Ver tigre de Crozier

Prostheceraeus crozieri | (Hyman, 1939)

N° 4182

Bermudes, Floride, golfe du Mexique, Caraïbes

Clé d'identification

Ver plat de forme oblongue
Couleur crème à brun orangé
Fines rayures noires transversales
2 tentacules marginaux antérieurs : orange, noirs et blancs à l'extrémité

Noms

Autres noms communs français

Ver plat veiné, ver de Crozier, petite tigresse des mers

Noms communs internationaux

Tiger Flatworm, Croziers's flatworm (GB)

Synonymes du nom scientifique actuel

Pseudoceros crozieri Hyman, 1939
Cryptoceros crozieri (Hyman, 1939)
Maritigrella crozieri (Hyman, 1939)

Distribution géographique

Bermudes, Floride, golfe du Mexique, Caraïbes

Zones DORIS : ● Caraïbes

Décrit des Bermudes, présent dans le golfe du Mexique, signalé et photographié en Dominique, Guadeloupe et Martinique.

Biotope

Ce ver est trouvé souvent à faible profondeur (0 à 20 m), sur ou à proximité des colonies d'ascidies de mangrove dont il se nourrit (mangroves, estuaires, zones portuaires).

Description

Ce ver plat est de forme oblongue régulière, son corps est extrêmement mince mais toutefois pas translucide. La taille maximum semble être de 56 mm de longueur.
La partie antérieure du corps porte deux tentacules* marginaux bien individualisés (plus que de simples replis du manteau).

La face dorsale est décorée de fines rayures transversales noires, plus ou moins courbes ou anguleuses. Ces rayures sont parfois entrecroisées, parfois incomplètes, parfois traversent complètement le dos.
La couleur de fond est plus ou moins pigmentée selon les individus : elle varie du verdâtre au blanc, blanc ambré, orange clair. La bordure du corps est blanche, avec une zone plus sombre (parfois absente) où viennent se terminer certaines des rayures qui s'élargissent en goutte d'eau.

Les tentacules ont l'extrémité blanche, un collier noir, et la base brun orangé plus ou moins foncé. La zone entre les deux tentacules porte un gros point noir. Une tache oculaire allongée (groupement d'ocelles*) est visible sur le dos, en arrière des tentacules, et deux autres sur la face ventrale juste sous les tentacules : jusqu'à 90 ocelles ont pu être comptés sur un grand individu, le ver est tout à fait capable de se diriger à vue lors de ses déplacements.

Sur la face ventrale on peut identifier par transparence, d'avant en arrière : le pharynx tubulaire, l'orifice génital mâle, l'orifice génital femelle, et à peu près au milieu du corps la ventouse caractéristique des Cotylés.

Espèces ressemblantes

Prostheceraeus zebra Hyman, 1955 a un motif similaire de "griffonnage" en fines lignes transversales sur un fond crème ou gris pâle. Les 6 spécimens sur lesquels est basée la description ont été trouvés sur des herbiers à faible profondeur, et ne semblent pas avoir de tentacules marginaux bien individualisés. Mais les autres caractéristiques anatomiques et biologiques décrites pour cette espèce sont très proches de celles de Prostheceraeus crozieri. II pourrait s'agir d'une synonymie.

Alimentation

Ce ver se nourrit d'ascidies, principalement de l'ascidie de mangrove Ecteinascidia turbinata, mais il a été trouvé aussi sur des ascidies noires (Phallusia nigra) ou transparentes (Ascidia curvata).

Pour se nourrir, le ver se fixe sur une ascidie avec sa ventouse et enveloppe complètement sa proie dans ses replis. Il introduit son pharynx tubulaire par un des siphons de sa victime et digère sur place.

C'est dans cette occasion que ce ver pourrait mériter le nom de "tigre des ascidies" : il digère un zoïde en 12 à 22 minutes et peut en consommer jusqu'à une vingtaine par jour.

Reproduction - Multiplication

La reproduction est relativement bien étudiée, ce ver étant facile à élever en aquarium (" Adult worms can be kept in the laboratory without food for a considerable time and still produce eggs. The larvae can be kept alive in the laboratory for weeks" [Lapraz et al, 2013]). Il a été proposé comme modèle pour l'étude du développement larvaire, du génome et de la régénération chez les Polyclades.

C'est une espèce hermaphrodite* qui pratique la fécondation croisée, mais pas systématiquement réciproque et simultanée. L'accouplement semble être moins offensif que chez d'autres espèces (Pseudoceros) qui se livrent à de véritables duels de stylets copulateurs, avec injection par le pénis en "coup de poignard". Sur des vers de Crozier élevés en aquarium, on a observé que le sperme est souvent simplement déposé sur le dos du partenaire, vers l'arrière du corps, sans que celui-ci semble dérangé dans ses occupations de broutage.

Les œufs pondus ensuite sont déposés directement sur les ascidies dont se nourrit l'adulte, en une croûte mince et granuleuse, sans disposition particulière. Le développement est indirect : les œufs ne donnent pas directement un petit ver, mais ils éclosent en 8 jours environ pour donner des larves* de Müller (larve ciliée de forme pyramidale, à 8 lobes). Ces larves nageuses mènent une vie planctonique* de 3 à 5 semaines, pendant lesquelles elles se nourrissent de phytoplancton*. La métamorphose de ces larves n'a pas été observée. Elle se produit probablement sur le substrat* et donne un petit ver juvénile vivant comme les adultes.

Divers biologie

Le motif de coloration avec de fines lignes noires transversales est toujours présent, mais les couleurs de fond varient beaucoup selon le substrat et la nourriture du sujet considéré : blanchâtre translucide sur une ascidie transparente, orangé sur l'ascidie de mangrove.

Cet animal est extrêmement fragile, et son corps peut se déchirer à la moindre manipulation. En revanche, il dispose comme beaucoup de Polyclades, d'excellentes facultés de régénération des parties manquantes.

Cette vulnérabilité est compensée aussi en grande partie par une grande rusticité : il peut résister à 4 mois de jeûne, en rétrécissant significativement (jusqu'à 1/10ème de sa taille initiale !).

Informations complémentaires

L'ascidie de mangrove, Ecteinascidia turbinata, est connue et étudiée depuis longtemps pour sa production de molécules très actives contre certaines formes de cancer. Le ver qui s'en nourrit concentre naturellement ces substances, actuellement impossibles à synthétiser, mais il est trop petit, et ses populations trop dispersées, pour qu'on pense à le récolter à des fins pharmaceutiques.

Origine des noms

Origine du nom français

"Ver tigré de Crozier" reprend la livrée caractéristique et l'hommage au premier descripteur.

Origine du nom scientifique

Prostheceraeus : du grec [prosthen-] = en avant, et [keras] = corne : qui a des cornes à l'avant, en référence aux deux tentacules antérieurs.

Anciennement Maritigrella : du latin [mar-] = la mer ; et [tigr-], tigre, avec un suffixe à la fois féminin et diminutif qui ôte l'aspect terrifiant de ce très petit et joli "tigre des mers".

crozieri : du nom de William John Crozier (1892-1955), qui décrivit les variations de couleurs de cette espèce (sous le nom de Pseudoceros sp.) en fonction de sa nourriture.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 1353920

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Platyhelminthes Plathelminthes Vers plats à symétrie bilatérale, portant des organes des sens simples sur la tête, tube digestif à une seule ouverture ventrale. Nombreuses espèces libres ou parasites.
Classe Rhabditophora Rhabditophores Plathelminthes libres ou parasites.
Ordre Polycladida Polyclades Turbellariés à intestin très ramifié. Espèces de grande taille. Planaires marines.
Sous-ordre Cotylea Cotylés Polyclades caractérisés par la présence d’une ventouse ventrale permettant aux vers de se maintenir sur le fond.
Famille Euryleptidae Euryleptidés Vers plats lisses ou à papilles, souvent de couleur vive. Grands tentacules (parfois absents). Pharynx tubulaire et organe copulateur masculin unique dirigés vers l'avant.
Genre Prostheceraeus
Espèce crozieri

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