Squalelet féroce

Isistius brasiliensis | (Quoy & Gaimard, 1824)

N° 5787

Distribution circumtropicale

Clé d'identification

Corps allongé et cylindrique, en forme de cigare
Museau court et conique ; gros yeux verts et ovales
2 petites dorsales rapprochées, très en arrière
Brun foncé et ventre clair, couvert de photophores
Collier noir derrière la tête
Grandes cicatrices en arrière des yeux
Taille moyenne : 50 cm

Noms

Autres noms communs français

Requin tailleur, requin phosphorescent

Noms communs internationaux

Cookie cutter shark, cigar shark, luminous shark (GB), Tiburón cigarro, tollo cigarro (E), Zigarrenhai (D), Cação luminoso (P), Koekjessnijder (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Scymnus brasiliensis Quoy & Gaimard, 1824
Inistius brasiliensis (Quoy & Gaimard, 1824)
Tristius brasiliensis (Quoy & Gaimard, 1824)
Scymnus torquatus Müller & Henle, 1839
Scymnus unicolor Müller & Henle, 1839
Scalus fulgens Bennett, 1840
Leius ferox Kner, 1864
Isistius labialis Meng, Zhu & Li, 1985

Distribution géographique

Distribution circumtropicale

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Caraïbes, ○ [Guyane française]

La distribution de ce requin est circumtropicale*, entre le 35e parallèle nord (qui traverse, par exemple, l'Afrique du Nord) et le 47e parallèle sud (qui traverse, par exemple, la Nouvelle-Zélande).
Côté Atlantique Ouest, cela correspond à une zone s'étendant des Bahamas jusqu'au sud du Brésil, incluant le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes, alors qu'à l'est, cette zone démarre aux îles du Cap-Vert pour se terminer au droit de l'Afrique du Sud.
Côté Indo-Pacifique, cette zone débute à l'ouest par les côtes africaines, de Djibouti à l'Afrique du Sud et se poursuit jusqu'aux côtes ouest américaines, depuis la Californie jusqu'au sud du Pérou, incluant les Galápagos. L'Indonésie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon appartiennent à cette emprise.
Gérard Soury (2002) indique la présence de ce petit requin dans les eaux sud de la Méditerranée, mais nous n'avons trouvé aucune autre référence à cette localisation.

Biotope

Bathypélagiques*, les adultes vivent en pleine eau, plutôt près des terres, à des profondeurs variant entre 1 000 et 3 500 m de profondeur durant le jour. Pendant la nuit, ils remontent au-dessus de 100 m et peuvent s'approcher de la surface. Ils parcourent ainsi de longs déplacements verticaux pendant une journée (de 2 à 3 000 m).
La littérature est muette sur le lieu de vie des jeunes.

Description

Le corps du squalelet féroce est allongé et cylindrique, en forme de cigare et a une taille moyenne de 50 cm (42 cm pour les mâles et 56 cm pour les femelles). Son museau est court, conique et arrondi ; sa bouche droite est marquée de lèvres larges et charnues ; ses narines sont situées en avant de la tête, de même que ses gros yeux verts et ovales. Les deux gros spiracles* ovales se trouvent sur la partie haute de la tête en arrière des yeux. Enfin, il est marqué par de grandes cicatrices, également en arrière des yeux.

Comme tous les squales, il n'a pas de nageoire anale. Il porte en revanche, deux petites nageoires dorsales rapprochées et situées très en arrière. Ses petites nageoires pectorales, anguleuses et courtes, en trapèze, naissent immédiatement derrière la 5e fente branchiale. Ses nageoires pelviennes sont plus grandes que les nageoires dorsales. Dorsales, pectorales et pelviennes sont bordées d'une bande claire et translucide. Sa grande nageoire caudale est presque symétrique. Elle est cernée de sombre.

Le squalelet féroce est globalement brun foncé, son ventre étant plus clair et couvert de photophores* (cellules produisant de la lumière) diffusant une vive lueur verte. Il porte un collier noir derrière la tête, au droit de ses petites fentes branchiales.

Les denticules* dermiques (microscopiques "écailles" invisibles à l'œil nu) sont carrés. En relief, ils présentent une surface légèrement concave, avec une dépression en leur milieu.

Espèces ressemblantes

Le squalelet dentu (Isistius plutodus) n'est pas marqué d'un collier sombre vers les fentes branchiales. De plus, sa nageoire caudale est petite et très asymétrique, le lobe inférieur étant très petit. En revanche, sa bouche et ses dents inférieures sont plus grandes que celles du squalelet féroce. Les excisions qu'il laisse sur les victimes sont plus allongées que celles d'I. brasiliensis.

Alimentation

Il a un squelette cartilagineux à forte densité et son foie représente environ 35 % de son poids, ce qui lui permet d’avoir une flottabilité nulle. Par ailleurs, sa face ventrale étant couverte de photophores, sa silhouette est confondue avec la lumière descendant de la surface. Seul le collier sombre est visible du bas et il imiterait ainsi la forme d’un petit poisson. Ces deux caractéristiques lui permettent de chasser à l’affût car il peut aussi effectuer de brusques accélérations, grâce à sa forte nageoire caudale, pour attaquer des proies se rapprochant sans crainte de lui.

Mais son mode de chasse le plus spectaculaire est son attaque d'animaux plus grands que lui, comme des thons, des marlins et même des éléphants de mer. Il ne craint pas non plus de mordre des grands requins (requin-pèlerin, Cetorhinus maximus ; requin-baleine, Rhincodon typus ; requin grande gueule (Megachiasma pelagios), des tortues ou des cétacés, sur les flancs desquels il se fixe à l'aide de ses lèvres en ventouse et son pharynx créant une dépression. Sa mâchoire supérieure en scie découpe alors la chair en cercle que la mâchoire inférieure, en pelle, arrache. Comme un emporte-pièce, il prélève ainsi des rondelles de chair, d’environ 5 cm de diamètre et 7 cm de profondeur. Cependant, ce mode alimentaire représente moins de 10 % de son régime global.

Reproduction - Multiplication

La maturité sexuelle est atteinte à une taille de 35 cm pour les mâles et 40 cm pour les femelles.
L'espèce est ovovivipare*. La femelle donne naissance à 6 à 12 jeunes par portée. On ne connaît pas la durée de la gestation, ni la taille des individus quand ils naissent.

Vie associée

Divers biologie

Comme une grande partie des poissons évoluant dans les abysses*, le squalelet féroce peut émettre de la lumière grâce à une multitude de petits organes lumineux (photophores*) situés sur son ventre (sauf sur la bande sombre au niveau de son cou). Ces photophores ventraux sont spécifiques aux Dalatiidés nains. [Strasburg 1963] parle d'une "lueur bleu pâle", d'autres auteurs d'une "légère luminescence verdâtre", lumière parfois fugitive et liée aux mouvements de l'animal et parfois constante.
D'après les témoignages, ce requin rayonnerait de la lumière jusqu'à trois heures après sa mort.

Les mâchoires du squalelet féroce sont imposantes et caractéristiques de l’espèce.
Le nombre de rangées de dents augmente avec la taille des individus :

  • La mâchoire supérieure possède 30 à 37 rangées de petites dents étroites et pointues ;
  • La mâchoire inférieure comporte 25 à 31 rangées de grandes et larges dents en triangle. Elle ressemble à une scie semi-circulaire.

Quand le requin mord, ses dents supérieures fixent la proie tandis que ses dents inférieures, grâce à la torsion du corps, permettent une coupe circulaire. Ses lèvres suceuses assurent l’étanchéité. En rétractant sa langue, il crée une dépression importante dans la bouche qui assure une forte succion. Celle-ci est aussi utilisée pour gober des proies comme les calmars.
Ce petit requin renouvelle régulièrement ses dents qu'il perd par rangée et qu’il avale. Ainsi, il peut recycler le calcium dont il a besoin pour maintenir un total de 435 à 465 dents.

Bien que ses yeux soient placés en avant de la tête, ils ne lui permettent pas d’avoir une vision binoculaire très étendue.

Informations complémentaires

Dans la famille Dalatiidés (7 genres actuellement), le squalelet féroce et le squalelet dentu sont les deux seuls représentants du genre Isistius.

Pendant longtemps, personne ne savait qui provoquait ces blessures en cercle. C’est seulement en 1971 qu’un américain, membre du bureau de la pêche commerciale, Everet Jones, put en nommer le responsable.

Entre les années 60 et 70, le squalelet féroce a endommagé plusieurs dizaines de sous-marins américains (néoprène des sonars et câbles sous gaine en caoutchouc), les obligeant à remonter en surface. Aujourd'hui, ces parties sont protégées par un revêtement en fibre de verre.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Depuis 2018, ce petit requin est classé LC, soit Least Concern, dans la liste rouge de l'UICN*, c'est-à-dire dont le statut de conservation est jugé de préoccupation mineure. Effectivement, la distribution d'Isistius brasiliensis est très large au niveau planétaire. De plus, il n'est pas vraiment sensible aux diverses formes de pêche et n'a d'ailleurs pas de valeur commerciale.

Origine des noms

Origine du nom français

Squalelet : du latin [squalus] = squale (requin sans nageoire anale), avec le suffixe [-let] = petit ;
féroce : se dit d'un animal qui tue par instinct, sans doute car les traces laissées par ses morsures sont impressionnantes.

Origine du nom scientifique

Isistius : plusieurs hypothèses sont disponibles pour l'étymologie d'Isistius... La première décompose le mot ainsi : du grec [isos] = égal et [histios] = voile, faisant ainsi écho à la description du genre et aux deux nageoires dorsales de forme et de taille identiques.
Une autre hypothèse évoque Isis, déesse égyptienne de la lumière, en référence à la capacité du requin de produire de la lumière. Enfin, une dernière hypothèse, moins crédible, suggère que le mot "voile" (histios) rappelle le "tour de cou" que porte le squale, comme un voile sur la tête.

brasiliensis : suffixe latin [-ensis] = issu de, soit : provenant du Brésil.
En effet, le spécimen ("un très-petit individu femelle") ayant servi à la description de l'espèce par Quoy & Gaimard en 1824 (sous le nom de Scymnus brasiliensis) avait été prélevé au Brésil, par les auteurs de la description.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 215612

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Sous-embranchement Vertebrata Vertébrés Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux.
Classe Chondrichthyes Chondrichthyens Squelette cartilagineux, deux nageoires dorsales et une anale (primitivement), nageoire caudale hétérocerque*, deux paires de nageoires paires, bouche disposée sur la face ventrale.
Sous-classe Elasmobranchii Elasmobranches Squelette des nageoires pectorales tribasal. Deux nageoires dorsales. 5 ou 6 paires de fentes branchiales et des spiracles.
Ordre Squaliformes Squaliformes 2 nageoires dorsales, une nageoire "anale", 5 branchies, des yeux sans membrane protectrice, bouche étendue derrière les yeux.
Famille Dalatiidae Dalatiidés
Genre Isistius
Espèce brasiliensis

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