Outre allongée, tubulaire, légèrement évasée à son sommet
Couleur blanche, délicat squelette siliceux
Taille comprise entre quelques mm et 3,5 cm
Fixée sur les murs et les surplombs rocheux
Uniquement dans quelques grottes (France et Croatie)
Glass sponge (GB), Kleinwüchsiger Glasschwamm (D)
Méditerranée, Adriatique
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Cette espèce bathyale* n'a été récoltée ou observée grâce à des submersibles qu'à Gibraltar, en mer Ionienne et en mer Tyrrhénienne, entre 924 et 2913 mètres de profondeur. On l'a aussi observée en Corse, par 303 mètres de fond.
Il est probable que sa distribution soit plus étendue dans les grands fonds méditerranéens, mais du fait de cette très grande profondeur, elle reste pour l'instant peu connue.
Oopsacas minuta est connue dans quelques grottes croates, en mer Adriatique, ainsi que dans une grotte, au large de La Ciotat, entre 15 et 24 mètres de profondeur. Cette grotte s'enfonce en descendant sur 120 mètres de distance, sur un dénivelé d'à peine une dizaine de mètres. La concentration en éponges de verre est maximale à une distance de l'entrée située entre 60 et 80 mètres.
Cette espèce appartient à une classe d'éponges d'ordinaire bathyales* et abyssales*, qui se développent normalement au-delà de 200 mètres de profondeur, là où la température est suffisamment basse et stable pour que le métabolisme de la silice soit optimisé. C'est pour cette raison que les hexactinellides ne seront observées en plongée qu'en eau froide, notamment dans les hautes latitudes, où elles peuvent être abondantes entre 30 et 60 mètres de profondeur.
En plongée en scaphandre autonome, on ne pourra observer cette espèce qu'en explorant des grottes à profil descendant, qui piègent l'eau froide hivernale. En métropole, cette espèce a été trouvée uniquement dans une grotte, au large de La Ciotat. La température stable qui y règne, qui ne dépasse pas les 15 °C, l'obscurité et l'absence de courant rendent propice le développement de cette éponge, qui se fixe sur les murs et les surplombs rocheux de la grotte.
Oopsacas minuta est l'unique espèce d'hexactinellides que l'on pourra observer en plongée scaphandre en métropole. Seuls les plongeurs spéléologues chevronnés auront la chance d'observer cette espèce.
En forme d'outre plus ou moins allongée, cylindrique, et légèrement évasée, sa taille habituelle est comprise entre quelques millimètres et 3,5 centimètres (exceptionnellement 7 cm).
Cette éponge est blanche, et soutenue par un squelette siliceux dont les spicules* s'entrecroisent en un réseau délicat.
Le sommet de l'éponge est partiellement obturé par ce réseau de spicules et ne montre pas d'oscules* évidents.
Un petit treillis de fibres de silice ancre fragilement cette éponge sur les murs verticaux ou la suspend aux surplombs rocheux de quelques grottes méditerranéennes.
Cette éponge est unique en son genre et compte tenu de sa localisation, elle ne pourra être confondue avec aucune autre.
Cette éponge filtre l'eau environnante. Son régime est microphage*. Les bactéries et particules alimentaires sont véhiculées par un courant d'eau continu entretenu grâce aux battements de nombreux flagelles internes et sont retenues au sein de collerettes qui bourgeonnent à partir d'un syncytium*. Ces collerettes sont adaptées à la capture de "grosses" particules (jusqu'à 0,1 micron de diamètre) : il s'agit d'une adaptation à un milieu pauvre en nourriture.
La reproduction est essentiellement sexuée. Il s'agit d'une espèce vivipare*. L'éponge mère libère une petite larve* ciliée (dite trichimella), qui mène une courte vie pélagique* (en pleine eau au sein de la grotte) avant de se fixer sur le substrat* rocheux. Le développement embryonnaire passe par des divisions cellulaires classiques, puis certaines de ces cellules se mettent à fusionner : la formation du syncytium est secondaire !
La colonisation de la roche est très efficace chez cette espèce sur de courtes distances.
Différents supports disposés expérimentalement au sein de la grotte ont permis la fixation et le développement de nouvelles éponges (photo 2).
La reproduction asexuée est probable, mais non encore démontrée.
Oopsacas minuta diffère des autres éponges par plusieurs caractères originaux : les spicules ont trois axes principaux (Les Hexactinellides sont aussi appelées Triaxonides), et donc 6 pointes. Cette éponge ne possède pas de pinacocytes (cellules qui forment la couche externe chez les autres éponges). Sa structure vivante, extrêmement fine, n'est pas cellulaire mais syncytiale*! Elle ne possède pas de vrais choanocytes*, mais des structures à collerette qui bourgeonnent à partir de ce syncytium.
Les spicules sont de 2 types, microsclères* discohexasters et mégasclères* (voir photos) qui s'enchevêtrent en un réseau délicat.
La fixation de Oopsacas minuta sur la roche est fragile, et de simples bulles expirées par un plongeur peuvent l'en détacher. La densité de l'éponge est telle que sa flottabilité est presque nulle. On pense que certaines éponges natives des abysses ont ainsi pu être transportées par des courants ascendants et coloniser certaines grottes peu profondes où régnaient des conditions adéquates.
La grotte marseillaise pourrait avoir été colonisée par cette espèce il y a 7000 ans.
Elle est exceptionnelle à plus d'un titre puisqu'elle abrite une autre éponge abyssale étonnante, l'éponge carnivore Asbestopluma hypogea (Vacelet & Boury-Esnault, 1995).
"Éponge de verre" est la traduction directe de l'anglais "glass sponge", nom vernaculaire attribué aux éponges hexactinellides en général, à cause du grand développement, de la finesse, de la fragilité et de la transparence de leur squelette. Notons aussi que la silice qui compose les spicules* est d'une grande pureté et confère à l'éponge une certaine délicatesse.
Oopsacas : du grec [oo] = oeuf, et du grec [psaca] = brisé en morceaux, en miettes,
minuta : du latin [minutus] = petit.
Il s'agit d'une petite éponge très fragile, qui se brise facilement. Les jeunes individus évoquent de petits œufs (photo 2).
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Porifera | Spongiaires / Eponges | Organismes exclusivement aquatiques, filtreurs, fixés au substrat, de formes variables, et percés d'orifices inhalants (ostioles ou pores) et exhalants (oscules). |
Classe | Hexactinellida | Hexactinellides | Eponges strictement marines et en eau profonde. Squelette parfois complexe de spicules siliceux (méga- et micro-sclères) qui peuvent avoir une structure à trois ou six branches. Pas de véritables cellules, mais une structure syncytiale plurinucléée. |
Sous-classe | Hexasterophora | Hexastérophores | Spicules de type hexaster. |
Ordre | Lyssacinosida | Lyssacines | |
Famille | Leucopsacidae | Leucopsacidés | |
Genre | Oopsacas | ||
Espèce | minuta |
Une éponge délicate
Voici Oopsacas minuta. Observez sa forme en outre allongée, sa couleur blanche, et son délicat squelette siliceux.
Au large de La Ciotat (13), 20 m
1991
Sur un support artificiel
Différents supports disposés expérimentalement au sein de la grotte ont permis la fixation et le développement de nouvelles éponges. Observez ici les 4 jeunes individus en forme de petits œufs. (Echelle : le support a un diamètre de 18 mm). Photographie extraite de : Bakran-Petricioli T., Vacelet J., Zibrowius H., Petricioli D., Chevaldonné P., Rada T., 2007, New data on the distribution of the "deep sea" sponges Asbestopluma hypogea and Oopsacas minuta in the Mediterranean sea, Marine ecology, Blackwell publishing Ltd.
Au large de La Ciotat (13), 22 m
24/09/1996
De curieuses éponges...
Cette photo a été prise loin dans la grotte, à 70 mètres de l'entrée. Les conditions qui y règnent (température, courant, obscurité) sont semblables à celles des abysses. Seule la pression est différente !
Observez la forme tubulaire de ces individus suspendus au plafond de la grotte. Sur l'individu du haut, on peut apercevoir le réseau de spicules qui obture partiellement le sommet de l'éponge.
Au large de La Ciotat (13), 20 m
14/09/1991
Coupe en lame mince
Une coupe en lame mince de la paroi de l'éponge révèle l'architecture du réseau de spicules. Elle nous montre aussi quelques embryons (en noir), cette éponge étant vivipare, au sein du syncytium (en clair).
Laboratoire, au microscope électronique
14/03/1991
Des spicules particuliers...
Une photographie de quelques spicules d'Oopsacas minuta. Il s'agit de microsclères discohexasters, propres aux hexactinellides.
Laboratoire, au microscope électronique
17/03/1993
Microsclère 1
Détail d'un spicule de la photo précédente. Il s'agit d'ue microsclère de type discohexaster.
Laboratoire, au microscope électronique
17/03/1993
Microsclère 2
Un autre microsclère à trois axes et six pointes, toujours de type discohexaster.
Laboratoire, au microscope électronique
17/03/1993
Mégasclères
Voici une photographie des mégasclères hexactines qui sont soudés les uns aux autres et qui confèrent au squelette une architecture fort délicate.
Laboratoire, au microscope électronique
03/1993
Rédacteur principal : Frédéric ZIEMSKI
Correcteur : Gérard BRETON
Correcteur : Jean-Georges HARMELIN
Correcteur : Jean VACELET
Responsable régional : Frédéric ZIEMSKI
Bakran-Petricioli T., Vacelet J., Zibrowius H., Petricioli D., Chevaldonné P., Rada T., 2007, New data on the distribution of the "deep sea" sponges Asbestopluma hypogea and Oopsacas minuta in the Mediterranean sea, Marine ecology, 28, 10-23.
Vacelet J., 1996, Deep-sea sponges in a Mediterranean cave. In Uiblein F., Ott J. & Stacowitsch M., DEEP-SEA AND EXTREME SHALLOW-WATER HABITATS: AFFINITIES AND ADAPTATIONS, Austrian Academy of Sciences, Vienna, Austria, 299-312.