Crabe lisse et glabre associé aux cnidaires
Carapace très convexe plus large que longue mesurant jusqu'à 4 cm de largeur
Motifs blancs et rouge brun symétriques ornant la carapace et les chélipèdes
Yeux blancs traversés par un fin trait brun horizontal
Antennes et zone buccale présentant une coloration jaune plus ou moins vive et étendue
Pattes ambulatoires grêles et translucides, la paire postérieure se terminant par un segment natatoire aplati
Crabe nageur arlequin, crabe-arlequin des anémones
Harlequin crab, harlequin swimming crab, harlequin anemone crab, swimmer crab (GB), Zylinderrosen-Schwimmkrabbe (D)
Indo-Pacifique
Zones DORIS : ● Indo-PacifiqueLe crabe-arlequin est présent dans la partie ouest de l'océan Pacifique, incluant les eaux françaises de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Ce territoire s'étend depuis le Japon au nord jusqu'à l'Australie au sud, et comprend notamment l'Indonésie, les Philippines, ainsi que l'ensemble des îles de Mélanésie, Micronésie et Polynésie.
Dans l'océan Indien, sa présence est mentionnée en Afrique du Sud, à Madagascar, à Djibouti, en Iran, en Inde, aux Maldives, au Sri Lanka et dans la partie ouest de l'Australie.
Le crabe-arlequin vit sur les fonds sableux ou vaseux, en association avec différentes espèces de cérianthes, d'anémones de mer et avec des coraux. Un exemplaire aurait même été trouvé sur une méduse du genre Cassiopeia. Si la profondeur maximale parfois mentionnée avoisine 80 m, certaines données indiquent que des exemplaires auraient été trouvés à des profondeurs supérieures à 100 m.
Le crabe-arlequin est un crabe lisse et glabre dont la carapace très convexe est plus large que longue. Il peut mesurer jusqu'à environ 4 cm de large. Le front comporte deux lobes assez sinueux. Les bords antérolatéraux* de la carapace comportent cinq dents émoussées, la première et la cinquième étant moins larges que les trois autres de forme assez semblable.
Le méropodite* des chélipèdes* (pattes comportant les pinces) est dépourvu d'épines et de dents. Le carpopodite* comporte une forte épine sur son bord interne. Le propodite* (segment terminal comprenant la partie fixe de la pince) est entièrement lisse, à l'exception du bord interne de la face supérieure légèrement côtelée.
Ce qui fait la particularité de ce crabe et le rend facilement reconnaissable, ce sont les motifs blancs et rouge brun symétriques qui ornent sa carapace et ses chélipèdes. La couleur de fond de la carapace est rouge brun. Le front comporte une large bande blanche se prolongeant par une tâche blanche à l'arrière du céphalothorax*. Deux autres bandes symétriques blanches encadrent ce premier motif central en partant de chaque œil, là encore prolongée chacune par une tache blanche dans la partie arrière de la carapace. Les bords antérolatéraux sont également marqués par une succession de taches blanches. Les pinces comportent une alternance de taches blanches et rouge brun, leur extrémité étant blanche. Les yeux sont blancs et parcourus d'un fin trait brun horizontal.
L'abdomen* est de couleur rouge brun délavé. Les antennes* et la zone buccale présentent une coloration jaune plus ou moins vive et étendue, ainsi que deux taches en forme de larme semblant couler depuis chaque œil sur la face ventrale de la carapace.
A l'exception des chélipèdes, les autres péréiopodes* (pattes ambulatoires*) sont grêles et translucides. La paire de péréiopodes postérieurs est adaptée à la nage, grâce à un dactylopodite* (segment terminal) natatoire aplati. Toutefois, le mode de vie adopté par l'animal semble lui faire employer cette prédisposition naturelle à d'autres fins, comme probablement celle de se mouvoir sur les organismes auxquels il est associé.
Chez les jeunes individus, la teinte rouge brun de la carapace de l'adulte est remplacée par une teinte gris clair.
Le crabe-arlequin Lissocarcinus laevis peut être confondu avec d'autres représentants du genre Lissocarcinus. Parmi eux, on peut citer le crabe-arlequin des holothuries Lissocarcinus orbicularis qui présente une morphologie et des livrées proches de celles de L. laevis. Toutefois, les taches présentes sur la carapace, plus arrondie vue de dessus, sont généralement plus nombreuses et plus petites. Les pattes ambulatoires*, translucides chez L. laevis, sont striées d'une alternance de bandes rouges et blanches chez L. orbicularis. Et surtout, cette dernière espèce est associée aux holothuries et non aux cnidaires.
Une autre espèce proche visuellement et vivant elle aussi en association avec les holothuries est Lissocarcinus holothuricola. Cette dernière, génétiquement proche de L. orbicularis, s'en distingue par une carapace comportant des reliefs bien marqués au niveau des lignes transversales épibranchiale et mésogastrique.
Le crabe-arlequin se nourrit de petits invertébrés et de zooplancton*. Malgré le manque d'études menées sur ce sujet et même si cela reste à prouver, certains scientifiques pensent qu'il pourrait se nourrir des parasites de son hôte, voire de l'hôte lui-même.
Une étude menée en laboratoire depuis les premiers stades de développement des crabes jusqu'à la production des œufs par les femelles (6 stades de développement pour une durée totale légèrement inférieure à 3 mois environ) a montré l'apparition d'un dimorphisme* sexuel à partir du troisième stade, soit au bout de 15 jours environ.
L'accouplement a lieu durant le cinquième stade soit à la fin du deuxième mois de développement, conduisant à la présence d'œufs au cours du troisième mois. Il se produit pendant la mue*, le mâle maintenant fermement la femelle au-dessous de lui avec ses pattes arrière en attendant le moment propice pour féconder la femelle. Il dure entre 2 et 3 minutes et les œufs apparaissent généralement 2 à 4 jours plus tard. La fécondation* est interne. La ponte visible sur la face ventrale de la femelle est d'abord de couleur orange puis devient progressivement marron foncé et enfin gris foncé au bout de 8 à 9 jours. L'éclosion intervient entre 10 et 12 jours après l'apparition des œufs.
De manière générique chez les malacostracés (crustacés dits "supérieurs" dont font partie les décapodes), les larves* sont libérées sous la forme d'une phase zoé* comportant plusieurs stades (le stade nauplius* se produit ici de façon interne au stade embryonnaire), avant de passer à une phase post-larvaire dite mégalope* (caractérisée par des yeux énormes). C'est lors de cette dernière phase que les crabes abandonnent leur vie pélagique* pour devenir des juvéniles puis des crabes adultes.
Le crabe-arlequin vit en association avec certains cnidaires tels des anémones de mer, des cérianthes et des coraux. La nature précise de cette association, commensale* ou symbiotique*, semble faire débat puisque s'il est certain que le crabe trouve protection au sein des tentacules urticants de ces espèces, le fait qu'il les déparasite voire s'en nourrisse demeure à notre connaissance au stade d'hypothèse faute d'études plus poussées.
L'objet de cette fiche consistant à fournir des clés d'identification pratiques, nous ne rentrons pas ici dans le détail de la phylogénie* de l'espèce. On peut toutefois noter que les études les plus récentes font état non pas d'une, mais de quatre espèces correspondant à Lissocarcinus laevis sensu lato* ("sensu lato" signifie que l'on parle de l'espèce "au sens large").
La majeure partie des illustrations de la fiche pourrait correspondre à la variante "L. aff. laevis sp. nov. A" (Cf. article Evans N.M., 2016 cité dans les références) qui semble la plus couramment rencontrée et photographiée par les plongeurs.
Il est possible que la très large distribution géographique mentionnée pour L. laevis sensu lato soit liée au fait que ces différentes variantes du crabe-arlequin se répartissent dans le bassin Indo-Pacifique sans pour autant occuper chacune l'intégralité de la zone.
Crabe-arlequin : en référence aux motifs colorés et géométriques de l'animal, rappelant ceux du costume porté par le célèbre personnage de comédie italienne dont le costume est constitué d'un patchwork de pièces de diverses couleurs.
Lissorcarcinus : du grec [lisso] = lisse, luisant (probablement en raison de la texture de sa carapace) et [karkinos] = crabe.
laevis : du latin [laevis] = lisse (fait doublon avec le nom de genre, peut-être pour en accentuer le côté luisant ?).
Numéro d'entrée WoRMS : 208764
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Famille | Portunidae | Portunidés | Bord antéro-latéral de la carapace avec 9 dents , la dent postérieure souvent beaucoup plus longue que les autres ; front avec le plus souvent 4, 6 ou 8 dents ou lobes ; carapace hexagonale nettement plus large que longue ; dernière paire de pattes aplatie adaptée à la nage et à l'enfouissement rapide ; crabes les plus souvent tropicaux, épineux et très vifs. |
Genre | Lissocarcinus | ||
Espèce | laevis |
Petit crabe aux couleurs spectaculaires
Positionné de face, cet individu présente la livrée la plus fréquemment rencontrée et photographiée par les plongeurs. Il laisse entrevoir ses pattes postérieures natatoires translucides dont le segment terminal est en forme de pagaie, le classant dans la catégorie des crabes dits "nageurs" sans qu'il semble pour autant s'en servir à cette fin à ce stade de son évolution.
Lembeh, Indonésie, 12 m
03/2020
Vue de trois quarts
Avec sa coloration jaunâtre dans la zone buccale et sa dominante brun foncé parsemée de taches blanches, cet individu présente les teintes des crabes-arlequins les plus couramment rencontrés et photographiés.
Archipel d'Alor, Petites îles de la Sonde, Indonésie, 12 m env.
10/04/2008
Vue de face
Cet angle de vue permet d'apercevoir la zone buccale teintée de jaune, les taches en forme de larmes sous les yeux et le détail des chélipèdes robustes et colorés contrastant avec les pattes ambulatoires grêles et translucides.
Ambon, Indonésie, 10 m
01/04/2016
Dans une anémone-feu plumeuse
Les anémones-feu (ici probablement Actinodendron plumosum) sont susceptibles d'abriter le crabe-arlequin.
Lembeh, Indonésie, 19 m
05/11/2014
Se déplaçant sur son anémone
Ayant quitté la protection des tentacules de cette anémone-feu, ce petit individu semble à l'aise pour se déplacer sur les parties de l'anémone présentant moins d'aspérités, à l'aide de ses pattes ambulatoires dont on aperçoit l'aspect grêle et translucide.
Indonésie, Lembeh, 12 m
20/03/2020
Accroché au tube d'un cérianthe
Grâce à ses pattes locomotrices translucides, le crabe-arlequin peut s'accrocher et se déplacer sur le tube de son hôte.
Komodo, Indonésie, 10 m
15/04/2015
A l'abri dans le tube d'un cérianthe
Ce crabe-arlequin et les tentacules de ce cérianthe se sont repliés à l'intérieur du tube protecteur à l'approche d'un plongeur un peu trop insistant.
Anilao, Philippines, 10 m
17/02/2020
Au sein d'un corail-anémone
Cet individu s'est réfugié entre les tentacules d'un corail-anémone Heliofungia actiniformis.
Bunaken, Indonésie, 18 m
22/07/2012
Cnidaire hôte de petite taille
Cet individu de petite taille s'est réfugié au sein d'un cérianthe de taille relativement réduite elle aussi.
Bali, Indonésie, 15 m
25/04/2011
Caché sous les phoronidiens
Cet individu partage son cnidaire hôte avec une colonie de phoronidiens.
Philippines, 10 m
02/2017
Partiellement ensablé
Se réfugiant généralement parmi les tentacules du cnidaire qui l'accueille, le crabe-arlequin est également capable de s'ensabler pour assurer sa sécurité.
Philippines, 8 m
20/11/2017
En couple
Deux individus cohabitent au sein de cette anémone, peut-être s'agit-il d'un couple ?
Cabilao, Philippines, 17 m
22/08/2010
Coloration rosée
Parmi les variantes morphologiques identifiées au sein de Lissocarcinus laevis sensu lato, il en est une susceptible de présenter des teintes rosâtres au lieu de la couleur rouge brun souvent observée.
Manado, Indonésie, 5 m
11/05/2015
Livrée du crabe-arlequin Lissocarcinus laevis sensu stricto
Si cette variante n'est semble-t-il pas la plus fréquemment rencontrée et photographiée par les plongeurs, elle n'en demeure pas moins celle décrite comme l'espèce Lissocarcinus laevis sensu stricto ("sensu stricto" signifie que l'on parle de l'espèce "au sens strict" telle que décrite la première fois).
Dauin, Philippines, 10 m
14/05/2019
Variante de l'espèce Lissocarcinus laevis sensu lato
Cette photo illustre une des quatre variantes décrites au sein de l'espèce Lissocarcinus laevis sensu lato (peut-être "L. aff. laevis sp. nov. B" selon l'article Evans N.M., 2016 cité dans les références).
Anilao, Philippines, 10 m
10/02/2020
Crabe-arlequin des holothuries espèce ressemblante
Bien que très ressemblante par ses couleurs et sa forme, cette autre espèce de crabe-arlequin du genre Lissocarcinus a choisi de s'associer non pas avec des cnidaires mais avec des holothuries. Il s'agit probablement de Lissocarcinus orbicularis.
Anilao, Philippines, 10 m
18/02/2020
Vidéo : se nourrissant dans un cérianthe
Cet individu abrité parmi les tentacules d'un cérianthe semble se nourrir de minuscules organismes passant à sa portée. Peut-être est-il en train de déparasiter son hôte ?
Zamboanguita, province du Negros oriental, Philippines, 15 m
02/02/2018
Rédacteur principal : Gaël MODRAK
Vérificateur : Valérie CARO
Responsable régional : Gaël MODRAK
Crosnier A., 1962, Crustacés décapodes Portunidae, Faune de Madagascar, 16, 23-27, 187 pp.
Evans N.M., 2016, The systematics of Portunoidea Rafinesque, 1815, and the evolution of symbiotic swimming crabs, PhD University of Florida, 195 pp.
Evans N.M., 2018, Molecular phylogenetics of swimming crabs (Portunoidea Rafinesque, 1815) supports a revised family-level classification and suggests a single derived origin of symbiotic taxa, PeerJ, 6, e4260.
Miers E.J., 1886, Report on the Scientific Results of the Voyage of H.M.S. Challenger 1873–1876", Zoology, 17(49), 24-25.
Stephenson W., Campbell B., 1960, The Australian Portunids (Crustacea: Portunidae). IV. Remaining Genera, Australian Journal of Marine and Freshwater Research, 11(1), 73-122.
Wang X., Zeng C., 2015, Development and growth from newly settled first crab stage to sexual maturation and observation on reproductive biology of the Harlequin Anemone Crab Lissocarcinus laevis, J Aquac Res Development, 6:6.
La fiche de Lissocarcinus laevis dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN