Vivaneau-chien

Lutjanus jocu | (Bloch & Schneider, 1801)

N° 3086

Atlantique tropical Ouest, centre et Est

Clé d'identification

Taille entre 45 et 75 cm (maximum 90 cm)
Deux canines particulièrement longues sur la mâchoire supérieure
Tache triangulaire de couleur blanchâtre et en forme de larme située en dessous de l'œil
Rangées d'écailles au-dessus de la ligne latérale s'élevant de façon oblique

Noms

Autres noms communs français

Sarde dents de chien (Martinique), pagre dents de chien (Guadeloupe), petit rouget (Guyane), vivaneau dents de chien, pagre fine, zié pleuré, carde roulesse

Noms communs internationaux

Dog snapper, dogtooth snapper, dogteeth snapper, dog’s tooth snapper, dogteeth pargue, dogtooth parge, snuggletooth snapper, snapper (GB), Pargo jocú, jocú, pargo perro, (E), Hunde-Schnapper (D), Bastaardbaars (NL), Hundesnapper (Danemark), Baúna, dentão, cioquira (P)

Synonymes du nom scientifique actuel

Anthias jocu Bloch & Schneider, 1801
Mesoprion litura Cuvier, 1828

Distribution géographique

Atlantique tropical Ouest, centre et Est

Zones DORIS : ● Caraïbes

Lutjanus jocu est présent dans l’ouest de l’océan Atlantique, du Massachusetts aux côtes du Brésil ainsi que dans le golfe du Mexique. Il a été introduit aux Bermudes mais la réussite de cette opération reste à démontrer.

Plus à l'est, on le trouve également à Saint Paul’s Rocks, au large du Brésil, à l'île de l’Ascension, au milieu de l'océan Atlantique, et à São Tomé-et-Príncipe au large du l'Afrique équatoriale.

Biotope

Les adultes fréquentent les récifs rocheux ou coralliens entre 5 et 20 m. Les plus imposants spécimens, vivant en solitaire, sont aperçus dans les tombants à des profondeurs avoisinant les 30 m. On les rencontre aussi aux alentours des épaves.

Les juvéniles préfèrent les eaux côtières, les estuaires et les mangroves*, seuls ou en petits groupes. Ils peuvent parfois quitter la mer et s'aventurer assez loin dans les rivières.

Description

Lutjanus jocu est un poisson de forme oblongue comprimé latéralement. Le dos est assez haut et convexe. Adulte, il atteint une taille entre 45 et 75 cm (maximum 90 cm, 14 kg).

La couleur dominante de la livrée des adultes va du gris pâle au brun rougeâtre. Le dos et la partie supérieure des flancs sont brun olive, teintés de bronze avec parfois des lignes pâles verticales. La partie inférieure des flancs et le ventre sont légèrement rougeâtre avec une teinte cuivre. Les rangées d'écailles au-dessus de la ligne latérale* s'élèvent de façon oblique.

Le museau est pointu. La bouche est terminale, fendue sous les yeux. Elle est armée de canines acérées et robustes. Deux canines particulièrement longues, implantées sur la mâchoire supérieure sont visibles même lorsque la bouche est fermée.

Une tache triangulaire de couleur blanchâtre et en forme de larme est située en dessous de l'œil. Elle descend jusqu'à la commissure des lèvres. Cette tache n'est pas toujours présente chez les jeunes individus.

Une ligne bleue en pointillé s'étend du museau jusqu'à l’opercule*. Elle est réduite à quelques points chez les spécimens les plus âgés quand elle existe encore.

La nageoire dorsale est continue. Elle est constituée d’une première moitié épineuse et d'une seconde partie molle avec une terminaison arrondie. Elle peut être bordée de rouge foncé. Les nageoires pectorales sont longues jusqu'à atteindre le niveau de l'anus. Les nageoires pelviennes* et anale sont arrondies. La nageoire caudale est légèrement concave et faiblement fourchue.

Les juvéniles ont des couleurs plus vives avec des écailles brun sombre et des nageoires pelviennes*, anale et dorsale brunes à jaune orangé. Une bande brune oblique part du museau jusqu'à l'opercule* en traversant l'œil. La tache triangulaire sous l'œil est bien présente comme chez les adultes ainsi que la ligne bleue qui, en revanche, est continue. Le corps peut être traversé de lignes blanches verticales.

Espèces ressemblantes

Avec sa tache blanchâtre en forme de larme sous l'œil, il est aisé d'identifier ce poisson. Toutefois, il peut être éventuellement confondu avec d'autres espèces de lutjans :

- Lutjanus apodus se distingue par ses nageoires bien jaunes. La confusion entre ces deux espèces vient surtout de l'utilisation des noms communs et vernaculaires ressemblants.

- Lutjanus griseus n'a pas de tache sous l'oeil et ses nageoires sont plus sombres. L'orientation des lignes d'écailles au-dessus de la ligne latérale est horizontale alors qu'elle est oblique chez L. jocu.

- Lutjanus cyaopterus n'a pas de tache sous l'œil et ses nageoires sont plus sombres. Il est plus imposant que L. jocu . Les juvéniles n'ont pas de ligne sombre traversant l'œil contrairement à L. jocu.

Alimentation

Lutjanus jocu est un carnivore vorace. Il se nourrit d'une grande diversité de proies qu'il chasse plutôt la nuit : poissons (Holocentrus rufus, ...), crustacés, vers, gastéropodes et céphalopodes.

Les juvéniles se nourrissent de proies adaptées à leur taille, notamment du plancton. Ils peuvent aussi faire office de nettoyeurs pour gros poissons.

Reproduction - Multiplication

Lutjanus jocu est une espèce gonochorique* (sexes séparés) ovipare*. Elle arrive à maturité sexuelle lorsque sa taille atteint environ trente à quarante centimètres.

Le frai* donne lieu à des agrégations de poissons (signalé en mars au large de la Jamaïque et dans le nord-est des Caraïbes). A Bélize, un frai qui a été observé regroupait entre 500 et 1000 individus. La fécondation est externe. Les mâles et les femelles nagent en remontant à la surface et relâchent leurs gamètes* en pleine eau juste au-dessous de la surface. Après la fécondation, les œufs, qui contiennent une petite gouttelette d’huile assurant leur flottabilité, éclosent dans les 24 heures. Les larves* mènent une existence pélagique* avant de se déplacer vers des eaux peu profondes en bordure de côtes (zones sableuses, herbiers, lagunes, mangroves,...) pour se développer à l'abri des prédateurs.

Les frais* de Lutjanus jocu comme ceux d'autres lutjanidés sont rarement observés mais il est assez courant de lire qu'ils ont lieu à la tombée du jour, à l'écart des côtes avec des pics les jours de pleine lune et pendant la période estivale avec d'importants regroupements de poissons. Toutefois, il existe des exceptions à cette règle que les scientifiques ont interprétées comme des adaptations locales visant à réduire la prédation sur les jeunes ou sur les adultes et d'augmenter les chances de survie des larves. Plusieurs éléments entre en jeu : la saison, le lieu, la période lunaire, la température de l'eau, le cycle de production et la densité de plancton, la fréquence et la durée du frai*,...

Par exemple, deux saisonnalités de reproduction ont été mises en évidence. Les populations continentales et des grandes îles ont une période de frai estivale prolongée, tandis que les populations d'îles plus petites se reproduisent toute l’année avec des pics au printemps et à l’automne. Ce qui laisse penser que ces frais sont programmés pour coïncider avec les cycles de productions planctoniques différentes selon les lieux offrant ainsi aux juvéniles des conditions de développement favorables.

A Belize, l'épisode de frai*, cité plus haut, a eu lieu en milieu de journée et relativement près des côtes.

Vie associée

Des vers plathelminthes du genre Euryhaliotrema ont été trouvés dans les branchies de diverses espèces de vivaneaux, y compris chez Lutjanus jocu.

Divers biologie

Lutjanus jocu est un poisson sédentaire qui s’éloigne peu de ses zones de refuge. Particulièrement méfiant, il ne se laisse pas approcher. C'est le vivaneau le moins répandu aux Antilles.

Le nom anglais de "snappers" qui signifie 'happeurs" donné aux les lutjans vient du fait que ceux-ci ont l'habitude de claquer des mâchoires lorsqu'ils sont capturés.

Informations complémentaires

Dans certaines régions, la consommation de la chair de ce poisson est susceptible de provoquer une intoxication alimentaire appelée la ciguatera*, notamment lorsqu'il s'agit d'individus âgés. On pense que, comme d’autres poissons prédateurs, il accumule la toxine responsable (ciguatoxine) en se nourrissant de poissons herbivores qui mangent des algues microscopiques de la famille des Dinoflagellées proliférant sur les coraux morts ou malades.

A ce sujet, le chef de laboratoire à l'institut des Pêches maritimes à Saint-Barthélemy relate dans son catalogue des poissons vénéneux du banc de Saint Barthélémy un épisode d'intoxication grave à la ciguatera* due à Lutjanus jocu, en 1963 :

"Lutjanus jocu n'est jamais consommé à Saint-Barthélemy. Il est également vénéneux à La Guadeloupe. Principal responsable des graves intoxications survenues à Saint-Martin en juillet 1963.

A cette époque, deux patrons de pêche domiciliés à Saint-James, près de Marigot, chef-lieu du district français de l'île de St-Martin, commencèrent l'exploitation d'un banc très riche situé dans le sud-ouest de l'île des Chiens, petit îlot distant de 16 milles environ de Marigot. Les pêcheurs montaient des bateaux équipés de hors-bord et travaillaient sur l'accore du plateau sur fond de 80 brasses environ; ils réalisèrent des pêches miraculeuses, tellement importantes que le poisson capturé devait être vendu à la campagne, le marché du bourg de Marigot étant rapidement saturé.

Il s'agissait de grands poissons appartenant principalement à trois espèces:

1. Lutjanus jocu appelé à Saint-Martin « dog teeth snapper »,

2. Mycteroperca venenosa appelé localement « gros manik ».

3. Lutjanus buccanella le « black fin silk ».

Jusqu'en juin 1963 aucun accident ciguatérique grave ne s'était produit à Saint-Martin à la suite de la consommation de ces trois espèces. Une série d'intoxications extrêmement graves se produisit immédiatement après les premières ventes des pêcheurs de Saint-James.

Le premier touché fut un enfant : vomissements, diarrhées violentes, douleurs articulaires et musculaires, céphalées; sphincter buccal brulé comme avec du poivre et du piment. La tension tomba à 5-6 et le pouls à 39. L'enfant ne fut sauvé que grâce à l'intervention énergique du docteur de Marigot qui fit de l'adrénaline sur la langue, pour remonter la tension, et des perfusions sucrées durant toute une nuit.

Deux cas graves furent ensuite hospitalisés : un homme et une femme. Les douleurs ressenties par la femme étaient telles qu'elle s'arrachait la peau et que le docteur dut utiliser la morphine pour l'empêcher de réveiller l'hôpital par ses hurlements. La maladie dura plus d'un mois.

En une semaine il y eut plus de vingt intoxiqués soignés à l'hôpital de Marigot. La plupart des cas graves étaient dus à la consommation de Lutjanus jocu ; il n'y a pas eu d'hospitalisation attribuable à L. buccanella, la fameuse « oreille noire» qui avait causé tant d'intoxications dans la clientèle pointoise de Saint-Barthélemy."

Statuts de conservation et réglementations diverses

Concernant Lutjanus jocu, la réglementation de l'exercice de la pêche maritime et côtière dans les eaux du département de la Guadeloupe interdit sa pêche et sa vente si son poids dépasse 1 kg.

Depuis 2015, Lutjanus jocu est classé DD, soit Data Déficient, dans la liste rouge de l'UICN*, c'est-à-dire que l'on ne dispose pas d’assez de données pour évaluer directement ou indirectement le risque d’extinction. Il est donc nécessaire de rassembler davantage de données notamment sur son abondance et/ou sa distribution.

Origine des noms

Origine du nom français

Vivaneau : dénomination générique utilisée pour désigner un ensemble d'espèces appartenant à la famille des Lutjanidés. Elle vient du nom de l'espèce Lutjanus vivanus et signifie "vivant, vivace", probablement en rapport avec son activité débordante dans le récif ;

chien : en raison des deux grandes dents en forme de croc sur le devant de la mâchoire supérieure.

Origine du nom scientifique

Lutjanus : du malais [ikan lutjang] : nom d'un poisson, latinisé par Bloch (ichtyologue du 18e siècle) pour la première espèce de ce genre ;

jocu : du nom donné à ce poisson à Cuba (jocú) et repris par Antonio Parra, en 1787, dans son ouvrage consacré aux poissons des eaux cubaines (Voir § Autres références bibliographiques) et conservé par la suite par Bloch et Schneider.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 159798

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Sous-embranchement Vertebrata Vertébrés Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux.
Super classe Osteichthyes Ostéichthyens Vertébrés à squelette osseux.
Classe Actinopterygii Actinoptérygiens Ossification du crâne ou du squelette tout entier. Poissons épineux ou à nageoires rayonnées.
Sous-classe Neopterygii Teleostei Néoptérygiens Téléostéens Poissons à arêtes osseuses, présence d’un opercule, écailles minces et imbriquées.
Super ordre Acanthopterygii Acanthoptérygiens Rayons épineux aux nageoires, écailles cycloïdes ou cténoïdes, présence d'une vessie gazeuse et pelviennes thoraciques ou jugulaires, sans être systématiquement présents, sont des caractères que l'on ne rencontre que chez les Acanthoptérygiens.
Ordre Perciformes Perciformes Nageoires pelviennes très rapprochées des nageoires pectorales.
Sous-ordre Percoidei Percoïdes Une ou deux nageoires dorsales dont les éléments antérieurs sont des épines aiguës. Nageoires pelviennes avec une épine, rayons mous.
Famille Lutjanidae Lutjanidés
Genre Lutjanus
Espèce jocu

Nos partenaires