Crevette-autruche comestible

Processa edulis | (Risso, 1816)

N° 1470

Mer du Nord, Manche, Atlantique, Méditerranée, mer Noire (?)

Clé d'identification

Crevette fouisseuse (de jour) et nageuse (de nuit), mesurant de 2 à 5 cm
Rostre très court ne dépassant pas les yeux
Corps blanc (jour), devient rosé de nuit avec petits points blancs
Première paire de pattes asymétrique, avec pince à droite et griffe à gauche
Dans les zostères (Manche-Atlantique) ou les posidonies (Méditerranée)

Noms

Autres noms communs français

Guernade nica, nom français FAO (Holthuis, 1980) appellation désuète
Crevette d'herbier (Noël, 1985) : peut correspondre à d'autres espèces
Nika comestible (désuet)

Noms communs internationaux

Nika shrimp, night shrimp, green shrimp, nica shrimp (GB), Saletto, gambero di giglio (I), Camaroncillo, camaròn nica (E), Eine Kurzhorngarnele, italienischer Granatkrebs (D), Camarñão-nica (P)

Synonymes du nom scientifique actuel

Nika edulis
Processa pontica (Sowinsky, 1882) selon Nouvel et Holthuis, 1957 (voir § Distribution)

Distribution géographique

Mer du Nord, Manche, Atlantique, Méditerranée, mer Noire (?)

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

Cette espèce se rencontre dans toutes les mers côtières européennes entre 33° et 55° Nord.
Elle est également présente en mer Noire, si on accepte la synonymie avec Processa pontica (tous les scientifiques ne sont pas d'accord sur ce point).

Biotope

Cette crevette habite presque exclusivement les herbiers de phanérogames* marines, entre le bas de l'estran* et une vingtaine de mètres de profondeur (exceptionnellement plus). Elle est très commune dans les zostères sur la façade Manche-Atlantique et dans les posidonies, en Méditerranée. On peut la rencontrer également, mais très occasionnellement, dans les zones mixtes sable-algues, là où les phanérogames manquent (Manche orientale), comme en infralittoral profond (par exemple parmi les algues en épaves roulées, pour la signification de ce terme voir le § Divers biologie).

Elle ne supporte pas les eaux saumâtres, aussi ne se trouve-t-elle pas ou très peu dans les estuaires et les lagunes.

De jour, cette espèce est enfouie dans le sable, se cache sous les blocs ou dans les rhizomes de posidonies. De nuit, elle recherche ses proies à la surface du sable ou dans les feuilles (posidonies et zostères).

Description

Cette crevette est de taille moyenne (mâles de 12 à 34 mm, femelles ovigères de 25 à 52 mm). Son rostre très court ne dépasse pas les yeux, il se termine par une pointe et une dent supérieure.

La première paire de pattes est asymétrique : la droite se termine par une pince et la gauche par une griffe.
La seconde paire de pattes porte une pince de chaque côté, mais ces pattes se caractérisent par des longueurs inégales. Les autres paires sont symétriques et sans pinces.

La couleur est blanche le jour et rosée à rouge la nuit. Une observation attentive permet de voir de très petites taches blanches assez bien réparties sur le corps de l'animal, en particulier chez les grands individus et les femelles ovigères : ce sont les chromatophores*.

Espèces ressemblantes

Une dizaine d'autres espèces de Processa existent en Europe. En mer du Nord, Manche, Atlantique, c'est de loin l'espèce la plus régulièrement observée à la côte. En Méditerranée, quatre autres espèces se rencontrent dans les posidonies et les zones sableuses adjacentes :

- Processa robusta présente une pigmentation blanche très importante sur le dessus de la queue et ses yeux sont relativement très petits.

- Processa acutirostris n'a presque pas de chromatophores blancs, à l'exclusion de quelques uns sur la ligne médio-dorsale ; son rostre est pointu (sans dent accessoire dorsale).

- Processa macrophthalma
possède des yeux relativement gros par rapport à Processa edulis ; elle est moins commune et se rencontre plutôt sur sables graveleux.

- Processa modica est très petite, ponds des œufs vert-bleutés et se rencontre dans les sables fins à très faible profondeur.

D'autres espèces vivent plus profondément ou en milieu vaseux mais ne sont que rarement observables par les plongeurs.

Il est à noter que plusieurs sous-espèces ont été décrites selon leur habitat :
- Processa edulis arcassonensis Nouvel & Holthuis, 1957,
- Processa edulis edulis Risso, 1816 en Méditerranée,
- Processa edulis crassipes Nouvel & Holthuis, 1957 en mer du Nord, Manche et Nord-Gascogne.

Alimentation

Processa edulis recherche activement la nuit les petites proies qu'elle consomme : “vers" (petits annélides, nématodes), crustacés (amphipodes, isopodes, ostracodes, larves de décapodes arrivant sur le fond à la métamorphose...), œufs, foraminifères, mollusques et, parfois, des éléments végétaux (algues, phanérogames, diatomées...).

Pour dilacérer ses proies, elle se sert de ses pattes avant dissymétriques un peu comme d'un couteau et d'une fourchette.

Reproduction - Multiplication

Il a été suggéré que cette espèce puisse présenter un hermaphrodisme protandre*, c'est-à-dire que la première partie de la vie est mâle (première année), puis intervient un changement de sexe et l'animal devient alors femelle l'année suivante.

La saison de reproduction commence en mars-avril et se termine en septembre-octobre. Au printemps et sur plusieurs intermues, la femelle commence sa première vitellogenèse*, c'est-à-dire l'accumulation de réserves nutritives (vitellus *) dans les ovocytes. A ce moment, l'ovaire est très visible dans le céphalothorax sous forme d'un organe massif de couleur verte. A la tombée de la nuit, la femelle mue et s'accouple quand sa carapace est encore molle. Pendant plusieurs minutes, le mâle “cherche" la femelle en tournant autour. En trois à cinq secondes, il se positionne en croix sur la face inférieure de sa femelle, éjacule et se sépare de sa partenaire. Le sperme est déposé dans un réceptacle séminal externe, un repli formant une sorte de poche de kangourou ventrale.

La femelle pond dans les minutes qui suivent plusieurs centaines d'œufs qui sont attachés par des filaments gluants sur les pléopodes (pattes abdominales). Les pontes fraîches sont vertes, puis elles virent progressivement au gris ; elles sont ainsi incubées pendant trois à quatre semaines (selon la température de l'eau), puis les larves sont libérées. Pendant l'incubation, une nouvelle vitellogenèse a lieu si bien que la femelle mue et pond à nouveau après l'éclosion des larves. Il peut y avoir ainsi d'avril à octobre cinq à six pontes successives.

Le développement larvaire planctonique dure trois à quatre semaines (selon la température). Les larves sont communes dans le plancton de mai à novembre. Après la métamorphose, les juvéniles gagnent les herbiers benthiques où ils poursuivent leur croissance.

La longévité maximale de l'espèce est de l'ordre de 3 ans.

Vie associée

Processa edulis est parasitée par deux isopodes épicarides, le bopyre branchial Urobopyrus processae et le bopyre abdominal Pliophryxus philonika.
Sur les branchies, on peut voir des petits points noirs qui sont des ciliés du genre Synophrya (animaux unicellulaires). Enfin il arrive que l'intérieur de l'animal présente un aspect blanc laiteux, en particulier les zones musculaires ; il s'agit là de l'indice de présence d'un sporozoaire (champignon unicellulaire) du genre Thelohania, agent de la thélohaniose ou maladie dite “de la porcelaine" surtout connue pour ses dégâts chez les écrevisses.

Divers biologie

L'espèce est très commune ; c'est sans doute la Processa la plus ordinaire jusqu'à une quinzaine de mètres de profondeur mais on ne peut la voir que la nuit car elle est enfouie dans le sédiment pendant la journée.

Ses principaux prédateurs sont les céphalopodes (seiches, sépioles...), les poissons de fond (poissons plats), les gros crustacés (crabes nageurs, squilles).

L'espèce est sédentaire ; son activité se ralentit et sa croissance s'arrête en hiver, lorsque la température est très basse.

Algues en épaves roulées : arrachées par les tempêtes, broutées par les Gastropodes ou pour d'autres raisons, des algues se détachent du substrat et sont emportées au loin. Les unes flottent et vont s'échouer en donnant les "laisses de mer", d'autres coulent et se rassemblent dans des creux à quelques dizaines de mètres de profondeur, en fonction des courants de marée. Ces algues "roulées" par les mouvements de l'eau forment de grands amas mouvants en ripple-marks.

Informations complémentaires

En Méditerranée, cette espèce était autrefois pêchée de nuit au gangui* (sorte de chalut) et vendue sur les marchés ; ce mode de capture est maintenant interdit en France en raison de l'impact trop important et trop peu sélectif.

L'espèce n'est toutefois pas menacée en tant que telle, mais la densité des populations peut faiblir suite à des pollutions anthropiques ou à la régression de son habitat. Lors de la marée noire de l'Amoco Cadiz, par exemple, Processa edulis a été très affectée par le pétrole imprégnant le sable. Plus récemment, la dispersion de certaines espèces envahissantes comme Caulerpa taxifolia conduit à la régression des posidonies et par voie de conséquence à celle des espèces associées à ce milieu.

Fiche MNHN/DORIS.

Origine des noms

Origine du nom français

« Crevette-autruche » (proposition P. Noël) se réfère à la particularité d'enfouissement des espèces du genre Processa ; ces dernières entrent dans le sable la tête en premier, en creusant à l'aide des derniers maxillipèdes* et des pattes avant.

Comestible... parce que l'espèce était suffisamment abondante ces siècles derniers en Provence pour y être consommée.

Origine du nom scientifique

Processa (latin) = qui avance, qui se porte en avant ; peut-être à cause de sa propension à s'enfouir par l'avant,
edulis : du latin [edulis] = comestible.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 107683

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Arthropoda Arthropodes Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette.
Sous-embranchement Crustacea Crustacés Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes.
Classe Malacostraca Malacostracés 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen.
Sous-classe Eumalacostraca Eumalacostracés Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax.
Super ordre Eucarida Eucarides Présence d'un rostre.
Ordre Decapoda Décapodes La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces.  Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises).
Sous-ordre Caridea Caridés Les Caridés sont caractérisés par des pléopodes natatoires. C'est à ce groupe qu'appartiennent une grande partie des espèces de crevettes.
Famille Processidae Processidés Rostre court ; première paire de pattes avec pince d’un côté et griffe de l’autre.
Genre Processa
Espèce edulis

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