Palétuvier rouge

Rhizophora mangle | L.

N° 1176

Circumtropical

Clé d'identification

Arbuste à feuilles persistantes vert vif
Pousse au contact direct de l'eau de mer
Tronc émettant des racines aériennes pendantes de couleur rougeâtre
Petites fleurs jaunâtres à 4 sépales, 4 pétales
Fruits germant sur l'arbre avant de se détacher

Noms

Autres noms communs français

Mangle rouge, manglier chandelle (Haïti)

Noms communs internationaux

Red mangrove, american mangrove (GB), Mangue vermelho (P), Mangle colorado, mangle rojo, apareiba, sapateiro, mangle zapateiro (E), Tiri wai (Fidji)

Synonymes du nom scientifique actuel

Rhizophora samoensis semble être un synonyme (distribution Pacifique).

Distribution géographique

Circumtropical

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Caraïbes

C'est le plus répandu des palétuviers, il a colonisé toutes les côtes entre le 25e parallèle Nord et le 35e parallèle Sud.
On le trouve sur les côtes africaines du Sénégal à l'Angola ; au sud des USA (Carolines, Louisiane, Floride, Texas, Bermudes) ; dans toutes les Caraïbes ; sur les côtes est et ouest de l'Amérique centrale : Costa Rica, Guatemala, Honduras, Panama ; en Amérique du Sud : Equateur, Pérou Venezuela, Guyane, jusqu'au Brésil.
Dans le Pacifique, il est présent aux Galapagos, en Polynésie, aux îles Fidji.
Il a été introduit à Hawaï et en Australie.

Biotope

On trouve le palétuvier rouge dans la zone intertidale* (milieu sursalé) ou dans les estuaires (en milieu saumâtre*). Il est très tolérant à la salinité de l'eau et du substrat, mais peut très bien pousser dans un milieu non salé : c'est un halophyte* facultatif.

Description

En front de mer, les palétuviers rouges se présentent comme des arbustes de 4 à 5 m de hauteur maximum, mais dans les mangroves âgées (en zone protégée des intempéries) les arbres peuvent s'élever jusqu'à une trentaine de mètres.
Le tronc, souvent incliné au stade arbuste, devient en grandissant colonnaire, vertical, son écorce est grise ou brun clair.

Les feuilles épaisses, persistantes sont d'un vert cru, luisantes, lancéolées (en forme de fer de lance), et poussent en bouquets à l'extrémité des branches.

Les racines aériennes, émises au niveau du tronc, pendent plus ou moins à la verticale et s'allongent jusqu'au contact d'un substrat* où elles pourront se fixer. Elles sont souvent rougeâtres et couvertes de lenticelles* (petits pores) qui ont une fonction respiratoire et lui permettent de coloniser un sol boueux, compact, pauvre en oxygène.

Espèces ressemblantes

Dans l'Atlantique, c'est le seul arbre à racines en échasses, donc difficile à confondre avec un autre palétuvier.

Dans l'Indo-Pacifique il existe un palétuvier très ressemblant : le palétuvier à arceaux Rhizophora stylosa. Les feuilles sont un peu plus arrondies, mais la principale différence est visible au niveau des racines : celles de R. mangle se ramifient en arrivant sur le substrat, alors que celles de R. stylosa semblent "rebondir" pour aller s'enraciner plus loin (d'où le nom de palétuvier à arceaux).
Mentionnons aussi Rhizophora mucronata Lamk., présent dans l'Indo-Pacifique de l'Afrique de l'Est jusqu'en Océanie. Il est très ressemblant dans toutes ses parties (tronc, racines, fleurs, graines), si ce n'est la forme des feuilles lancéolées qui se termine par une petite pointe ou mucron*, d'où son nom.

Alimentation

Le palétuvier rouge produit ses composés carbonés par photosynthèse* à partir du gaz carbonique contenu dans l'atmosphère. Il puise les autres nutriments et minéraux dans le substrat à l'aide de ses racines.

Reproduction - Multiplication

Les palétuviers rouges commencent à fleurir vers leur 5e année. Les fleurs se forment toute l'année, mais en plus grande abondance à la saison humide (juin à septembre dans les Antilles françaises). Les fleurs assez discrètes, poussant en grappes de 4, sont composées de 4 sépales* cireux, jaunâtres, alternant avec 4 pétales* blancs à rougeâtres, bordés de longs poils leur donnant un aspect effiloché. Pétales et sépales entourent un bouquet de 8 étamines* centrales.

La pollinisation est effectuée par le vent.

Après fécondation, les petits fruits formés germent sur l'arbre, émettant une racine épaisse et solide verte avec l'extrémité brune et pointue qui va atteindre 20 à 30 cm. A maturité, les fruits appelés propagules* (ou hypocotyles*) chutent comme des fléchettes dans la vase où ils s'enracinent immédiatement, ou bien ils dérivent jusqu'à trouver un endroit favorable. On a pu démontrer que les propagules peuvent flotter pendant 1 an dans l'eau de mer avant de s'enraciner, permettant ainsi la colonisation de vastes territoires.
Les plantules une fois fixées commencent à pousser même sous l'eau, et forment leurs premières racines aériennes dès la 2e année.

La grande particularité du palétuvier rouge réside justement dans la germination de ses graines qui débute alors qu'elles sont encore dans l'arbre parent. Ce qui permet de dire du palétuvier rouge qu'il est une plante vivipare*. Les fruits à différents stades de développement sont visibles toute l'année.

Vie associée

La constitution des mangroves varie beaucoup en espèces et en étagements selon la zone géographique.



Dans les Antilles, on distingue classiquement, en allant de la mer vers la terre, la zonation suivante :
- la mangrove de bord de mer, avec en première ligne les palétuviers rouges qui poussent directement dans l'eau de mer. Cette frange littorale progresse vers le large en influençant la sédimentation et en colonisant la vase par son mode particulier de reproduction : le palétuvier rouge est considéré comme une espèce pionnière.
- la mangrove humide, plus ou moins envahie d'eau de mer selon la marée, est composée d'arbres ou arbustes qui supportent soit des conditions sursalées, soit une eau saumâtre en cas de fortes pluies, soit le dessèchement. Y prospèrent encore les mangliers rouges et un autre arbre : le palétuvier noir Avicennia germinans.
- à l'arrière de la mangrove humide, si le relief ne monte pas au-dessus du niveau de la mer, on peut trouver une zone d'aspect désertique appelée "étang bois-sec". Elle est caractérisée par du sable vaseux compact, sec, et des souches d'arbres morts. Les variations d'humidité et de salinité y sont trop importantes pour permettre la survie de la végétation.
- enfin dans la zone de transition avec la terre toujours émergée, se développent deux autres espèces : le manglier gris Conocarpus erectus et le manglier blanc Laguncularia racemosa.



La zone aquatique protégée par le réseau des racines constitue un habitat favorable au développement d'une grande diversité de stades larvaires de crustacés, vers polychètes, comatules, méduses, poissons. Sur les racines-échasses elles-mêmes se développe une abondante faune benthique* d'animaux filtreurs* : éponges, hydrozoaires, moules et huîtres de palétuviers, balanes, vers, etc., qui servent à leur tour de nourriture à une faune vagile* de crabes, hérons, poissons. Les feuilles tombées, piégées par les racines, se décomposent sur place. Quoique riches en tannins, elles produisent une litière riche en matières nutritives dont se nourrissent des populations abondantes de petits crabes.



Une association à bénéfices réciproques a été démontrée entre les racines du manglier rouge et certaines éponges qui croissent dessus (Tedania ignis, Haliclona sp., Scopalina ruetzleri principalement) : des composés azotés sont fournis par l'éponge et des composés carbonés sont apportés par l'arbre, chacun des deux partenaires de l'association montrant une croissance significativement améliorée.

Divers biologie

Les arbres constituant les mangroves doivent se débarrasser du sel en excès. Les principaux mécanismes observés sont une haute tolérance au taux de sel dans les tissus, l'exclusion du sel au niveau des racines, l'élimination par des glandes à sel présentes sur les feuilles. Rhizophora mangle ne possède pas de glandes à sel, on pense que c'est principalement au niveau des racines que se fait l'absorption différentielle de l'eau et du sel.

Le mode d'enracinement "en réseau" forme un ensemble d'arcs-boutants, capable de résister à l'arrachement bien mieux qu'un enracinement unique, malgré le milieu très mouvant où poussent ces arbres.
Les racines entrelacées amortissent l'assaut des vagues, encaissent les tempêtes tropicales, ralentissent enfin les mouvements de l'eau (eaux de ruissellement et eaux des marées). Elles favorisent le dépôt et la sédimentation des éléments les plus fins, prêts à se remettre en suspension au moindre mouvement : l'eau des mangroves est rarement limpide ! Ces racines aériennes sont aussi l'assurance d'une bonne oxygénation.

En modérant l'hydrodynamisme* côtier, les mangroves ont un rôle majeur dans la protection des zones littorales en région tropicale. Elles constituent également un vivier et un milieu protecteur pour les juvéniles d'espèces marines qui peuvent y grandir à l'abri des prédateurs, en attendant d'avoir la taille suffisante pour rejoindre les récifs coralliens.

Informations complémentaires

Il y a des mangroves sèches et des mangroves humides, mais toutes doivent leur existence au manglier ou palétuvier, l'arbre miracle, le seul capable de pousser au contact direct de l'eau de mer. Elles lui doivent aussi leur nom : celui-ci serait un composé de l'anglais « grove » (buisson, bocage) et de « mangle » ou « manglier ».

Le bois riche en tannins du palétuvier rouge est utilisé en décoctions, dans la médecine locale, pour soigner presque tous les maux : dysenterie, maux d'yeux, maux de gorge, inflammations, lèpre, blessures, hémorragies, convulsions, fièvre, maux d'estomac, brûlures, ciguatera*... et sans doute encore bien d'autres.
Il a aussi été utilisé comme bois de chauffage, et son écorce pour le tannage des peaux.

La difficulté de tout déplacement dans la mangrove est bien connue, néanmoins les scientifiques qui l'étudient doivent se plier à cette contrainte et pour cela développer des talents acrobatiques. C'est ainsi qu'un des records sportifs les plus curieux est détenu par un scientifique, l'Australien J.S. Bunt : le 100 m transmangrove en 22 minutes et 30 secondes !

Statuts de conservation et réglementations diverses

Le palétuvier rouge est considéré comme « LC » (Least Concerned) c'est-à-dire faiblement menacé par l'UICN, eu égard à sa grande tolérance et facilité de dissémination.
Mais son rôle écologique dans la constitution d'habitats refuges pour certaines espèces elles-mêmes menacées, de stabilisation des côtes en zone tropicale, met l'accent sur l'importance et l'urgence de l'étude et de la sauvegarde des mangroves en tant qu'espaces.

En Nouvelle-Calédonie où il n'existe pas à l'état natif, il est considéré comme potentiellement nuisible et son introduction est interdite.

Origine des noms

Origine du nom français

L'origine du mot palétuvier est assez obscure, on le trouve aussi sous la forme parétuvier, appariturier.
Il pourrait provenir d'un dialecte brésilien, le tupi, pour désigner un arbre courbé (aparahiba, de apara, courbé ; et hiba, arbre).

On appelle cette espèce palétuvier rouge (et non rose !) à cause de la coloration rougeâtre de ses racines aériennes.

Origine du nom scientifique

Rhizophora : du grec [rhizo-] = racine, et [phor-] = qui porte. Tous les arbres de ce genre sont en effet caractérisés par le port de nombreuses racines aériennes très développées.

mangle : ce mot dériverait d'un mot portugais ou espagnol tiré du malais mangghi-mangghi désignant le palétuvier (ou manglier) et même toute espèce d'arbre vivant en bordure du littoral. Il serait à l'origine du mot mangrove.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 235094

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Magnoliophyta Angiospermes Plantes à fleurs dont les graines fécondées sont renfermées dans un fruit.
Classe Magnoliopsida Dicotylédones Embryons à deux cotylédons*.
Sous-classe Rosidae Rosidés
Famille Rhizophoraceae Rhizophoracées
Genre Rhizophora
Espèce mangle

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