Massive, brun-rouge
Parois épaisses
Intérieur colonisé par de minuscules vers blancs
Pas-touche (créole)
Touch-me-not-sponge (GB), Esponja "no-me-toques" (E), Rühr-mich-nicht-an-Schwann (D)
Amphimedon nolitangere Duchassaing & Michelotti, 1864
Fibularia massa Carter, 1882
Atlantique tropical Ouest
Zones DORIS : ● CaraïbesOn la trouve en Floride, aux Caraïbes, aux Bahamas.
Elle vit de 3 à 40 m de profondeur.
Elle semble préférer les fonds détritiques, les mangroves et fonds de baie : à ce titre elle est un indicateur de milieux perturbés.
Cette éponge est assez volumineuse, massive, bosselée, de couleur orange à brun-rouge. Elle peut avoir plusieurs larges cheminées exhalantes, de forme irrégulière. Les parois sont épaisses. La consistance est solide mais friable, pas spongieuse, elle ne se déforme pas au contact (si on a le malheur d'y toucher !).
La surface a un aspect feutré, l'intérieur des ouvertures semble déchiqueté et crevassé.
Les parois internes grouillent littéralement de minuscules vers blancs, qui y vivent en permanence.
Comme (presque) toutes les éponges, se nourrit en filtrant les particules microscopiques dans l’eau de mer. Elle tire aussi une partie de sa subsistance des microorganismes présents en grand nombre dans ses tissus, et qui lui donnent sa couleur.
Les sexes sont séparés.
Selon une étude réalisée sur les Spongiaires de Curaçao, la reproduction est très exactement synchronisée avec les phases lunaires : du 3ème au 6ème jour après la pleine lune d’octobre, puis du 3ème au 6ème jour après la pleine lune de novembre.
Après fusion des gamètes se formera par division cellulaire une larve* de type parenchymula* qui va nager quelques heures avant de se fixer et donner une nouvelle petite éponge.
L'éponge pas-touche est constamment infestée de petits vers polychètes très spécifiques (Syllis spongicola) qui s’y abritent de leurs prédateurs.
Les vers eux-mêmes, quoique se nourrissant de la chair de l’éponge, ne semblent pas provoquer d’irritation au contact.
Ces petits vers attirent à leur tour des gobies (Elacatinus horsti, Elacatinus chancei) qui s'en nourrissent.
Squelette : les spicules* sont des macrosclères* de type strongyles* (bâtonnets à bout rond), et des microsclères* : microxes, raphides (aiguilles fines), sigmas (en crochets).
Au contact avec la peau, cette éponge provoque des brûlures qui durent plusieurs jours, des sensations d’engourdissement, jusqu’à des difficultés respiratoires en cas de récidive. Attention ! phénomène d’anaphylaxie* ! (sensibilisation à la toxine).
Ces symptômes sont dus à des toxines actives au contact, toxines dont la pénétration dans la peau pourrait être facilitée par les micro-écorchures provoquées par les spicules*.
Au cas où vous seriez quand même tenté de toucher "pour voir", lisez d'abord ce qui suit :
"L’épisode de la Pa-touche remonte à quelques années, mais c’est vrai que j’en garde un cuisant souvenir. J’ai cru toucher une éponge baril, mais celle-ci était plus bosselée (l’aspect d’un rognon). Sous l’eau déjà j’ai ressenti une gêne, une petite démangeaison dans la paume des mains que je frottais l’une contre l’autre. A la sortie de l’eau, la gêne était toujours là, un peu plus intense et plus étendue, puis crescendo, la brûlure est montée d’intensité en deux/trois heures seulement. J’ai ressenti une intense brûlure sur la totalité des deux mains, jusqu’au poignet, pendant 48 heures environ. Comme cela s’est passé au début d’ un long week-end férié, j’ai patienté et je n’ai rien fait comme traitement.
La seule position qui me soulageait, c’était d’avoir les mains en l’air, de jour comme de nuit. J’ai essayé de tremper mes mains dans de l’eau très fraîche, c’était pire encore.
J’avais les mains rouges, chaudes et congestives avec des élancements, comme si mon cœur battait au bout de mes mains.
Au bout de deux jours, la douleur a diminué, jusqu’à disparaître totalement.
Je me suis renseignée, à l’ouverture des pharmacies où l’on m’a assuré qu’une crème à base d’hydrocortisone m’aurait soulagée immédiatement.
Mes mains ont desquamé superficiellement, par endroit (le creux de la paume et entre les doigts), dans les jours qui ont suivi.
Voilà pour mon aventure. Depuis, je suis vigilante et me méfie des éponges !!!…. mais je pense que depuis, je reconnais celle-ci à coup sûr."
(Témoignage "de première main" dû à Geneviève Goy)
Pas-Touche ! Le message est clair : le contact avec cette éponge est fortement déconseillé car il provoque des brûlures.
Neofibularia : du latin [neo-] = nouveau et [fibula] = agrafe, aiguille, par allusion à un autre genre d’éponge appelée Fibularia.
Noli tangere est une expression latine signifiant « ne touche pas ».
Numéro d'entrée WoRMS : 168323
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Porifera | Spongiaires / Eponges | Organismes exclusivement aquatiques, filtreurs, fixés au substrat, de formes variables, et percés d'orifices inhalants (ostioles ou pores) et exhalants (oscules). |
Classe | Demospongiae | Démosponges | Eponges dont la charpente est constituée de spicules siliceux (différenciés en méga- et microsclères) et de collagène dispersé ou structuré en fibres de spongine. Ovipares ou vivipares, larve typique = parenchymella. |
Ordre | Poecilosclerida | Poécilosclérides | « Eponges à spicules variés ». Charpente de spicules siliceux (styles ou acanthostyles) renforcée de spongine. Plusieurs types de mégasclères et de microsclères (chèles, sigmas...). |
Sous-ordre | Mycalina | Mycalines | |
Famille | Desmacellidae | Desmacellidés | |
Genre | Neofibularia | ||
Espèce | nolitangere |
Massive et bosselée
L'éponge pas-touche est en forme de rognons, d'aspect feutré, avec des ouvertures déchiquetées situées toujours sur la face supérieure. Au premier plan une éponge-balle noire Ircinia.
Saint Pierre, Martinique (972), 8 m
13/05/2008
Massive
Voici l'éponge pas-touche sur un herbier clairsemé, à proximité du fond du Cul-de-Sac Marin à la Guadeloupe.
Port-Louis, Guadeloupe (971), 17 m
11/02/2008
Ouverture
L'aspect déchiqueté de l'intérieur est très caractéristique, ainsi que l'abondance de vers blanchâtres qui grouillent à l'intérieur et sur l'épiderme.
Sainte Luce, Martinique (972), 14 m
07/12/2007
Aspect de tonneau
Malgré la forme inhabituelle de ce spécimen et la paroi extérieure envahie d'épibiontes, on reconnaît notre éponge pas-touche à l'aspect crevassé de l'intérieur, envahie des inévitables vers Syllidae.
Petit Voilier, Sud Martinique, 13 m
Romain (OCEANvironnement) FERRY
10/11/2012
Feutrée
Remarquer les parois épaisses et la surface feutrée de l'éponge.
Port-Louis, Guadeloupe (971), 17 m
11/02/2008
Associés
Ni les ophiures ni l'araignée nez-pointu (Stenorhynchus seticornis) ne semblent être gênés par le caractère urticant de l'éponge.
Port-Louis, Guadeloupe (971)
03/2007
Spicules
Les plus grands spicules en forme de bâtonnets plus ou moins courbes, sont appelés strongyles*.
Les petites aiguilles fines sont des microxes ou des raphides. Enfin au milieu de l'image, on aperçoit un spicule isolé en forme de crochet, appelé sigma.
Spécimen collecté en Martinique
12/2008
Rédacteur principal : Anne PROUZET
Correcteur : Jean VACELET
Responsable régional : Anne PROUZET
Hoppe W.F, 1988, Reproductive patterns in three species of large coral reef sponges, Coral Reefs, Heidelberg, 7(1), 45-50.
Vacelet J., 1990, Les Spongiaires, In : Bouchon C., LE MONDE MARIN. LA GRANDE ENCYCLOPEDIE DE LA CARAÏBE, Sanoli, Pointe-à-Pitre, Vol. V, 16-33.
Vacelet J., 2000, Les Spongiaires dans les départements français d’outre-mer, In : L'INVENTAIRE ZNIEFF-MER DANS LES DOM : BILAN METHODOLOGIQUE ET MISE EN PLACE, Coll. Patrimoines naturels, Publications scientifiques du M.N.H.N., Paris, 42, 129-137.
La page de Neofibularia nolitangere sur le site de référence de DORIS pour les spongiaires est ici : World Porifera Database
La page de Neofibularia nolitangere dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN