Corps transparent, comprimé latéralement et convexe
Tête imposante, yeux protubérants de très grande taille
Pattes antérieures armées de pinces acérées
Pattes postérieures larges et soyeuses
Dimorphisme sexuel :
Femelle au maximum 45 mm
Mâle 4 fois plus petit, 12 mm
Tonnelier de mer, monstre des tonneaux
Pram bug amphipod, cooper of the sea (GB), Tiefsee-Krebse (D)
Cancer sedentarius Forskål, 1775
Phronima novae-zealandiae L. Powell, 1874
Cosmopolite (hors mers polaires)
Zones DORIS : ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge], ● CaraïbesOn rencontre cette phronime dans toutes les mers tempérées, subtropicales et tropicales du monde.
Cette espèce vit en pleine mer dans la colonne d'eau, jusqu'à 800 m de profondeur. Elle est proche de la surface la nuit et beaucoup plus profond le jour. C'est donc la nuit que les plongeurs ont une petite chance de la rencontrer, dans des zones où il y a des eaux profondes non loin de la côte (canyons sous-marins) et des remontées d'eaux (upwellings en anglais).
La phronime sédentaire est un crustacé pélagique* marin, dont une des particularités morphologiques, comme la plupart des Hypéridés, est d’avoir un corps transparent. Il peut renfermer des chromatophores* sous le tégument*, pouvant donner quelques points mauve ou bruns.
Elle a un corps comprimé latéralement et arqué ventralement. L'abdomen convexe est composé de 4 segments. Le thorax est lisse et conique, formé de 7 anneaux terminés en pointe. L'extrémité de l'abdomen, plus mince, se termine par 6 stylets fourchus.
La tête est positionnée perpendiculairement au corps. Elle est imposante, plane sur le devant et présente des pointillés rouges sur les côtés (chromatophores). Elle porte deux paires d'yeux noirs (frontaux et latéraux) composés, sessiles* (sans pédoncule), protubérants et de très grande taille. Ils lui procurent un champ de vision de 360°. La tête est aussi munie de 2 antennes très courtes, formées par 2 articles.
La femelle vit dans un tonneau translucide, ouvert aux deux extrémités, qu’elle fabrique en utilisant les parties gélatineuses du corps de ses proies qu'elle a auparavant évidées.
Il existe un dimorphisme sexuel qui concerne la taille des phronimes. En effet, la taille maximale de la femelle est d’environ 45 mm contre 12 mm chez le mâle, soit une différence de facteur 4.
Les pattes antérieures, ou péréiopodes*, sont préhensiles. Elles sont armées de pinces acérées et crochues qui permettent aux phronimes de déchiqueter aisément leurs proies et de se tenir à leur tonneau. La cinquième paire se termine par une pince puissante, didactyle*. Les pattes postérieures, ou pléopodes*, servent d’appendices natatoires. Elles sont larges et soyeuses, tachetées de chromatophores rouge brique.
Il existe deux douzaines de genres d'hypérides présents sur les côtes françaises de la Méditerranée ; les espèces vivent souvent en profondeur et ne sont pas visibles en plongée.
L'identification d'après photo est difficile et le risque majeur est de prendre par erreur des juvéniles ou des mâles pour des espèces différentes.
Spécialisée dans la capture d’animaux pélagiques gélatineux, Phronima sedentaria est une bonne nageuse. C’est une carnivore, prédatrice de zooplancton* et de macroplancton, notamment des siphonophores, des méduses, des cténophores ou des tuniciers comme les salpes.
La femelle peut également chasser en restant à l’abri dans son tonneau en attaquant les espèces qui passent à sa portée. Il s'agit souvent d'espèces moins mobiles qu’elle pourra commencer à dévorer sans sortir de son cylindre. Elle consommera sur place les parties les plus tendres, puis utilisera les parties les plus résistantes pour agrandir ou entretenir son domicile.
La reproduction est sexuée.
Fait relativement rare chez les crustacés pélagiques, la femelle phronime apporte un soin particulier à sa progéniture. Elle se sédentarise et pond plusieurs centaines d'œufs d'où sortent des larves qu’elle fixe sur les parois de son tonneau. La particularité de celui-ci est d’être sans fond. Cette ouverture des deux côtés du baril permet un courant d’eau bénéfique à la ponte car il favorise l’oxygénation.
La phronime élève et nourrit ses petits en leur apportant des proies, jusqu’à ce que les juvéniles quittent le domicile cylindrique, ce qui demande environ deux mois en Méditerranée.
La phronime femelle dévore l'intérieur de sa victime puis utilise les parties les plus dures du corps pour y aménager son propre habitat. Cette technique de recyclage lui permet en effet de construire un tonneau ouvert aux deux extrémités qu’elle peut agrandir au fur et à mesure de son développement et de l’augmentation de sa corpulence.
Si l’on considère souvent la phronime comme un parasite, cela porte à discussion et c'est le cas limite de la relation hôte-parasite. Le terme exact à appliquer dans ce cas est un parasitoïde*. Ce mode de nutrition à la limite entre la prédation et le parasitisme est particulièrement bien développé chez les insectes. Certaines sources font la comparaison avec un pagure qui dévorerait son hôte pour en utiliser la coquille.
Cette phronime semble être une proie fréquente des thons blancs, Thunnus alalunga, et d'autres grands poissons pélagiques.
La phronime, comme la plupart des arthropodes, mue plusieurs fois au cours de sa vie.
Il a été démontré récemment, après études sur la composition tissulaire du tonneau de la femelle phronime, qu'elle utilise de préférence le corps des salpes et autres pyrosomes (Urochordés ou Tuniciers) pour la fabrication de son tonneau.
L’utilisation de ce type d’habitat permet à la phronime de se dissimuler. De plus, le corps des salpes étant fortement gélatineux et guère apprécié par les poissons, le tonnelier des mers a ainsi plus de chance d’échapper à ces prédateurs.
Le mâle phronime se déplace librement en nageant. La femelle, en général, va se déplacer en poussant son tonneau. Elle utilise pour cela ses pattes postérieures qu’elle va laisser dépasser hors du tonneau pour le propulser. Elles provoquent aussi des culbutes dans le tonneau, ce qui permet les changements de direction.
Le rapprochement côtier de la phronime, bien que celle-ci soit une bonne nageuse, est favorisé par le jeu des vents et des courants ascendants, comme les upwellings.
La phronime, comme beaucoup d’espèces planctoniques, remonte la nuit vers la surface.
Une observation en captivité chez Phronima curvipes a montré que la femelle dévorait son tonneau en cas de pénurie de nourriture. Celui-ci peut donc jouer le rôle de réserve alimentaire pour les espèces en captivité et peut-être aussi en milieu naturel.
Phronime sédentaire : francisation du nom scientifique.
Phronima : Phronime était la fille du roi crétois Etéarque. Suite à un complot, Thémison, un marchand, devait la jeter à la mer mais, incapable d’une telle cruauté, il n’en fit rien.
sedentaria : du latin [sedentarius] = sédentaire, sans doute car la femelle reste constamment dans son abri.
Numéro d'entrée WoRMS : 103272
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Peracarida | Péracarides | Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes. |
Ordre | Amphipoda | Amphipodes | Péracarides comprimés latéralement, dépourvus de carapace, et possédant de nombreuses paires d'appendices souvent modifiés. Ils sont représentés par les gammares, les talitres, les caprelles... |
Sous-ordre | Hyperiidea | Hypérides | Yeux de grande taille ; plaques coxales petites ou nulles. |
Famille | Phronimidae | Phronimes | Antennules très courtes chez la femelle et allongées chez le mâle ; patte 5 terminée par une pince. |
Genre | Phronima | ||
Espèce | sedentaria |
De nuit
La tête est positionnée perpendiculairement au corps. Elle est imposante, plane sur le devant et présente des pointillés rouges sur les côtés. Elle porte deux paires d'yeux noirs (frontaux et latéraux) composés, sessiles, protubérants et de très grande taille.
Baie des Anges (06), de nuit
30/03/2006
En Grèce
Rencontre avec cette phronime lors d'une "éclosion" de plancton où il y avait énormément de salpes et de cténophores.
Golfe Saronique, mer Egée, Grèce
14/04/2020
Gros plan de la tête
Les phronimes sont des chasseurs de salpes. Avec leurs puissantes griffes, elles tuent la salpe, en mangent une partie et utilisent ce qui enreste pour construire leur tonneau.
Golfe Saronique, mer Egée, Grèce
14/04/2020
Profil
La phronime s'agrippe à l'intérieur de cette urne à l'aide de ses pattes hérissées. Elle utilise ses pattes postérieures et sa queue articulée pour avancer avec une grande agilité.
Golfe Saronique, mer Egée, Grèce
14/04/2020
De face
La salpe morte devient une sorte de logement, servant à la fois d'abri et de camouflage.
Golfe Saronique, mer Egée, Grèce
14/04/2020
Au palier
Les pattes antérieures sont préhensiles. Elles sont armées de pinces acérées et crochues qui permettent aux phronimes de déchiqueter aisément leurs proies et de se tenir à leur tonneau. La cinquième paire se termine par une pince puissante, didactyle. Les pattes postérieures servent d’appendices natatoires. Elles sont larges et soyeuses, tachetées de rouge brique.
Cantonnement de pêche du Cap Roux, Le Trayas (83), près de la surface
05/2013
Femelle agrippée à son tonneau
Les femelles vivent dans des tonneaux gélatineux assemblés à partir de fragments découpés dans les enveloppes de leurs proies.
Image mise gracieusement à la disposition de DORIS par le site Chroniques du plancton : www.planktonchronicles.org.
Villefranche-sur-mer (06)
04/12/2010
Dans son tonnelet
La femelle vit dans un tonneau translucide, ouvert aux deux bouts, qu’elle fabrique en utilisant les parties gélatineuses du corps de ses proies qu'elle a auparavant évidées.
Le photographe précise : "C’est la seule que j’ai vue dans l’eau, mais, en me promenant sur la plage, (il y avait eu mauvaise mer quelques jours avant), la mer avait rejeté sur le sable un petit groupe d’une quarantaine de spécimens, ce qui fait penser à un déplacement en petit groupe."
Plage des Gracieuses, golfe de Fos-sur-mer (13), 2 m
03/10/2006
Tonneau
La phronime est un carnivore, prédateur de zooplancton et de macroplancton, notamment des siphonophores, des méduses, des cténophores ou des tuniciers comme les salpes.
Cantonnement de pêche du Cap Roux, Le Trayas (83), près de la surface
05/2013
Femelle avec la progéniture !
La femelle est ici photographiée avec sa ponte, tapissant l'habitacle gélatineux. L'ensemble fait environ 30 mm.
Laissons le photographe raconter :
Cette
nuit-là, nous avons croisé plusieurs phronimes, de différentes tailles,
de 1 à 3 cm avec leur "tonneau" de salpe adapté. La plupart portait
leur progéniture avec des stades plus ou moins avancés.
Les
phronimes maintiennent leur tube avec leurs grosses pinces et font
avancer le tout avec leurs palettes natatoires, si elles veulent faire
demi-tour prestement, avec leur structure, elles changent de sens dans
le tube à une vitesse folle et avec une agilité remarquable, elles se
retrouvent alors dans l'autre sens et nagent dans la direction opposée.
C'est un véritable tour de passe-passe... et hop, on change de sens !
Baie des Anges, Cagnes-sur-Mer (06), 12 m, de nuit
06/04/2018
Gros plan
Derrière la tête de la femelle phronime, on distingue un amas de larves.
Image mise gracieusement à la disposition de DORIS par le site Chroniques du plancton : www.planktonchronicles.org.
Villefranche-sur-mer (06)
04/12/2010
Pinces acérées
Les phronimes découpent et déchiquètent leurs proies gélatineuses à l’aide de pinces crochues et acérées.
Image mise gracieusement à la disposition de DORIS par le site Chroniques du plancton : www.planktonchronicles.org.
Villefranche-sur-mer (06)
04/12/2010
Pleine eau
La phronime dérive dans les milieux pélagiques, souvent avec le plancton, au large et rarement près des côtes. Cela dit, elle se rapproche parfois de la surface grâce aux courants ascendants et on peut donc la rencontrer dans de faibles profondeurs.
Cantonnement de pêche du Cap Roux, Le Trayas (83), près de la surface
05/2013
Rédacteur principal : Alain MAYOUX
Rédacteur : Maud MAYOUX
Correcteur : Pierre NOËL
Responsable régional : Sylvie DIDIERLAURENT
Diebel C. E., 1988, Observations on the Anatomy and Behavior of Phronima sedentaria (Forskål) (Amphipoda: Hyperiidea), Journal of Crustacean Biology, 8(1), 79-90.
Dumas J., 2013, Alien contre Predator ou Abyss, Subaqua, 251, 42-45.
Laval P., 1968, Observations sur la biologie de Phronima curvipes Voss. (amphipode hypéride) et description du mâle adulte, Cahier de Biologie Marine, 10, 347-362.
Répelin R., 1978, Les
amphipodes pélagiques du Pacifique Occidental et Central : biologie,
Ecologie et relations trophiques avec la faune ichthyologique, Travaux et documents de l'O.R.S.T.O.M., 86.
Film : Sardet N., Mirshak S. (Parafilms), Sardet C. (CNRS), Chroniques du Plancton de l'Expédition Tara Océans et de l'Observatoire Océanologique de Villefranche-sur-Mer (CNRS/UPMC), Instituts du CNRS (INSB/INEE) et du programme IBISA.
La page de Phronima sedentaria dans l’Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN.