Forskalie

Forskalia spp. (edwardsi / contorta) | Kölliker, 1853 / (Milne Edwards, 1841)

N° 526

Eaux mondiales tempérées et chaudes

Clé d'identification

Long manchon gélatineux, souvent teinté de rose orangé
Partie antérieure composée de petits éléments translucides agglomérés autour de l'axe central
Partie postérieure composée de nombreux éléments munis de filaments extensibles

Noms

Autres noms communs français

Forskalie, grand siphonophore, siphonophore d'Edwards

Noms communs internationaux

Big siphonophore (GB), Sifonoforo grande (I)

Synonymes du nom scientifique actuel

Cette fiche décrit deux espèces de Siphonophores Physonectides quasi impossibles à différencier en plongée, que le plongeur est susceptible de rencontrer dans les eaux sous juridiction française.

Forskalia edwardsi a été mis en synonymie avec :

  • Stephanomia prolifera Milne Edwards, 1841
  • Forskalia misakiensis Kawamura, 1954

Forskalia contorta a été mis en synonymie avec :

  • Forskalia formosa Keferstein & Ehlers, 1860
  • Forskalia tholoides Haeckel, 1888
  • Forskalia leuckarti Bedot, 1893

Distribution géographique

Eaux mondiales tempérées et chaudes

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge], ● Caraïbes

L'espèce la plus fréquemment rencontrée en Méditerranée est probablement Forskalia contorta. Elle est signalée dans le bassin occidental de Méditerranée (mer d'Alboran, côtes françaises et espagnoles), en Atlantique tropical Nord-Ouest (mer des Sargasses, mer des Caraïbes, partie sud du golfe du Mexique) et Atlantique Sud-Est (Benguela), dans l'océan Indien, en mer Rouge, au Vietnam.

Forskalia edwardsi, quant à elle, est identifiée en Méditerranée Ouest, Atlantique Tropical centre et Nord-Ouest (Canaries, golfe du Mexique), Atlantique Nord-Est, océan Indien, mer Rouge, mer de Chine et mer de Cortez.

Biotope

Les forskalies font partie du plancton*, c'est-à-dire qu'elles sont transportées par les masses d'eau au gré des courants, ce qui ne les empêche pas dans le même temps d'effectuer des migrations verticales dans la colonne d'eau (entre 0 et 500 m de profondeur), ou de nager activement dans une direction donnée.

Description

Cet animal se présente comme une longue guirlande semi-translucide, mesurant couramment 3 à 5 m et jusqu'à 10 m de long, qui se déplace entre deux eaux. L'extrémité antérieure est translucide, le reste du fourreau est composé de petits éléments colorés en rose orangé, disposés en spirale autour d'un axe central ou stolon*, et pourvus de prolongements ou filament flottants.
La spirale peut être plus ou moins resserrée (comme un ressort étiré ou compressé) ce qui donne un aspect soit de manchon de fourrure, soit de bouquet lâche et échevelé, selon la phase de nage.

Il s'agit d'un organisme colonial où les différentes parties du corps correspondent à des ensembles de zoïdes*, morphologiquement spécialisés dans des fonctions différentes. On distingue de l'avant vers l'arrière :

- un flotteur, vésicule appelée pneumatophore*, visible comme une petite bille de 1 à 3 mm de diamètre tout à l'avant de la colonie (il est souvent enfoui parmi les éléments translucides du nectosome*), et rempli de gaz ;

- le nectosome* composé de cloches natatoires ou nectophores*. Elles ressemblent à de petites méduses dépourvues de manubrium*, de forme aplatie, attachées en spirales autour du stolon. Leurs contractions simultanées ou successives provoquent le déplacement de l'ensemble de la colonie ;

- le siphosome* qui constitue la plus longue partie de l'organisme est formé de la répétition de cormidies*. Chaque cormidie insérée sur le stolon est composée d'un bouquet de zoïdes de différents types :

  • des bractées, polypes réduits à de simples lames de consistance cartilagineuse, disposées comme des écailles qui recouvrent le stolon ;
  • un polype nourricier ou gastrozoïde*, reconnaissable à son filament pêcheur, lui-même porteur de petites ramifications urticantes appelées tentilles ;
  • des polypes tubulaires appelés palpons ou dactylozoïdes*, chacun pourvu d'un unique tentacule* filiforme appelé palpacule ;
  • un polype reproducteur ou gonozoïde* portant des grappes de gonophores* (méduses rudimentaires) mâles ou femelles.

Espèces ressemblantes

Forskalia edwardsi se distingue de F. contorta par la présence remarquable d'une tache jaune soufre au point d'insertion des nectophores, alors que ceux de F. contorta sont absolument incolores. De plus F. edwardsi a des palpacules en "collier de perles" (les nématocystes sont regroupés en mini-sphères régulièrement alignées). La structure des gonozoïdes est différente : chez F. edwardsi, les gonophores femelles sont implantés près de la base et les mâles sont en position terminale, alors que chez F. contorta, les gonophores femelles sont portés par un long pédoncule*. Mais aucun de ces détails anatomiques n'est vraiment repérable in situ.

De nombreux siphonophores Physonectides présentent un aspect assez voisin, par exemple :

  • Rhizophysa filiformis (Forskål, 1775) : ressemble aussi à une longue guirlande translucide, mais on ne voit pas de cloches natatoires, le pneumatophore forme une grosse ampoule et le siphosome très étiré n'est pas pigmenté de rose. Les cormidies sont largement espacées sur le stolon.
  • Nanomia bijuga (Delle Chiaje, 1844), Nanomia cara Agassiz, 1865, etc. : ces siphonophores peuvent atteindre deux mètres de long et présentent un aspect assez proche de celui de la forskalie, avec un enchaînement pneumatophore-nectosome-siphosome étendu. Les cloches natatoires sont plus ou moins sphéroïdales. Le long du stolon allongé, les cormidies sont bien identifiables, avec de longs filaments pêcheurs ponctués de tentilles rouge brique ou blanches.
  • Bargmannia spp. : espèces montrant un nectosome très allongé, distinctif, avec beaucoup de nectophores matures semblant porter de petits lobes ailés. Le siphosome est de belle longueur également quand il est déployé mais il n'est pas aussi fourni, aussi épais que celui de la forskalie, quelle que soit la situation, repos ou pêche.
  • Apolemia uvaria (Lesueur, 1815) : facilement reconnaissable à son siphosome de couleur opaque, blanchâtre, le pneumatophore est souvent bien dégagé du nectosome. Fait probablement unique chez les siphonophores physonectes, le nectosome porte de longs dactylozoïdes, à l'allure de palpacules, insérés à la base de chaque cloche natatoire. En situation de nage, l'apolémie ressemble un peu à un écheveau de laine claire. C'est probablement le plus long siphonophore de Méditerranée, car on y a vu des colonies de plus de 20 mètres.

Enfin on peut rencontrer en plongée d'autres curieux organismes gélatineux et planctoniques de forme tubulaire pouvant dépasser le mètre :

  • les pyrosomes (Ascidiacés coloniaux) se présentent comme un manchon gélatineux ouvert à une extrémité. Ils nagent activement. Leur diamètre, hormis chez les espèces géantes, est d'une quinzaine de cm maximum. Ils n'ont jamais de grands filaments pêcheurs autour d'eux.
  • on peut aussi confondre avec un reliquat de ponte de calmar des profondeurs, mais celle-ci se présente comme un long boudin gélatineux, creux et qui dérive passivement dans le courant. Le diamètre du boudin est d'approximativement 30-40 cm.

Alimentation

Les forskalies se nourrissent de copépodes, de larves* pélagiques de crustacés ou de mollusques, chaetognathes et petits poissons à l'occasion.

En action de pêche, la forskalie se déroule et adopte une nage saccadée : dans un premier temps les cloches natatoires se contractent (comme autant de méduses) et poussent l'ensemble de la guirlande ; dans un second temps la colonie se laisse couler doucement pendant que les tentacules et filaments pêcheurs, moins denses, se déploient tout autour en interceptant un large cylindre d'eau.

Les nématocystes se déclenchent au contact, ils semblent agir davantage par adhérence (les tubules sont armés de nombreux crochets) que par envenimation des proies. Les filaments en se contractant ramènent la proie capturée au gastrozoïde où elle sera partiellement digérée avant rejet des déchets. La digestion intracellulaire est assurée dans les palpons.

Reproduction - Multiplication

Les siphonophores sont des espèces holoplanctoniques* (tout le cycle de vie d'un individu se déroule en pleine eau, sans phase fixée). Chaque colonie est hermaphrodite* et produit des gonophores* mâles et femelles sur les mêmes gonozoïdes. Les gamètes* sont émis dans l'eau où a lieu la fécondation.

Le développement larvaire à partir de l'œuf donne en premier lieu une larve* ciliée (planula*), puis très rapidement une larve typique des siphonophores : la siphonula, déjà pourvue d'un flotteur, un premier gastrozoïde et son tentacule*. Après quelques jours, les premières bractées commencent à bourgeonner sous le flotteur.

La colonie s'agrandit progressivement par bourgeonnement de nouveaux zoïdes. Une première zone de croissance se trouve immédiatement sous le pneumatophore et produit de nouvelles cloches natatoires, une autre située au début du siphosome produit de nouvelles cormidies.

Vie associée

Associés

Les nectophores ou cloches natatoires sont très souvent occupées par de petits amphipodes qui s'y installent à l'abri des prédateurs, et se nourrissent en grignotant la paroi.

Prédateurs

Les prédateurs des forskalies (et des siphonophores en général) sont mal connus. Ils semblent être principalement d'autres organismes pélagiques comme les Cténophores, des Mollusques pélagiques comme les Carinaires, Janthines, certaines tortues...

Divers biologie

Flottabilité

Le pneumatophore est rempli d'un gaz (composé en majeure partie de CO2). Ce gaz est sécrété par des cellules spéciales, mais vu la très petite taille du flotteur relativement à celle de la colonie, il joue probablement un rôle assez mineur dans la gestion de la flottabilité des colonies adultes. Il est plus probable qu'il agisse sur la position et la stabilisation du nectosome.

Les bractées gélatineuses, de densité inférieure à celle des cormidies, jouent un rôle notable dans la flottabilité de la partie postérieure de la colonie.

Autotomie

Quand elle est perturbée ou harcelée, la forskalie "ramasse ses jupes" en rétractant ses filaments en quelques secondes (de même, les pédoncules* des zoïdes se contractent) et s'éloigne en nageant énergiquement par contraction synchrone des nectophores.

La forskalie est capable de se séparer volontairement d'une partie de ses nectophores ou de ses cormidies en cas d'attaque. Un petit nuage de pigment rouge est évacué en même temps par les palpons, ce qui pourrait avoir le même effet qu'un jet d'encre de seiche sur le prédateur.

Informations complémentaires

La forskalie est pourvue de filaments urticants, il faut donc éviter d'y toucher. Néanmoins le contact est beaucoup moins dangereux que celui d'autres Hydrozoaires pélagiques comme la physalie ou galère portugaise.

Sur la dizaine de formes de nématocystes identifiées chez les siphonophores, au moins quatre sont présentes chez les Forskalidés.

Selon H. Milne Edwards, " De tous les êtres bizarres dont la mer fourmille, il n'en est peut-être aucun qui soit aussi singulier et aussi embarrassant pour les zoologistes que ces longues guirlandes animées...".
On s'est interrogé longtemps sur la question de savoir s'il s'agit d'un individu (les zoïdes étant alors considérés comme des organes) ou d'une colonie d'individus (les différentes adaptation des polypes). On considère aujourd'hui qu'il s'agit d'un "super-organisme" dont tous les éléments sont issus de la division d'un unique œuf, au même titre que les colonies en forme de plume des Hydrozoaires benthiques.

Origine des noms

Origine du nom français

Forskalie, siphonophore d'Edwards sont des versions françaises du nom scientifique. Cet organisme bizarre n'a pas vraiment de nom vernaculaire.

H. Milne Edwards avait donné le nom de "Stéphanomie tortillée" à l'exemplaire décrit de Villefranche-sur-Mer (06), appellation séduisante mais un peu surannée.

Origine du nom scientifique

Forskalia : ce nom est est un hommage à P. Forsskål, naturaliste suédois, disciple de Linné. Descripteur de plus de 200 espèces de Poissons, Algues, Mollusques, Anémones, Hydrozoaires pélagiques, il mourut à l'âge de 31 ans au cours d'une expédition zoologique en Arabie. Une soixantaine d'espèces marines lui sont dédiées.

edwardsi : hommage à Henri Milne Edwards (1800-1885), zoologiste, auteur de nombreux traités et articles consacrés aux sciences naturelles, (à ne pas confondre avec son fils Alphonse Milne-Edwards, également zoologiste).

contorta : en latin, signifie tortueux, entortillé, compliqué.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 135396

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Cnidaria Cnidaires

Organismes aquatiques (marins pour la plupart) libres ou fixés, carnivores, principalement à symétrie radiaire, caractérisés par des cellules urticantes : les cnidocytes. Deux morphologies principales : le polype et la méduse. La larve est une planula.

Classe Hydrozoa Hydrozoaires Cnidaires dont le cycle de vie est alterné, mais de façon inconstante, par deux phases différentes : le polype et la méduse. Présence d’un velum dans la méduse (dite craspédote), gonades ectodermiques, perte des septes, perte des cnidocytes endodermiques. Coloniaux ou solitaires. Quelques espèces d’eau douce.
Sous-classe Hydroidolina Hydroïdes Hydrozoaires dont le cycle de vie présente toujours une phase polype.
Ordre Siphonophorae Siphonophores Hydroïdes coloniaux exclusivement pélagiques. Les colonies présentent des méduses et des polypes associés et fortement différenciés, disposés le long d'un stolon long parfois de plusieurs dizaines de mètres.
Sous-ordre Physonectae Physonectides Siphonophores possédant un pneumatophore, un nectosome, et un siphosome.
Famille Forskaliidae Forskaliidés
Genre Forskalia spp.
Espèce (edwardsi / contorta)

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