Taille maximum 16 mm
Ressemble à un petit point rouge perpétuellement en mouvement
Quatre "antennes" presque aussi longues que le corps
Gros yeux noirs pédonculés
Telson trapézoïdal aux bords épineux avec, à l'extrémité rectiligne, deux épines
Bloody-red shrimp, bloody red mysid (GB), Schwebegarnele (D), Kaspische aasgarnaal, bloedrode kaspische aasgarnaal (NL)
Europe et nord-est de l'Amérique
Zones DORIS : ● Eau douce d'Europe, ● Atlantique Nord-OuestCette espèce est originaire de la région ponto-caspienne : mer Noire, mer Caspienne, mer d'Azov et bas des fleuves qui s'y jettent.
En Europe, on la trouve dans les eaux douces et saumâtres de l'Irlande à la mer Caspienne, au nord des Alpes et des Pyrénées (absente de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce, de l'Albanie, de la Serbie, de la Slovénie et de la Croatie).
En Amérique du Nord, elle occupe la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
En France, elle est présente dans le Rhin, la Marne, la Meuse et dans la Seine ainsi que dans de nombreux cours d'eau et gravières d'Alsace. Elle s'est propagée vers le sud par le Rhône sans atteindre a priori la Méditerranée. Elle est absente de la Corse.
Elle est présente un peu partout dans les cours d'eau belges.
C'est une espèce d'eau douce et saumâtre qui ne peut vivre dans une eau ayant une salinité supérieure à 19 ‰.
Elle prospère en eau calme ou stagnante, aussi bien dans les lacs et étangs que dans les parties calmes des rivières. Elle privilégie les habitats riches en pierres, cavités et anfractuosités où elle peut se réfugier pendant la journée. Elle évite les fonds vaseux pauvres en abris.
H. anomala est une crevette de petite taille. La longueur des adultes va de 5,5 à 16 mm avec des femelles un peu plus grandes que les mâles. Les chromatophores* rouges présents sur la carapace et le telson*, ainsi que les organes internes du céphalothorax* colorés en rouge-orangé ou rosé et visibles par transparence, lui donnent l'aspect d'un petit point rouge perpétuellement en mouvement. Cependant, certains individus ou certaines populations peuvent être plus ternes (jaune-ivoire) selon la rétraction du pigment dans les chromatophores* en réponse aux conditions de lumière et de température. Les juvéniles sont plus translucides que les adultes.
Les deux antennes et les deux antennules sont presque aussi longues que le corps, et sans épines. Les antennes sont en deux parties : l'écaille et le flagelle qui est orienté vers le bas. Les antennules sont constituées d'un pédoncule et de deux flagelles, les flagelles courts sont orientés vers l'avant et les longs vers le haut. Les grands yeux noirs, pédonculés et globuleux ont une encoche dans leur partie arrière. Elle a six paires de pattes thoraciques (péréiopodes*) biramées*. Le telson* est long, avec des bords épineux et, à son extrémité rectiligne, deux plus longues épines longitudinales aux coins.
Le genre Hemimysis ne comporte que neuf espèces. Elles sont semblables au premier coup d'œil : partiellement rouges. H. anomala se distingue par son telson de forme trapézoïdale qui porte des épines courtes tout au long de sa marge externe et, à son extrémité, deux plus longues épines distales aux coins. Outre H. anomala, on trouve en France :
Limnomysis benedeni Czerniavsky, 1882 : autre espèce introduite en France, elle n'est pas rouge et son telson est court, en forme de trapèze avec une encoche arrondie et des bords épineux.
Mysis diluviana Lovén, 1862 : la crevette indigène des grands lacs nord-américains, elle a un telson bifurqué (en fourche à deux dents).
Taphromysis louisianae A. H. Banner, 1953 : présente dans les eaux douces et saumâtres du sud de l'Amérique du Nord, elle a un telson bifurqué (en fourche à deux dents).
Juvénile, elle se nourrit principalement de phytoplancton. Au fur et à mesure de sa croissance, elle consomme de plus en plus de zooplancton (cladocères et copépodes) qu'elle chasse principalement de nuit.
Cependant il s'agit d'une espèce omnivore capable de se nourrir de restes organiques comme par exemple des cadavres de poissons (des essaims de H. anomala ont été observés en train de détacher des morceaux de chair à l'aide de leurs péréiopodes* sur des cadavres de carpes).
Le cannibalisme est également pratiqué.
Une étude non encore confirmée indique que H. anomala est un hermaphrodite protandre* (d'abord mâle puis femelle). Suivant sa taille, la femelle porte dans sa poche ventrale (marsupium) de 6 à 70 œufs par cycle reproductif.
C'est une espèce très prolifique qui peut se reproduire de deux à quatre fois par an. Dans les gravières alsaciennes, la reproduction a été observée :
- en mars - avril : les crevettes sont regroupées en bancs importants au sein desquels de nombreuses femelles (14 % des individus) portent des œufs (voir paragraphe "Divers biologie") ce qui permet un grand brassage génétique ;
- en juin - juillet ;
- et en septembre - octobre.
Il n'y a pas de stade larve nauplius* mais de quatre à six mues (suivant les auteurs) qui amènent l'individu à la maturité sexuelle en environ quarante jours (45 jours en avril quand l'eau est froide, 30 jours en été).
En eau douce
H. anomala cohabite avec l'écrevisse américaine (Orconectes limosus), le cloporte aquatique (Asellus aquaticus), la moule zébrée (Dreissena polymorpha) ainsi que des larves d'insectes (Éphémères et Trichoptères). Il ne s'agirait pas d'associations particulières mais plutôt du partage de l'habitat. Par contre, les abris habités par des poissons comme le chabot commun (Cottus gobio) ou la loche franche (Barbatula barbatula) ne sont jamais colonisés.
Une étude menée pendant trois ans sur la population d'une gravière en Alsace a établi qu'après une période de forte croissance, il y a eu une réduction marquée des effectifs ce qui pourrait s'expliquer par une prédation importante par des perches (Perca fluviatilis), des chabots communs (Cottus gobio), des larves de libellule (Calopteryx virgo) et d'autres prédateurs. Il semble qu'il n'y ait pas d'impact majeur sur les écosystèmes étudiés.
Une étude menée sur la population du lac Ontario, a établi que trois espèces avaient consommé H. anomala : le gaspareau (Alosa pseudoharengus), le crapet de roche (Ambloplites rupestris) et la perchaude (Perca flavescens) ; et que six espèces n'y avaient pas touché : le gobie à taches noires (Neogobius melanostomus), l'achigan à petite bouche (Micropterus dolomieu), la queue à tache noire (Notropis hudsonius), l'alose à gésier (Dorosoma cepedianum), le baret (Morone americana) et le fouille-roche zébré (Percina caprodes).
En eau saumâtre
Contrairement à ce qui est affirmé ici et là sur la toile Internet, ce n'est pas H. anomala qui cohabite avec le homard européen (Homarus gammarus) dans les eaux zélandaises (Pays-Bas) mais une espèce proche : H. lamornae (Couch, 1856). H. anomala est bien présente dans cette région mais uniquement dans les eaux douces et les polders remplis d'eau saumâtre.
Hemimysis anomala n'aime pas la lumière directe et vit le jour dans des anfractuosités diverses pour sortir la nuit à la recherche de nourriture.
Sa nage est rapide : de l'ordre de plusieurs centimètres par seconde.
Plusieurs études ont établi qu'il y avait une migration quotidienne dans la colonne d'eau : H. anomala se tient près de la surface au crépuscule et pendant la nuit ; elle migre vers les couches plus profondes à l'aube.
En Alsace, dès la mi-décembre lorsque la température de l'eau avoisine les 7 à 8 °C et ensuite pendant tout l'hiver même dans une eau à 3 ou 4 °C, des essaims compacts de plusieurs dizaines de milliers d'individus ont été observés, ils peuvent atteindre une taille de 1 à 2 m de diamètre. Ils se dissipent à la tombée de la nuit pour se reformer au petit matin le plus souvent au même endroit : sous un ponton ou un tronc d'arbre immergé voire à une profondeur plus importante (entre 7 et 15 m). En avril, lorsque la température atteint 8 à 10 °C, les essaims se dispersent en petites colonies, se cachant le jour dans différentes cavités comme, par exemple, les interstices des racines des arbres, sous des pierres ou des morceaux d'écorce tombés dans l'eau. C'est dans ces cavités que H. anomala passe la saison chaude, ne sortant que pendant la nuit à la recherche de nourriture.
Une première étude avait observé une variation saisonnière de la population avec seuls quelques grands individus survivant à l'hiver. Il semble qu'il s'agisse d'une erreur due à la méthodologie utilisée : les pièges utilisés pour capturer H. anomala n'ayant jamais été installés aux endroits des rassemblements hivernaux (voir ci-dessus la différence d'habitat entre hiver et la saison chaude).
Des concentrations plus élevées de polychlorobiphényles (PCB) et de mercure ont été mesurées dans les poissons des lacs contenant des Mysis spp. que dans ceux des lacs qui en sont exempts. Il semble donc que la présence de ces petites crevettes favorise la bio-accumulation de certains polluants.
Hemimysis anomala est une espèce invasive originaire de la région Ponto-Caspienne. Elle n'est pas la seule et on peut citer entre-autres : le cordylophore de la Caspienne (Cordylophora caspia), la corophie à épines courbes (Corophium curvispinum), Chelicorophium robustum, le gammare du Danube (Dikerogammarus villosus), la moule zébrée (Dreissena polymorpha), le ver térébellide (Hypania invalida), l'aselle du Danube (Jaera istri), la mysis de Van Beneden (Limnomysis benedeni) et la néritine fluviatile (Theodoxus fluviatilis). Paradoxalement, Hemimysis anomala est considérée invasive hors de son aire de répartition géographique naturelle et en voie de disparition dans son berceau d'origine, dans la mer d'Azov et les rivières qui s'y jettent comme la Zelenaya, et au niveau des côtes au nord-ouest de la mer Noire.
En Europe, plusieurs facteurs ont favorisé sa propagation à la mer Baltique et aux eaux douces et saumâtres de l'Europe occidentale au nord des Alpes et des Pyrénées :
- la construction de canaux interconnectant les bassins hydrographiques ;
- le bateau-stop via l'eau de ballastage des navires ;
- les introductions délibérées.
On peut distinguer trois principaux corridors de migration :
- un premier au nord, relie le Don et la Volga à la Baltique ; il est apparu en 1960 suite à des introductions volontaires (comme aliment pour poissons d'élevage) dans divers lacs de l'ex URSS (en Moldavie et en Lituanie) ;
- un deuxième suit un axe nord-centre qui connecte, via le Dniepr, la Baltique au Rhin ; même cause ;
- le dernier, au sud-ouest, relie le Danube au Rhin et à ses bassins environnants ; il est apparu à la suite de la réouverture en 1992 du canal Main-Danube.
Une recommandation pour les plongeurs : il est important à la lumière des connaissances actuelles de ne pas implanter Hemimysis anomala dans de nouveaux sites.
Historique de sa progression :
1992 fin de l'été : découverte dans les eaux côtières de la Finlande ;
1995 : découverte dans les eaux côtières de la Suède ;
1997 juin : découverte près d'Amsterdam au Pays-Bas ;
1997 octobre : découverte dans le Rhin et le Neckar en Allemagne ;
1999 octobre : découverte dans l'estuaire de l'Escaut près d'Anvers (en Belgique et aux Pays-Bas) ;
2000 : découverte dans la Meuse en Belgique ;
2002 : présente dans le canal de Briare ;
2004 novembre : découverte dans les Midlands et dès 2006 signalée un peu partout au Royaume-Uni ;
2005 : découverte dans le Rhin (à Neuf-Brisach) et dans deux gravières alsaciennes en France ;
2005 juillet : découverte dans le Danube en Hongrie ;
2006 : découverte en mai dans le lac Ontario et en novembre dans le lac Michigan ; probablement arrivée via les ballasts des bateaux transocéaniques qui, depuis 1959, remontent le Saint-Laurent pour atteindre les métropoles industrielles installées au bord des Grands Lacs ;
2007 : découverte dans le delta du Rhône ;
2008 avril : découverte en Irlande ;
2008 été : découverte dans le fleuve Saint-Laurent près de Montréal (à cette date toute la région des Grands Lacs est colonisée à l'exception du lac Supérieur) ;
2024 : présente dans le canal de Bourgogne.
Impact d'Hemimysis anomala sur les écosystèmes colonisés : sa présence est-elle préjudiciable à certaines espèces du fait de compétitions pour la nourriture et l'habitat ?
- Du point de vue de l'habitat
La prédilection de ce mysidé pour les petites cavités et abris divers engendre une compétition avec d'autres espèces dépendantes des mêmes niches écologiques. Il a été observé à plusieurs reprises des cohabitations d'Hemimysis anomala avec l'écrevisse américaine (Orconectes limosus), des aselles (Asellus aquaticus), des moules zébrées (Dreissena polymorpha) et des larves d'insectes du type Éphémères et/ou Trichoptères. Aucun effet préjudiciable sur ces différentes espèces, dont certaines sont d'ailleurs également allochtones*, n'a pour l'instant été décrit.
- Du point de vue de la nourriture
Si le régime cannibale et détritivore d'Hemimysis anomala ne porte pas préjudice aux autres espèces tant la matière organique en décomposition est abondante en général, qu'en est-il d'une consommation de plancton susceptible d'affecter les espèces planctonophages comme les alevins et de nombreux invertébrés ?
Les études indiquent que les populations de zooplanctons (notamment les Cladocères) peuvent diminuer suite à l'implantation d'Hemimysis anomala. Il existe peu de données sur les effets de cette diminution sur les autres espèces planctonophages mais elles suggèrent qu'il ne faille pas craindre de répercussions importantes sur les biocénoses* aquatiques des milieux étudiés. Des études plus complètes seront nécessaires afin de mieux comprendre les effets de la colonisation.
Elle est présente sur les listes rouges d'espèces menacées en Ukraine et mer Noire.
Nom proposé par DORIS et inspiré du nom québécois : Crevette rouge sang.
Hemimysis : du grec [hemi] = à demi, à moitié et du grec [Mysis] = action de fermer les yeux ou les lèvres, Mysis est également un nom de berger dans les pastorales du XVIIIe siècle.
anomala : du grec [anomalos] = irrégulier, inégal.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Peracarida | Péracarides | Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes. |
Ordre | Mysida | Mysides | |
Famille | Mysidae | Mysidés | |
Genre | Hemimysis | ||
Espèce | anomala |
Crevette de la mer d’Azov
Hemimysis anomala est transparente ou de couleur jaune-ivoire avec de nombreux chromatophores rouges au niveau du céphalothorax et de l'extrémité de l'abdomen (plusieurs endroits).
Benfeld (67), 1 m
12/01/2006
Antennes
Les deux antennes et les deux antennules sont presque aussi longues que le corps, arrondies et sans épines. Les chromatophores rouges présents sur la carapace et le telson* lui donnent l'aspect d'un petit point rouge perpétuellement en mouvement.
Seine
09/2010
Extrémité arrière
L'extrémité du corps, c’est-à-dire le telson* (dernier anneau de l'abdomen) et les uropodes*, constitue une palette natatoire et participe à la locomotion avec les pattes thoraciques (péréiopodes*).
Seine
09/2010
Telson
Hemimysis anomala peut être distingué des autres espèces de mysidés, y compris la crevette indigène des grands lacs nord américains, Mysis relicta, par son telson caractéristique épineux sur les bords latéraux, la partie postérieure se terminant par deux plus grandes épines parallèles.
Noter en haut de l'image les deux gros statocystes, organes de l'équilibration chez les mysidacés.
Benfeld (67), au microscope grossissement x25
2009
Femelle portant des œufs
La femelle porte de 6 à 70 œufs dans sa poche marsupiale.
Benfeld (67), 1 m
03/2008
Essaims en hiver
L’hiver, quand la température de l’eau chute en dessous de 7-8°C, les crevettes se rassemblent en bancs importants en pleine eau à faible profondeur.
Benfeld (67), 1 m
01/2009
Cohabitation
H. anomala cohabite avec l'écrevisse américaine (Orconectes limosus), le cloporte aquatique (Asellus aquaticus), la moule zébrée (Dreissena polymorpha) ainsi que des larves d'insectes (Éphémères et Trichoptères). Il ne s’agirait pas d’associations particulières mais plutôt du partage de l’habitat.
Lac de Viry-Châtillon (91), 3 m
09/04/2011
Détritivore
Banc d’Hemimysis anomala mangeant une carpe morte, dans l’agrandissement on distingue d’autres espèces participant au festin comme l’Aselle aquatique.
Benfeld (67), 12 m
02/2007
Une espèce proche
Contrairement à ce qui est affirmé ici et là sur la toile Internet, ce n'est pas H. anomala qui cohabite avec le homard européen (Homarus gammarus) dans les eaux zélandaises (Pays-Bas) mais une espèce proche : Hemimysis lamornae (Couch, 1856).
Scharendijke, Zeeland (Pays-Bas)
06/2008
Rédacteur principal : Jean-Pierre COROLLA
Vérificateur : Jean-François CART
Correcteur : Marco FAASSE
Correcteur : Serge DUMONT
Correcteur : Pierre NOËL
Responsable régional : Jean-Pierre COROLLA
Responsable régional : Michel KUPFER
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La page sur Hemimysis anomala dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN