Fissures, grottes ou parties de grottes totalement dépourvues de lumière
Parois noircies par des enduits d’oxydes de fer et de manganèse, caractéristiques de cette biocénose.
Méditerranée
Toutes les côtes rocheuses karstiques ou fracturées (côtes des Albères, côtes de Provence-Alpes-Côte d'Azur et côtes ouest de la Corse) sont susceptibles de présenter des éléments plus ou moins complets des grottes obscures avec une prédominance dans les zones karstiques (Bouches-du-Rhône).
Cette biocénose est principalement rencontrée dans les cavités immergées dont le rapport entre la taille de l’entrée et la longueur totale est faible, ou dans lesquelles un obstacle important à la pénétration de la lumière est présent. Le taux de recouvrement biologique des parois de cet habitat peut atteindre 50 à 80 % dans les zones les plus riches, mais peut être quasi nul dans les parties les plus confinées.
Un enduit d’oxydes de fer et de manganèse peut être observé sur les parois des grottes qui se retrouvent noircies.
La présence d’espèces vivant normalement à plus grande profondeur (espèces bathyales*) s’explique par le fait qu’elles trouvent dans cet habitat les conditions de lumière, de stabilité du milieu et de nourriture similaire à celles de la pente continentale et à la proximité de canyons profonds.
Cet habitat constitue des
enclaves du domaine aphotique dans la zone littorale, en présente des
conditions environnementales très originales, proches de celles rencontrées sur
la pente continentale.
Les deux facteurs clés sont l'absence de lumière, qui
exclut les organismes photosynthétiques, et le confinement, qui exclut les
organismes à forte demande trophique.
Le renouvellement de l’eau des chambres
obscures est généralement très faible ou occasionnel et dépend de facteurs
topographiques, bathymétriques* et géographiques locaux. L’hydrologie et la
composition biochimique sont généralement très stables et les conditions
extrêmement oligotrophes*, les dépôts sédimentaires sont extrêmement fins. La
très forte diminution de l’apport trophique* et de colonisateurs depuis
l’extérieur entraîne une sélection drastique de la faune établie dans cet
habitat.
L'installation et la reconstitution du peuplement sont extrêmement lentes et aléatoires en raison de l'éloignement des sources exogènes de recrutement* et de la rareté des apports énergétiques.
Les grottes et boyaux à obscurité totale sont caractérisées par des espèces sessiles* telles que des éponges encroûtantes, des bryozoaires et des Serpulidés.
Les espèces caractéristiques de cet habitat sont :
Ce sont des zones de refuges pour les organismes à faible compétitivité. Cet habitat joue également le rôle de zone de protection des individus se cachant de leurs prédateurs diurnes. Enfin, dans cette biocénose des grottes obscures, la structuration de l’habitat se réalise à une très petite échelle.
Dans certaines situations environnementales, des bryozoaires construisent des formations en nodules ou en crêtes parallèles sur les parois créant une certaine structuration. Ces espèces sont Onychocella marioni ou Puellina radiata (= Cribrilaria radiata).
La plongée
dans les grottes sous-marines donne accès à des études biologiques et
écologiques uniques.
La plongée de loisir, quant à elle, s’aventure rarement
au-delà de la biocénose des grottes et boyaux à obscurité totale.
La résilience des peuplements occupants cet habitat face aux perturbations naturelles ou anthropiques est très faible. Ils sont donc particulièrement vulnérables. Deux séries de mesures permettent une bonne gestion de cet habitat : la surveillance de la qualité des eaux et de la pollution (en particulier de la charge en matières organiques) ainsi que la gestion de la fréquentation effectuée par les plongeurs (même si celle-ci reste minime).
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Typologie utilisée dans cette fiche DORIS/OFB :
Typologie nationale des biocénoses benthiques de Méditerranée (NatHab-Med)
Typologie et description | |
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Niveau 2 |
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Niveau 3 |
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Grotte sous-marine
Plongée insolite dans une grotte obscure sur le site de l'Eissadon, dans le parc des Calanques (Bouches-du-Rhône).
Parc national des Calanques, Calanque de l'Eissadon (13), Méditerranée
18/08/2013
Le seul accès et la seule lumière
Derrière le photographe, c'est le noir quasi-total.
Alpes-Maritimes (06), Côtes d'Azur, Méditerranée, 35 m
25/12/2006
Éponge de verre
Cette espèce, Oopsacas minuta, appartient à une classe d'éponges d'ordinaire très profonde, qui se développent normalement au-delà de 200 mètres de profondeur (bathyales à abyssales), là où la température est suffisamment basse et stable pour que le métabolisme de la silice soit optimisé.
La couleur blanche témoigne également de l'absence de la moindre lumière pour qu'une relation photosynthétique soit possible.
Cet individu métropolitain exceptionnel, car sur un spot peu profond, a été découvert (et c'est l'unique présence en France à ce jour) dans une grotte au large de La Ciotat, probablement colonisée depuis plusieurs milliers d'années, dans laquelle toutes les caractéristiques bio-physiques sont constantes (température, absence de courant, obscurité) pour ressembler aux conditions habituelles de l'espèce.
Grotte au large de La Ciotat (13), Méditerranée, 20 m
24/09/1996
Éponge carnivore
Pour retrouver cette espèce (Lycopodina hypogea), il est nécessaire de rencontrer un biotope équivalent à des fonds d'environ 1000 m dans les océans : avec une température constante de 13-14 °C, pas de lumière, pas de mouvement d'eau. Ce biotope peut être retrouvé dans une grotte au profil descendant (l'entrée est moins profonde que l'extrémité de la grotte, ce qui permet à l'eau froide, plus dense que l'eau chaude, d'y être piégée), à proximité de fonds importants (permettant la « migration » de certaines espèces abyssales).
Ces éponges ont su, à cause des difficultés de filtration (pas de courants ! Le système aquifère a disparu ainsi que les choanocytes) développer une stratégie de carnivore, en capturant les proies grâce à de petits crochets, tels un "velcro". La méthode d'ingestion est originale également.
Grotte vers La Ciotat (13), Méditerranée; 18 m
09/10/2004
Rédacteur principal : Jonathan SAGAN (OFB)
Vérificateur : Gaëlle QUEMMERAIS AMICE (OFB)
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Gaël ROCHEFORT
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La fiche de cet habitat dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN
Cette fiche a été réalisée dans le cadre du projet européen Life Marha, LIFE16 IPE FR001, porté par l’Office Français de la Biodiversité. Contact OFB : Alain PIBOT.