Morelle douce amère

Solanum dulcamara | (Linnaeus)

N° 2537

Zone tempérée d'Europe, Asie occidentale, Amérique du Nord

Clé d'identification

Sous-arbrisseau buissonnant dressé de 1 à 3 mètres
Tiges rondes dégageant une odeur et présentant un goût caractéristique quand on les brise
Feuilles d'un vert assez foncé, pétiolées à 3 divisions, à nervures secondaires bien visibles
Fleurs groupées en cymes bipares, étamines jaune d’or, corolle violette
Fruits globuleux verts puis rouge carmin à maturité

Noms

Autres noms communs français

Douce amère, morelle grimpante, crève chien, bourreau des arbres, bronde, herbe à la fièvre, herbe à la quarte, vigne de Judée (ou de Judas), vigne sauvage, loque, réglisse sauvage, bois de ru

Noms communs internationaux

Bittersweet, bittersweet nightshade, blue nightshade, climbing nightshade, woody nightshade, european bittersweet, felon wood (GB), dulcamara, solatro legnoso, vite salvatica, amara dolce (I), Bittersüss, Bittersüssnachtschatten, Nachtschatten, Rote Hundsbeer, Alpfranken (D)

Synonymes du nom scientifique actuel

Solanum scandens Lam.
Solanum ruderale Salisb.
Lycopersicon dulcamara L. Medik.
Dulcamara flexuosa Moench

Distribution géographique

Zone tempérée d'Europe, Asie occidentale, Amérique du Nord

Zones DORIS : ● Eau douce d'Europe, ● Atlantique Nord-Ouest

La morelle douce amère est une plante commune à assez commune en zone tempérée européenne et en Asie occidentale (distribution eurasiatique).
En France métropolitaine (Corse comprise), en Belgique, Italie (Nord) et Suisse, mais aussi plus à l’est (Roumanie, Bulgarie, observations de l’auteur), on la trouve dans les zones plutôt humides et peu élevées (altitude en général inférieure à 650-750 m même si certains auteurs la décrivent jusqu’à 1700 m dans certaines conditions). Elle ne semble pas présente plus au sud. On l'observe aussi en Afrique du Nord, dans les Açores.
Elle a été observée sous l'infuence des embruns en Belgique et, observations de l’auteur, côtes de la Manche, Bretagne nord et sud, Ouessant.
Introduite en Amérique du Nord, elle semble s’y être acclimatée et être désormais naturalisée.

Biotope

Les bordures de cours d’eau, de lacs ou d’étangs, les zones marécageuses, constituent un biotope très favorable. La morelle douce amère est décrite comme une espèce vivant aussi typiquement dans les haies et talus non ou peu entretenus, les bords de forêts fraîches à humides (forêts alluviales) et, plus généralement, les espaces non ou peu anthropisés (à nuancer car présentes dans les décombres ou les coupes forestières).
Bien qu’en général elle préfère les emplacements ombragés (plante sciaphile*), les sols riches (plante nitrophile), humides, à pH alcalin à neutre, à texture argileuse, limoneuse ou tourbeuse, il n’est pas exceptionnel de la trouver en milieu ouvert, voire en plein soleil, y compris dans les dunes de sable et les parties hautes de l’estran sous l’influence des embruns salés en association avec des plantes comme les ronces et les orties. Certains auteurs la décrivent comme une plante plutôt héliophile et aussi de mi-ombre.

Description

Les Solanum spp. sont caractérisées par leur fleur très typique. Leurs cinq étamines* jaune d’or ont un filet court, les anthères* sont très rapprochées les unes des autres (dos à dos) et forment entre elles comme un tube qui entoure le style* du pistil*, qui est simple, à stigmate* obtus. La corolle forme un tube court, qui s’étale en cinq lobes en général triangulaires, pointus en leur extrémité. Chez S. dulcamara, les pétales sont en général de couleur violette, même si des variantes blanches ou crème ont été signalées. La base des lobes est marquée de deux petites taches verdâtres, rarement blanches. Les fleurs (12 à 20 mm de diamètre) sont regroupées en une inflorescence* particulière (10 à 20 fleurs), une cyme* bipare.
Les fruits de la morelle douce amère sont globuleux et charnus, d’un diamètre de l’ordre de 8 mm, plus longs que larges. D’abord verts, ils deviennent rouge carmin à maturité.
Les feuilles, caduques (elles tombent à l’automne) sont pétiolées*, plus ou moins velues, de couleur vert foncé, alternes. Elles présentent des nervures secondaires bien dessinées. Les feuilles peuvent être entières ou dentées à trois divisions (plus rarement cinq), les segments latéraux sont plus courts, à bords entiers, mais la forme du limbe* est assez variable, au point que cinq variétés sont citées par Bonnier et Douin (1990).
La plante elle-même est un sous-arbrisseau de 1,5 à 2 mètres (parfois jusqu’à 4 m), à port buissonnant dressé, vivace*, à tiges ligneuses rondes et lisses et à souche rampante. Les tiges de l’année, qui portent les fleurs et les feuilles, restent herbacées (elles sont vertes et souples), elles ne s’aoûtent (se lignifient, deviennent grises à marron et plus rigides) qu’à la saison suivante. Si on casse une tige, il en émane une odeur particulière et peu agréable, semblable à celle qu’on obtient en cassant une tige de pomme de terre. La tige présente également un goût d’abord doux puis amer, assez caractéristique (attention, toxique !). L’écorce est amère et à bois sucré.

Espèces ressemblantes

La morelle douce amère peut être confondue avec quelques autres plantes poussant dans le même biotope si on n’observe que les feuilles. Il suffit cependant de regarder les fleurs (morphologie, couleur, forme de l’inflorescence) ou les fruits pour l’identifier de façon sûre.
A la taille et la couleur près, le lecteur aura une bonne idée de la morphologie des fleurs des Solanum spp. en observant des fleurs de tomate ou de pomme de terre.
Il existe une autre espèce Solanum littorale Raab, sur les dunes maritimes, qui se distingue par une pubescence très développée.

Alimentation

La morelle douce amère est autotrophe* pour le carbone grâce à la photosynthèse, qui lui permet de fabriquer sa propre matière organique à partir de l'eau, du dioxyde de carbone de l’air, des sels minéraux du substrat et grâce à l'énergie lumineuse.
Quand une tige d’une morelle douce amère se trouve immergée dans de l’eau douce, elle développe une grande quantité de racines (dites racines adventives), qui lui permettent d’extraire des éléments nutritifs de l’eau. Ce chevelu racinaire dans l’eau libre peut être très important, il constitue un habitat de choix pour toute une microfaune (vers, mollusques, insectes, petits poissons, batraciens, etc, à tous stades de développement).

Reproduction - Multiplication

La floraison est étalée d’avril-mai à août-septembre.

Reproduction sexuée
La morelle douce amère est une plante à fleurs hermaphrodite* : les fleurs ont à la fois les organes reproducteurs mâles (les anthères) et femelles (le pistil). La plante est essentiellement autogame (les gamètes* mâles fertilisent les gamètes femelles de la même fleur), mais les insectes peuvent aussi assurer des fécondations croisées entre plantes. De la fécondation résultent de nombreuses graines enfermées dans un fruit charnu. Ce fruit est consommé durant l’hiver par les oiseaux (leur toxicité diminue à pleine maturité), qui dispersent les graines dans leurs fèces* et permettent ainsi à l’espèce de coloniser de nouveaux espaces.

Reproduction asexuée
Comme beaucoup de plantes, la morelle douce amère se reproduit aisément de façon asexuée par bouturage. A partir de morceaux de racines ou de tiges, des plantes entières peuvent se reconstituer facilement. De ce fait, l’entretien mécanique des fossés, des haies et des bordures de cours ou plans d’eau favorise la multiplication de cette plante.
Le marcottage (génération d’une nouvelle plante à partir d’un morceau de tige accidentellement recouvert de terre) est également courant dans la nature.

Vie associée

La morelle douce amère ne pousse jamais seule, mais toujours en mélange avec d’autres végétaux qui lui apportent un support pour pousser et maintiennent le substrat* suffisamment humide. On la trouve avec diverses plantes de haies libres, de taillis ou de friches (ronces, orties…).
Les feuilles sont souvent perforées par certains insectes qui s’en nourrissent.

Divers biologie

Les morelles douces amères représentent un danger indirect considérable pour l’agriculture. En effet, cette plante est hôte d’une bactérie (Ralstonia solanacearum) récemment introduite en Europe et contre laquelle de très importants efforts de lutte sont consentis pour l’éradication. Cette bactérie est pathogène d’espèces cultivées (tomate, pomme de terre, aubergine, tabac…) et elle est susceptible de causer de très gros dégâts (destruction de récolte, interdictions de plantation…). Quand S. dulcamara développe un important chevelu racinaire dans les cours d’eau, elle est capable de capter la bactérie qui y circule éventuellement en très faible quantité, elle la multiplie puis la rejette en très grandes quantités dans l’eau. Elle joue alors un rôle majeur dans l’épidémiologie de la maladie.
La plante assure également la conservation de la bactérie d’une saison à l’autre (c’est une plante réservoir), et ne semble pas souffrir de la maladie causée par la bactérie.
Si l’eau ainsi infectée est pompée pour irriguer des cultures sensibles, elle contamine les parcelles pour plusieurs années et cause des dégâts économiques considérables. La lutte chimique n’est pas possible et les autres moyens mis en œuvre par les services de l’Etat pour éradiquer les foyers peut coûter plusieurs millions d’euros.
Aujourd’hui, certains cours d’eau comme la Tamise au Royaume-Uni sont durablement contaminés.

Informations complémentaires

Toutes les parties de la morelle douce amère (tiges, feuilles, fruits, graines) sont riches en composés toxiques, en particulier des glycoalcaloïdes (sucre + alcaloïde). Malgré le danger que représentent ces poisons, S. dulcamara est utilisée de longue date tant par la pharmacopée traditionnelle que par l’industrie pharmaceutique.
Les tiges de S. dulcamara ont été utilisées en décoction pour leurs propriétés sudorifiques (elles augmentent la sudation) et dépuratives (elles favorisent l’élimination des toxines par le foie).
Les feuilles peuvent être utilisées empiriquement pour fabriquer des cataplasmes anti-inflammatoires et calmants, pour lutter par exemple contre les abcès, les furoncles, l’eczéma, le psoriasis et diverses autres dermatoses, ou pour soigner des plaies.
Les fruits, s’ils sont ingérés et même en petites quantités, causent des nausées, vomissements, diarrhées, hyperthermies, crampes, céphalées et tachycardies graves pouvant conduire à la mort, surtout pour des personnes fragiles comme les enfants. Les baies vertes sont les plus toxiques, une dizaine suffirait à tuer un enfant. Des cas d’intoxication d’animaux de compagnie ont également été rapportés.
Les graines contiennent un alcaloïde très puissant de la famille de l’atropine, pouvant causer la mort à dose trop élevée (arrêts cardiaques, problèmes respiratoires…).
A partir des fruits, des teintures vertes ou violettes étaient par le passé préparées.
Les tiges de morelle douce amère, souples et résistantes, ont jadis été utilisées pour confectionner des paniers.
C'est une plante mellifère (production de sucs récoltés par les insectes butineurs (abeilles) et oiseaux nectarivores pour la fabrication du miel).
Elle vit plusieurs années.
Bien qu’elle soit relativement commune, cette plante est discrète et passe très souvent inaperçue, malgré la couleur vive de ses fleurs et de ses fruits.

Origine des noms

Origine du nom français

Douce amère : le nom français le plus courant pour cette plante vient du goût qu’ont ses tiges fraîches, doux en première approche puis franchement amer. Evitez cependant de sucer cette plante, elle contient des composés toxiques voire mortels ! C’est d’ailleurs sans doute de là que lui vient un autre nom courant, le crève chien.
La propension à « grimper » dans d’autres plantes qui lui servent de support et l’aspect de ses grappes de fruits ont conduit aussi à la nommer vigne de Judée ou vigne sauvage.

Origine du nom scientifique

Solanum : du latin [solari] = soulager. Un certain nombre d’espèces de Solanum (dont S. dulacamara) étaient en effet utilisées en médecine traditionnelle par les romains pour soigner divers maux.
dulcamara : du latin [dulcis] = doux, sucré, et [amara] = amer. Il se rapporte au goût des tiges.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Magnoliophyta Angiospermes Plantes à fleurs dont les graines fécondées sont renfermées dans un fruit.
Classe Magnoliopsida Dicotylédones Embryons à deux cotylédons*.
Sous-classe Asteridae Astéridées
Ordre Solanales Solanales
Famille Solanaceae Solanacées Les solanacées sont une famille végétale regroupant environ 2500 espèces réparties en 95 genres. Elle compte des espèces importantes pour l’Homme comme la tomate, l’aubergine, le piment, la pomme de terre, le tabac…
Genre Solanum
Espèce dulcamara

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