridae | Nénuridés | |
Genre | Anurida | ||
Espèce | maritima |
Vue détaillée d'un individu
Le collembole est un petit animal de couleur gris bleuté, d'environ 3 mm de long, doté de trois paires de pattes. L'aspect "Bibendum" du corps est caractéristique des Poduromorphes. La tête porte une paire de grosses antennes bien visibles.
Binic (22), estran
23/08/2014
Regroupement à la surface d'une mare
Le collembole marin fréquente la partie haute de l'estran. Son mode de vie est grégaire. Notez la présence d'adultes et de juvéniles.
Binic (22), estran
23/08/2014
Sur l'estran breton
Regroupement de collemboles marins sur l'estran.
Camaret (29), estran
07/2009
Rédacteur principal : Christophe QUINTIN
Correcteur : Pierre NOËL
Responsable régional : Véronique LAMARE
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La page d'Anurida maritima dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN