Isopodes minuscules incolores, adultes de moins de 7 mm
Adultes avec 5 paires de pattes, un gros corps et un abdomen court et étroit
Mâles avec une gosse tête carrée, femelles plus rondes et plus volumineuses
Larves parasites sur des poissons, en forme de tonnelet quand elles sont repues
Gnathies, ancées, pranizes*, zuphées ; ces noms correspondent à des stades de développement ou de réplétion (état qui correspond à un remplissage de l'estomac).
Cosmopolite
Zones DORIS : ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française], ● Indo-PacifiqueLes espèces de la famille des Gnathidés se rencontrent dans toutes les mers du monde. Elles n'ont été bien étudiées qu'en peu d'endroits.
Les larves* peuvent se rencontrer en pleine eau mais elles nagent le plus souvent près du fond à la recherche de poissons benthiques* dont elles sucent le sang. Chez la plupart des espèces, les adultes sont cachés dans les fissures, les interstices. Certaines espèces comme la gnathie-fourmi (Paragnathia formica) vivent dans des petits terriers creusés dans la vase compacte du haut d'estran* des estuaires et lagunes, à la limite des hautes mers.
La première larve* de ces petits Crustacés nommée "pullus" est normalement segmentée et ressemble bien à un Isopode classique : le corps présente une segmentation régulière bien visible et un aplatissement dorso-ventral. Dès son éclosion, elle nage à la recherche d'un poisson à parasiter. Elle prend un repas sanguin pantagruélique qui distend sa région thoracique postérieure. On l'appelle alors larve pranize* ; cette larve a la forme d'un tonnelet. Après la digestion, elle redevient plus svelte et on l'appelle alors larve zuphée. Sa croissance qui se réalise sans réelle mue se poursuit et après un 2e puis un 3e repas sanguin elle devient alors adulte, avec 5 paires de pattes ambulatoires*, un gros corps incolore et un abdomen court et étroit. La femelle est gironde, ses formes sont assez rondes, et peu différente morphologiquement des larves gavées (on l'appelle aussi parfois pranize) ; le mâle appelé ancée possède une grosse tête carrée et de très fortes mandibules* faisant ressembler l'animal à un soldat-termite. Le dimorphisme* sexuel est donc très accentué mais la taille est minuscule, moins de 7 mm.
Une petite quinzaine d'espèces de Gnathidés se rencontrent en Europe. Certaines comme la gnathie de Monod (Bathygnathia monodi), la gnathie blanchissante (Gnathia albescens), la gnathie feinte (G. fallax), la gnathie rustre (G. illepidus), la gnathie inopinée (G. inopinata), la gnathie phallonajopsis (G. phallonajopsis), la gnathie à front denté (G. serrulatifrons), la gnathie de Teissier (G. teissieri) et la gnathie élégante (G. venusta) vivent en profondeur ou sont très rares et ne sont en principe pas visibles par les plongeurs.
Les espèces côtières suivantes peuvent être vues en plongée en France métropolitaine mais sont délicates à identifier in situ ou sur photo ... et même au laboratoire ! Seuls les mâles sont aisément reconnaissables en labo. Pour les femelles et les pranizes, c'est impossible.
L'ancée maxillaire (Gnathia maxillaris) est sans doute l'espèce la plus commune. Le mâle a une "tête" plus large que longue et le front présente un léger arrondi médian. Cette espèce se rencontre en bas d'estran sur les côtes de l'Atlantique de l'Islande au Maroc ; elle serait très rare en Méditerranée. Des larves ont été vues à faible profondeur sur des poissons comme le mordocet (Lipophrys pholis), la motelle à 5 barbillons (Ciliata mustela), le chabot-buffle (Taurulus bubalis) ou le crénilabre commun (Symphodus melops). Des adultes ont été trouvés dans des éponges, des balanes vides, des anfractuosités, des crampons de laminaires, sur des bois immergés et un peu plus profondément sur le maërl, des sédiments grossiers à amphioxus (Branchiostoma lanceolatum) et des fonds à crépidules (Crepidula fornicata).
Chez la gnathie vorace (Gnathia vorax) le mâle a le front avec une nette concavité médiane et avec une toute petite pointe centrale. L'adulte est relativement grand : il mesure 5 à 7 mm de long. L'espèce a été observée sur toutes les côtes européennes et dans toute la Méditerranée. Des spécimens de cette espèce ont été observés dans des trous du bois flotté ou coulé, près des côtes ou un peu plus au large.
La gnathie-fourmi (Paragnathia formica) s'observe sur les côtes de l'Atlantique de l'Islande au Maroc ; sa présence en Méditerranée est incertaine. L'adulte est relativement petit : il mesure 3 à 5 mm de long. L'espèce est très côtière et les adultes peuvent s'observer dans des galeries de 2 à 3 cm de long creusées dans la vase au niveau des obiones (Cf. Halimione portulacoides) à la limite du schorre* et de la slikke*. Les larves peuvent se nourrir du sang de la plie (Pleuronectes platessa).
Chez le mâle de la gnathie à queue pointue (G. oxyuraea), la "tête" est plus large que longue et une crête est présente au dessus de chaque œil. L'espèce vit un tout petit peu plus profond que les espèces précédentes (on ne la trouve pas en bas d'estran). Elle a été signalée en mer près de l'estuaire de la Rance (Côtes-d'Armor) sur divers types de sédiment. Elle se rencontre dans toute l'Europe, Méditerranée comprise.
Le mâle de la gnathie dentée (G. dentata) possède une dent latérale sur chaque mandibule. C'est une espèce européenne plutôt d'eaux froides qui a été signalée du cercle polaire à la Manche (et plus rarement en Espagne) ; sa présence en Méditerranée est douteuse.
D'autres espèces sont présentes en outre-mer mais sont très mal connues.
Les espèces de la famille des Gnathidés présentent un parasitisme protélien, c'est-à-dire que seuls les stades larvaires sont parasites. Elles se nourrissent du sang des poissons benthiques. Les adultes ne se nourrissent pas.
Les femelles vivent en groupe et forment de véritables harems ; elles sont cachées dans des élargissements de galeries ou dans des interstices à proximité d'un mâle. Peu à peu pendant la saison de reproduction en été, le thorax de la femelle se déforme en tonneau. C'est dans les ovaires fonctionnant en poches utérines qu'incubent de nombreux embryons jusqu'à l'éclosion des larves pullus. La longévité n'est pas connue avec précision mais pourrait être d'environ 1 an.
Il n'y a pas de spécificité parasitaire chez les Gnathidés. Les larves se fixent généralement sur le premier poisson de passage... Expérimentalement des larves parasitant des grenouilles ont pu ainsi trouver leur nourriture.
Fait unique chez les isopodes, les espèces de la famille des Gnathidés ne possèdent que 5 paires de péréiopodes, contre 7 pour toutes les autres espèces. Ceci résulte de la fusion de la tête avec les 2 premiers segments. Les "gnathopodes", également appelés "pylopodes", et portés par la tête, sont à l'origine des appendices du 2e péréiopode.
Francisation du nom de famille.
Gnathia : du grec [gnathos] qui signifie mâchoire, probablement en rapport avec l'importance de la mâchoire des mâles chez ce parasite fixé par cette structure.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Peracarida | Péracarides | Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes. |
Ordre | Isopoda | Isopodes | Corps comprimé dorso-ventralement, première paire d’antennes beaucoup plus petite que la seconde, yeux non pédonculés. 7 paires de pattes de même apparence. |
Sous-ordre | Cymothoida | Cymothoides | ils portent des appendices buccaux comprenant une mandibule et un processus permettant de couper. |
Famille | Gnathiidae | Gnathiidés | 5 paires de pattes visibles de dos ; abdomen minuscule ; mâle à grosse tête et à mandibules énormes, femelle à petite tête et mandibules peu visibles ; les larves sucent le sang des poissons. |
Genre | Gnathia | ||
Espèce | spp. |
Début de repas de sang
Deux larves de type pranize d'une espèce méditerranéenne du genre Gnathia ; le corps transparent indique qu'elles viennent d'arriver sur le poisson hôte (un serpenton à long nez, Ophisurus serpens) et qu'elles commencent leur premier "repas" de sang.
Baie des Anges, Nice (06)
2010
Début d'un repas de sang
Larve du type pranize d'une espèce méditerranéenne du genre Gnathia (Gnathia illepidus ou Gnathia venusta ?). La couleur rose du corps indique que cette larve cramponnée sur les barbillons mentonniers du rouget-barbet de roche Mullus surmuletus a commencé à ingérer du sang du poisson.
Antibes (06), 3 m
10/11/2007
Larve zuphée prête à bondir
Larve de type zuphée d'une espèce méditerranéenne du genre Gnathia (Gnathia illepidus ou Gnathia venusta ?). Noter le corps segmenté et allongé. Cet individu attend sans doute le passage d'un poisson pour s'y accrocher et commencer à sucer son sang.
Golfe Juan (06), de nuit
03/2016
Larve de type pranize
Pranize d'une espèce méditerranéenne du genre Gnathia (Gnathia illepidus ?). Noter le corps (longueur = 2 mm environ) gonflé formant un petit tonnelet central sans segmentation visible.
Villefranche, Le Lido (06), 8 m, de nuit
29/05/2008
A table sous la tête
Plusieurs larves pranizes d'une espèce méditerranéenne du genre Gnathia sous la tête du congre des Baléares, Ariosoma balearicum. Noter la couleur variable des individus, en fonction de la quantité de sang prélevé sur le poisson hôte.
Sausset (13)
27/09/2011
Des poux dans la tête
Si on cherche des poux dans la tête d'une murène, on peut avoir la chance d'y trouver des Gnathiidae !
Ici au moins deux pranizes sont fixées sur les replis de la peau de cette murène, à proximité de l'œil, à des stades de remplissage de leur estomac plus ou moins avancés, ce qui est visible d'après leur taille et leur couleur.
Banyuls-sur-mer (66), 20 m
18/03/2017
Dans la bouche
Ces parasites peuvent également être présents à l'intérieur de la bouche des poissons. Ici il s'agit d'une murène, le parasite est visible au centre de la photo. Ceci permet de comprendre pourquoi les crevettes nettoyeuses s'activent aussi à l'intérieur de leur bouche.
La Gabinière, Port-Cros (83), 15 m
08/07/2018
Des petits parasites sur un gros poisson
Sur la lèvre supérieure de ce mérou brun on peut distinguer plusieurs pranizes.
Pointe du Vaisseau, Port-Cros (83), 10 m
14/07/2017
Sur un serran écriture
Au moins trois parasites Gnathia spp. sont fixés sur un serran écriture (Serranus scriba) :
- sur la pectorale droite
- au-dessus de l’œil droit
- sous l’œil gauche
Il y en a peut-être un également sous la bouche mais il est peu reconnaissable.
Ce pauvre serran est également parasité par une femelle de Caligus scribae, elle est située en position haute, sur le front.
Port-Cros (83), 15 m
14/08/2013
Sur un syngnathe
Plusieurs Gnathiidés se sont fixés sur la bouche d'un syngnathe
Etang de Thau (34), 2 m
22/06/2014
Sur la limace dalmatienne
Sur notre célèbre limace dalmatienne (Peltodoris atromaculata), on peut voir trois petits crustacés qui ressemblent bien à des Gnathiidés...
C'est assez surprenant, mais il semblerait que ces parasites puissent être assez opportunistes puisqu'en laboratoire on a pu les nourrir sur d'autres animaux que des poissons…
En complément, une remarque transmise par le photographe : "Je précise que ces bestioles ne m'avaient pas semblé fixées sur
les doris dalmatiennes quand je les avais aperçues. D'une photo à
l'autre elles ont changé de place. Est-ce que la doris fait
partie des espèces parasitées ou un simple support ??"
Marseille (13), 15 m
04/11/2012
Une fois de plus !
Le même photographe, toujours vigilant, a observé de nouveau ce minuscule crustacé sur une limace de la même espèce et qui est chère à notre cœur !
Port de la Selva, Espagne
2013
Rédacteur principal : Pierre NOËL
Responsable régional : Vincent MARAN
Monod T., 1926, Les Gnathiidae. Essai monographique (morphologie, biologie, systématique), Mémoires de la Société des Sciences Naturelles du Maroc, XIII, 1-667.