Couleur blanche, translucide
Pédoncule de 1,5 à 2 cm de hauteur
Terminé par une « tête ovale » pourvue de longs filaments
Biotope en plongée loisir : grottes à température inférieure à celle de l'extérieur (13 à 17 °C)
Carnivorous sponge (GB), Spugna Carnivora (I)
Asbestopluma (Asbestopluma) hypogea Vacelet & Boury-Esnault, 1996
Méditerranée, Manche et Atlantique
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]La première observation (en 1992) de Lycopodina hypogea a été faite dans une grotte près de La Ciotat, entre 15 et 25 m de profondeur (à 7 km d'un « canyon » profond de 100 à 3000 m). Elle a également été signalée en 2000 à 15 mètres de profondeur dans une grotte de l'île Jarre, dans l'archipel de Riou à Marseille, et à 24 m de profondeur dans la grotte de Garmenjak Veli en Croatie.
Les premières observations attestées hors de Méditerranée datent de 2005 au pied du fort Chavagnac dans la grande rade de Cherbourg, puis de 2010 à l'île de Groix (Morbihan, Bretagne sud), puis d'Ouessant.
Biotope* équivalent à des fonds d'environ 1000 m dans les océans : température constante de 13-14 °C, pas de lumière, pas de mouvement d'eau. Ce biotope peut être retrouvé dans une grotte au profil descendant (l'entrée est moins profonde que l'extrémité de la grotte, ce qui permet à l'eau froide, plus dense que l'eau chaude, d'y être piégée), à proximité de fonds importants (permettant la « migration » de certaines espèces abyssales).
Eponge blanche translucide au corps symétrique, elle est composée d'un pédoncule* de 1,5 à 2 cm, se terminant par une « tête ovale » pourvue de longs filaments munis de petits crochets, semblable à du « velcro » (non visibles à l'œil nu). Elle ne possède pas de système aquifère*.
Lycopodina hydra (Lundbeck, 1847) découverte à 2394 m et qui ne peut évidemment pas être rencontrée en plongée loisir.
Dans un environnement pauvre en nourriture, où la stratégie de filtreur* a un très faible rendement, ces éponges ont développé une stratégie de carnivore. Lycopodina (ex. Asbestopluma) n'a ni système aquifère*, ni choanocytes*. L'éponge, grâce à ses filaments terminés par de petits crochets (spicules*) « velcros », capture ses proies. Une heure après la capture, l'épithélium* (tissu externe) de surface de l'éponge commence à recouvrir la proie qui est complètement englobée au bout de 24 heures. Dès que la proie est totalement immobilisée, les cellules des filaments migrent vers le centre de l'éponge et la lente digestion commence. Une fois ce travail achevé, les filaments se reforment et attendent le passage de la prochaine proie. Ses proies sont des petits crustacés de la famille des mysidacés. En aquarium, cette éponge est nourrie tous les 15 jours. On ne lui connait pas de prédateur.
La reproduction est sexuée et par bourgeonnement.
Sexuée : la spermatogénèse* se fait au niveau de la « tête » de Lycopodina. Les spermatozoïdes* migrent ensuite vers les filaments, puis vers l'extrémité des filaments avant d'être libérés à maturité. La suite est inconnue, mais l'hypothèse est qu'ils soient capturés par les « velcros » d'un autre individu et que la fécondation s'en suive... Ce qui est fréquent dans les fonds abyssaux, où la densité de la population est très faible.
Bourgeonnement : en aquarium, il a été observé que si un individu était « oublié », il finissait par perdre ses filaments, la tête finit par tomber, et par mitose*, un nouvel individu se forme.
Lycopodina se reproduit aussi en aquarium. Des embryons ont été rarement observés en mai et en novembre.
Deux genres d'éponges présentent les mêmes spicules* : Guitarra et Euchelipluma.
La grotte marseillaise est en eau depuis 8000 ans. D'autres animaux abyssaux profitent du même biotope : une éponge hexactinellide, dite éponge de verre (Oopsacas minuta), et un petit ver échiurien non identifié.
En aquarium, un individu de Lycopodina a eu une durée de vie de 2 ans.
Un journal à sensation australien a décrit cette éponge comme un monstre de 6 m capable d'avaler 4 plongeurs !
Cette espèce est inscrite à l'Annexe II de la Convention de Barcelone (Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée).
Elle est aussi inscrite dans l'Annexe II de la Convention de Berne (Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe).
Carnivore : est dû au fait que cette éponge se nourrit de crustacés qu'elle « capture », contrairement aux autres éponges dont la particularité est de se nourrir en filtrant l'eau (grâce à leur système aquifère*).
Asbestopluma : du latin [asbestos] = minéral fibreux (comme l'amiante) et [pluma] = duvet, en référence à l'aspect de l'animal.
Lycopodina : du grec [lyco ou Lyko] = loup , du grec [podi-, pous] = pied et avec le suffixe latin [-ina] = relative à, de la nature de ou encore originaire de. Donc une allure de pied ou plutôt patte de loup.
hypogea : du latin [hypo] = sous et du grec [geo] = terre : sous terre. Cette éponge a été découverte dans une grotte.
Numéro d'entrée WoRMS : 863529
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Porifera | Spongiaires / Eponges | Organismes exclusivement aquatiques, filtreurs, fixés au substrat, de formes variables, et percés d'orifices inhalants (ostioles ou pores) et exhalants (oscules). |
Classe | Demospongiae | Démosponges | Eponges dont la charpente est constituée de spicules siliceux (différenciés en méga- et microsclères) et de collagène dispersé ou structuré en fibres de spongine. Ovipares ou vivipares, larve typique = parenchymella. |
Ordre | Poecilosclerida | Poécilosclérides | « Eponges à spicules variés ». Charpente de spicules siliceux (styles ou acanthostyles) renforcée de spongine. Plusieurs types de mégasclères et de microsclères (chèles, sigmas...). |
Sous-ordre | Mycalina | Mycalines | |
Famille | Cladorhizidae | Cladorhizidés | Petites éponges pourvues d’un axe de symétrie, vivant exclusivement dans les fonds abyssaux. |
Genre | Lycopodina | ||
Espèce | hypogea |
In situ
Pédoncule de Lycopodina hypogea. On distingue une ascidie solitaire (Pyura tessellata ?) et des vers tubicoles autour de l'éponge.
La Ciotat, 18 m
09/10/2004
Une découverte inattendue
L'auteur de cette photo a permis par ses observations et ses clichés de faire connaître à la communauté scientifique (et aux plongeurs passionnés de bio) la présence de l'éponge carnivore en Atlantique !
Elle a été ici photographiée dans un petit canyon sous-marin à luminosité assez faible et température moyenne relativement basse (proche de 10 °C).
Groix, Morbihan (56), 26 m
18/12/2010
Première photo en Atlantique
Il s'agit ici de la première prise de vue en Atlantique de cette espèce auparavant considérée comme Méditerranéenne.
Voici les commentaires de l'heureuse photographe :
"Les éponges étaient accrochées sur une face "verticale" d'un bloc rocheux d'un enrochement au pied du fort.
Fonds vaseux, très nombreuses particules en suspension.
Espèce observée sur une plongée "bio" organisée par et en présence de Philippe Le Granché."
Au pied du fort Chavagnac, grande Rade de Cherbourg (50), 12 m
29/08/2005
A Ouessant
Cette petite éponge est très présente autour de l'île de Ouessant en Bretagne.
Beg Rheun Ar Veuc'h, baie du Stiff, Ouessant, Finistère (29), 30 m environ
20/08/2020
En forme d'écouvillon
Le pédoncule cylindrique est teinté de foncé en son centre.
Grotte de Bougezenn, baie de Lampaul, Ouessant, Finistère (29), 30 m environ
17/08/2020
Rédacteur principal : Karima LARFAOUI
Vérificateur : Michel PEAN
Correcteur : Jean VACELET
Responsable régional : Michel PEAN
Vacelet J. et Boury-Esnault N., 1996, A new species of carnivorous sponge (Demospongiae, Cladorhizidae) from a Mediterranean cave, Bull. Inst. R. Sci. Nat. Bel. Biol., 66, 109-115
Vacelet J., 1996, Deep-sea sponges in a Mediterranean cave, 299-312. In Uiblein F., Ozz J. & Stacowitsch M., Deep-sea and extreme shallow-water habitats: affinities and adaptations, Austrian Academy of Sciences, Uiblein F., Ott J. & Stachowitsch M. ed., Vienna, Austria
Vacelet J., Bourry-Esnault N., 1995, Carnivorous sponges, Nature, 373, 333-335
La page de Lycopodina (ex. Asbestopluma) hypogea sur le site de l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN
La vidéo de Christian Pétron sur Lycopodina (ex. Asbestopluma) hypogea sur CNRS IMAGES