Carapace arrondie et fortement bombée
Bords latéraux armés de cinq fortes dents épineuses
Surface dorsale dotée d'épines (ou tubercules) plus petites
Rostre formé de deux fortes dents divergentes
Pattes longues et fines
Couleur variant du brun-rouge au brun-jaune
Keonid, Keonid bleo (Breton), Greater spiny crab / spiny spider crab (GB), Grobe Seenspinne / Teufelskrabbe (D), Centollo / Centolla, Cámbara (E), Spinkrab / grote spinkrab (NL), Santola (P), Edderkoppkrabbe (N)
Maja (Maia) squinado.
Jusqu'en 1996, le nom de Maja squinado était appliqué aux araignées de mer de l'Atlantique et de la Méditerranée. Les recherches menées depuis ont montré qu'il s'agissait en fait de deux espèces proches, mais néanmoins distinctes par quelques différences plus ou moins apparentes : la forme de la carapace plus large et plus ovale dans l'espèce Atlantique.
Mer du Nord, Manche, Atlantique
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]De la mer du Nord et Irlande jusqu'aux îles du Cap Vert, Açores et Canaries.
On rencontre l'araignée au-dessus des fonds rocheux et sableux et parmi les algues, entre la surface et 50 m de fond. Elle a été observée jusqu'à 150 m de profondeur, mais reste rare au-delà de 70 m.
Les jeunes se développent près des côtes, dans des baies à fonds sablo-vaseux entre la surface et 20 m de fond, rarement en zone intertidale (zone de balancement des marées).
On connaît quelques nourriceries où l'espèce abonde, dont la baie de St-Brieuc et sur la côte ouest du Cotentin.
La carapace de Maja brachydactyla peut mesurer jusqu'à 25 cm de long et 18 cm de large. Elle est fortement bombée et arrondie. Chez les grands individus, elle est un peu plus large que longue, alors que chez les jeunes individus, la longueur est nettement supérieure à la largeur.
Ses bords latéraux sont armés de cinq fortes dents épineuses, suivies de plusieurs dents plus petites. Sa surface dorsale est dotée d'épines (ou tubercules) plus petites, mais parfois très aigües, dont certaines sont plus développées et situées sur la ligne médiane. Entre les yeux, son rostre est formé de deux fortes dents divergentes et la base des antennes est large et comporte de petites épines.
Les yeux sont entièrement rétractiles.
Ses pattes sont longues et fines, de taille décroissante, terminées par une forte griffe. La première paire de pattes est plus large que les autres, lisse et munie de pinces blanches. Sa pilosité est assez forte, implantée principalement à la base des dents et tubercules, et sur les quatre dernières paires de pattes.
Sa couleur varie du brun-rouge au brun-jaune (voir le camouflage dans "Vie associée").
Maja brachydactyla peut être confondue avec Maja squinado, Maja crispata et Maja goltziana. Ceci dit, ces trois espèces étant presque uniquement méditerranéennes, il n'y a aucun risque de confusion sur les côtes françaises de Manche-Atlantique.
- Maja squinado est donc présente seulement en Méditerranée.
- Maja crispata ne dépasse pas 8 cm, ses pointes rostrales sont plus longues, sa carapace est toujours plus longue que large.
- Maja goltziana se distingue par la présence d'une rangée très nette de longues épines médianes sur la carapace et d'une forte épine sur la première articulation de chaque patte.
L'araignée de mer en phase larvaire se nourrit de plancton. Juvéniles et adultes varient leur menu avec des algues, des oursins et étoiles de mer, ophiures, crustacés (anomoures, brachyoures, isopodes), annélides polychètes, hydraires, mollusques (bivalves et gastéropodes) et poissons morts.
Ses prédateurs sont le poulpe, le homard, les poissons carnassiers pour les jeunes (bar, congre).
Les études sur la reproduction de l'araignée souffrent de contradictions nombreuses !
Selon les auteurs, la période de reproduction débuterait entre février et mai et se terminerait entre septembre et novembre. Ceci pourrait peut-être témoigner de variations géographiques ou refléter de facteurs exogènes comme la température (voire une diversité de critères ?)
Les sexes sont séparés. Elles se regroupent en grands nombres. Ce rassemblement, appelé aussi tas, semble présenter deux avantages : la trouvaille d'un congénère et la protection contre les prédateurs. Il semblerait y avoir entre une et trois pontes par an.
Une controverse existe sur l'accouplement. Selon les auteurs, l'accouplement pourrait se faire entre mâles et femelles durs (nombreuses observations), d'autres prétendant que la fécondation a lieu après la mue de la femelle, lorsque la carapace est encore souple.
Une autre divergence d'appréciation réside dans la nécessité d'un accouplement immédiatement avant la deuxième ou la troisième ponte, malgré la présence d'une spermathèque chez la femelle. Certains auteurs supposent donc implicitement que les spermatozoïdes ne sont pas viables pendant suffisamment longtemps dans la spermathèque pour féconder plusieurs pontes. D'autres observations démontrent le contraire, des femelles ayant été observées pondant deux à trois fois sans accouplement.
Lorsqu'on fait une préparation histologique de la spermathèque, on constate qu'il a pu y avoir eu jusqu'à une dizaine d'accouplements avec des mâles différents. La conséquence est que c'est le dernier mâle à s'être accouplé, donc pas nécessairement le plus beau et le plus fort, mais le plus patient, qui fécondera en premier la ponte qui suivra. Il semblerait que le sperme puisse être conservé très longtemps vivant dans les voies génitales de la femelle.
Ce qui est certain, c'est que la femelle n'est mature qu'à l'âge adulte et plus précisément dans l'année qui suit la phase terminale de la mue. Cette maturité n'est pas une question de taille, puisqu'on observe des femelles ovigères allant de 85 mm à 165 mm et pouvant peser de 200 g à 1500 g.
La ponte qui comprend entre 50 000 et 500 000 œufs selon la taille des génitrices, est portée par les femelles durant plusieurs mois (minimum 3 mois) jusqu'à l'éclosion. L'éclosion a lieu de fin juin à octobre. La vie larvaire durerait environ quinze jours.
Sa couleur, variant du brun-rouge au brun-jaune, l'aide bien au camouflage, mais l'araignée le parfait en la recouvrant d'algues, d'éponges, d'hydraires, de petites anémones, la rendant parfois difficile à voir.
Ce camouflage ne concerne que les juvéniles et se fait par fixation active des organismes. L'araignée prend les organismes par la pince et les accroche à l'aide des soies qui parsèment la carapace et les pattes. La répartition des organismes sur le corps et les pattes est équilibrée entre la droite et la gauche.
Les grands individus présentent peu d'activité de camouflage et si des organismes sont présents, il s'agit de fixation passive.
Après la mue, une des premières activités du juvénile est de se camoufler, au besoin en récupérant les algues de son ancienne carapace (observation en aquarium).
Comme tous les crustacés, l'araignée croît par mues successives. Durant la phase juvénile (appelée moussette) qui dure deux ans, sa taille augmente de 25 à 40% et son poids double (facteur 1, 8 à 2, 7).
On a observé, durant la première année, treize mues et seulement deux la seconde. Le poids et la taille sont néanmoins des données très variables et on a observé des proportions très différentes entre araignées du même âge. L'adulte peut mesurer entre 85 et 200 mm et peser de 250 g à 3000 g selon les individus.
L'animal atteint sa taille adulte vers deux ans et la conservera durant cinq à six ans. La longévité exacte est incertaine chez l'araignée, mais se situerait entre sept et huit ans.
Notez que contrairement aux autres crustacés, les araignées de mer ont une mue terminale. Ceci génère plusieurs conséquences :
1° L'adulte ne mue plus et donc ne grandit plus
2° Il ne peut plus régénérer les pattes perdues en cours de migration (d'où une forte sensibilité par rapport aux chaluts, contrairement au tourteau qui est lisse)
3° La longévité est plus courte.
En septembre-octobre, les adultes migrent vers le fond, au-delà de 50 m, et vers le large pour hiverner (migration descendante). En avril, voire en février-mars, elles remontent entre la surface et 50 m, se rapprochant des côtes, pour y rester tout le printemps et l'été (migration montante).
Maja brachydactyla est un animal craintif, fuyant le plongeur, mais qui peut se dresser sur ses pattes et écarter celles qui portent des pinces lorsqu'elle se sent en danger.
Elle est pêchée au casier et au filet par les pêcheurs professionnels. Les plaisanciers la pêchent au trémail et au casier, en apnée. La pêche en Manche est estimée à 5000 tonnes, variant fortement d'une année sur l'autre.
Sa taille légale de pêche est de 120 mm.
La France est le principal pays producteur d'araignées.
On se pose des questions quant à l'accroissement de la pêche : 80% des prises concernent des individus de même génération (celles entrant dans la phase adulte), soit une forte dépendance à la génération unique. Les prises sont faites avant les éclosions. On va donc vers un appauvrissement du nombre de reproducteurs : seules les araignées matures et dont la taille est inférieure à la taille légale de pêche sont « protégées ».
Il faut aussi noter que le chalutage de fond, non destiné à la pêche des araignées, pratiqué de août à octobre, cause de nombreux dégâts sur les araignées en phase de mue. Un aménagement sur les zones et les saisons serait bénéfique aux stocks, mais tout reste à mettre en place.
La mortalité durant la phase adulte est élevée, ceci étant vraisemblablement dû à la pêche.
Fiche validée MNHN/DORIS.
Maja brachydactyla bénéficie d'une protection : Convention de Berne (relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe) : Annexe III – Espèces protégées.
Sa taille légale de pêche est de 120 mm.
Pour les non professionnels, il existe des arrêtés selon les régions, sur le nombre de capture et la taille. Se référer aux capitaineries locales. Néanmoins, sa capture est limitée à six individus par jour et par pêcheur.
Son nom vient de la forme rappelant celle de ses cousines terrestres.
Maja ou Maia : nom d'une espèce de Crustacé dans Aristote (Perrier fasc II), sorte de crabe ou fille d'Atlas et de Pleioné, mère de Mercure, également une des Pléiades ou fille de Faunus divinité romaine incarnant le printemps, dont la fête se déroulait en mai.
brachydactyla : du grec [brachy-] court, et [dactyl-] doigt.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Eucarida | Eucarides | Présence d'un rostre. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Sous-ordre | Brachyura | Brachyoures | Les brachyoures ont un abdomen réduit replié sous le céphalothorax. Ils sont représentés par les crabes et les araignées de mer. |
Famille | Majidae | Majidés | Araignées de mer. |
Genre | Maja | ||
Espèce | brachydactyla |
Identification
On observe sur cet individu tous les critères d'identification : carapace arrondie et fortement bombée, bords latéraux armés de cinq fortes dents épineuses, surface dorsale dotée d’épines (ou tubercules) plus petites, rostre formé de deux fortes dents divergentes, pattes longues et fines, couleur variant du brun-rouge au brun-jaune.
Remarquez aussi les balanes en action d'alimentation sur la carapace.
La Catis, St-Cast (22), 15 m
25/07/2010
Araignée adulte
Les yeux de l'araignée sont verts.
Colline aux chevaux nord, Noirmoutier (85), 9 m
08/2005
Généralement solitaire, parfois en tout petit groupe
Deux araignées se baladent sur une roche.
Groix, 10 m
04/2007
Déplacement vertical
Ses fortes griffes situées au bout de chacune de ses pattes lui permettent des déplacements verticaux. Notez aussi les éponges sur sa carapace.
Bourdinots, St-Cast (22), 9 m
04/2004
Camouflage chez les jeunes
Seuls les jeunes se camouflent par fixation active de divers organismes, comme ici les algues, éponges et petites ascidies, ce qui les rend parfois difficile à voir. Elles se cachent en plus dans les laminaires ou sous des algues d'une certaine taille.
Grottes de Cap Frehel, St-Cast (22), 12 m
06/2005
Camouflage adulte et acrobatie
Positionnée au bout d'un tube concrétionné, l'araignée se voit à peine lorsque l'on passe à côté.
Epave du Fetlar, nuit, St-Malo (35), 23 m
09/2007
Pointes hérissées
Sur les bords latéraux, on distingue bien les 5 fortes dents épineuses, suivies de plusieurs dents plus petites. La surface dorsale est recouverte d’épines plus petites, mais parfois très aigües, dont certaines sont plus développées et situées sur la ligne médiane. Entre les yeux, on remarque aussi ses 2 fortes dents divergentes.
Bizeux, nuit, St-Malo (35), 14 m
05/2007
Carapace épineuse
Une autre photo, mais de profil, montrant la série de fortes dents sur les bords latéraux, avec des plus petites sur le dos.
Triagoz, Trebeurden (22), 10 m
04/07/2009
Accouplement
Le mâle est celui qui a les plus grosses pinces. Sur cette photo, il semblerait que ce soit l'individu en bas. Donc ici, le mâle est en-dessous : est-ce le monde à l'envers ?
La Catis, Saint-Cast-le-Guildo (22), 25m
25/07/2010
Vue ventrale d'un individu gynandromorphe
En vue ventrale, l'abdomen présente une curieuse forme "en haricot". Celà est dû à une croissance différentielle entre la partie mâle de l'abdomen (petit) et la partie femelle de l'abdomen (grand) ; c'est en quelque sorte le principe d'un bi-lames! Ce genre d'individu est rarissime. Il ne doit pas y avoir plus d'une dizaine de gynandromorphes connus chez les crustacés (crabes et langoustes essentiellement). Ce spécimen a été récolté "au filet à grosses mailles" par des pêcheurs professionnels.
Entre les Minquiers (Jersey) et les Roches-Douvres (ST-Briac, 35)
1992
Vue dorsale d'un individu gynandromorphe
Le spécimen est gynandromorphe (mâle à gauche et femelle à droite). En vue dorsale, la grosse pince à gauche et la petite à droite laisseraient croire que cette dernière est en régénération et qu'il s'agit d'un mâle.
Entre les Minquiers (Jersey) et les Roches-Douvres (ST-Briac, 35)
1992
Détail de l'œil et du rostre
Voici le détail de l'œil et du rostre d'un individu rencontré lors d'une plongée nuit.
Ile ronde, Tregastel (22), 15 m, de nuit
29/06/2008
Rédacteur principal : Sandra SOHIER
Vérificateur : Patrice PETIT DE VOIZE
Correcteur : Pierre NOËL
Responsable historique : Sandra SOHIER
Responsable régional : Vincent MARAN