Indo-Pacifique tropical
Zones DORIS : ● Indo-PacifiqueIndo-Pacifique tropical, probablement depuis les côtes africaines (présence signalée à Mayotte, à Madagascar...) jusqu'au Pacifique central (Hawaï). L'espèce est relativement fréquente dans le Pacifique occidental (Philippines, Indonésie, Australie...).
Espèce généralement rencontrée sur les platiers, pentes et tombants récifaux, où se trouvent les Ascidiacés dont elle se nourrit.
Ce ver plat de grande taille, peut atteindre 45 mm. Il possède un large corps, à l'aspect assez charnu, dont les bords forment volontiers des replis et des volants bien marqués. La médiane dorsale montre une légère épaisseur arrondie. A l'avant, des replis du corps forment deux "pseudo-tentacules" assez simples. On peut rencontrer l'animal sous une forme très ovalisée, presque ronde ou bien très allongée.
La couleur de fond générale est rouge sombre mais le dos est semé d'un mouchetis blanc qui lui donne une couleur fuchsia, rose brillant à mauve, sur la plus grande partie du corps, ce semis se densifiant souvent en bordure de zone. Notons que la densité et la taille de ces petits semis blancs (parfois bleutés) peuvent également varier d'un individu à l'autre. Cette zone piquetée de clair prend naissance au contact des pseudo-tentacules antérieurs et se poursuit vers l'arrière sans rejoindre jamais les bords du corps. Il ne reste donc visible du rouge profond général qu'une bande périphérique coquelicot sombre, plus ou moins étroite, dénuée de points blancs. Enfin, juxtaposée à cette bande rouge, une marge extérieure jaune orangé plus fine fait le tour du ver plat.
La face ventrale est rouge, cette couleur devenant plus sombre vers les bords.
Autant de nombreuses espèces de vers plats colorés rentrent en concurrence quant à une discrimination affirmée, autant Pseudoceros ferrugineus ne prête pas trop à l'erreur d'identification.
En effet, le patron de sa livrée n'a pas vraiment d'équivalent parmi les grands Plathelminthes.
Seul Pseudoceros vinosus Meixner, 1907 est parfois cité comme d'une couleur proche mais montrerait des taches jaunes. Il est difficile d'en trouver des représentations.
Outre cette espèce, les seules hésitations que l'on peut actuellement avoir concernent des motifs s'éloignant un peu de la description prototypique de P. ferrugineus (bandes périphériques plus ou moins étroites, points dorsaux beaucoup plus gros, intensités différentes dans les coloris, densité des mouchetis clairs variable...) dont on ne sait s'il s'agit de la même espèce ou d'une espèce proche mais différente.
Pseudoceros ferrugineus est carnivore* et se nourrit sur des ascidies coloniales. Les espèces concernées ne sont pas identifiées avec exactitude. Le pharynx ramifié est dévaginé sur la colonie d'urochordés.
Les Polyclades sont hermaphrodites* avec des systèmes reproductifs mâle et femelle simultanément opérationnels, et conjointement utilisés pour la reproduction sexuée. Chez Pseudoceros ferrugineus, le pénis, ou stylet, est localisé en face ventrale dans une chambre mâle, après la zone pharyngienne. Et juste derrière se trouve le pore femelle. Celui-ci servira à la ponte car la reproduction, la transmission des gamètes* mâles, ne se fera pas par cette voie-là mais sera intra-cutanée.
En effet, la reproduction ressemble à une sorte de "combat" très visuel, violent et gracieux à la fois, fait d'approches et d'enroulements réciproques, durant lequel chacun des protagonistes tente de perforer le corps de son alter ego de son stylet pointu, telle une seringue hypodermique, et ce afin de lui inoculer sa semence. Qu'importe le(s) lieu(x) d'insémination, les spermatozoïdes* migreront dans le corps du récepteur.
Les spermatozoïdes injectés sont bi-flagellés et la fécondation est donc interne, qui se fera au niveau des oviductes*.
La ponte de Pseudoceros ferrugineus est émise par le pore génital femelle en face ventrale et elle se présente comme une fine couche d'œufs de couleur rouge sombre, en aplat sur le support choisi. La couleur de la ponte est probablement influencée par les réserves de vitellus* contenues dans les capsules ovigères*.
Les larves* ciliées* (la larve caractéristique des Polyclades, appelée larve de Müller, ressemble parfois à une larve trochophore* à 8 lobes*) qui émergeront des œufs seront pélagiques* et nageuses durant quelques jours, avant de se métamorphoser*. Les adultes, enfin benthiques*, ne feront que quelques millimètres.
Les vers plats se multiplient également par scissiparité*, un fragment de leur corps pouvant se développer et donner un nouveau ver plat complet, clone génétique du parent, qui peut donc lui même régénérer le fragment manquant.
Comme chez tous les Polyclades, le tube digestif, comprend une bouche, située en face ventrale. Situé dans le premier tiers du corps, un pharynx complexe, musculeux, est caractéristique du groupe, montrant plusieurs (souvent 7) lobes ramifiés et s'étendant dans toutes les directions.
Le système excréteur, des proto-néphridies*, est rudimentaire.
Le ver plat fuchsia n'a pas de système circulatoire et n'a pas d'appareil respiratoire différencié : sa respiration est cutanée.
Sur la bordure des pseudo-tentacules, il existe des zones d'afférences lumineuses (yeux tentaculaires) peu visibles. En arrière de ces pseudo-tentacules, sur le dos, se trouve également une tache oculaire, organisée en forme de croissant et comprenant de nombreux yeux cérébraux (des cellules sensibles à la lumière, reliées au ganglion cérébral). Chez Pseudoceros ferrugineus, cette zone oculaire se trouve dans la zone parsemée de mouchetis blancs et donc également peu évidente à localiser à l'œil nu.
Une sorte de ventouse (le cotylé) se trouve sur la face ventrale du ver plat fuchsia, vers le milieu du corps. Mais ce cotylé est très difficile à voir car il s’agit parfois juste d'une petite bosse, d'un bourrelet ou d'une légère dépression dans l'épiderme. Il combine des fonctions musculaires et adhésives. La présence de cet organe fonde l'appartenance de P. ferrugineus au sous-ordre des Cotylés.
Les déplacements sont assurés à la fois par un épiderme cilié, avec une densité de cils beaucoup plus forte sur la face ventrale, et de puissants muscles dorsaux-ventraux ainsi que circulaires.
Il est possible que chez Pseudoceros ferrugineus la distribution géographique influe sur les motifs de la livrée. Des individus rencontrés par exemple à Mayotte semblent montrer des points plus gros, et une zone de semis moins dense mais plus étendue que les individus photographiés aux Philippines. De même pour d'autres localisations qui apportent peut-être un peu de variabilité.
Nom valide et synonymie de cette espèce :
Cette espèce (en tant que Pseudoceros ferrugineus) a été décrite à l'origine (1959) par Libbie Henrietta Hyman comme ayant deux gonopores mâles. Et c’est pour cette raison que l’allemand Anno Faubel, proposant en 1984 un nouveau système de classification reposant notamment sur le système reproducteur (et travaillant d'après littérature), a basculé l’espèce dans le genre Pseudobiceros (2 systèmes mâles), le taxon devenant alors Pseudobiceros ferrugineus.
Cependant, lors d'une révision sur les Polyclades en 1994, Leslie Newman et Lester Cannon ont pointé sur l’holotype* l'existence d'un unique gonopore mâle, un seul stylet et d’un pharynx avec des replis complexes, typique du genre Pseudoceros, replaçant à nouveau cette espèce dans le genre initial.
Plus récemment (2010 ?), le site de référencement taxonomique auquel se réfère DORIS, World Register of Marine Species (WoRMS), adossé à la Turbellarian taxonomic database (Université du Maine, USA), a resitué l’espèce dans le genre Pseudobiceros… Nous ne connaissons ni les raisons explicites ni les études qui se rattachent à ce changement. Nous avons donc choisi de suivre les travaux des derniers chercheurs (Leslie Newman et Lester Cannon) ayant publié sur cette espèce en l'ayant eue entre les mains, bien que ce point de la nomenclature soit controversée dans la littérature.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Platyhelminthes | Plathelminthes | Vers plats à symétrie bilatérale, portant des organes des sens simples sur la tête, tube digestif à une seule ouverture ventrale. Nombreuses espèces libres ou parasites. |
Classe | Turbellaria | Turbellariés | Vers plats libres (non parasites) mus par une ciliature ventrale. Tube digestif ramifié qui possède une seule ouverture au centre de la face ventrale. |
Sous-classe | Archoophora | Archoophores | |
Ordre | Polycladida | Polyclades | Turbellariés à intestin très ramifié. Espèces de grande taille. Planaires marines. |
Sous-ordre | Cotylea | Cotylés | Polyclades caractérisés par la présence d’une ventouse ventrale permettant aux vers de se maintenir sur le fond. |
Famille | Pseudocerotidae | Pseudocérotidés | Corps ovale, lisse ou à papilles. Tentacules proéminents formés à partir de la marge. |
Genre | Pseudoceros | ||
Espèce | ferrugineus |
Patron habituel
Voici le patron habituel de Pseudoceros ferrugineus. L'ensemble est rouge sombre mais, partant de derrière les pseudo-tentacules (à droite), une zone assez nette est semée de petits mouchetis blancs à bleus. Le mélange donne à cette zone une couleur fuchsia.
Le rouge profond, coquelicot sombre, du fond reste visible sur le pourtour, le ver étant bordé d'une ultime bande jaune orangé.
Rock point, Apo Island, Philippines, 10 m
22/11/2013
Variabilité de la robe
La livrée présente toujours des couleurs similaires mais la zone piquetée de blanc peut s'étendre plus ou moins. On voit ici que la bande résiduelle de rouge sombre est vraiment restreinte par rapport aux autres individus de cette galerie.
Grande barrière, Australie, 20 m
24/01/2006
Des volants et des replis
Le corps forme volontiers des volants et des replis, notamment sur sa périphérie. Ce sont des replis marginaux qui forment les pseudo-tentacules antérieurs que l'on voit ici, face à nous.
Archipel des Visayas, Philippines
05/04/2008
De quoi ??!!
Debout sur le corail, pour mieux observer, dirait-on !
Méfions-nous des excès d'anthropomorphisme : la vision des Plathelminthes n'a rien à voir avec la vision humaine. Mais cela n'exclut pas la recherche d'informations sur son environnement immédiat grâce à différents organes des sens, comme les yeux cérébraux et tentaculaires.
Apo Island, Philippines, 28 m
25/04/2006
Tache oculaire
Juste derrière les pseudo-tentacules, se trouve une petite zone un peu plus foncée, un point sombre, que l'on peut distinguer sur cette image (flèche).
Il s'agit d'une zone d'afférence lumineuse rassemblant une quarantaine de cellules photosensibles reliées au ganglion cérébral.
C'est une partie des organes des sens du ver plat fuchsia. Il y en a d'autres situés ailleurs, comme en bordure des pseudo-tentacules.
Philippines, 12 m
03/2011
Epaisseur relative au milieu
La médiane du corps présente une épaisseur supérieure au reste du corps. Pas grand-chose ! Juste une petite crête longitudinale arrondie.
Cet individu est relativement allongé. Mais il peut aussi se faire très ovale, presque rond.
Philippines, 18 m
10/08/2010
Rencontre prénuptiale ?
La reproduction des vers plats semble un ballet gracieux et violent tout à la fois. Les individus s'emmêlent, dansent deux à deux, stylets dressés, et c'est à celui qui réussira à transpercer l'épiderme de son alter ego pour lui injecter sa semence !
Ici, quatre Pseudoceros ferrugineus sont rassemblés. Hélas, rien n'indique avec assurance qu'ils s'apprêtent à se reproduire.
Rock point east, Apo Island, Philippines, 31 m
28/04/2006
Extrêmement souple
Le ver plat est... plat ! Et extrêmement souple. Il peut sans problème se faufiler par le moindre interstice, le moindre trou, la plus petite faille.
Un individu est ici en train d'explorer une petite fente très étroite dans le rocher.
Archipel des Visayas, Philippines
04/04/2008
Déplacements
Les déplacements sont assurés à la fois par un épiderme cilié, avec une densité de cils beaucoup plus forte sur la face ventrale, et de puissants muscles dorsaux-ventraux.
Une sorte de ventouse, quasi invisible à l'œil nu, se trouve sur la face ventrale de P. ferrugineus, vers le milieu du corps. Elle combine des fonctions musculaires et adhésives.
Apo Island, Philippines, 25 m
09/04/2010
Récapitulatif...
Sur cet individu australien, on peut pointer les principales caractéristiques visibles de cette espèce :
- le corps ovale avec quelques "frous-frous" périphériques,
- les 2 pseudo-tentacules simples à l'avant,
- le petit point de la tache oculaire juste derrière,
- la fine crête arrondie médiane
- le patron de couleur remarquable : fuchsia, rouge, orange.
NavyPier, Exmouth, Australie, 10 m
7/04/2002
Même espèce ou espèce proche ?
Les points plus marqués sur le dos de cet individu indiquent-ils une autre espèce ou correspondent-ils seulement à une variation de Pseudoceros ferrugineus ?
Serait-ce Pseudoceros vinosus, très peu documenté ?
Pour l'heure, baptisons-le Pseudoceros cf. ferrugineus...
C'est à dire : "qui ressemble" à P. ferrugineus.
Archipel d'Alor, Petites îles de la Sonde, Indonésie, 15 m
04/04/2013
Biotope
Pseudoceros ferrugineus se rencontre généralement sur les platiers, ou comme ici sur des pentes et tombants récifaux, à proximité des madrépores et des coraux mous.
Mais ce sont bien les ascidies coloniales qui sont recherchées pour la nourriture.
Rock point east, Apo Island, Philippines, 31 m
28/04/2006
A Mayotte
Les individus identifiés comme Pseudoceros ferrugineus dans l'océan Indien de l'ouest ont des livrées un peu différentes de celles plus orientales.
Ici un individu mahorais.
Dans le cartouche en bas à gauche, un ver plat de la même zone qui pourrait également être de la même espèce. Mais il faudrait l'étudier de plus près pour en être certain...
Mayotte
2009
Dans les Philippines
L'archipel des Philippines semble particulièrement bien représenté dans la distribution de Pseudoceros ferrugineus.
Cabilao island, Philippines, 16 m
22/04/2011
En Indonésie
Au milieu du triangle d'or de la biodiversité...
La couleur semble assez claire.
Archipel des Togian, Sulawesi, Indonésie, 15 m
09/04/2006
En Australie orientale
Les différentes localisations de Pseudoceros ferrugineus dans sa zone de distribution impliquent-elles des différences dans les livrées, couleurs ou motifs ?
Grande barrière, Australie, 20 m
24/01/2006
Rédacteur principal : Alain-Pierre SITTLER
Vérificateur : Stéphane JAMME
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER