Grandes colonies arborescentes atteignant 2 m de haut
Couleur blanche
Squelette noir kératineux
Dense ramification formée de rameaux longs, minces et flexibles, disposés en une à quatre rangées
Très petits polypes blancs (0,5-1 mm) disposés sur une seule rangée
Black coral (GB), Corallo nero, anthipathes del Mediterraneo (I), Coral negro (P), Zwart koraal (NL)
Antipathes subpinnata Ellis & Solander, 1786
Méditerranée, Atlantique Nord-Est
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]Antipathella subpinnata est présente en Méditerranée.
En dehors du bassin méditerranéen, seules quelques observations ont été effectuées en Atlantique Nord-Est (au large du Maroc, au large du Portugal, au nord de l'Espagne, dans le détroit de Gibraltar, dans le golfe de Gascogne, en Bretagne, aux Açores).
Antipathella subpinnata est une espèce rare et localisée qui vit principalement entre 50 et 200 mètres de profondeur. En Méditerranée, les observations en dessous de 100 mètres sont à considérer comme occasionnelles. La température de l'eau serait l'un des principaux facteurs environnementaux déterminant cette distribution, cette espèce ne supportant pas de température supérieure à 15°-16° C. La distribution est également fortement dépendante de la présence de particules en suspension dans l'eau. Cette espèce est principalement localisée dans les zones où les particules ont tendance à s'accumuler ou sont véhiculées par de forts courants.
Le corail noir est fixé aux roches ou autres substrats* durs. Il est également capable de coloniser les structures métalliques des épaves.
La distribution, très fragmentée, présente dans certains environnements spécifiques une densité très importante avec plus de 5 colonies par m2. Jusqu'à 100 colonies ont été observées sur le même site, couvrant une surface de 40 m2. En 2009, une population d'environ 30 000 colonies a été découverte dans le détroit de Messine, entre la Sicile et le sud de l'Italie, à une profondeur de 55 à 100 mètres.
Le corail noir forme de grandes colonies arborescentes pouvant atteindre 2 m de haut.
Le cœnenchyme*, c'est à dire la partie charnue qui recouvre l'axe squelettique (sombre), est de couleur blanche.
L'arborescence est caractérisée par des rameaux généralement longs, minces et flexibles. Ils sont disposés sur une à quatre rangées sur l'axe principal de la branche. La ramification est le plus souvent dense (2-3 rameaux par centimètre sur toutes les rangées).
Le corail noir est fortement fixé au substrat par un élargissement de la base. La densité de polypes* est beaucoup plus faible au niveau de la base.
Les polypes blancs, de petite taille (0,5 à 1 mm), sont disposés sur une seule rangée (7 à 10 polypes par centimètre le long de l'axe). De forme plutôt ovale, ils présentent 6 tentacules blancs translucides (4 tentacules latéraux et 2 sagittaux).
Observations au microscope :
Les rameaux sont eux-mêmes couverts d'épines subcylindriques, aiguës, ressemblant à des aiguilles (0,10 à 0,18 mm de long). Elles sont généralement inclinées, pointe dirigée vers l'extrémité du rameau, bien que parfois implantées perpendiculaires à son axe. Elles sont disposées en cinq à six rangées (5-6 épines par millimètre), leur densité étant plus importante sur les branches et la tige. Certaines épines sont en forme de fourche à leur sommet.
Au niveau mondial, il y a seulement cinq espèces dans le genre Antipathella.
En dehors du bassin méditerranéen, une confusion est possible avec Antipathella wollastoni (Gray, 1857) présente dans l'Atlantique Nord-Est, notamment aux Açores, au Cap-Vert...). Les deux espèces ont une arborescence similaire mais les rameaux de A. wollastoni sont fréquemment disposés sur 4 rangées constituées de 14 à 20 rameaux par cm. De plus, A. wollastoni présente un cœnenchyme de couleur brun-jaune.
En Nouvelle-Zélande, trois autres espèces ont été décrites : A. aperta, A. strigosa et A. fiordensis.
Les rameaux de A. subpinnata ont tendance à être plus épais et plus obliques que chez les autres espèces, pour lesquelles les ramifications (ou pinnules*) ont tendance à être plus minces et dirigées directement vers le haut.
Étant donné le très faible nombre d'études taxonomiques concernant ces espèces, ainsi que l'incertitude de plusieurs vieilles déterminations, il est aujourd'hui difficile de statuer sur la répartition biogéographique des différentes espèces du genre Antipathella. La distinction entre A. wollastoni et A. subpinnata n'a été clarifiée que très récemment (2001).
La famille des Myriopathidés (Antipathella spp.) est très proche morphologiquement de la famille des Antipathidés (Antipathes spp.). La détermination de ces familles est basée sur la taille et la morphologie des polypes, des tentacules et des épines, et sur la ramification générale. Les Myriopathidés ont des polypes plus petits (en général de 0,5 à 1 mm par rapport à 1 mm ou plus), et des tentacules relativement courts (une à deux fois le diamètre du polype par rapport à deux ou plusieurs fois le diamètre). Enfin, pour cette famille, la ramification est plus fine et dense.
Attention à l'appellation vernaculaire de "corail noir" qui en Méditerranée est parfois aussi utilisée, à tort, pour d'autres espèces d'Antipathaires comme Antipathes dichotoma Pallas, 1766 et Antipathes fragilis Gravier, 1918, mais également pour l'anémone buissonnante Savalia savaglia (Bertoloni, 1819).
Le corail noir est un filtreur passif. Un fort courant est indispensable pour lui apporter des proies planctoniques*, qu'il capture à l'aide de ses polypes, par le biais de leur couronne de tentacules lisses, munis de cellules spécialisées : les cnidocytes*. Il est également possible qu'il se nourrisse d'éléments nutritifs dissous dans l'eau de mer.
La reproduction du corail noir est mal connue, peu d'études traitent de ce sujet.
Chez A. subpinnata, les sexes sont séparés. Cette espèce se reproduit principalement par pontes : les œufs et le sperme sont libérés dans l'environnement où a lieu la fécondation.
La reproduction aurait lieu au cours de la période estivale, cette saisonnalité étant corrélée aux fluctuations de température de l'eau. Une étude a montré que les colonies ne sont pas fertiles en septembre-octobre quand la température de l'eau est en dessous de 14° C. En revanche, des colonies fertiles sont observées au mois d'août quand l'eau de mer est plus chaude (16° C).
La reproduction asexuée, par détachement de polypes, serait également un mode de multiplication, comme cela a été démontré pour l'espèce A. fiordensis.
Le corail noir est connu pour avoir une croissance relativement lente et une longévité importante.
A. subpinnata est souvent associée à des gorgones, principalement Paramuricea clavata et Eunicella cavolinii.
Les colonies peuvent présenter des épibiontes* tels que des bryozoaires (Schizobrachiella sanguinea, Pentapora fascialis), l'ascidie Clavelina dellavallei, le serpulide Filograna sp., mais également le bivalve Pteria hirundo. La plupart du temps, ces épibiontes se développent sur le pied principal ou sur les branches mortes. Cependant, il a récemment été décrit une association commensale* entre A. subpinnata et un hydraire, Ectopleura sp., pour laquelle l'épibionte est recouvert par les tissus et le squelette de son hôte, indiquant une intime association.
Les colonies de corail noir peuvent également représenter un important support de ponte pour certaines espèces de poissons, telle que la roussette Scyliorhinus sp.
Le squelette de couleur foncée (du marron au noir) n'est pas calcifié mais kératineux*.
Il est formé d'une protéine à base de soufre appelée antipathine.
Les coraux noirs sont appréciés en bijouterie. Le squelette est facile à travailler et le rendu qui en résulte est satisfaisant. Ils figurent parmi les gemmes organiques qui continuent d'être vendues et utilisées bien que la convention de Washington s'y oppose.
L'utilisation du corail noir remonte à l'époque gréco-romaine. Il lui était attribué d'excellentes vertus médicinales et aphrodisiaques. Il était également utilisé comme amulettes aux propriétés magiques pour se protéger du « mauvais œil ».
Plusieurs légendes parlent de l'utilisation de ce corail. L'une d'elles raconte que Ménélas, un célèbre roi et guerrier grec, qui participa avec Ulysse à la bataille de Troie, possédait une magnifique amulette en corail noir taillé, qu'il portait pour éviter les tragédies et livrer des combats victorieux.
Le célèbre écrivain et naturaliste romain, Pline l'ancien, nomma le corail noir, Antipathidae, car il l'utilisait comme un antidote contre les piqûres de scorpions et pour d'autres usages médicinaux.
D'autres références mentionnent le cas de tribus primitives qui sculptaient le corail noir et l'utilisaient comme décoration afin de se protéger des mauvais esprits.
Le corail noir ne fait pas partie des espèces protégées de Méditerranée qui sont très peu nombreuses. Il est inscrit en annexe III de la convention de Barcelone et son exploitation est donc réglementée. Il est également inscrit en annexe II de la convention de Washington (CITES) qui liste les espèces dont le commerce doit être étroitement contrôlé.
Le corail noir appartient à des écosystèmes* vulnérables, cibles privilégiées de la pêche et du chalutage.
La Commission Européenne a publié un règlement (CE 734/2008) concernant les massifs de coraux profonds. Elle recommande la cartographie et la fermeture de l'ensemble des zones européennes de coraux profonds au chalutage.
L'ONU (résolution 61/105) et la FAO (Food and Agricultural Organisation) ont défini la notion d'Écosystème Marin Vulnérable (VME), à protéger des pratiques de pêches destructrices, au même titre que les sources hydrothermales et les monts sous-marins.
Corail noir : le nom provient de la couleur sombre et brillante de son squelette. Cette couleur est attribuée à une protéine caractéristique des Antipathaires, l'antipathine, de couleur brun-noir.
Antipathella : du grec [antipathes] = anti souffrance, anti maladie, en référence à son usage médicinal à l'époque gréco-romaine.
subpinnata : du latin [sub] = en dessous et du latin [pinnatus] = qui à des plumes, en référence à l'aspect plumeux du corail noir.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Cnidaria | Cnidaires | Organismes aquatiques (marins pour la plupart) libres ou fixés, carnivores, principalement à symétrie radiaire, caractérisés par des cellules urticantes : les cnidocytes. Deux morphologies principales : le polype et la méduse. La larve est une planula. |
Classe | Anthozoa | Anthozoaires | Cnidaires exclusivement marins, solitaires ou coloniaux, uniquement sous la forme polype (jamais de phase méduse dans le cycle de vie). |
Sous-classe | Hexacorallia / Zoantharia | Hexacoralliaires / Zoanthaires | Anthozoaires coloniaux ou solitaires, tentacules lisses, polypes à symétrie d’ordre 6. |
Ordre | Antipatharia | Antipathaires | Coraux noirs. Colonies arbustives parfois spiralées. Squelette épineux et flexible de couleur noire. Tentacules des polypes lisses. |
Famille | Myriopathidae | Myriopathidés | Antipathaires présentant de très petits polypes (< 1 mm). Tentacules courts avec l'extrémité arrondie. Colonies très ramifiées. |
Genre | Antipathella | ||
Espèce | subpinnata |
Buisson blanc sur une épave
Le corail noir colonise les substrats durs tels que les roches ainsi que... les surfaces métalliques des épaves. Il est ici présent sur le pont de l'épave du Valfiorita (prof. 60 m), un cargo italien coulé en 1943 au large de Mortelle en Sicile.
Épave du Valfiorita, Sicile, Italie, Méditerranée, 60 m
13/06/2014
Le corail noir est... blanc !
Le nom de corail noir provient de la couleur sombre et brillante de son squelette. Mais le cœnenchyme qui le recouvre, ce qui est visible pour le spectateur chanceux, est de couleur blanche.
Santa Flavia, Sicile, Italie, Méditerranée, 65 m
19/06/2013
Aspect plumeux
Le corail noir forme de grandes colonies arborescentes, très ramifiées, à l'aspect plumeux.
Les grands buissons évoquent parfois l'aspect "pleureur" des saules du même nom...
Santa Flavia, Sicile, Italie, Méditerranée, 65 m
19/06/2013
Détails d'une colonie bretonne
Les polypes blancs, de petite taille (0,5 à 1 mm), sont disposés sur une seule rangée. De forme plutôt ovale, ils présentent 6 tentacules blancs translucides.
France, Bretagne, Finistère, Ouessant, 42 m
10/11/2014
Biotope
Espèce du coralligène, le corail noir appartient à des écosystèmes vulnérables, cibles privilégiées de la pêche et du chalutage.
Le Coffre, Agay (83), Méditerranée, 57 m
20/10/2018
Associations
Les colonies d'A. subpinnata sont souvent associées à des gorgones et peuvent présenter des épibiontes (bryozoaires, ascidies, serpulides, hydraires...).
Le Coffre, Agay (83), Méditerranée, 60 m
07/05/2011
Une rencontre rare
Le corail noir vit au-delà de 50 mètres de profondeur, et sa distribution est très fragmentée, ce qui en fait une espèce rare à observer lors d'une plongée à l'air.
Santa Flavia, Sicile, Italie, Méditerranée, 65 m
19/06/2013
Rare colonie bretonne
Rare observation de Antipathella subpinnata en Bretagne où cette espèce est sans doute en limite nord de distribution.
France, Bretagne, Finistère, Ouessant, 42 m
10/11/2014
Espèce voisine : Antipathella wollastoni
Cette photo d'Antipatella wollastoni, prise dans les Canaries, illustre quelques différences avec Antipatella subpinnata. Remarquez notamment la couleur brun-vert typique de cette espèce, alors que les colonies de notre A. subpinnata sont bien plus claires, pratiquement blanches.
Las Galletas, île de Tenerife, archipel des Canaries, océan Atlantique, 43 mètres
01/2016
Rédacteur principal : Samuel JEGLOT
Correcteur : João FERREIRA-GONÇALVES
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
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La page sur Antipathella subpinnata dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN