Salpe à larges bandes

Soestia zonaria | (Pallas, 1774)

N° 5222

Cosmopolite (zones tropicales et tempérées)

Clé d'identification

Organisme gélatineux planctonique transparent
Peut se présenter sous deux formes : solitaire et en colonie

Oozoïde (phase asexuée, solitaire) :
Taille de 5 à 81 mm
6 larges bandes musculaires (la plus postérieure étant plus étroite) parallèles et interrompues dorsalement et ventralement
Tunique rigide symétrique
Avant du corps rectangulaire, arrière légèrement protubérant, portant deux petites expansions de chaque côté

Blastozoïde (phase sexuée, coloniale) :
Taille de 4 à 55 mm
5 bandes musculaires parallèles interrompues ventralement, la bande la plus antérieure l’est aussi dorsalement
Tunique asymétrique avec expansion postérieure du côté droit
Avant du corps tronqué de manière oblique
Existence en chaîne, accroché à de nombreux autres blastozoïdes

Noms

Synonymes du nom scientifique actuel

Holothurium zonarium Pallas, 1774
Salpa zonaria (Pallas, 1774)
Iasis zonaria (Pallas, 1774)
Salpa polycratica Forskål, 1775
Holothuria zonaria Linneaus 1778
Salpa cordiformis Quoy & Gaimard, 1827
Salpa microstoma Quoy & Gaimard, 1827
Salpa unicuspidata Lesson, 1830
Salpa quadrangularis Lesson, 1832
Salpa tricuspida Lesson, 1832
Salpa nitida Hedman, 1888
Jasis zonaria Sewell, 1926

Distribution géographique

Cosmopolite (zones tropicales et tempérées)

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]

Elle est cosmopolite et eurytherme* mais se trouve généralement dans les zones tempérées et chaudes, parfois au delà.
Soestia zonaria a été échantillonnée dans les océans Indien, Pacifique, Atlantique de 40°S jusqu’aux environs du Groenland, ainsi qu’en mer Méditerranée, en mer du Japon et en mer d’Arabie.

Biotope

Soestia zonaria est une espèce holoplanctonique*, c’est-à-dire que contrairement aux ascidies qui possèdent un stade fixé, cette espèce comme tous les thaliacés, passe l’intégralité de son cycle de vie dans la colonne d’eau.
Elle est principalement épipélagique* mais a également été observée à des profondeurs pouvant atteindre 1100 m. Elle effectue des migrations verticales nycthémérales* de faible amplitude (Lüskow et al. 2024), qui varient selon les saisons. Ces migrations d’ascension nocturne et de descente diurne se font entre -400/500 m et la surface.

Lorsque les conditions sont favorables (abondance de phytoplancton* (nourriture) et température optimale), l’espèce est capable de former des blooms* au cours desquels sa concentration peut atteindre 120 individus/1000 m³ (Daponte et al. 2013, Atlantique Sud-Ouest). Des concentrations record de 6000 ind./1000 m³ (dans le nord de la mer d’Arabie) ont même été observées.
Ces blooms coïncident également avec de fortes concentrations de Salpa fusiformis (Daponte et al. 1993, Giachini Tosetto et al. 2022).

Description

Soestia zonaria est un organisme gélatineux planctonique* transparent.
L’espèce passe par deux stades de vie : l’un asexué (oozoïde* solitaire) et l’autre sexué (blastozoïde* colonial).
Un individu solitaire est plus grande qu'un individu appartenant à une colonie. En effet, des oozoïdes de 25 à 81 mm et des bastozoïdes 4 à 42 mm ont été observés en Atlantique Sud-Ouest (Daponte et al. 2013). Et des tailles de 5 à 65 mm et de 5 à 55 mm respectivement pour des oozoïdes et des blastozoïdes ont été rapportées dans "Faune de France" (Harant et Vernières, 1938).

La forme oozoïde présente six larges bandes musculaires parallèles entre elles (la plus postérieure est moins large), interrompues à la fois dorsalement et ventralement.
La tunique* est rigide, transparente, symétrique et relativement prismatique. L’avant du corps est rectangulaire, l’arrière légèrement protubérant (mucron*), portant deux petites expansions de chaque côté. A l’intérieur du mucron postérieur se trouve le nucléus* autour duquel s’entoure le stolon* en spirale.

La forme blastozoïde présente 5 bandes musculaires, moins larges et interrompues ventralement uniquement (à l’exception de la bande la plus antérieure qui l’est aussi dorsalement). Elle présente un prolongement conique postérieur à droite.
Les blastozoïdes forment des chaînes d’individus sous la forme de deux chaînes parallèles au sein desquelles ils sont alignés, parallèlement à l’axe de mouvement de la colonie. Cet arrangement, bénéfique hydrodynamiquement, en fait probablement d’efficaces et puissants nageurs (Damian-Serrano et al. 2024).

Espèces ressemblantes

Soestia zonaria n’est pas souvent confondue avec d’autres salpes. En effet, ses larges bandes musculaires et sa forme sont assez caractéristiques. De plus, les espèces des genres Ritteriella et Weelia (anciennement regroupées avec Soestia dans le genre Salpa) partageant un cycle de vie similaire ne lui ressemblent pas.

Soestia est un genre monospécifique*.

Alimentation

Comme toutes les salpes, Soestia zonaria est un organisme filtreur* qui se nourrit essentiellement de phytoplancton*.
La contraction de ses muscles génère un courant qui lui permet simultanément de se déplacer et de filtrer l’eau qui entre par le siphon buccal* et ressort par le siphon cloacal*. Les particules alimentaires qui pénètrent dans la cavité pharyngienne sont alors tamisées par un filet de mucus (sécrété par l’endostyle*) avant d’être aspirées vers la bouche et digérées.
Le régime alimentaire de S. zonaria n’a pas été étudié en détail. Néanmoins, des travaux sur d’autres espèces montrent qu’elles capturent non seulement des « algues » unicellulaires dont le diamètre est supérieur à celui de la maille de leur tamis, mais qu’elles se nourrissent également de très petites bactéries (Thompson et al. 2024, Sutherland et al. 2010). Le taux de filtration des salpes, qui peut atteindre plusieurs millilitres par seconde, compte parmi les plus élevés parmi les animaux marins, ce qui leur permet de se nourrir efficacement dans des milieux oligotrophes*.
En comparaison avec d’autres salpes, S. zonaria semble moins dépendre de nourriture riche en azote, ce qui la rend plus résiliente et adaptée à la vie tempérée chaude et tropicale épipélagique* et (haut) mésopélagique* (Lüksow et al. 2024).

Reproduction - Multiplication

L’oozoïde*, solitaire, se reproduit asexuellement et aboutit au relargage de chaînes (au moins 4) de blastozoïdes* tandis que le stade sexué donne un à deux individus asexués : l’oozoïde.

Les blastozoïdes sont protogynes* : ils sont d’abord femelles (les ovocytes sont matures) et fécondés par des blastozoïdes mâles (spermatozoïdes matures) plus âgés. Les blastozoïdes ont 2 à 11 sacs ovariens, mais tous les ovocytes* ne se développent pas, de sorte qu’un blastozoïde ne produit qu’un à deux embryons au cours de sa vie (Daponte et al. 2013).

L’oozoïde produit un stolon* qui, s’enroulant autour du nucléus*, se segmente et donne deux rangées de bourgeons qui deviendront les blastozoïdes, tous génétiquement identiques (ce sont des clones*). Une fois mature, la chaîne est expulsée par l’oozoïde grâce à la formation d’un orifice dans la région ventrolatérale droite de sa tunique, ce qui lui laisse une cicatrice visible (Daponte et al. 2013).
Chaque chaîne comporte une centaine de blastozoïdes en moyenne, de sorte qu’un oozoïde peut produire plusieurs centaines de blastozoïdes au cours de sa vie. La reproduction asexuée est donc centrale dans la formation des blooms saisonniers.

Bien que la durée exacte du cycle de vie reste inconnue, des travaux menés au large de l’Argentine suggèrent qu’il dure plusieurs mois (Daponte et al. 2013).

Divers biologie

La filtration active du phytoplancton* par les salpes conduit à la production d’un grand nombre de pelotes fécales, qui coulent rapidement (992 ± 174 m par jour environ chez Soestia zonaria (Yoon et al. 2001)). De ce fait, les salpes sont considérées comme des animaux essentiels pour la pompe à carbone (Decima et al. 2023), système naturel permettant une régulation du climat via des processus physiques et, dans ce cas précis, biologiques.
Les résultats récents sur leur régime alimentaire montrent aussi qu’elles ont un impact important sur les communautés microbiennes océaniques et le cycle de l’azote (Thompson et al. 2024).

Informations complémentaires

Certaines espèces de poissons, comme l’aiglefin, l’anchois et le poisson-hachette, se nourrissent de Soestia zonaria. Cette dernière est également la proie de cnidaires (méduses et siphonophores), cténophores, tortues ou oiseaux marins.

Origine des noms

Origine du nom français

Salpe à larges bandes : nom descriptif de cette espèce de salpe, mettant en avant les larges bandes musculaires de l'oozoïde.

Origine du nom scientifique

Soestia : le genre a été décrit en 1998 par la chercheuse australienne, spécialiste des Tuniciers, Patricia Kott (1925-2012 - aussi connue par son nom de mariage : Patricia Mather), mais elle n'a donné à notre connaissance aucune explication sur l'origine ou le sens de ce nom qu'elle a choisi, Soestia.
C'est un genre monospécifique*, qui ne contient donc qu'une seule espèce : Soestia zonaria.

zonaria : du latin [zona] = ceinture. Ce nom est en rapport avec les bandes musculaires présentes sur la tunique.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 137275

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Classe Thaliacea Thaliacés Tuniciers pélagiques qui ont perdu leur chorde larvaire. Organismes transparents libres et planctoniques, les siphons buccal et atrial sont terminaux et diamétralement opposés.
Ordre Salpida Salpides

Thaliacés toujours solitaires, ou en chaînes de plusieurs dizaines d'individus mais jamais coloniaux. Bandes musculaires périphériques incomplètes.

Famille Salpidae Salpidés Unique famille de l'ordre des Salpides.
Genre Soestia
Espèce zonaria

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