Crevette grise européenne

Crangon crangon | (Linnaeus, 1758)

N° 1747

Littoral de toute l'Europe et de l'Afrique du nord

Clé d'identification

Taille de quelques cm (max. 7 cm)
Couleur gris pâle à brune
Rostre court
Vit sur et dans le sable plus ou moins vaseux

Noms

Autres noms communs français

Bique, boucaud, boucaut, crangon commun, crevette de sable, crevette grise commune, esquille
Crevuche, guernade (en mer du Nord)

Noms communs internationaux

Brown shrimp, common shrimp, bay shrimp, sand shrimp, grey shrimp (GB), Gambero grigio, granat (I), Camaron, gamba, quisquilla gris (E), Nordseegarnele, Sandgarnele, Strandgarnele, Granat, Porre, Knat, Graue Krabbe (D), Noordzeegarnaal, grijze garnaal (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Astacus crangon Linnaeus, 1758
Cancer crangon Linnaeus, 1758
Crangon vulgaris Fabricius, 1798
Crangon maculosa Rathke, 1837
Crangon maculatus Marcusen, 1867
Steiracrangon orientalis Czerniavsky, 1884

Distribution géographique

Littoral de toute l'Europe et de l'Afrique du nord

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]

On la trouve sur toutes les côtes européennes : mer Baltique, mer du Nord, côtes de l'Atlantique de la mer Blanche jusqu'au Maroc ; sa distribution est discontinue en Méditerranée et en mer Noire.
Elle est présente partout sur les côtes françaises mais semble plus rare dans les Landes, en Provence-Côte d'Azur et en Corse.

Biotope

C'est une espèce caractéristique des fonds sableux fins bien calibrés et des fonds sablo-vaseux. On la trouve depuis l'estran* jusqu'à une vingtaine de mètres de profondeur (des signalements profonds jusqu'à 150 m sont peut-être dus à une erreur d'identification, une confusion avec Crangon allmanni). Elle privilégie les estuaires et les lagunes littorales, et supporte très bien les variations de salinité. Vivant dans la zone littorale, son comportement est lié aux rythmes des marées et de la lumière :
- A marée basse, elle s'enfouit dans le sédiment ; à marée haute, elle nage près du fond en quête de nourriture.
- Elle est beaucoup plus active de nuit que de jour.

Description

Cette crevette peut atteindre une taille de 5 cm pour les mâles (maximum 7,5 cm) et de 7 cm pour les femelles (maximum 9,5 cm).

Sa cuticule* translucide et sa livrée variant du brun au gris pâle avec de nombreuses taches et marbrures irrégulières, lui assurent un mimétisme certain avec le fond sableux-vaseux où elle vit. Une bande noire ou sombre sur la face dorsale entre les 4e et 5e segments abdominaux (associée à une longueur de la crevette supérieure à 3 cm), est souvent présente et constitue un bon indice d'identification en plongée.
Elle possède un rostre très court. Ses yeux sont très rapprochés. Elle a deux paires d'antennes : une courte dépassant à peine le rostre et une autre presque aussi longue que le corps.
De jour, elle n'hésite pas à s'ensabler pour passer inaperçue.

A la loupe
Le rostre n'est pas denté. Le céphalothorax* est muni de 3 petites épines :
- une est présente sur la face dorsale, un peu en arrière des yeux ;
- les deux autres sont disposées plus à l'arrière sur le bord latéral.
La première paire de pattes porte des pinces subchéliformes (= paume élargie, sans doigt fixe, le dactyle recourbé en arrière), sans exopodite (= branche filiforme à la base de l'appendice), et avec le mérus* armé d'une forte épine au milieu de son bord interne. La deuxième paire porte de petites pinces qui lui permettent de faire sa toilette.
L'abdomen (improprement appelé queue) n'a pas de carènes dorsales au niveau du 6e segment. Il porte cinq paires de pattes munies de soies natatoires et les uropodes* de chaque côté du telson*.

Espèces ressemblantes

Crangon allmanni (Kinahan, 1857) : elle possède deux carènes dorsales sur les segments postérieurs de l'abdomen, elle vit uniquement en eau profonde sur les côtes françaises (de 10 à 250 m environ) et sur des fonds plus vaseux.
Les espèces des genres Philocheras et Pontophilus sont en général plus petites que C. crangon. Philocheras trispinosus (Hailstone, 1835) possède trois épines rapprochées sur la carapace.
Crangon septemspinosa Say, 1818, crevette grise de sable : elle est présente sur toute la côte atlantique de l'Amérique du Nord, de Terre-Neuve à la Floride.

Alimentation

La crevette grise est omnivore opportuniste, parfois nécrophage*. Elle se nourrit principalement de petits crustacés (copépodes, mysidacés, ostracodes, larves cypris…), de vers (nématodes, annélides polychètes…), de très jeunes bivalves (moules, coques, tellines…) et plus rarement de petits poissons (gobies de sable) qu'elle chasse surtout la nuit. C'est un prédateur qui chasse à vue ou à l'affût, et ne dédaigne pas le cannibalisme envers des congénères plus petits.

Reproduction - Multiplication

La ponte peut avoir lieu plusieurs fois dans l'année ; elle a été observée de février à septembre en Bretagne. Cependant, l'éclosion se déroule principalement au printemps et en été.
Les sexes sont séparés (cf. remarque infra). Lors de l'accouplement, le mâle retourne la femelle sur le dos. Ils sont alors en position perpendiculaire avec leurs régions génitales en face à face. A l'aide de ses pattes abdominales, le mâle expulse ses spermatophores* (capsules contenant ses spermatozoïdes) et les fixe sur la zone ventrale à la limite du thorax et de l'abdomen de la femelle.
C'est seulement lors de la ponte, qui peut avoir lieu plusieurs jours plus tard, que les œufs sont fécondés. Ils sont entre deux mille et dix mille ; leur diamètre varie de 0,35 à 0,61 mm. La femelle les porte collés aux pléopodes* (pattes abdominales) pendant 4 à 10 semaines suivant la température de l'eau.
A l'éclosion, la larve* mesure 1,8 mm ; elle mène une vie planctonique* pendant environ cinq semaines (5 mues entre janvier et octobre en Bretagne). Au moment de la métamorphose*, elle se pose sur le fond où elle passera le reste de sa vie. Au moment du « recrutement » à partir de début juin (en Bretagne), sa taille est d'environ 5 mm et il lui faut encore 25 mues pour être adulte. La femelle grandit plus vite que le mâle.
Chez la femelle, la maturité sexuelle est atteinte vers l'âge d'un an à une taille comprise entre 30 et 44 mm.

Remarque : il y a possibilité d'hermaphrodisme* protandrique* c'est-à-dire qu'un individu soit d'abord mâle puis femelle. Il s'agit cependant de cas rares et controversés : il est possible que cet hermaphrodisme ne concerne en fait que certaines populations et dans une proportion variable, comme c'est le cas pour la crevette nordique Pandalus borealis.

Vie associée

Contrairement à d'autres espèces de crustacés décapodes, la crevette grise semble très peu parasitée. Très occasionnellement, des sangsues peuvent être observées en plongée sur les crevettes grises.
Elle est au menu de nombreux poissons « ronds » (tacauds, limaces de mer Liparis liparis, gobies de sable Pomatoschistus spp., souris de mer Agonus cataphractus, merlans Merlangius merlangus, éperlans Osmerus spp., loquettes Brosme brosme, gonnelles) et « plats » (raies bouclées, soles, plies, limandes Limanda limanda). Comme autres prédateurs, citons les céphalopodes (seiches et sépioles Sepiola spp.), les crustacés (crevettes Pandalus montagui, Palaemon adspersus, crabes Carcinus maenas et Carcinus aestuarii, pagures…) et les oiseaux (limicoles, cormorans …).

Divers biologie

L'espérance de vie est de l'ordre d'un an et demi.

Informations complémentaires

En Atlantique et mer du Nord, elle passe l'hiver au large et revient sur le littoral du printemps à l'automne.
En Méditerranée, elle rentre dans les étangs côtiers de l'automne jusqu'au printemps.

En Belgique, à Oostduinkerke, quelques pêcheurs continuent la capture traditionnelle des crevettes grises dans des chaluts halés par des chevaux de trait de race brabançonne. Cette pêche, qui se pratique toujours à marée basse, est devenue une attraction touristique.
La crevette grise fait également partie des espèces de la pêche à pied sur l'estran où elle se capture au haveneau ayant un filet à mailles de 5 à 8 mm. La taille minimum de capture est de 3 cm et la quantité par personne et par marée ne doit pas dépasser un volume de 5 litres.

La crevette grise adulte a plusieurs modes de déplacement et plusieurs vitesses correspondantes, marche arrière comprise. Du plus lent au plus rapide, il est possible d’évoquer :

- La vitesse de déplacement plus ou moins vertical lors de l’enfouissement. Selon la nature du sédiment, il faut plusieurs secondes à la crevette grise pour disparaître complètement sous le sable, soit environ 5 secondes pour 1 cm de « déplacement » vertical.

- La vitesse de déplacement vers l'avant lors de la prospection alimentaire. La crevette nage en essayant de repérer ce qui est comestible et caché dans le sable, soit environ 10 secondes pour 2 cm de marche sur le sédiment.

- La vitesse de déplacement vers l'avant lors de la nage en déplacement "courant", soit environ 10 secondes pour 1 m de nage avec les pléopodes pour une avancée normale standard. C’est ce type de déplacement qui est utilisé par la crevette grise pour ses déplacements sur des distances moyennes (plusieurs dizaines ou centaines de mètres), en fonction des marées ou des déplacements saisonniers.

- La vitesse de déplacement vers l’arrière lors de la réaction de fuite face à un danger, beaucoup plus rapide, c'est à dire 1 seconde pour 20 cm et 2 "bonds".

Ces vitesses varient un peu en fonction de la température ; elles sont en moyenne plus rapides quand la crevette est en pleine forme à son optimum de tolérance thermique (25°C?) et nettement plus lentes par engourdissement aux températures froides non létales (1°C). Noter que ces valeurs estimées pourraient être mesurées in situ en plongée pour avoir des informations plus fiables.

Statuts de conservation et réglementations diverses

La crevette grise est pêchée au chalut de fond (maillage réglementaire CEE de 20 mm) en Atlantique, Manche et surtout en mer du Nord (90 % des captures viennent de l'Allemagne et des Pays-Bas).

Origine des noms

Origine du nom français

Crevette : déformation du mot "chevrette" du fait des sauts qu'elle exécute pour se déplacer.
grise : liée à sa coloration.

Origine du nom scientifique

Crangon : du grec [crangon] = crevette.
Remarque : le doublement du nom signifie que l'auteur de la description du "genre" a pris les caractéristiques de cet animal comme référence, c'est donc "l'espèce type" du genre Crangon.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Arthropoda Arthropodes Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette.
Sous-embranchement Crustacea Crustacés Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes.
Classe Malacostraca Malacostracés 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen.
Sous-classe Eumalacostraca Eumalacostracés Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax.
Super ordre Eucarida Eucarides Présence d'un rostre.
Ordre Decapoda Décapodes La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces.  Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises).
Sous-ordre Caridea Caridés Les Caridés sont caractérisés par des pléopodes natatoires. C'est à ce groupe qu'appartiennent une grande partie des espèces de crevettes.
Famille Crangonidae Crangonidés
Genre Crangon
Espèce crangon

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