Chirurgien brun-noir

Clé d'identification

Noms

Distribution géographique

Mer Rouge, indo-Pacifique.

Le chirurgien brun-noir est présent en mer Rouge et dans les zones tropicales et subtropicales de l’océan Indien et du Pacifique Ouest et centre.
Dans l’océan Indien, on le trouve du golfe d’Oman à l’Afrique du Sud en passant par l’Afrique de l’Est, ainsi qu’aux Comores, à Madagascar, dans les Mascareignes*, aux Seychelles, en Inde et dans la mer d’Andaman.
Dans le Pacifique, on le rencontre du sud du Japon à l’Australie, avec une distribution vers l’est s’étendant jusqu’à Hawaï et à la Polynésie française, en passant par la Nouvelle-Calédonie et la plupart des îles océaniques comprises entre ces limites.

Biotope

Acanthurus nigrofuscus vit dans les lagons* et sur les pentes externes sur des fonds sableux, sablo-détritiques ou rocheux. Il apprécie les petits fonds côtiers où sa nourriture est abondante.
Sa distribution verticale va des premiers mètres jusqu’à 25 m de profondeur.

Description

Description succincte : le corps du chirurgien brun-noir est oblong et comprimé latéralement, avec un dos élevé et un arc ventral prononcé, une tête courte et pointue et une caudale en croissant fortement concave. Il peut mesurer jusqu’à 21 cm. La couleur dominante peut être marron plus ou moins clair ou gris bleuté à verdissant ; elle est parcourue sur les flancs par de très nombreuses lignes horizontales bleu pâle au dessin irrégulier. Une tache noire entourée de bleu se trouve sous la base des derniers rayons de la nageoire dorsale, et une tache identique, symétrique, et plus petite au-dessus de celle de l’anale. Le sillon des scalpels* est surligné de noir. La tête et la partie antérieure de l’abdomen* portent de nombreuses taches ocre.

Description détaillée :
Morphologie
Le corps est oblong avec un dos élevé et un arc ventral prononcé. Sa hauteur (calculée à la verticale du 2^e rayon dur de l’anale) entre de 2 à 2,3 fois dans sa longueur standard* (longueur sans la queue). Il est très comprimé latéralement. Sa taille maximale documentée est de 21 cm. Son pédoncule* caudal est armé de chaque côté par une épine érectile ou « scalpel* » en forme de lame de faux, qui est repliée dans un sillon en dehors des interactions agressives. Les très petites écailles dont son corps est couvert lui donnent un aspect lisse.

La tête est plus haute que longue, son profil est convexe avec une légère concavité entre la bouche et l’espace interorbitaire*. La bouche est terminale et petite, la lèvre supérieure évoque un bec arrondi. Les yeux sont haut placés, globuleux et de taille moyenne.

La nageoire dorsale est continue et très légèrement échancrée quand elle est déployée. La taille des rayons durs augmente fortement du 1^er au 3^e, et plus discrètement pour les suivants. Les rayons mous sont à peine plus hauts que les rayons durs.
La nageoire anale présente la même morphologie. La partie postérieure de ces deux nageoires forme une pointe.
La nageoire caudale est en croissant, sa concavité peut entrer jusqu’à 4,5 à 6 fois dans la longueur standard.
Les pectorales sont longues, leur pointe peut atteindre l’aplomb du 9^e rayon dur de la dorsale quand elles sont plaquées sur le corps.
Les pelviennes sont pointues et relativement longues, leur pointe peut dépasser largement l’origine de l’anale quand elles sont plaquées sur le corps.

Couleurs
La couleur de fond n’est pas toujours brun foncé, quoiqu’en disent les noms commun et scientifique de l’espèce. Elle peut être marron plus ou moins clair, gris bleuté, lavande à verdissant, voire presque blanche. Sur les flancs, ces couleurs sont parcourues longitudinalement par un réseau très dense de fines lignes ondulées d’un bleu très pâle généralement constituées par un alignement de points. Leur dessin est irrégulier : certaines se dédoublent ou s’arrêtent en chemin, d’autres encore forment de longs tirets cernés par d’autres lignes, etc. Une ligne ocre continue marque le haut du dos en suivant le parcours de la dorsale. Un ocelle* noir plus ou moins discrètement auréolé de bleu se trouve sous la base des derniers rayons de la nageoire dorsale et déborde sur leurs membranes. Une tache identique mais plus petite se trouve au-dessus de la base des derniers rayons de l’anale. Le sillon des scalpels est finement surligné de noir, les scalpels eux-mêmes sont blancs à bleutés.

La couleur de fond de la tête et de la partie antérieure de l’abdomen* est la même que celle du corps, en version délavée à bleutée. Cette partie du corps porte de nombreuses taches à peu près circulaires, de couleur ocre et de taille variable. Le tégument* de la protubérance charnue qui protège le globe oculaire est gris bleu à noirâtre. L’iris* est brun foncé, avec un anneau orange autour de la pupille. Les lèvres sont noirâtres à bleu foncé.

La nageoire dorsale est d’un ocre plus ou moins clair sur la plus grande partie de sa longueur, et lavande à violet foncé dans sa partie postérieure. Une fine ligne noire surmontée d’un liseré bleu électrique l’accompagne en partie distale sur toute sa longueur.
L’anale est le plus souvent entièrement lavande à violette, avec le même liseré noir et bleu que celui de la dorsale. Ces deux nageoires sont parcourues par des lignes longitudinales plus claires que la couleur de fond ; ces lignes sont le plus souvent peu perceptibles.
La caudale est généralement lavande à violette, ces couleurs pouvant être plus ou moins soutenues, mais cette nageoire peut aussi être brun-rouge ; les bords de ses lobes sont noirâtres à liseré bleu, celui du croissant est bleu foncé à noirâtre avec un fin liseré blanc.
Le premier rayon des pectorales est noir, les autres sont marron clair avec des membranes translucides.
Les pelviennes sont rosâtres à violacées avec un bord antérieur bleu électrique et noir.

La livrée de nuit ne diffère pas de celle de jour, mais elle est généralement plus terne.

Le patron de couleurs des juvéniles est décrit dans la section consacrée à la reproduction.

Espèces ressemblantes

De nombreuses espèces du genre Acanthurus présentes dans la distribution du chirurgien brun-noir ont un patron de fines lignes ondulées sur les flancs, mais elles peuvent être distinguées d’Acanthurus nigrofuscus par l’un au moins de ces quatre critères :

• L’absence de taches ocre sur la tête et la partie antérieure de l’abdomen*
• L’absence d'une tache noire sous les derniers rayons des nageoires dorsale et anale
• La présence d’un anneau de couleur sur le pédoncule caudal
• Un sillon des scalpels* surligné d’une autre couleur que le noir.

La distinction est moins facile avec certaines espèces du genre Ctenochaetus :

• Ctenochaetus binotatus : les espaces entre les lignes ondulantes sur les flancs sont nettement plus larges que chez A. nigrofuscus, les taches sur la tête et la partie antérieure de l’abdomen sont bleues, et l’iris* est bleu électrique au-delà de l’anneau doré qui entoure la pupille. Cette espèce a la même distribution que le chirurgien brun-noir, mer Rouge exclue.
• Ctenochaetus cyanocheilus : les lignes sur les flancs sont plus nettes et mieux tracées que chez Acanthurus nigrofuscus, et l’espace qui les sépare est nettement plus large. Il n’y a pas de tache noire sous les derniers rayons des nageoires dorsale et anale. Cette espèce se rencontre dans l’ouest du Pacifique, et, si l’on en croit Catalog of Fishes (site de référence pour les poissons), dans le sud-ouest de l’océan Indien.
• Ctenochaetus striatus : seule la partie supérieure de la tête porte des taches ocre. Il n’y a pas de tache noire sous les derniers rayons des nageoires dorsale et anale. Cette espèce partage la distribution d’Acanthurus nigrofuscus.
• Ctenochaetus strigosus : la protubérance charnue qui porte les yeux est jaune vif. Il n’y a pas de tache noire sous les derniers rayons des nageoires dorsale et anale. Cette espèce est endémique* de l’atoll Johnston et de l’archipel d’Hawaï, dans le Pacifique Nord.

Alimentation

Le chirurgien brun-noir se nourrit d’algues filamenteuses prélevées sur des plaques de gazon algal. Le genre des algues consommées évolue avec leur disponibilité saisonnière. La majeure partie de sa diète* consiste en algues rouges, mais il peut aussi consommer des algues brunes ou vertes et des cyanobactéries*.

Reproduction - Multiplication

L’espèce est gonochorique* (les sexes sont séparés dès l’embryon et ne changeront pas au cours de l’existence d’un individu). Selon une étude menée en Australie sur la Grande Barrière de corail (Hart et Russ, 1996), la maturité sexuelle est atteinte à 2 ans tant pour les mâles que pour les femelles, à une taille variant entre 10 et 14 cm en fonction de la disponibilité de la nourriture. La reproduction a lieu en été. Elle suscite des migrations vers des sites dédiés et peut agréger alors des groupes allant de 2000 à 2500 individus, ou former des couples sur des territoires de nourrissage dominés par un mâle territorial.

L’agrégation prend régulièrement une forme de dôme s’élevant lentement dans la colonne d’eau avant de revenir à sa place après qu’une à deux douzaines de petits groupes de mâles menés par une femelle ont mêlé leurs gamètes* à l’issue d’une ascension rapide à proximité de la surface. Les pontes en couples occasionnent des parades nuptiales.

Des changements de couleurs ont été observés chez les mâles. Ils diffèrent légèrement selon qu’il s’agit de mâles participant à une agrégation ou de mâles territoriaux. Il s’agit toujours de pâlissement des couleurs sur telle ou telle partie du corps (nageoires incluses). Chez les mâles participant à une agrégation au comble de l’excitation, la partie antérieure de la tête devient presque noire du museau à la nuque en passant par les yeux. Chez les mâles territoriaux, la caractéristique principale du changement de couleur est le pâlissement de la tête, de la gorge et des pelviennes.

Les œufs et les larves* sont pélagiques*.

Les juvéniles et les subadultes ont une morphologie similaire à celle des adultes, mais la nageoire caudale est moins échancrée. Du point de vue du patron de coloration, la différence la plus constante tient à la présence de tirets ocre mêlés aux taches rondes de même couleur qu’on voit sur la tête et la partie antérieure de l’abdomen des adultes. Ces tirets deviennent des taches avec la croissance des individus.

Vie associée

Les vers plats monogènes Haliotrema nanhaiense, H. nigrofusci, H. leporinus et H. upenei parasitent les ouïes* du chirurgien brun-noir.

Une bactérie géante, Epulopiscium fishelsoni, a été découverte en 1985 dans les intestins d’Acanthurus nigrofuscus, avec lequel elle vit en symbiose (Fishelson et al. 1985). Sa taille est comprise entre 30 et 500 micromètres (les bactéries mesurent généralement autour de 2 micromètres de long).

Divers biologie

L’espèce est grégaire. Les groupes qu’elle forme peuvent aller de quelques individus à plusieurs centaines d’unités en dehors des périodes de reproduction. Mais on peut rencontrer des individus solitaires.

La dentition d’Acanthurus nigrofuscus consiste en dents incisiformes* élargies et dotées de denticulations arrondies en partie distale*. Le nombre de dents dépend de la taille du sujet. Randall (1956) compte 14 dents sur la mâchoire supérieure et 16 sur la mâchoire inférieure d’un individu de 14,8 cm.

Les scalpels sont tranchants, ils sortent de leur sillon quand le poisson dirige sa queue sur le côté. Ils peuvent infliger des coupures douloureuses si le poisson vivant est manipulé. Ce sont des armes offensives (rivaux) et défensives (prédateurs).

La nageoire dorsale comprend 9 rayons durs et de 24 à 27 rayons mous, la nageoire anale comprend 3 rayons durs et de 22 à 24 rayons mous. Les pectorales ont 16 ou 17 rayons, et les pelviennes 1 rayon dur et 5 rayons mous.

Le chirurgien brun-noir peut vivre jusqu’à au moins 25 ans.

Informations complémentaires

L’espèce est considérée comme très commune.

Acanthurus nigrofuscus est susceptible de transmettre la ciguatéra*.

Le chirurgien brun-noir n’est pas ciblé par la pêche professionnelle.
Il n’intéresse que modérément le commerce aquariophile, bien que l'espèce soit appréciée pour son rôle de régulateur naturel des algues dans les aquariums récifaux, dans lesquels elle est considérée comme un bon poisson d’entretien en jouant un rôle actif dans le contrôle des algues indésirables.

On trouve des fossiles de poissons-chirurgiens remontant à l’Eocène (-55 millions d’années), et ce jusqu’en Bretagne !

Origine des noms

Origine du nom français

Chirurgien : ce nom se rapporte aux épines érectiles tranchantes qui arment le pédoncule caudal des poissons concernés. On appelle aussi ces épines des « scalpels », du nom de l’un des instruments des chirurgiens de métier. On peut également trouver le nom commun de poisson-chirurgien.

brun-noir : traduction de l’épithète spécifique du nom scientifique (voir ci-dessous).

Origine du nom scientifique

Acanthurus : du grec [akantha], qui signifie épine et [oura], qui signifie queue. Le mot signifie donc « épine sur la queue » et renvoie aux scalpels présents sur le pédoncule caudal des poissons-chirurgiens.
Le genre a été brièvement décrit en tant que sous-genre du genre Chaetodon par Forsskål en 1775 dans Descriptiones animalium avium, amphibiorum, piscium, insectorum, vermium; quae in itinere orientali observavit Petrus Forskål. Post mortem auctoris edidit Carsten Niebuhr (p. 59). L’un des arguments pour la création de ce sous-genre était la présence de scalpels sur le pédoncule caudal. Le genre Chaetodon, créé par Linné en 1758, englobait à l’époque non seulement des membres de la famille actuelle des Chaetodontidés mais aussi de celles des Pomacentridés, des Pomacanthidés, des Acanthuridés, des Zanclidés, etc.
L’espèce-type*, désignée par Desmarest en 1856, est Acanthurus chirurgus.
Le genre contient actuellement [05/2025] 42 espèces acceptées.

nigrofuscus : nom composé des mots latins [niger], qui signifie noir, et [fuscus), qui signifie sombre, et par extension brun.
L’espèce est décrite par Forsskål en 1775 dans le même ouvrage où il décrit le sous-genre (p. 64) sous le nom de Chaetodon nigro-fuscus. Il précise dans sa description que l’espèce diffère des précédentes décrites dans son sous-genre Acanthurus notamment par la couleur de son corps, dont « toutes les parties sont brun noir ».
La localité du type* est Djeddah (Arabie Saoudite).

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 219640