Corps allongé et cylindrique, en forme de cigare
Museau court et conique ; gros yeux verts et ovales
2 petites dorsales rapprochées, très en arrière
Brun foncé et ventre clair, couvert de photophores
Collier noir derrière la tête
Grandes cicatrices en arrière des yeux
Taille moyenne : 50 cm
Requin tailleur, requin phosphorescent
Cookie cutter shark, cigar shark, luminous shark (GB), Tiburón cigarro, tollo cigarro (E), Zigarrenhai (D), Cação luminoso (P), Koekjessnijder (NL)
Scymnus brasiliensis Quoy & Gaimard, 1824
Inistius brasiliensis (Quoy & Gaimard, 1824)
Tristius brasiliensis (Quoy & Gaimard, 1824)
Scymnus torquatus Müller & Henle, 1839
Scymnus unicolor Müller & Henle, 1839
Scalus fulgens Bennett, 1840
Leius ferox Kner, 1864
Isistius labialis Meng, Zhu & Li, 1985
Distribution circumtropicale
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Caraïbes, ○ [Guyane française]La distribution de ce requin est circumtropicale*, entre le 35e parallèle nord (qui traverse, par exemple, l'Afrique du Nord) et le 47e parallèle sud (qui traverse, par exemple, la Nouvelle-Zélande).
Côté Atlantique Ouest, cela correspond à une zone s'étendant des Bahamas jusqu'au sud du Brésil, incluant le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes, alors qu'à l'est, cette zone démarre aux îles du Cap-Vert pour se terminer au droit de l'Afrique du Sud.
Côté Indo-Pacifique, cette zone débute à l'ouest par les côtes africaines, de Djibouti à l'Afrique du Sud et se poursuit jusqu'aux côtes ouest américaines, depuis la Californie jusqu'au sud du Pérou, incluant les Galápagos. L'Indonésie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon appartiennent à cette emprise.
Gérard Soury (2002) indique la présence de ce petit requin dans les eaux sud de la Méditerranée, mais nous n'avons trouvé aucune autre référence à cette localisation.
Bathypélagiques*, les adultes vivent en pleine eau, plutôt près des terres, à des profondeurs variant entre 1 000 et 3 500 m de profondeur durant le jour. Pendant la nuit, ils remontent au-dessus de 100 m et peuvent s'approcher de la surface. Ils parcourent ainsi de longs déplacements verticaux pendant une journée (de 2 à 3 000 m).
La littérature est muette sur le lieu de vie des jeunes.
Le corps du squalelet féroce est allongé et cylindrique, en forme de cigare et a une taille moyenne de 50 cm (42 cm pour les mâles et 56 cm pour les femelles). Son museau est court, conique et arrondi ; sa bouche droite est marquée de lèvres larges et charnues ; ses narines sont situées en avant de la tête, de même que ses gros yeux verts et ovales. Les deux
gros spiracles* ovales se trouvent sur
la partie haute de la tête en arrière des yeux. Enfin, il est marqué par de grandes cicatrices, également en arrière des yeux.
Comme tous les squales, il n'a pas de nageoire anale. Il porte en revanche, deux petites nageoires dorsales rapprochées et situées très en arrière. Ses petites nageoires pectorales, anguleuses et courtes, en trapèze, naissent
immédiatement derrière la 5e
fente branchiale. Ses nageoires pelviennes sont plus grandes que les nageoires dorsales. Dorsales, pectorales et pelviennes sont bordées d'une bande claire et translucide. Sa grande nageoire caudale est presque symétrique. Elle est cernée de sombre.
Le squalelet féroce est globalement brun foncé, son ventre étant plus clair et couvert de photophores* (cellules produisant de la lumière) diffusant une vive lueur verte. Il porte un collier noir derrière la tête, au droit de ses petites fentes branchiales.
Les denticules* dermiques (microscopiques "écailles" invisibles à l'œil nu) sont carrés. En relief, ils présentent une surface légèrement concave, avec une dépression en leur milieu.
Le squalelet dentu
(Isistius plutodus)
n'est pas marqué d'un collier sombre vers les fentes branchiales.
De plus, sa nageoire caudale est petite et très asymétrique, le
lobe inférieur étant très petit. En revanche, sa bouche et ses
dents inférieures sont plus grandes que celles du squalelet féroce.
Les excisions qu'il laisse sur les victimes sont plus allongées que
celles d'I.
brasiliensis.
Il a un squelette cartilagineux à forte densité et son foie représente environ 35 % de son poids, ce qui lui permet d’avoir une flottabilité nulle. Par ailleurs, sa face ventrale étant couverte de photophores, sa silhouette est confondue avec la lumière descendant de la surface. Seul le collier sombre est visible du bas et il imiterait ainsi la forme d’un petit poisson. Ces deux caractéristiques lui permettent de chasser à l’affût car il peut
aussi effectuer de brusques accélérations, grâce à sa forte nageoire caudale, pour attaquer des proies se rapprochant sans crainte de lui.
Mais son mode de chasse le plus spectaculaire est son attaque d'animaux plus grands que lui, comme des thons, des marlins et même des éléphants de mer. Il ne craint pas non plus de mordre des grands requins (requin-pèlerin, Cetorhinus maximus ; requin-baleine, Rhincodon typus ; requin grande gueule (Megachiasma pelagios), des tortues ou des cétacés, sur les flancs desquels il se fixe à l'aide de ses lèvres en ventouse et son pharynx créant une dépression. Sa mâchoire supérieure en scie découpe alors la chair en cercle que la mâchoire inférieure, en pelle, arrache. Comme un emporte-pièce, il prélève ainsi des rondelles de chair, d’environ 5 cm de diamètre et 7 cm de profondeur. Cependant, ce mode alimentaire représente moins de 10 % de son régime global.
La maturité sexuelle est atteinte à une taille de 35 cm pour les mâles et 40 cm pour les femelles.
L'espèce est ovovivipare*. La
femelle donne naissance à 6 à 12 jeunes par
portée. On ne connaît pas la durée de la gestation, ni la taille des individus quand ils naissent.
Comme une grande partie des poissons évoluant dans les abysses*, le squalelet féroce peut émettre de la lumière grâce à une multitude de petits organes lumineux (photophores*) situés sur son ventre (sauf sur la bande
sombre au niveau de son cou). Ces photophores
ventraux sont spécifiques aux Dalatiidés nains. [Strasburg 1963]
parle d'une "lueur bleu pâle", d'autres auteurs d'une
"légère luminescence verdâtre", lumière parfois
fugitive et liée aux mouvements de l'animal et parfois constante.
D'après les témoignages, ce requin rayonnerait de la lumière jusqu'à trois heures après sa mort.
Les
mâchoires du squalelet féroce sont imposantes et caractéristiques
de l’espèce.
Le
nombre de rangées de dents augmente avec la taille des individus :
Quand le requin mord, ses dents supérieures fixent la proie tandis que ses
dents inférieures, grâce à la torsion du corps,
permettent une coupe circulaire. Ses lèvres suceuses assurent
l’étanchéité. En rétractant sa langue, il crée une dépression
importante dans la bouche qui assure une forte succion. Celle-ci est aussi utilisée pour gober des proies comme
les calmars.
Ce
petit requin renouvelle régulièrement ses dents qu'il perd par rangée et qu’il avale. Ainsi, il peut recycler le calcium dont il
a besoin pour maintenir un total de 435 à 465 dents.
Bien
que ses yeux soient placés en avant de la tête, ils ne lui
permettent pas d’avoir une vision binoculaire très étendue.
Dans la famille
Dalatiidés (7 genres actuellement), le squalelet féroce et le squalelet dentu sont les deux seuls représentants du genre Isistius.
Pendant longtemps, personne ne savait qui provoquait ces blessures en cercle. C’est seulement en 1971 qu’un américain, membre
du bureau de la pêche commerciale, Everet
Jones, put en nommer le responsable.
Entre les années 60 et 70, le
squalelet féroce a endommagé plusieurs dizaines de sous-marins
américains (néoprène des sonars et câbles sous gaine en
caoutchouc), les obligeant à remonter en
surface. Aujourd'hui, ces parties sont
protégées par un revêtement en fibre de verre.
Depuis 2018, ce petit requin est classé LC, soit Least Concern, dans la liste rouge de l'UICN*, c'est-à-dire dont le statut de conservation est jugé de préoccupation mineure. Effectivement, la distribution d'Isistius brasiliensis est très large au niveau planétaire. De plus, il n'est pas vraiment sensible aux diverses formes de pêche et n'a d'ailleurs pas de valeur commerciale.
Squalelet : du latin [squalus] = squale (requin sans nageoire anale), avec le suffixe [-let] = petit ;
féroce : se dit d'un animal qui tue par instinct, sans doute car les traces laissées par ses morsures sont impressionnantes.
Isistius : plusieurs hypothèses sont disponibles pour l'étymologie d'Isistius... La première décompose le mot ainsi : du grec [isos] = égal et [histios] = voile, faisant ainsi écho à la description du genre et aux deux nageoires dorsales de forme et de taille identiques.
Une autre hypothèse évoque Isis, déesse égyptienne de la lumière, en référence à la capacité du requin de produire de la lumière. Enfin, une dernière hypothèse, moins crédible, suggère que le mot "voile" (histios) rappelle le "tour de cou" que porte le squale, comme un voile sur la tête.
brasiliensis : suffixe latin [-ensis] = issu de, soit : provenant du Brésil.
En effet, le spécimen ("un très-petit individu femelle") ayant servi à la description de l'espèce par Quoy & Gaimard en 1824 (sous le
nom de Scymnus brasiliensis)
avait été prélevé au Brésil, par les auteurs de la
description.
Numéro d'entrée WoRMS : 215612
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Vertebrata | Vertébrés | Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux. |
Classe | Chondrichthyes | Chondrichthyens | Squelette cartilagineux, deux nageoires dorsales et une anale (primitivement), nageoire caudale hétérocerque*, deux paires de nageoires paires, bouche disposée sur la face ventrale. |
Sous-classe | Elasmobranchii | Elasmobranches | Squelette des nageoires pectorales tribasal. Deux nageoires dorsales. 5 ou 6 paires de fentes branchiales et des spiracles. |
Ordre | Squaliformes | Squaliformes | 2 nageoires dorsales, une nageoire "anale", 5 branchies, des yeux sans membrane protectrice, bouche étendue derrière les yeux. |
Famille | Dalatiidae | Dalatiidés | |
Genre | Isistius | ||
Espèce | brasiliensis |
Profond et rare
C'est un petit requin (50 cm) qui vit généralement dans des zones circumtropicales profondes. Il n'y a guère de chances pour des plongeurs de le croiser vivant et il en existe d'ailleurs fort peu de photos in situ.
Les adultes vivent en pleine eau, plutôt près des terres, à des profondeurs variant entre 1 000 et 3 500 m de profondeur durant le jour. Pendant la nuit, ils remontent au-dessus de 100 m et peuvent même s'approcher de la surface.
L'écologie (lieux de vie, bathymétrie, alimentation...) des jeunes est inconnue.
Illustration naturaliste
01/04/2023
Profil fuselé
Petit squale (requin sans nageoire anale).
Saint-Leu, La Réunion (974), océan Indien, spécimen ex situ
29/06/2022
Pêchés
Le corps du squalelet féroce est allongé et cylindrique, en forme de cigare et a une taille moyenne de 50 cm (42 cm pour les mâles et 56 cm pour les femelles).
Il n'est pas l'objet de pêche et, eu égard à sa petite taille, échappe souvent aux mailles des filets qui ne lui sont pas destinés. Mais parfois...
Saint-Leu, La Réunion (974), océan Indien, spécimen ex situ
29/06/2022
La bouche
Son museau est court, conique et arrondi. Sa bouche droite est marquée de lèvres larges et charnues, qui vont permettre à l'animal de se maintenir au contact de sa proie, parfois bien plus grosse que lui, pendant que les mâchoires dentues font leur office.
Saint-Leu, La Réunion (974), océan Indien, spécimen ex situ
29/06/2022
Tête de profil
Le squalelet féroce est globalement brun foncé, son ventre étant plus clair. Il porte un collier noir derrière la tête, au droit de ses petites fentes branchiales. On note aussi les spiracles sur le haut de la tête.
Saint-Leu, La Réunion (974), océan Indien, spécimen ex situ
29/06/2022
Mâchoire
Les mâchoires du squalelet féroce sont imposantes et caractéristiques de l’espèce.
Le nombre de rangées de dents augmente avec la taille des individus :
Saint-Leu, La Réunion (974), océan Indien, spécimen ex situ
29/06/2022
Profil allongé
Ses gros yeux verts et ovales sont situés en avant de la tête. Il est marqué par de grandes cicatrices en arrière des yeux.
Saint-Leu, La Réunion (974), océan Indien, spécimen ex situ
29/06/2022
Contre-illumination
Ce requin, dont l'un des noms communs
anglo-saxons est "luminous shark", ou en français requin
phosphorescent, est connu pour émettre une lumière bleu-vert
pâle grâce à des photophores particuliers. Ces derniers sont
diversement répartis sur le corps de l'animal, avec une densité
beaucoup plus grande sur la partie ventrale du requin (exception
faite du "tour de cou" sombre). Il y en a peu sur le dos ou
les flancs.
Cette émission lumineuse participe au phénomène de
contre-illumination (ou countershading) visant à dissimuler
l'individu au regard de ses proies (et de ses prédateurs). En effet,
si on le regarde d'en dessous, l'animal éclairé disparaît
sur la luminosité venant de la surface. Vu de dessus, il reste
sombre et ne se détache pas de la noirceur des fonds.
Illustration d'après W.-E. Reif (1985)
07/07/2023
Rédacteur principal : Yves DESCHOMETS
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Sylvie DIDIERLAURENT
de Figueiredo Petean F., de Carvalho M.R., 2018, Comparative morphology and systematics of the cookiecutter sharks, genus Isistius Gill (1864) (Chondrichthyes: Squaliformes: Dalatiidae), PLoS ONE 13(8): e0201913.
Hubbs C.L., Iwai T., Matsubara K., 1967, External and internal characters, horizontal and vertical distribution, luminescence, and food of the dwarf pelagic shark, Euprotomicrus bispinatus, Bull. Scripps Inst. Oceanogr.,10, 64p.
Jahn A.E., Haedrich R.L., 1987, Notes on the pelagic squaloid shark Isistius brasiliensis, Biological Oceanography, 5(4), 297-309.
Reif W.-E., 1985, Functions of scales and photophores in mesopelagic luminescent sharks, Acta Zool., 66, 111-118.
Strasburg D.W., 1963, The Diet and Dentition of Isistius brasiliensis, with Remarks on Tooth Replacement in Other Sharks, Copeia, 1933, 33.
Widder E.A., 1998, A predatory use of counterillumination by the squaloid shark, Isistius brasiliensis, Environmental Biology of Fishes, 53(3), 267–273.
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La page sur Isistius brasiliensis sur le site de référence de DORIS pour les poissons : FishBase
La page de Isistius brasiliensis dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN