Ver sédentaire vivant dans un tube enfoncé dans le sable
Corps très allongé, couvert d'écailles ovales
Deux gros ommatophores (yeux) noirs
Trompe dévaginable armée de deux paires de dents en crochet
Cette espèce est décrite ici sous le nom "cf. batabanoensis", signifiant que l'animal photographié présente une grande ressemblance, pour autant qu'on puisse le dire de visu, avec l'espèce décrite par Ibarzábal (1888).
Une identification complète nécessiterait un examen approfondi de spécimens prélevés.
Antilles
Zones DORIS : ● CaraïbesEupolyodontes batabanoensis a été signalé aux Bahamas, en Floride, à Cuba, aux îles Vierges, aux Dry Tortugas, au Honduras.
Les photos illustrant cette fiche ont été prises en Martinique, suggérant la présence d'une espèce très proche, voire identique dans les Antilles françaises.
Les spécimens collectés à Cuba et aux Bahamas ont été trouvés à faible profondeur (de 1 à 5 mètres).
Les tubes et les animaux observés en Martinique se trouvaient vers 10-12 m de profondeur, en milieu détritique* rocheux ou dans des herbiers de phanérogames.
En milieu naturel, on ne voit que la partie antérieure du ver émergeant de son terrier : la tête et éventuellement quelques segments. Le reste du corps est enfoncé dans un tube fibreux fabriqué par l'animal et enfoui dans le sable.
Le corps, très allongé et légèrement aplati, mesure jusqu'à 90 cm de longueur, pour un diamètre d'environ 3 à 4 cm, et comporte plus de 400 segments s'amincissant progressivement vers l'arrière.
Il est couvert d'écailles ou élytres* de forme ovale, gris foncé, qui ne se joignent pas (elles laissent à découvert la partie médiane du dos, surtout à l'avant du corps qui est renflé).
Le premier segment visible, appelé prostomium* (la tête), est bilobé et porte des organes sensoriels : les plus remarquables sont les deux larges ommatophores* (les yeux) placés latéralement et se projetant vers l'avant. Ce sont des organes visuels assez élaborés, fortement pigmentés (noirs) et surmontés d'une lentille transparente.
Au-dessus des ommatophores se trouvent une paire de branchies charnues et une paire d'antennes* de petites dimensions, ne s'étendant pas au-delà des ommatophores.
A l'arrière des ommatophores, le prostomium porte encore une paire de palpes* (plus centralement) et deux paires de cirres* tentaculaires (une paire dorsale et une paire ventrale).
La trompe ou proboscis* dévaginable est armée de deux paires de très fortes dents en crochets, qui peuvent faire plus de 16 millimètres de long.
Les segments suivants portent des expansions latérales, sortes de pattes appelées parapodes*. La morphologie de ces parapodes est un critère de détermination très important chez les Polychètes. Chaque parapode est composé d'un lobe dorsal ou notopode, et d'un lobe ventral : le neuropode. Ces parapodes sont en grande partie soutenus par une grosse soie centrale (acicule) qui en général ne dépasse pas du parapode, et portent plusieurs soies* (poils plus ou moins souples) qui ont quelques fonctions dans la vie du ver.
Chez Eupolyodontes batabanoensis, les notopodes portent quelques soies rigides jusqu'au segment 5.
Les neuropodes possèdent 3 bouquets de soies :
- le groupe supérieur avec deux types, des soies longues (avec des lignes de courtes épines à la base et de longues épines vers l'extrémité), ou des soies courtes (avec les épines réparties) ;
- le groupe intermédiaire a jusqu'à 7 acicules* lisses ;
- et le groupe inférieur avec de nombreuses soies lancéolées, épineuses et qui finissent en pointe fine.
Une glande sécrétrice est localisée sur chaque notopode, à partir du 9e segment sétigère* (porteur de soies). Ces glandes contribuent à la construction du tube. Elles sont productives en permanence, ce qui fait que le ver ne peut pas quitter son tube !
Le tube est plus long que le corps du ver qu'il abrite ; il peut atteindre ou dépasser 2 m de longueur, et il émerge du substrat d'environ 10 cm. Il s'enfonce d'abord verticalement, puis s'étend plus ou moins parallèlement à la surface du sol. La paroi est grisâtre, épaisse, très résistante, de consistance feutrée et parcheminée. Dans la partie terminale, le tube est annelé et plus épais. La paroi interne est tissée de fines fibres produites par les glandes de l'animal.
Ces animaux ont une trompe dévaginable munie de deux paires de fortes dents. On les considère comme carnivores, charognards ou omnivores. Fauchald & Jumars 1979, rapportent qu'ils sont attirés par l'odeur de morceaux de poisson fraîchement coupés.
Pour se nourrir, l'animal sort un peu de son tube pour capturer une proie avec ses crocs acérés, puis rentre rapidement dans son tube.
Les sexes sont séparés, et il n'y a pas plus d'informations sur la reproduction de cette famille.
La partie du tube qui émerge du sable, solide et assez pérenne, devient un support pour des algues, des éponges, des Bryozoaires, ou toute autre faune fixée.
L'espèce représentée ici construit un tube dont la bordure est feutrée, composée de fibres entrelacées. Ces fibres, fines comme des cheveux (15 à 25 µm de diamètre et environ 3 à 4 cm de long), sont probablement sécrétées par l'animal lui-même, rien de semblable n'étant trouvé dans le voisinage immédiat.
Il se tient, même de jour, dans la partie supérieure du terrier, et si on touche le tube il se rétracte vivement en refermant l'entrée du manchon feutré. Mais il est plus courant de le voir à demi sorti de nuit, sans qu'il semble dérangé par la lumière.
Les tubes semblent toujours éloignés les uns des autres (de plusieurs mètres) ; aucun regroupement n'a été observé. C'est un ver "propre" : on ne retrouve pas de déchets dans les alentours du nid.
Les Phyllodocides sont considérés comme "polychètes errantes", à cause de leur mode d'alimentation principalement carnassière qui impose de se déplacer à la recherche de nourriture (proies ou charognes). Néanmoins, celui-ci étant surtout fouisseur et tubicole, nous avons décidé de le ranger avec les "polychètes sédentaires".
Eupolyodontes : le genre Polyodontes (du grec [poly-] = beaucoup, multiples ; et [odonto-] = dent ; c'est-à-dire aux dents nombreuses) a été décrit par Renieri, 1828.
Le préfixe [eu-] insiste sur le vrai Polyodontes, le vrai multi-dents.
batabanoensis : le suffixe -ensis indique la provenance géographique, et la baie de Batabano, à Cuba, est l'endroit où a été prélevé le premier spécimen, par 2 mètres de fond.
Numéro d'entrée WoRMS : 335041
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Annelida | Annélides | Vers segmentés (annelés) à section cylindrique, à symétrie bilatérale constitués de segments semblables. Le premier segment porte la bouche et le dernier l’anus. Nombreuses formes marines, dulcicoles ou terrestres, libres ou parasites. |
Classe | Polychaeta | Polychètes | Annélides marines. Chaque segment porte des excroissances locomotrices (les parapodes) plus ou moins développées, munies de touffes de soies chitineuses rigides. Chez la plupart des espèces, la tête porte plusieurs organes sensoriels, des mâchoires, et souvent un panache branchial coloré. Animaux libres dans la colonne d'eau ou sur les sédiments mais aussi galéricoles ou tubicoles. |
Ordre | Aciculata | Aciculates | Parapodes biramés, avec un notopode et un neuropode. Chaque lobe du parapode a des baguettes squelettiques (acicules) liant le muscle parapodial aux lobes et aux soies. Cirres parapodiaux dorsaux et ventraux. 2 ou 3 palpes sur le prostomium. |
Famille | Acoetidae | Acœtidés | Elytres alternant avec des cirres dorsaux intermédiaires. glandes filière et soies notopodiales rudimentaires |
Genre | Eupolyodontes | ||
Espèce | cf. batabanoensis |
E.T. le timide
Ce sont bien des "yeux" qui vous observent, ceux d'un ver sédentaire douillettement niché dans son nid de fibres soyeuses.
Anse Dufour (Martinique sud), vers 10 m
03/10/2012
Pour comprendre...
Ce gros plan permet de distinguer clairement les différents appendices portés par le prostomium, à l'exception du proboscis (non déployé).
Les élytres et les parapodes, portés par les segments suivants, ne sont pas visibles ici.
Anse Dufour (Martinique sud), vers 10 m
03/10/2012
Le terrier
La partie du tube qui émerge du sable est épaisse, fibreuse et colonisée par toutes sortes d'organismes : algues, hydraires fixés (Myrionema sp), on voit même les tubes de petits vers sédentaires.
Le diamètre est d'environ 2 cm à la partie la plus large.
Anses d'Arlet, Martinique, vers 12 m
Romain (OCEANvironnement) FERRY
28/12/2012
Le manchon
Voici maintenant la partie souterraine, ici un peu dégagée : la membrane est épaisse, annelée et de consistance très résistante.
(Pas d'inquiétude pour l'habitant ! Il s'est mis à l'abri dans la partie inférieure, encore un bon mètre au minimum ! )
Anses d'Arlet, Martinique, vers 10 m
Romain (OCEANvironnement) FERRY
09/02/2013
Rédacteur principal : Paulo BONIFACIO
Rédacteur : Anne PROUZET
Vérificateur : Cédric PAU
Vérificateur : Romain (OCEANvironnement) FERRY
Responsable régional : Anne PROUZET
Fauchald K., Jumars P. A., 1979, The diet of worms: a study of polychaete feeding guilds, Oceanography and Marine Biology Annual Review, 17, 193-284.
Hutchings P.A., 2000, Family Acoetidae (pp 112-115 ) In : POLYCHAETES & ALLIES : THE SOUTHERN SYNTHESIS - FAUNA OF AUSTRALIA Vol. 4A Polychaeta, Myzostomida, Pogonophora, Echiura, Sipuncula, Beesley, P.L., Ross G.J.B. and Glasby C.J. (ed), CSIRO Publishing, Melbourne.
Ibarzábal D. R., 1988, Dos nuevas especies de poliquetos de las familias Polynoidae y Polyodontidae, en la plataforma suroccidental de Cuba, Poeyana, Instituto de Zoologia Academia de Ciencias de Cuba, 362, 1-9.
Linero I., 1988, Presencia de Eupolyodontes batabanoensis Ibarzábal, 1988 (Annelida, Polychaeta) en la Costa de Venezuela, Bol. Inst. Oceanogr. Univ. Oriente, 27, 51-55.
Pettibone M. H., 1989, Revision of the aphroditoid polychaetes of the family Acoetidae Kinberg (=Polyodontidae Augener) and reestablishment of Acoetes Audoin and Milne-Edwards, 1832, and Euarche Ehlers, 1887, Smithsonian contributions to Zoology, 464, 1-138.