Moridille de Brock

Moridilla brockii | Bergh, 1888

N° 3018

Mer Rouge, Indo-Pacifique Ouest

Clé d'identification

Corps translucide blanchâtre
Longs tentacules oraux effilés, marqués de blanc et orange
Cérates gris et orangés, implantés en groupes très espacés
Groupes de cérates généralement courts et repliés vers l'arrière
Cérates les plus intérieurs plus longs que les autres et érectiles en cas de stress

Noms

Noms communs internationaux

Brock's moridilla (GB)

Synonymes du nom scientifique actuel

Moridella brockii Bergh, 1888 semble être une erreur d'écriture d'un descripteur puisque les publications citant ce taxon écrit ainsi se retrouvent dans les bibliographies ultérieures, corrigées, avec Moridilla brokii Bergh, 1888.
Moridilla brocki Bergh, 1888 (un seul i) devrait être en bonne logique l'écriture valable mais c'est la version avec ii qui est l'écriture valide reconnue.

Distribution géographique

Mer Rouge, Indo-Pacifique Ouest

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]

Espèce présente en mer Rouge et dans l'Indo-Pacifique Ouest, depuis les côtes sud-africaines jusqu'à l'Australie et les îles Salomon, la moridille de Brock se rencontre donc entre autres à Mayotte, à La Réunion et a été recensée en Nouvelle-Calédonie.

Biotope

Moridilla brockii se rencontre généralement sur les récifs et éboulis pierreux peu profonds.

Description

La moridille de Brock est un éolidien capable d'atteindre plus de 50 mm et pouvant montrer une certaine variabilité de couleurs sur un corps long et élancé.
Le pied, un peu plus large à sa base que sur le dos, est généralement translucide blanchâtre mais la tête et surtout les longs tentacules* oraux effilés sont diversement marqués de blanc opaque, maculés d'orange diffus. De même, la queue reçoit sur sa partie distale une ligne blanche, parfois orangée. Notons que certains individus affichent une couleur plus uniformément rouge orangé.

A l'avant, la bouche est ventrale, couverte par d'épaisses lèvres latérales et les mâchoires orange sont parfois visibles sur la partie translucide de la tête. De même, quelques zones du corps montrent par transparence du orange et correspondent à des organes (zone péricardique*, glande hermaphrodite*,...).
Les rhinophores* assez courts sont boursouflés, incurvés et portent des papilles sur l'arrière. Ils sont orange sur les deux tiers supérieurs.
Un point noir est visible à la base de chaque rhinophore : c'est la tache oculaire.

Les cérates* sont réunis en rangées. Celles-ci forment des groupes (5 à 6) très espacés les uns des autres, qui sont disposés en face à face, de chaque côté du pied. Ces cérates, bien organisés, sont gris, bruns ou orange pour la couleur. Et sont un peu renflés pour la forme, très courts... sauf, sur chaque rangée, le plus intérieur des cérates qui lui est presque trois fois plus long que ses voisins de la rangée. Enroulé tel un ressort, il se termine par un apex* blanc opaque ou parfois rouge orangé vif. Les cnidosacs* des cérates orangés portent souvent des mouchetures argentées.
Ces groupes de papilles sont généralement couchés vers l'arrière, le long du dos mais les cérates les plus longs, à la pointe blanche, se déplient si l'animal est dérangé.

La sole* pédieuse est translucide.

Espèces ressemblantes

Une espèce, très récemment décrite, reassemble de très près à Moridilla brocki.

  • Moridilla maldivensis Fernández-Simón & Moles, 2023. Elle a été décrite de l'archipel maldivien et pour l'instant n'est connue que de là. A voir si sa distribution s'étend plus vers l'ouest, et notamment les Mascareignes* et Mayotte (ce qui remettrait en cause l'identification de certaines photos de cette fiche.

Sinon, la disposition espacée des groupes de cérates, leur longueur inégale et leur inclinaison vers l'arrière rend l'espèce assez facilement reconnaissable.
Néanmoins citons :

  • Deux espèce ressemblantes non décrites (Moridilla spp.) se trouvent sur les côtes ouest-australiennes pour l'une et indonésiennes pour l'autre. Elles ont la particularité de posséder quelques cérates plus longs que les autres, de couleur orange vif alors que les petits sont grisâtres avec un apex blanc opaque. Tentacules buccaux et rhinophores sont rouges à orange.
  • Phidiana militaris (Alder & Hancock, 1864) vit aussi dans l'Indo-Pacifique. Elle est de couleur similaire mais présente des lignes orange qui débutent sur les tentacules buccaux et courent sur la tête et sur les flancs, sous l'implantation des cérates. Ceux-ci bruns à orange ont un apex blanc opaque, parfois bleu. Les rhinophores sont plus courts que les cérates.
  • Austraeolis catina Ev. Marcus & Er. Marcus, 1967 est très ressemblante mais ne se rencontre que dans les Caraïbes et le golfe du Mexique. La confusion n'a donc pas lieu d'être.

Alimentation

Les nudibranches éolidiens mangent généralement des polypes* de cnidaires et c'est effectivement le cas pour la moridille de Brock puisque l'on trouve des nématocystes* dans ses cnidosacs. Pour une zone géographique donnée, il n'y aurait qu'un seul type de nématocystes présent mais leur provenance exacte, l'espèce mangée par Moridilla brockii, n'est pas connue à ce jour.

Reproduction - Multiplication

Comme presque tous les nudibranches éolidiens (il y a quelques rares exceptions), ces hermaphrodites se reproduisent deux à deux dans un rapport proximal et en position tête-bêche. En effet, le pénis débouche sur le côté droit du pied, sous une des papilles dorsales basses du premier groupe cératal, et il est cylindrique avec une extrémité large et émoussée. C'est dans cette position et après "connexion" que les individus échangent leurs gamètes* mâles. Puis chacun pourra aller pondre de son côté.
La ponte a probablement lieu entre janvier et avril. Il s'agit de chapelets d'œufs, en spires écartées et parfaitement concentriques, enroulés dans le sens anti-horaire. Ils sont de couleur orange clair et ces chapelets gélatineux sont fixés au substrat*.
Les véligères* seront libérées au bout d'une dizaine de jours environ et commenceront à se transformer dans les heures suivant la libération. Ainsi, il n'est pas bien certain que le mode de développement des larves soit réellement planctonique*, comme on pourrait s'y attendre.
En dessous d'un minimum de 10 mm, les individus sont immatures.

Divers biologie

C'est un animal plutôt actif et lorsqu'il est dérangé, il est capable de hérisser ses cérates les plus longs (à l'intérieur de chaque rangée). Il les présente ainsi telle une menace et leur couleur blanche à rouge a probablement un rôle préventif : "attention, ça pique !".
En effet, l'animal récupère les nématocystes sur les cnidaires dont il se nourrit, les fait migrer au travers de la glande digestive et constitue des réserves urticantes aux sommets des cérates, dans des zones appelées cnidosacs.

La radula* ne porte chez Moridilla brockii qu'une seule dent centrale sur 16 à 20 rangs qui se suivent. Elle peut donc s'énoncer ainsi : 16-20 x 0.1.0. Toutes les dents se ressemblent, avec deux denticules* latéraux autour d'une forte épine médiane pointue.

La tache oculaire située à la base de chaque rhinophore n'est qu'une zone restreinte dans laquelle viennent affleurer des cellules nerveuses destinées à appréhender les conditions lumineuses environnementales. Cet "œil" est donc très rudimentaire !

L'anus se trouve au niveau du troisième groupe de cérates ; l'ouverture rénale à droite, au niveau du second groupe cératal.

Informations complémentaires

K. Prabhakara Rao a décrit à nouveau l'espèce en 1965. La description initiale de Bergh en 1888, fort succincte, disait simplement : "Colour generalis lacteus, dorsum miniate, varium papillae, dorsales nigrescente brunneae" (1888 : "Beiträge zur Kenntniss der Aeolidiaden") !
Un mystère que nous n'avons pas résolu : la redescription originale de Rao en 1965 nomme l'espèce Moridella brockii !
Mais ce même papier est cité ensuite par les scientifiques en rebaptisant le genre Moridilla. Serait-ce consécutif d'une erreur de Rao corrigée par ses pairs, puisque la structure du nom scientifique ne reflète pas un changement de genre (pas de parenthèses) ?

Plusieurs chercheurs soupçonnent une proximité très forte avec le genre Phidiana. De même, il est possible que l'on découvre un jour qu'eu égard aux diverses variations chromatiques, plusieurs espèces soient concernées par l'actuelle appellation Moridilla brockii.

Origine des noms

Origine du nom français

Moridille de Brock : francisation du nom scientifique de l'animal.

Origine du nom scientifique

Moridilla : parce que le créateur de ce genre en 1888, Rudolph Bergh (médecin et zoologiste danois,1824-1909) a souvent tiré ses noms de genres d'une vieille source littéraire, à savoir les grandes sagas nordiques, on peut suggérer que le nom Moridilla provient également de l'une de celles-ci : "The Story of Burnt Njal" (Njal's Saga). En effet, nous trouvons dans La saga de Njal un personnage se nommant (dans sa traduction française) Mord, fils de Sigvat le Rouge, qui pourrait bien avoir inspiré le nom de Moridilla.
Originellement écrit en islandais vers le XIIIe siècle et évoquant la vie en Islande au Xe siècle, le recueil "The Sagas of Icelanders" nous permet également de côtoyer Thurida, Hallgerda et Jorunn dont on pourrait penser qu'elles sont la source d'autres noms de genres de Mollusques Opisthobranches* : Thuridilla, Halgerda et Jorunna). Cette hypothèse littéraire reste néanmoins à confirmer pour Mord -> Moridilla, Bergh n'ayant jamais explicité ses choix de noms.
Le type* du genre est Moridilla brockii.

brockii : espèce dédiée au scientifique allemand, le Dr. Johannes Georg Friedrich Brock (1852-1889), qui a collecté un spécimen de l'espèce en mer de Sunda (alentours de Java, Indonésie du sud), en 1884-85. C'est à partir de ce spécimen que Bergh a initialement décrit l'espèce.

L'écriture avec un double i est donc une erreur d'écriture (erreur reproduite sur d'autres noms d'espèces étant dédiées à J.G.F. Brock) mais c'est l'orthographe acceptée par les instances.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
Super ordre Nudipleura Nudipleures
Ordre Nudibranchia Nudibranches Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre.
Sous-ordre Cladobranchia Cladobranches
Famille Facelinidae Facelinidés Eolidiens au corps grêle, aux cérates groupés en faisceaux, sans pédoncule. En général tentacules pédieux, rhinophores à lamelles ou annelés.
Genre Moridilla
Espèce brockii

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