Grande crevette pouvant atteindre 22 cm
Bord de l'éventail caudal bleu ciel
Corps beige avec bandes transversales sombres, formant des taches séparées sur le côté du corps
Rostre court dépassant peu les yeux
Trois premières paires de pattes avec petites pinces
Caramote, caramot, caramota, crevette caramote, crevette du Maroc, crevette rose de la Méditerranée, crevette royale, crevette tigrée, gros ligouban, gros ligubam.
Caramote prawn, triple grooved shrimp (GB), Mazzancolla, gambero imperiale, gamberone mediterraneo, spannochio (I), Camarón langostino español, langostino, llagostí (E), Furchengarnele, Furchenkrebs, Roter Furchenkrebs, Caramote (D), Caramotegarnaal (NL), Camarão, caramote, gamba-manchada, camarão-de-quarteira (P), Garída (Grec), Karides, tèke, karides türü (Turc), Penon telat-harizi (Israël), Gembri kbir, gambri malaki (Arabe : Tunisie), Gamba rodché (Algérie), Tiger shrimp, striped shrimp (noms anglais utilisés en Afrique occidentale).
Cancer kerathurus Forskål, 1775
Melicertus kerathurus (Forskål, 1775)
Melicertus tigrinus Rafinesque-Schmaltz, 1814
Penaeus trisulcatus Leach, 1815
Penaeus caramote (Risso, 1816)
Manche, Atlantique, Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]La caramote se rencontre dans l'Atlantique oriental. Elle a été rarement signalée au sud de l'Angleterre. Elle est plus courante de l'Espagne jusqu'au nord de l'Angola, y compris au Portugal, sur la côte atlantique du Maroc et de la Mauritanie. Elle est présente dans toute la Méditerranée, y compris la mer de Marmara.
La caramote Penaeus kerathurus est une espèce démersale*, vivant dans les régions côtières ou dans les eaux saumâtres*, sur des fonds de sable ou sablo-vaseux, généralement à des profondeurs de 0,5 à 90 m, le plus souvent entre 5 et 40 m.
Exceptionnellement, l'espèce a été signalée à des profondeurs variant entre 100 et 640 m dans le détroit de Sicile.
Cette crevette est de grande taille : la longueur totale, de la pointe du rostre* à l'extrémité du telson* est au maximum, chez les mâles, de 18 cm (habituellement 11 à 14 cm) et chez les femelles de 22,5 cm (habituellement 13 à 17 cm).
La couleur générale de l'animal est beige. Sur le côté, les bandes sombres forment des taches séparées.
L'extrémité de l'éventail caudal est bleu ciel, bordé de soies rouges.
Les appendices sont plutôt jaunes. Les trois premières paires de pattes marcheuses sont terminées par une petite pince.
Le telson est pointu et muni de trois épines mobiles de chaque côté.
Latéralement, le premier segment abdominal recouvre le deuxième.
Le rostre est court et dépasse à peine les yeux ; il porte huit à treize dents dorsales et une seule ventrale.
Certains détails d'ornementation de la carapace, observables surtout en laboratoire, sont très utilisés en systématique :
En arrière de la dernière dent dorsale, il y a une carène double avec un sillon médian profond et typique s'étendant jusqu'au bord postérieur de la carapace ; une longue crête s'étend parallèlement jusqu'au rostre.
Sur la région hépatique il y a une crête en direction antéro-ventrale ; la crête gastro-frontale est présente. L'abdomen possède une carène dorsale sur tous les segments, et se termine par une épine sur le sixième segment.
En Europe, la caramote peut être confondue avec le crevette japonaise Penaeus japonicus. Chez cette dernière les bandes sombres sont continues transversalement sur les quatre premiers segments abdominaux, ce qui n'est pas le cas chez la caramote.
La caramote est un prédateur actif et à faible sélectivité concernant ses proies. Elle a un régime alimentaire diversifié, et consomme principalement des mollusques, des crustacés et des polychètes.
Certaines études laisseraient à penser que cette espèce change de sexe au cours de sa vie. Elle serait donc hermaphrodite* protandrique* (d'abord mâle la première année et femelle ensuite), mais ceci n'est pas réellement prouvé. Un fort pourcentage de femelles arrivent à maturité de mai à juillet dans la mer Egée. On reconnaît que la femelle est mûre par observation de l'ovaire qui est gonflé et coloré en beige-verdâtre et est visible dorsalement par transparence dans l'animal. Les femelles les plus âgées ont une ponte plus précoce que les plus jeunes.
La ponte en Méditerranée intervient selon la température locale entre mai et novembre ; elle est réalisée de nuit en pleine eau. Le nombre d'œufs pondus varie entre 100 000 et 800 000 selon la taille des femelles.
Les larves passent par les stades nauplius*, zoé* et mysis* avant de se métamorphoser en juvéniles. Les larves sont planctoniques, et restent près de la côte jusqu'à ce qu'elles atteignent le premier stade post-larvaire ; elles abandonnent alors leur vie planctonique et deviennent benthiques, en vivant dans la zone littorale.
La durée de vie est de 2 à 3 ans.
Dans les mêmes zones littorales que la caramote, on rencontre typiquement plusieurs autres crustacés : les crevettes roses Palaemon spp. (P. adspersus, P. serratus, P. elegans), la crevette grise Crangon crangon, le pénéide Metapenaeus monoceros (par exemple dans le golfe de Gabès), et le crabe vert méditerranéen Carcinus aestuarii. Il ne s'agit pas de véritable association interspécifique mais de biocénose* (communauté d'espèces fréquentant le même milieu).
La caramote effectue des déplacements en lien avec la reproduction. Les juvéniles gagnent des eaux à salinité faible et relativement chaudes et riches en plancton où ils peuvent grandir rapidement. Ensuite, ils quittent les lagunes côtières pour se rendre en mer où ils finissent leur croissance et se reproduisent.
Au niveau comportement, cette espèce présente deux phases d'activité très distinctes. De jour, les animaux sont immobiles, enfouis dans le sédiment et en état métabolique bas (ils « dorment »). La nuit, les animaux sont actifs.
La caramote, espèce comestible, est traditionnellement pêchée le long des côtes atlantiques et méditerranéennes. Elle est régulièrement présente sur les marchés de l'Espagne, du Maroc, de la Tunisie et d'Italie. En raison de sa valeur commerciale élevée, elle a une certaine importance économique. L'aquaculture de la caramote a été quelque peu développée dans les années quatre-vingts ; la production globale de Penaeus kerathurus a atteint 7 700 tonnes en 2000 et 6 655 tonnes en 2005.
En Méditerranée, les populations de la caramote Penaeus kerathurus déclinent à cause de l'invasion des espèces de pénéides originaires de mer Rouge comme Penaeus japonicus et Metapenaeus monoceros en Tunisie. La caramote a presque disparu sur toute la côte orientale de la Méditerranée, dans le sud de la Turquie et jusqu'à la mer Egée. La gestion et la protection de cette espèce sont assez difficiles devant ce type de menace.
Caramote = nom local ancien en Provence signifiant “crevette", et nom d'espèce donné par Risso à cette crevette en 1816.
Penaeus était le nom d'une rivière de Thessalie.
Melicertus (autre ancien nom de genre aujourd'hui invalide) : nom d'origine mythologique. Mélicerte était un des deux fils d'Ino. Dans un accès de folie, son époux Athamas tua leur fils aîné en le jetant contre un mur. Ino, désespérée, se jeta à l'eau avec le petit Mélicerte, où ils furent transformés en divinités aquatiques : Ino devint la "désse blanche" Leucothea, Mélicerte devint le génie protecteur des ports sous le nom de Palaemon, encore appelé Portunus ou Portumnus chez les Latins.
Une légende féconde en noms de genres !
kerathurus : étymologie incertaine, peut-être une graphie erronée pour keraturus : ce nom viendrait alors du grec [kerat-] = corne, et [ur-] = queue, désignant alors la queue munie de cornes ou d'épines.
Numéro d'entrée WoRMS : 246388
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Eucarida | Eucarides | Présence d'un rostre. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Sous-ordre | Dendrobranchiata | Dendrobranchiates | Pas d'incubation des oeufs sous l'abdomen. Eclosion des larves au stade nauplius. Latéralement, le bas du premier segment abdominal recouvre le deuxième. |
Famille | Penaeidae | Pénéidés | P4 et P5 bien développés. Au moins 15 branchies. Carapace dure. Pléopode 2 du mâle avec un seul appendice. Pléopodes 3 et 4 sans endopodite. |
Genre | Penaeus | ||
Espèce | kerathurus |
Vue latérale
La caramote est une des plus grandes crevettes observables en plongée en France métropolitaine. Noter la pigmentation claire en début de nuit, avec des petites ponctuations sombres, les chromatophores où le pigment brun-rouge est en partie rétracté. L’organe visible dans le céphalothorax est l’estomac, qui commence à se remplir en début de nuit. En septembre, si l’animal était une femelle, on verrait par transparence dans le corps l’ovaire. Il est donc permis de penser que le spécimen photographié est un mâle. Les grains de sédiment sur le dos laissent supposer que l’animal vient de sortir du sable.
Cagnes-sur-mer (06), 10 m, de nuit
08/09/2008
Vue générale
Noter la pigmentation blanche des pattes et des pléopodes*, ainsi que la frange bleue et rouge des uropodes*. Chez les crustacés, ce pigment blanc est constitué d’un mélange de ptérines (isoxanthoptérine) et de flavines (riboflavine = vitamine B2), pigments conjugués à des protéines. Le filet rouge visible par transparence dorsalement dans l’abdomen est l’intestin. Les antennes sont le plus souvent en position « basse » chez cette espèce ; l’animal « tâte le terrain » et s’en sert donc pour détecter sur le sable les proies dont il se nourrit.
Cagnes-sur-mer (06), 5 m, de nuit
29/08/2007
Carènes et crête dorsales
Spécimen de 3/4 face, montrant la double carène sur le dos du céphalothorax, en arrière de la dernière dent dorsale.
Le Graillon, Antibes (06), 5 m, de nuit
05/03/2007
Rostre dentelé
Les dentelures du rostre sont bien visibles sur ce spécimen enfoui photographié en gros plan.
Cagnes-sur-mer (06), 5 m, de nuit
07/06/2007
Femelle prête à pondre
Spécimen sur fond sablo-vaseux avec phanérogames, fuyant la lumière.
En raison du développement important de l’ovaire (jaune-orangé), il est logique de penser que cette femelle pourrait pondre dans les jours qui suivent la prise de vue.
Promenade des Anglais, Cannes (06), 10 m, de nuit
03/08/2006
Anatomie de la femelle
La masse jaune-orangée à l’intérieur de l’animal correspond à l’ovaire. Cet organe comprend une partie dans la « tête », l’ovaire antérieur (Oa), une autre partie dans la « queue » (Oq) et entre les deux une partie médiane dans le céphalothorax, l’ovaire thoracique (Ot) constitué de plusieurs lobes.
La zone dorsale sombre correspond à l’emplacement du cœur (Cœ).
Sous l’ovaire se trouve la volumineuse glande digestive (Gd) dont on aperçoit la paroi de couleur gris-rosée.
Les yeux (Oe) chez les pénéides sont portés par un pédoncule long et articulé.
Sur le côté de l’animal, on peut observer par transparence à l’avant de la cavité branchiale la zone d’insertion du muscle mandibulaire qui correspond également à l’emplacement de la glande de mue (Gm) ; la partie blanche immédiatement en arrière, appelée scaphognathite, est une sorte de « moulinet » qui sert à faire circuler l’eau dans la cavité branchiale. Sur le vivant, il est aisé de voir cette lame onduler.
Un peu plus en arrière se trouve la cavité branchiale où sont situées les branchies (Br) qui permettent à l’animal de respirer. Sur le côté de l’abdomen se trouvent des lames minces, les pleurites (Pl). Chez les crevettes pénéides, le pleurite du second segment (Pl) est recouvert par le premier mais recouvre le troisième (alors que chez les crevettes carides, celui du second segment recouvre à la fois le premier et le troisième).
Cagnes-sur-mer (06), 8 m, de nuit
16/08/2007
Enfouissement
Profitant du creux entre deux rides sableuses (ripple-marks), une caramote commence à s’ensabler pour fuir la lumière du photographe.
Cagnes-sur-mer (06), 5 m, de nuit
04/10/2007
Nage dans le sable
La caramote peut s’enfouir dans le sable « sur place » à l’aide de mouvements alternatifs des pattes et de battements des pléopodes*. Quelques secondes suffisent à une dissimulation très correcte.
Cagnes-sur-mer (06), 8 m, de nuit
16/08/2007
En vue dorsale
De nuit, les yeux brillent, suite à une migration des pigments à l’intérieur de la rétine. Le sable fin permet à l’animal de creuser « sur-place ».
Cagnes-sur-mer (06), 5 m, de nuit
19/05/2007
Un peu plus tard
Vers la fin du processus d’enfouissement, le sable commence à couvrir le dos de l’animal. Les antennes sont également partiellement couvertes de sédiment.
Antibes, Les remparts (06), de nuit
08/2005
Un œil (noir ?) te regarde !
Ce n’est pas parce qu’on est à l’abri des regards indiscrets qu’il ne faut pas risquer un œil pour surveiller les alentours… L’opération est facilitée par le pédoncule articulé et relativement long qui porte les yeux.
Baie d’Antibes (06), de nuit
10/08/2006
Comparaison caramote / japonaise
En plongée, la principale différence observable pour distinguer les deux espèces consiste en la présence de taches sombres sur les flancs de l’animal chez la caramote Peaneus kerathurus (photo du haut) alors que chez la crevette japonaise Penaeus japonicus il s’agit de bandes sombres continues (photo du bas).
N/A
2008
Grand sourire
Gros plan sur le céphalothorax. Les organes internes sont visibles par transparence.
Cagnes (06), 6 m
15/10/2010
Longues antennes
Cette belle caramote nous fait admirer ses longues antennes et la bordure bleue de l'éventail caudal.
Cros de Cagnes (06), 6 m, de nuit
16/08/2007
Rédacteur principal : Pierre NOËL
Vérificateur : Sylvain LE BRIS
Responsable régional : Anne PROUZET
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La page de Peaneus kerathurus dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN