Long manchon gélatineux, souvent teinté de rose orangé
Partie antérieure composée de petits éléments translucides agglomérés autour de l'axe central
Partie postérieure composée de nombreux éléments munis de filaments extensibles
Forskalie, grand siphonophore, siphonophore d'Edwards
Big siphonophore (GB), Sifonoforo grande (I)
Cette fiche décrit deux espèces de Siphonophores Physonectides quasi impossibles à différencier en plongée, que le plongeur est susceptible de rencontrer dans les eaux sous juridiction française.
Forskalia edwardsi a été mis en synonymie avec :
Forskalia contorta a été mis en synonymie avec :
Eaux mondiales tempérées et chaudes
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge], ● CaraïbesL'espèce la plus fréquemment rencontrée en Méditerranée est probablement Forskalia contorta. Elle est signalée dans le bassin occidental de Méditerranée (mer d'Alboran, côtes françaises et espagnoles), en Atlantique tropical Nord-Ouest (mer des Sargasses, mer des Caraïbes, partie sud du golfe du Mexique) et Atlantique Sud-Est (Benguela), dans l'océan Indien, en mer Rouge, au Vietnam.
Forskalia edwardsi, quant à elle, est identifiée en Méditerranée Ouest, Atlantique Tropical centre et Nord-Ouest (Canaries, golfe du Mexique), Atlantique Nord-Est, océan Indien, mer Rouge, mer de Chine et mer de Cortez.
Les forskalies font partie du plancton*, c'est-à-dire qu'elles sont transportées par les masses d'eau au gré des courants, ce qui ne les empêche pas dans le même temps d'effectuer des migrations verticales dans la colonne d'eau (entre 0 et 500 m de profondeur), ou de nager activement dans une direction donnée.
Cet animal se présente comme une longue guirlande semi-translucide, mesurant couramment 3 à 5 m et jusqu'à 10 m de long, qui se déplace entre deux eaux. L'extrémité antérieure est translucide, le reste du fourreau est composé de petits éléments colorés en rose orangé, disposés en spirale autour d'un axe central ou stolon*, et pourvus de prolongements ou filament flottants.
La spirale peut être plus ou moins resserrée (comme un ressort étiré ou compressé) ce qui donne un aspect soit de manchon de fourrure, soit de bouquet lâche et échevelé, selon la phase de nage.
Il s'agit d'un organisme colonial où les différentes parties du corps correspondent à des ensembles de zoïdes*, morphologiquement spécialisés dans des fonctions différentes. On distingue de l'avant vers l'arrière :
- un flotteur, vésicule appelée pneumatophore*, visible comme une petite bille de 1 à 3 mm de diamètre tout à l'avant de la colonie (il est souvent enfoui parmi les éléments translucides du nectosome*), et rempli de gaz ;
- le nectosome* composé de cloches natatoires ou nectophores*. Elles ressemblent à de petites méduses dépourvues de manubrium*, de forme aplatie, attachées en spirales autour du stolon. Leurs contractions simultanées ou successives provoquent le déplacement de l'ensemble de la colonie ;
- le siphosome* qui constitue la plus longue partie de l'organisme est formé de la répétition de cormidies*. Chaque cormidie insérée sur le stolon est composée d'un bouquet de zoïdes de différents types :
Forskalia edwardsi se distingue de F. contorta par la présence remarquable d'une tache jaune soufre au point d'insertion des nectophores, alors que ceux de F. contorta sont absolument incolores. De plus F. edwardsi a des palpacules en "collier de perles" (les nématocystes sont regroupés en mini-sphères régulièrement alignées). La structure des gonozoïdes est différente : chez F. edwardsi, les gonophores femelles sont implantés près de la base et les mâles sont en position terminale, alors que chez F. contorta, les gonophores femelles sont portés par un long pédoncule*. Mais aucun de ces détails anatomiques n'est vraiment repérable in situ.
De nombreux siphonophores Physonectides présentent un aspect assez voisin, par exemple :
Enfin on peut rencontrer en plongée d'autres curieux organismes gélatineux et planctoniques de forme tubulaire pouvant dépasser le mètre :
Les forskalies se nourrissent de copépodes, de larves* pélagiques de crustacés ou de mollusques, chaetognathes et petits poissons à l'occasion.
En action de pêche, la forskalie se déroule et adopte une nage saccadée : dans un premier temps les cloches natatoires se contractent (comme autant de méduses) et poussent l'ensemble de la guirlande ; dans un second temps la colonie se laisse couler doucement pendant que les tentacules et filaments pêcheurs, moins denses, se déploient tout autour en interceptant un large cylindre d'eau.
Les nématocystes se déclenchent au contact, ils semblent agir davantage par adhérence (les tubules sont armés de nombreux crochets) que par envenimation des proies. Les filaments en se contractant ramènent la proie capturée au gastrozoïde où elle sera partiellement digérée avant rejet des déchets. La digestion intracellulaire est assurée dans les palpons.
Les siphonophores sont des espèces holoplanctoniques* (tout le cycle de vie d'un individu se déroule en pleine eau, sans phase fixée). Chaque colonie est hermaphrodite* et produit des gonophores* mâles et femelles sur les mêmes gonozoïdes. Les gamètes* sont émis dans l'eau où a lieu la fécondation.
Le développement larvaire à partir de l'œuf donne en premier lieu une larve* ciliée (planula*), puis très rapidement une larve typique des siphonophores : la siphonula, déjà pourvue d'un flotteur, un premier gastrozoïde et son tentacule*. Après quelques jours, les premières bractées commencent à bourgeonner sous le flotteur.
La colonie s'agrandit progressivement par bourgeonnement de nouveaux zoïdes. Une première zone de croissance se trouve immédiatement sous le pneumatophore et produit de nouvelles cloches natatoires, une autre située au début du siphosome produit de nouvelles cormidies.
Associés
Les nectophores ou cloches natatoires sont très souvent occupées par de petits amphipodes qui s'y installent à l'abri des prédateurs, et se nourrissent en grignotant la paroi.
Prédateurs
Les prédateurs des forskalies (et des siphonophores en général) sont mal connus. Ils semblent être principalement d'autres organismes pélagiques comme les Cténophores, des Mollusques pélagiques comme les Carinaires, Janthines, certaines tortues...
Flottabilité
Le pneumatophore est rempli d'un gaz (composé en majeure partie de CO2). Ce gaz est sécrété par des cellules spéciales, mais vu la très petite taille du flotteur relativement à celle de la colonie, il joue probablement un rôle assez mineur dans la gestion de la flottabilité des colonies adultes. Il est plus probable qu'il agisse sur la position et la stabilisation du nectosome.
Les bractées gélatineuses, de densité inférieure à celle des cormidies, jouent un rôle notable dans la flottabilité de la partie postérieure de la colonie.
Autotomie
Quand elle est perturbée ou harcelée, la forskalie "ramasse ses jupes" en rétractant ses filaments en quelques secondes (de même, les pédoncules* des zoïdes se contractent) et s'éloigne en nageant énergiquement par contraction synchrone des nectophores.
La forskalie est capable de se séparer volontairement d'une partie de ses nectophores ou de ses cormidies en cas d'attaque. Un petit nuage de pigment rouge est évacué en même temps par les palpons, ce qui pourrait avoir le même effet qu'un jet d'encre de seiche sur le prédateur.
La forskalie est pourvue de filaments urticants, il faut donc éviter d'y toucher. Néanmoins le contact est beaucoup moins dangereux que celui d'autres Hydrozoaires pélagiques comme la physalie ou galère portugaise.
Sur la dizaine de formes de nématocystes identifiées chez les siphonophores, au moins quatre sont présentes chez les Forskalidés.
Selon H. Milne Edwards, " De tous les êtres bizarres dont la mer fourmille, il n'en est peut-être aucun qui soit aussi singulier et aussi embarrassant pour les zoologistes que ces longues guirlandes animées...".
On s'est interrogé longtemps sur la question de savoir s'il s'agit d'un individu (les zoïdes étant alors considérés comme des organes) ou d'une colonie d'individus (les différentes adaptation des polypes). On considère aujourd'hui qu'il s'agit d'un "super-organisme" dont tous les éléments sont issus de la division d'un unique œuf, au même titre que les colonies en forme de plume des Hydrozoaires benthiques.
Forskalie, siphonophore d'Edwards sont des versions françaises du nom scientifique. Cet organisme bizarre n'a pas vraiment de nom vernaculaire.
H. Milne Edwards avait donné le nom de "Stéphanomie tortillée" à l'exemplaire décrit de Villefranche-sur-Mer (06), appellation séduisante mais un peu surannée.
Forskalia : ce nom est est un hommage à P. Forsskål, naturaliste suédois, disciple de Linné. Descripteur de plus de 200 espèces de Poissons, Algues, Mollusques, Anémones, Hydrozoaires pélagiques, il mourut à l'âge de 31 ans au cours d'une expédition zoologique en Arabie. Une soixantaine d'espèces marines lui sont dédiées.
edwardsi : hommage à Henri Milne Edwards (1800-1885), zoologiste, auteur de nombreux traités et articles consacrés aux sciences naturelles, (à ne pas confondre avec son fils Alphonse Milne-Edwards, également zoologiste).
contorta : en latin, signifie tortueux, entortillé, compliqué.
Numéro d'entrée WoRMS : 135396
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Cnidaria | Cnidaires | Organismes aquatiques (marins pour la plupart) libres ou fixés, carnivores, principalement à symétrie radiaire, caractérisés par des cellules urticantes : les cnidocytes. Deux morphologies principales : le polype et la méduse. La larve est une planula. |
Classe | Hydrozoa | Hydrozoaires | Cnidaires dont le cycle de vie est alterné, mais de façon inconstante, par deux phases différentes : le polype et la méduse. Présence d’un velum dans la méduse (dite craspédote), gonades ectodermiques, perte des septes, perte des cnidocytes endodermiques. Coloniaux ou solitaires. Quelques espèces d’eau douce. |
Sous-classe | Hydroidolina | Hydroïdes | Hydrozoaires dont le cycle de vie présente toujours une phase polype. |
Ordre | Siphonophorae | Siphonophores | Hydroïdes coloniaux exclusivement pélagiques. Les colonies présentent des méduses et des polypes associés et fortement différenciés, disposés le long d'un stolon long parfois de plusieurs dizaines de mètres. |
Sous-ordre | Physonectae | Physonectides | Siphonophores possédant un pneumatophore, un nectosome, et un siphosome. |
Famille | Forskaliidae | Forskaliidés | |
Genre | Forskalia spp. | ||
Espèce | (edwardsi / contorta) |
Portrait en pied
Cette belle image nous montre l'organisme entier d'un seul coup d'œil : en haut à gauche, les cloches natatoires transparentes, puis autour du stolon central, le long manchon du siphosome coloré en rose par les zoïdes et quelques filaments étendus sous le vent du courant.
L'animal est en phase de nage active, les tentacules rétractés donnent une couleur rose intense au siphosome.
Rade de Villefranche-sur-mer (06), vers 2 - 3 m
25/04/2009
Long, long, long
La présence d'une plongeuse donne l'échelle pour cette forskalie méditerranéenne, dont on ne voit même pas trop l'extrémité !
Cap Ferrat (06), 8 m
01/05/2008
Détail du nectosome
Tout au bout du stolon central, on devine la minuscule ampoule du flotteur ou pneumatophore. Juste en dessous se trouve la zone d'élongation où naissent les nouveaux nectophores, régulièrement alignés, qui forment le nectosome.
L'épaississement opaque du stolon, après les dernières cloches natatoires (les plus anciennes), marque la zone de bourgeonnement des nouvelles cormidies.
Rade de Villefranche-sur-mer (06), au palier
25/04/2009
Dans les gorgones
On ne rencontre pas les forskalies qu'au palier ! Celle-ci s'est quelque peu aventurée dans les gorgones, mais pas d'inquiétude elle sait aussi nager "à reculons".
Remarquer l'état moins contracté des zoïdes dont les filaments sont partiellement étendus.
Les Farillons, Marseille, 25 m
14/05/2005
Le siphosome
Voici la plus longue partie de la colonie (jusqu'à 10 mètres !) : le siphosome ou siphonosome.
Les zoïdes sont alignés très régulièrement, on dirait des anneaux successifs mais ce sont en réalité des spires très serrées.
Cala Pelosa (Espagne), 1 m
15/05/2016
Stolon et cormidies
De plus près : on reconnaît en arrière-plan l'axe opaque de la colonie (ici verdâtre) sur lequel s'implantent les cormidies. Portés par de longs pédoncules insérés en spirale, les gastrozoïdes (blanchâtres, forme allongée) portent chacun un filament pêcheur.
Les filaments sont pour la plupart rétractés en tire-bouchon. L'un d'entre eux est en cours d'extension et montre une rangée de tentilles rougeâtres.
La Ciotat, (13), 3 m
01/05/2015
En pêche !
Les petits pointillés à gauche sont les tentilles alignées sur les longs filaments pêcheurs. On remarquera la très grande longueur de ces filaments en extension, d'où l'efficacité de l'engin de pêche !
(NB Le nectosome est ici masqué par la partie antérieure du siphosome)
Cap de Nice (06)
09/03/2008
Carnaval !
Des guirlandes dans tous les sens... Devant ce joyeux désordre, il est bien difficile de savoir ce que l'on voit ! Il s'agit d'un gros plan de la structure en phase de pêche. Les pédoncules des gastrozoïdes s'allongent et les tentacules s'étendent au maximum.
Ile d'Or (83), 4m
31/05/2015
Gastrozoïdes & cie
Chaque gastrozoïde est porté par un long pédoncule implanté sur le stolon.
Chacun porte à la base du polype un filament pêcheur armé de tentilles rouge orangé ; certains (en bas) sont en cours de déploiement et d'autres (en haut à gauche) sont recroquevillés en paquet.
La tache foncée sur les gastrozoïdes correspond au "bourrelet cnidogène", où se forment les nématocystes des tentilles.
On voit aussi une grappe de gonophores (à gauche) et un bouquet de palpons translucides au milieu de l'image.
Les filaments fins comme des cheveux sont probablement les tubules de nématocystes déchargés, prêts à s'entortiller autour de la proie qui a déclenché le contact.
Ile d'Or (83), 4 m
31/05/2015
Capture
C'est un petit poisson (pas si petit que ça !) qui s'est laissé prendre au piège des filets traînants de la forskalie.
Agay (83), 3 m
08/05/2015
Ingestion
Difficile de croire que le gastrozoïde visible ici va réussir à engloutir le "petit"' poisson, et pourtant !
Remarquer les filaments et leurs tentilles rétractés en tire-bouchon qui donnent cette couleur rougeâtre.
Agay (83), 3m
08/05/2015
Défense ?
La forskalie est capable de se séparer volontairement d'une partie de ses nectophores ou de ses cormidies en cas d'attaque. Un petit nuage de pigment rouge est évacué en même temps par les palpons, ce qui pourrait avoir le même effet qu'un jet d'encre de seiche sur le prédateur.
Moyades, Marseille (13), 3 m
25/05/2019
Rencontre nocturne
Sous la surface, le siphonophore se déploie dans la nuit. Quelques organismes, dont une salpe, sont déjà harponnés.
Autour de la colonie, la lumière des plongeurs attire ou révèle une multitude de petits vers annélides...
Baie de Cannes (06); entre 1 et 4 m, de nuit
Mai 2015
Rédacteur principal : Anne PROUZET
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Anne PROUZET
Milne Edwards H., 1841, Sur la structure et les fonctions de quelques zoophytes, mollusques et crustacés des côtes de la France, Annales des Sciences Naturelles, 2(16), 193-232.
Mackie G.O., Boag D.A., 1963, Fishing, feeding, and digestion in siphonophores, Pubblicazioni della Stazione zoologica di Napoli, 33, 178-196.
Mackie G.O., Pugh P. R., Purcell P.R., 1988, Siphonophore Biology, in : Advances in Marine Biology, 24, 97-262.
Madin L. P., 1988, Feeding Behavior of Tentaculate Predators: In Situ Observations and a Conceptual Model, Bulletin of Marine Science, 43(3), 413-429.
Mapstone G.M., 2014, Global Diversity and Review of Siphonophorae (Cnidaria: Hydrozoa), PLoS ONE, 9(2), 37p.
Pugh P. R., 2003, A revision of the family Forskaliidae (Siphonophora, Physonectae), Journal of Natural History, 37, 1281-1327.
Totton, A. K., 1965, A SYNOPSIS OF THE SIPHONOPHORA, British Museum of Natural History (London), 230 pp.
La page de Forskalia edwardsi dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN
La page de Forskalia contorta dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN