Corps allongé, fusiforme
Tête allongée à profil busqué et grosses lèvres
Nageoires anale et dorsale en frange ondulante tout le long du corps
Caudale en forme de croissant ou de lyre
Tache noire à la partie supérieure de la caudale
Matajuel blanc, vive de sable, malacanthe de Plumier
Sand tilefish, sandfish (GB), Blanquillo, matajuelo blanco, carajuelo (E)
Coryphaena plumieri Bloch, 1786
Malacanthus trachinus Valenciennes, 1842
Dikellorhynchus tropidolepis Berry, 1958
Atlantique tropical Ouest, Ascension
Zones DORIS : ● CaraïbesPrésente du sud de l'Amérique du Nord (Bermudes, Caroline du Sud) jusqu'au Brésil, on la trouve aussi à l'île Ascension au milieu de l'Atlantique Sud.
La vive tropicale fréquente les petits fonds sableux entre 5 et 40 m, à proximité des herbiers et des pentes avec cailloux et débris coralliens.
Ce poisson a un corps allongé, fusiforme, s'amincissant graduellement vers l'arrière. Il peut atteindre 60 cm de longueur.
La coloration générale est pâle, gris clair ou lilas, se distinguant à peine des fonds sableux qu'il affectionne. La partie supérieure du corps est gris bleuté, plus ou moins ombré de brun ou de gris foncé, avec parfois des taches noires punctiformes. La partie inférieure du corps est plutôt blanchâtre. Seule marque contrastante, le lobe supérieur de la caudale est (presque toujours) noir.
Il y a un léger dimorphisme* sexuel : le mâle est généralement plus grand, plus gros et plus vivement coloré que la femelle, le croissant de la queue est prolongé par des filaments flottants.
Les nageoires dorsale et anale, quasi symétriques, forment une frange ondulante continue de la tête à la caudale. Il n'y a que 4 ou 5 rayons épineux au début de la nageoire, puis une soixantaine de rayons souples.
La tête est volumineuse, allongée avec un profil légèrement busqué et un gros œil. La bouche est située en position terminale, assez petite, avec des lèvres épaisses et des crocs recourbés. L'avant du front est teinté de jaune. On peut apercevoir des dessins vermiculés bleus sur les joues, entre l'œil et la pointe de l'opercule. Le bout du museau est teinté de rose.
La nageoire caudale en forme de croissant, ou de lyre chez les plus vieux individus, est soulignée de jaune sur le bord supérieur et parfois aussi le long de la bordure inférieure, contrastant avec la tache foncée. Le lobe inférieur de la caudale est transparent.
Chez les juvéniles la couleur dominante du corps est le jaune.
La vive de sable est carnivore et se nourrit, sans surprise, de tous les petits animaux des fonds sableux : vers polychètes, petits crustacés, ophiures, crevettes, mollusques, petits poissons...
La vive tropicale fait partie des rares espèces de poissons constructeurs, cette aptitude est liée à son organisation sociale.
D'autres espèces de poissons (épinoche, labre ocellé) construisent aussi un nid à la saison des amours, mais il s'agit de petites structures temporaires. La vive tropicale est certainement, de très loin, le poisson qui construit les palaces les plus démesurés : de 0,60 à 1,80 m de diamètre ! Et pourtant il n'y a jamais de ponte ni de juvéniles dans ces terriers.
C'est une espèce territoriale et chaque poisson défend les abords de son tumulus contre ses congénères du même sexe. Les femelles ont ainsi des territoires juxtaposés, alors que les mâles ont un territoire qui recouvre celui de plusieurs femelles.
On a constaté que les femelles peuvent changer de sexe (protogynie*), mais le déterminisme du changement est mal connu. Il peut intervenir à tout âge et n'est pas provoqué, comme c'est le cas chez certains Labridés, par la disparition du mâle dominant.
Les femelles peuvent pondre quotidiennement, dans une période de 2 h avant le coucher du soleil. Le mâle effectue d'abord une sorte de "danse" qui rappelle beaucoup celle des rasons dans les mêmes circonstances : une série de "révérences" suivies de brusques glissades selon une trajectoire onduleuse.
La ponte elle-même a lieu au cours d'une brusque ascension dans la colonne d'eau en compagnie du mâle, et les œufs sont dispersés par le courant.
Le mâle, qui circule librement sur le territoire des femelles, peut dans une même journée frayer avec cinq à six partenaires.
D'autres poissons assistent parfois à la scène dans l'espoir de se régaler des œufs, comme le sarde queue jaune (Ocyurus chrysurus) observé à l'affût. Les prédateurs sont quelquefois tellement pressants que le couple est obligé de mettre prématurément fin à ses ébats.
Les juvéniles du genre Malacanthus sont pélagiques*, ce qui explique une large répartition.
La vive tropicale est une espèce ingénieur*, c'est-à-dire une espèce qui modifie durablement son environnement par son activité. Les énormes tas de cailloux qu'elle crée et entretient deviennent un biotope* très attractif, au milieu des herbiers et bancs de sable, pour toute une petite faune commensale* : juvéniles de poissons-papillons, apogons, demoiselles, squilles, vers sédentaires comme le "ver E.T.", ophiures et autres petits invertébrés.
Les terriers de vives tropicales éparpillés dans l'herbier ou la plaine sableuse constituent des îlots de biodiversité qui sont aussi des nurseries et des garde-mangers. Les vives tropicales chassent vivement hors de leur territoire les éventuels compétiteurs comme les rougets. Elles s'associent parfois à d'autres poissons évoluant sur le sable comme le poisson-coffre mouton (Lactophrys triqueter) pour la recherche de proies enfouies.
Malacanthus plumieri compte le pagre-vivaneau ou sorbe (Lutjanus analis) parmi ses principaux prédateurs.
Comme chez les autres Malacanthidés, la nage est absolument fascinante à observer. La propulsion rapide (par exemple quand le poisson quitte son terrier pour aller chasser ou chercher des matériaux de construction) se fait à l'aide de la caudale, mais pour de petits déplacements précis, pour arranger son nid, il est capable d'avancer très précisément, de ralentir ou d'accélérer, de freiner, simplement grâce aux ondulations de ses nageoires dorsale et anale. On peut même voir à l'occasion, les trains d'onde s'inverser et le poisson faire marche arrière.
La vive tropicale semble absolument obsédée par la construction de son tumulus et ne cesse jamais d'y apporter encore un petit caillou, encore une petite amélioration... Elle est assez timide et a tendance à plonger tête première dans son abri si on l'approche de trop près, mais si on évite les gestes brusques, elle se laissera approcher et on aura le plaisir de la voir s'activer pendant de longues minutes.
Tous les individus, mâles ou femelles, se construisent un terrier fait de débris coralliens entassés. Certains de ces édifices couvrent plusieurs mètres carrés et représentent des tonnes de matériaux.
La construction se fait en deux temps : tout d'abord, le poisson creuse un terrier dans le fond (fond sableux s'il est disponible, sinon il est capable de déblayer un fond dur ou caillouteux). Ensuite lorsque le trou est stable, le poisson commence à entasser de petits débris au-dessus comme les tuiles d'un toit, d'où son nom de "couvreur" (tilefish en anglais).
Les fragments de corail ou autre sont collectés sur le fond, tout autour du terrier, sur une distance de 10 à 35 m, parfois sur le tumulus d'un congénère ce qui provoque des disputes.
Les terriers des marionnettes (Opistognathus aurifrons et Opistognathus macrognathus) font eux aussi l'objet de rapines.
Le nid sert d'abri nocturne au poisson, il s'y réfugie aussi de jour si on l'effraie.
VIDEODORIS
Selon le baron Cuvier, le nom de vive viendrait d'une similitude de couleur et de forme de ce poisson avec la vive européenne (Trachinus draco). Il n'attache pas foi à l'histoire rapportée par un M. Plée, des Antilles, selon laquelle "ce poisson charrie, avec beaucoup de travail, des pierres et des roches pour se faire un abri dans le fond de la mer".
Pourtant l'observateur antillais avait bien vu ! La vive tropicale n'a que très peu de ressemblance avec la grande vive, si ce n'est justement ses habitudes de vie benthique*.
Malacanthus, du grec [malako-]= mou ; et [acanth] = épine : à épines molles. Il s'agit des nombreux rayons souples de la nageoire, qui lui donnent une nage si gracieuse.
plumieri est un hommage au père Charles Plumier (1646-1704), missionnaire, botaniste, peintre et naturaliste, auteur entre autres de nombreux et beaux dessins de poissons. Il a laissé son nom, pour la faune antillaise, à une rascasse (Scorpaena plumieri), un gaterin (Haemulon plumieri). Et Tournefort a nommé d'après lui le frangipanier (Plumeria).
Numéro d'entrée WoRMS : 277261
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Vertebrata | Vertébrés | Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux. |
Super classe | Osteichthyes | Ostéichthyens | Vertébrés à squelette osseux. |
Classe | Actinopterygii | Actinoptérygiens | Ossification du crâne ou du squelette tout entier. Poissons épineux ou à nageoires rayonnées. |
Sous-classe | Neopterygii Teleostei | Néoptérygiens Téléostéens | Poissons à arêtes osseuses, présence d’un opercule, écailles minces et imbriquées. |
Super ordre | Acanthopterygii | Acanthoptérygiens | Rayons épineux aux nageoires, écailles cycloïdes ou cténoïdes, présence d'une vessie gazeuse et pelviennes thoraciques ou jugulaires, sans être systématiquement présents, sont des caractères que l'on ne rencontre que chez les Acanthoptérygiens. |
Ordre | Perciformes | Perciformes | Nageoires pelviennes très rapprochées des nageoires pectorales. |
Sous-ordre | Labroidei | Labroïdes | Une seule dorsale, dents molariformes formant un puissant appareil masticatoire. |
Famille | Malacanthidae | Malacanthidés | |
Genre | Malacanthus | ||
Espèce | plumieri |
Un spécimen haut en couleurs
Ce poisson a un corps fin et allongé, une tête pointue, de gros yeux placés en arrière de la bouche. Le lobe supérieur de la queue est noir, avec parfois comme ici une bande jaune sur chaque bord latéral de la queue.
Quelques points noirs sont disséminés sur la partie dorsale.
Pointe des Nègres, Martinique, 14 m
25/04/2009
Pâlot
Celui-ci est plus pâle, avec du jaune seulement le long de la bordure supérieure de la caudale. Remarquer l'unique petite pointe qui marque l'opercule.
Cayo Largo, Cuba, 7 m
28/04/2009
Toutes nageoires dehors
La nageoire caudale est en croissant, la dorsale et l'anale forment une bande continue le long du dos et sous le ventre.
Aucune coloration, la morphologie ne permet pas non plus de déterminer le sexe de l'animal.
Ile de la Jeunesse, Cuba, 15 m
02/08/2010
Maquillage
Seule coquetterie de la vive de sable : des vermicules bleus et verts sont dessinés entre l'œil et la pointe de l'opercule.
Deshaies, Guadeloupe, 15 m
26/08/2013
Au travail
Dans son occupation favorite : le transport de cailloux !
Anse Dufour, Martinique, 6 m
25/11/2012
Il faut creuser d'abord
La première étape de la construction du terrier consiste à creuser, de préférence dans un sol meuble. La vive commence par créer une dépression dans le sable, puis évacue les éléments durs en s'arc-boutant et en poussant avec le museau.
Pointe des Nègres, Martinique, 13 m
27/03/2007
Je creuse...
En sol meuble, la vive soulève des nuages de sable avant de stabiliser sa construction.
Bonaire, 15 m
02/05/2012
"jamais vu une vive terrassière ?"
Les éboulis sont fréquents quand le sol est très meuble. La vive déblaie le sable par de brusques ondulations du corps.
Bonaire, vers 20 m
02/05/2012
L'entrée du terrier
La vive de sable ménage toujours une sorte de "palier" de sable fin, bien nettoyé, à l'entrée de son terrier.
Deshaies, Guadeloupe, 15 m
08/06/2013
Le palace, vue partielle
Le propriétaire des lieux est parti chasser, ou chercher un petit bout de corail mort.
Anses d'Arlet, Martinique, 11 m
28/11/2012
Agilité
Cette séquence nous permet de voir, en vitesse réelle puis au ralenti, la finesse du contrôle des mouvements par les nageoires.
Montage de la vidéo : P Lesur
Bouillante, Guadeloupe, 10 m
02/2014
Planche ancienne
Extrait de l'Histoire Naturelle des Poissons de Cuvier & Valenciennes, voici un beau portrait de la vive tropicale.
Cuvier a beaucoup reproché à Bloch d'avoir exagéré la courbure du front du malacanthe afin de le ranger dans le genre des Coryphènes, du coup par réaction il a semble-t-il, minimisé cette courbure et fait donner un profil rectiligne à la tête du poisson.
Les couleurs, prises sur spécimens morts, ne sont pas très représentatives (en particulier les ondulations sur le dos style "maquereau" ne sont pas aussi visibles sur le vivant).
La reproduction est cependant assez fidèle et permet de voir les canines : elles servent essentiellement à la préhension des cailloux, mais attention le poisson est capable de mordre si on le manipule sans précaution (p. ex. pêche artisanale).
N/A
Reproduction de documents anciens
1839
Rédacteur principal : Anne PROUZET
Vérificateur : Jean-Michel SUTOUR
Responsable régional : Anne PROUZET
Baird T.A., 1988, Female and male territoriality and mating of the sand tilefish, Malacanthus plumieri, Environmental Biology of Fishes, 22(2), 101-116.
Büttner H., 1996, Rubble Mounds of Sand Tilefish Malacanthus Plumieri (Bloch, 1787) and Associated Fishes in Colombia, Bulletin of Marine Science, 58(1), 248-260.
La page sur Malacanthus plumieri sur le site de référence de DORIS pour les poissons : FishBase
La fiche de Malacanthus plumieri dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN