Requin-tigre

Galeocerdo cuvier | (Péron & Le Sueur, 1822)

N° 1666

Circumplanétaire, en eaux tropicales et subtropicales de préférence

Clé d'identification

Corps élancé avec une tête large et plate, un museau court et carré à large gueule
Livrée tachetée (juvénile), voire lignée (sub-adulte) tendant au brun-gris à l'âge adulte
Première dorsale longue et étroite
Caudale hétérocerque, avec carènes latérales partant du pédoncule
Présence de sillons labiaux et de spiracles
Dents en crête de coq crénelées (moins marquées chez les juvéniles)

Noms

Noms communs internationaux

Tiger-shark (GB), Squalo tigre (I), Tiburon tigre, tintoreta (E), Tigerhai (D), Tijgerhaai (NL), Marracho jaguara, marracho tigre (P), Mao tore-tore (Polynésien), Tierhaai (Afrikanner)

Synonymes du nom scientifique actuel

Squalus cuvier Péron & Lesueur, 1822
Galeocerdo cuvieri (Péron & Lesueur in Lesueur, 1822)
Squalus arcticus Faber, 1829
Galeocerdo arcticus (Faber, 1829)
Galeus cepedianus Agassiz, 1838
Galeocerdo tigrinus Müller & Henle, 1839
Galeus maculatus Ranzani, 1840
Carcharias fasciatus Bleeker, 1852
Galeocerdo rayneri Macdonald & Barron, 1868
Carcharias hemprichii Klunzinger, 1871
Galeocerdo obtusus Klunzinger, 1871
Galeocerdo fasciatus van Kampen, 1907

Distribution géographique

Circumplanétaire, en eaux tropicales et subtropicales de préférence

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge], ● Caraïbes

Ce requin fréquente généralement les eaux chaudes tropicales et subtropicales (les rencontres sont notamment fréquentes le long des côtes d'Afrique du Sud, du Mozambique, de La Réunion et d'Australie) mais il lui arrive également de s'aventurer en eaux tempérées. Les pêcheurs le rencontrent fréquemment dans le Gulf Stream et son observation semble avérée jusqu'en Islande.
La présence du requin-tigre est suspectée près des côtes françaises par la découverte d'une dent sur le littoral, mais aucun contact visuel n'est cependant officiellement enregistré à ce jour - forte suspicion d'un cas pour le plateau du Veyron, près de Marseille (2005 ; communication personnelle : Anne Delhomme) et d'un autre dans les Bouches de Bonifacio, par un corailleur (comm. pers. Nicolas Nègre). Pour cette aire, Galeocerdo cuvier fait l'objet de captures exceptionnelles dans le bassin occidental, la partie centrale (Lampedusa, Malte...) et l'Adriatique. L'absence de données pour le bassin oriental ne permet pas de conclure à son absence : le canal de Suez avec le détroit de Gibraltar constituent fort vraisemblablement des portes d'entrée naturelles.
Avec le réchauffement planétaire, un phénomène de tropicalisation semblerait affecter la Méditerranée. L'augmentation de la température pourrait expliquer l'exceptionnelle et très rare présence du requin-tigre dans ces eaux. Cette explication serait également recevable pour le requin océanique Carcharhinus longimanus, le requin balestrine Carcharhinus amboinensis et peut-être (mais les preuves irréfutables manquent) pour le requin-baleine Rhincodon typus, aucun de ces requins n'appartient à la faune commune de cette zone.

Biotope

Le requin-tigre possède un grand rayon d'action et son milieu est tout autant côtier que pélagique ; il évolue entre les eaux de surface et une profondeur moyenne de 140 m. Galeocerdo cuvier arpente la colonne d'eau à la recherche de courants porteurs, évoluant rapidement entre 6 et 70 m de profondeur. Des suivis effectués par télémétrie acoustique prouvent néanmoins qu'il peut plonger jusqu'à 850 m dans une eau à 5 °C (Aliwal Shoal, Afrique du Sud).
L'espèce, plutôt inféodée aux eaux océaniques chaudes, effectue toutefois de fréquents séjours en zones tempérées. Les transhumances apparaissent plus importantes pour les requins-tigres du littoral africain que pour ceux de Hawaï.
De manière générale, cette espèce semble préférer vivre au large durant la journée pour se rapprocher de la côte durant la nuit.

Description

Le requin-tigre, au corps élancé, possède une silhouette reconnaissable. Son poids moyen se situe autour de 500 kg, pour une taille comprise entre 4 et 6 m. Le plus grand spécimen semblerait avoir mesuré 7,40 m de longueur totale mais on soupçonne ce requin de pouvoir se développer davantage encore.
Sa large tête plate se caractérise par un museau court et carré contrairement aux autres requins qui ont un museau plutôt pointu, une large gueule, la présence de sillons labiaux et de spiracles*, un œil rond. Les dents, crénelées, ont une forme caractéristique en crête de coq. Elles sont quasiment identiques sur la mâchoire et la mandibule.
On dénombre chez ce squale cinq petites paires de fentes branchiales de chaque côté du corps.
Il possède deux pectorales relativement courtes et falciformes*, deux pelviennes (modifiées chez le mâle, porteur de ptérygopodes*), une dorsale longue et étroite, deux ailerons en avant du pédoncule caudal et une seconde dorsale au niveau de la nageoire anale. De part et d'autre, une carène (nervure de renfort) s'inscrit dans le prolongement de la ligne latérale* qui rejoint la nageoire caudale, hétérocerque*, longue, relativement fine et pointue.
Si on représente souvent l'animal arborant de nettes rayures faisant penser à un tigre, la robe de ce squale se modifie avec l'âge de l'individu. Juvénile, le requin-tigre possède une livrée distincte du subadulte, tachetée plus que lignée, avec l'apex* de la dorsale blanche ; les rayures sombres sont présentes sur la partie supérieure de la caudale. Leur disposition générale évoque immanquablement la robe du félin. Chez l'adulte, la robe ternit pour devenir gris-brun, uniforme sur le dos et blanc grisé sur le ventre. Beaucoup conservent des traces de rayures bien visibles mais plus le sujet est âgé et plus ces marques tendent à s'estomper.

Espèces ressemblantes

Le requin-tigre ne peut être confondu avec aucune autre espèce, en raison notamment de sa livrée caractéristique, de sa tête large et plate.

Alimentation

Prédateur actif et puissant, Galeocerdo cuvier possède un régime alimentaire pour le moins éclectique, variant d'un point à l'autre du globe. Il comprend des poissons osseux ou cartilagineux, des céphalopodes, des crustacés, des mammifères marins, des tortues comme Eretmochelys imbricata, des serpents comme Aipysurus laevis et des oiseaux marins (avec une prédilection pour l'albatros) ou des charognes, sans exclure même ponctuellement quelques proies terrestres dont certaines, inorganiques (jusqu'à 13 % semblerait-il), ne sont malheureusement pas toujours comestibles, avec des objets plastiques ou métalliques. Ce comportement lui vaut parfois le détestable qualificatif de "requin-poubelle". Quoi qu'il en soit : ce squale possède l'une des plus grandes capacités d'adaptation à son environnement.

On note également une variation dans le régime alimentaire entre le juvénile et l'adulte : les plus jeunes marquent notamment une préférence pour les serpents de mer tandis que leurs aînés s'en prennent plus volontiers aux tortues dont ils brisent aisément la carapace. Ces pratiques diffèrent au fur et à mesure de la croissance (comme c'est le cas chez de nombreuses espèces de requins) car les dents subissent avec l'âge des modifications morphologiques. Les jeunes peuvent se nourrir occasionnellement de calmars. Les Céphalopodes semblent être avalés après avoir été tués d'une morsure pratiquée à l'arrière de la tête.

Reproduction - Multiplication

Selon l'état actuel de la recherche, la maturité sexuelle adviendrait lorsque les individus atteignent entre 2,26 et 2,90 m pour un mâle, 2,50 à 3,50 m pour une femelle, soit un âge variant entre 6 et 8 ans. Dans l'hémisphère nord, l'accouplement se déroule entre avril et juin et de novembre à janvier pour le sud, avec périodicité de deux ans.
Requin ovovivipare* (vivipare aplacentaire), apparemment le seul parmi les Carcharinidés, le requin-tigre donne naissance à une portée de trente-cinq à cinquante-cinq juvéniles (max. quatre-vingt-deux), mesurant alors de 68 à 85 cm. La gestation durerait de quatorze à seize mois.
Un embryon de requin-tigre Galeocerdo cuvier, complètement albinos, a été extrait de l'utérus d'une femelle capturée dans le Pacifique (au large du Mexique). Il s'agissait d'un spécimen mâle, de 62 cm (longueur totale). Ce cas d'albinisme constitue le second signalement pour l'espèce.

Vie associée

En 2004, une enquête parasitologique initiée par l'Institut de Recherche pour le Développement (I.R.D.) concerne vingt-quatre sélaciens des eaux de Nouvelle-Calédonie et, parmi eux, plusieurs grands spécimens de requin-tigre. Les récoltes permettent alors de trouver un digène des branchies (Plathelminthe), apparemment jamais revu depuis sa description en 1894, et des nématodes rares ; plusieurs milliers de spécimens de Cestodes ont été également observés au niveau de la valvule spirale (renflement particulier dans l'intestin des requins dans lequel les parois sont enroulées, augmentant ainsi la surface d'absorption).

Divers biologie

La formule dentaire* est donnée pour identification éventuelle d'une morsure : 10 à 11 - 1 - 10 à 11 / 10 à 11 - 10 à 11. Ceci correspond au nombre de dents par demi-mâchoire (avec ses variances éventuelles), et comprend une dent à la symphyse (lieu où se rejoignent les deux demi-mandibules).
La technique de chasse la plus ordinaire de ce requin s'apparente à l'affût. Partant des profondeurs, il apprécie de s'en prendre à ses proies en surface. Son attaque est rarement soudaine dans la mesure où il préfère souvent réaliser une morsure d'investigation destinée à identifier un intérêt potentiel.
Il secoue la tête après avoir mordu afin de scier et d'arracher de grosses bouchées ainsi que le facilite la forme de ses dents.
Comme le grand requin blanc Carcharodon carcharias, le requin-tigre attaque les Cétacés et, notamment les Delphinidés. Il profite alors souvent d'un moment de détresse car, se méfiant de la puissance de leur proie (capable de se défendre d'un coup de rostre bien asséné au niveau du foie, organe sensible et fragile du requin), il économise son énergie et minimise les risques en s'en prenant généralement à des individus âgés, malades ou juvéniles... En août et en septembre, les baleines à bosse s'accouplent et mettent bas dans les eaux de la Nouvelle-Calédonie. Attiré, le requin-tigre mange les placentas voire parfois les baleineaux.
Passant beaucoup de son temps en errance solitaire sur les hauts fonds, il maraude en quête de nourriture et joue un rôle actif de régulateur du nombre de dugongs en Australie ou de jeunes albatros à Hawaï.

Informations complémentaires

Tout requin-tigre doit être considéré comme potentiellement dangereux. Il importe de lui témoigner une attention toute particulière et de demeurer hautement vigilant en sa présence.
A la Réunion plusieurs attaques, dont certaines mortelles, lui sont imputables. D'autres victimes se comptent ailleurs, comme à Hawaï. La plus forte proportion de ces dernières réside chez les adeptes de bodyboard, de surf et de planche à voile. Ce requin s'aventure sur les hauts-fonds sableux et s'en prend occasionnellement aux baigneurs. Ces attaques ne sont néanmoins pas véritablement à son goût car l'animal ne s'acharne pas sur la proie goûtée ; on ne peut nier le risque de confusion avec une tortue ou un pinnipède. Il n'en demeure pas moins qu'une morsure d'investigation peut causer d'irréversibles dégâts et engager rapidement un pronostic vital. Plusieurs attaques concernent des chasseurs sous-marins.

On ne saurait trop insister sur les conseils de bon sens maintes fois répétés : la pratique des sports nautiques en des lieux où croisent les requins tigres (ou d'autres espèces de grands carnivores) doit être évitée à la tombée du jour comme après une grosse pluie ou une forte houle.
Prévention :
- Proscrire le nourrissage (sharkfeeding) qui modifie outrancièrement le comportement des requins
- S'abstenir, pour les mêmes raisons, d'activités à haut risque, telle la chasse sous-marine
- Eviter les endroits répertoriés à risque par les autochtones (un endroit « sûr » peut néanmoins cesser de l'être)
- Redoubler de prudence lors d'une mise à l'eau nocturne ou à l'aube
- Eviter les barrières externes
- Eviter une immersion à proximité d'un port, d'un estuaire, d'un abattoir, d'une pêcherie, d'une conserverie, d'une décharge publique...
- S'abstenir de fréquenter les eaux troubles, boueuses, limoneuses : le requin y peut mieux surprendre sa proie
- Se méfier des champs électriques générés par les appareils de prise de vue, les caméras notamment
- S'abstenir d'aller à l'eau après de fortes pluies ou une tempête
- S'abstenir de toute immersion ou baignade avec une plaie cutanée
- Eviter les couleurs vives, les objets scintillants
- Evoluer prudemment auprès des tortues (que ces requins peuvent suivre à des fins alimentaires).

Les chances de voir cet animal vont s'amenuisant : le déclin de l'espèce est malheureusement estimé à près de 75 % au cours des quinze dernières années.

Le 15 juillet 2007, vers 8 heures, un plaisancier relevant ses filets dans une eau à 19 °C au large de Fouras (Charente-Maritime) a remonté un requin-tigre. Tracté jusqu'à la côte, l'animal est mort avant de toucher terre ; il accusait une longueur de 3,05 m pour 180 kg. Ce signalement (peut-être à corréler avec le réchauffement climatique graduel depuis les années 1970, même si l'on entend éviter les raccourcis rapides) est le premier jamais répertorié pour les pertuis charentais (exception faite d'un cas litigieux au XIXe siècle). Pour l'Atlantique Nord-Est, Galeocerdo cuvier limite d'ordinaire ses incursions à la côte hispanique, y compris en Méditerranée.
Pour cette aire, on note qu'un mâle de 2 m de long a ainsi fait l'objet d'une capture en 1981, près de Algeciras (exemplaire naturalisé et présenté dans un musée madrilène). Un autre spécimen de 3 m (sexe non déterminé) a été pris en mer d'Alboran, entre le Maroc et l'Algérie. Un requin-tigre de 4 m a également été capturé en juin 1991 dans la région de Manilva (Espagne) ; ses mâchoires sont exposées dans un musée de Malaga.
La pêche d'une femelle de 3 m est mentionnée en juillet 1998 dans les eaux siciliennes (Mare grosso). En septembre 2002, une dent appartenant à l'espèce a été trouvée sur le littoral italien de San Benedetto del Tronto (Adriatique). Près d'une quinzaine d'années auparavant, une autre pièce non contextualisée est inventoriée par un plongeur au large de Sète, zone déjà connue pour la fréquentation du grand requin-blanc Carcharodon carcharias.

Le requin-tigre Galeocerdo cuvier est le seul représentant du genre Galeocerdo à ce jour.

Statuts de conservation et réglementations diverses

L'U.I.C.N. (Union Internationale pour la Conservation de la Nature, auteur de la Liste rouge qui est l'inventaire mondial le plus complet de l'état de conservation global des espèces végétales et animales et qui est reconnue comme l'outil de référence le plus fiable sur l'état de la diversité biologique spécifique) considère cette espèce comme "Quasi menacée" depuis l'an 2000, avec une nette réduction des effectifs dans toutes les eaux du globe.
Il fait partie des espèces protégées en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

Origine des noms

Origine du nom français

Le mot "requin" pourrait tirer son origine du latin [requiem] ou dériver d'un mot normand ou picard [quien] signifiant "chien".
Le mot tigre fait évidemment référence aux bandes sombres qui parcourent les flancs de l'animal. Ces rayures sont d'autant plus visibles que le sujet est juvénile car elles s'estompent progressivement avec l'âge. Toutefois, à y regarder de plus près, il ne s'agit pas à proprement parler de rayures mais de taches croissant avec l'âge, en même temps qu'elles vont en s'estompant.

Origine du nom scientifique

Galeocerdo se décompose comme suit : [galeo] signifie "requin" en grec et [kerdos], pour cerdo, "rusé" mais c'est également le nom d'une nymphe de la mythologie grecque (voir, notamment, Pausanias II, 21, 1). Il s'agirait donc d'un requin rusé, la matérialisation d'une puissance ambiguë.

cuvier : ce nom d'espèce constitue un hommage appuyé au père de la paléontologie. On doit à Georges Cuvier (1769-1832), natif de Montbéliard (Doubs), l'établissement d'une classification moderne des animaux ; il se trouve également à l'origine de l'anatomie comparée faisant suite à la "loi de corrélation des formes" qu'il développe.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 105799

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Classe Chondrichthyes Chondrichthyens Squelette cartilagineux, deux nageoires dorsales et une anale (primitivement), nageoire caudale hétérocerque*, deux paires de nageoires paires, bouche disposée sur la face ventrale.
Sous-classe Elasmobranchii Elasmobranches Squelette des nageoires pectorales tribasal. Deux nageoires dorsales. 5 ou 6 paires de fentes branchiales et des spiracles.
Ordre Carcharhiniformes Carcharhiniformes Requins de fond.
Famille Carcharhinidae Carcharhinidés
Genre Galeocerdo
Espèce cuvier

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