Très long ver rouge irisé (minimum 1,50 m)
5 antennes sur la tête
Grande vélocité
Mœurs nocturnes
Eunice géante
Cette fiche a été intitulée Eunice sp car l'identification au niveau espèce ne peut pas être confirmée en l'absence de certains détails anatomiques (voir § Espèces ressemblantes et Distribution).
Cosmopolite (mers chaudes)
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● CaraïbesDes Eunicidés géants ont été signalés dans toutes les mers tempérées à tropicales, de la Méditerranée (Adriatique) à l'Indo-Pacifique.
En Méditerranée (Adriatique), il ne s'agit pas d'Eunice aphroditois (Pallas, 1788), mais d'Eunice roussaei Quatrefages, 1866 ou « ver de Rimini », qui est récolté et vendu en tant qu'appât de pêche.
Cette fiche ne traite que des spécimens observés aux Antilles (Guadeloupe et Martinique).
Ce ver est observé dans les zones accidentées, rocheuses ou coralliennes, avec de nombreuses cachettes permettant de s'abriter, souvent à proximité d'herbiers, rarement sur fonds sableux.
Le ver géant des Antilles a l'aspect d'une énorme scolopendre et se déplace avec une grande vélocité.
Sa longueur est au minimum d'un mètre, la plupart des témoignages visuels font état d'une longueur de 2 à 3 mètres pour un diamètre de 2 à 3 cm. La longueur record citée dans la littérature pour ces Eunicidés géants est de 6 m !
La face supérieure est arrondie, d'une couleur rouge pourpre à rouge bordeaux. La face ventrale est aplatie, de couleur blanchâtre avec de très belles irisations, présentes aussi sur la face dorsale. Elles sont provoquées par la réfraction de la lumière sur les couches superficielles de la cuticule, extrêmement minces et formées de nappes de fibres striées se croisant à angle droit.
La tête porte cinq antennes ou palpes, deux cirres ou tentacules plus courts sont visibles à la base du deuxième segment.
Le pharynx peut se dévaginer en formant une trompe armée de « mâchoires » cornées en forme de crochets.
Tous les autres segments sauf le tout dernier sont munis d'une paire d'appendices latéraux à rôle locomoteur appelés parapodes*. Chacun de ces parapodes est surmonté d'un panache qui est la branchie. Les adultes ont couramment 100 à 200 segments, avec un record de 1 500 segments [Fauchald].
Seule une étude fine de la structure et de l'agencement des parapodes et des appendices céphaliques (palpes, antennes, cirres), permettrait une détermination au niveau de l'espèce.
Cuvier écrit : "La mer des Antilles [] a une [espèce] de plus de quatre pieds de long (Eun. gigantea, Cuv.), qui est la plus grande annélide connue".
Uniquement pour la région Caraïbe, plus de cinquante espèces d'Eunice ont été répertoriées, souvent à partir de fragments récoltés à la drague, aucun de ces fragments ne faisant plus de 80 cm.
Citons :
Eunice aphroditois (Pallas, 1788) ; circumtropical, probablement confondu avec Eunice gigantea de Cuvier ;
Eunice antennata (Savigny, 1820)
Eunice vittata (Delle Chiaje, 1828)
Eunice cariboea Grube, 1856
Eunice roussaei Quatrefages, 1866 : semble restreint à l'Atlantique Est et à la Méditerranée ;
Eunice antillensis Ehlers, 1887
Eunice violaceomaculata Ehlers, 1887
L'existence de ces vers géants est connue depuis Lamarck, cependant à ce jour on sait très peu de choses sur leur biologie, et leur longueur maximum est inconnue. Leur identification n'est possible qu'avec une observation fine, à la loupe, des appendices céphaliques (palpes ou antennes, trompe) et des parapodes (soies, acicules*).
Le mode d'alimentation de ces Eunicidés géants est mal connu. Les observations d'Annélides Polychètes errantes en aquarium, ainsi que l'examen de contenus stomacaux, montrent qu'elles sont capables de survivre en consommant à peu près n'importe quoi. Ces grands animaux sont probablement opportunistes et consomment tout ce qu'ils peuvent récolter sur le fond : bivalves, petits crustacés, charognes, algues, détritus divers.
Les spécimens antillais se déplacent avec vélocité sur le fond à la recherche de nourriture, et n'ont jamais été observés en embuscade dans un terrier contrairement à certains de leurs cousins de l'Indo-Pacifique tropical surnommés "bobbit worms". Ceux-ci, très carnassiers, chassent à l'affût : quand une proie passe à proximité, le ver jaillit hors du trou et la capture à l'aide de forts crochets buccaux.
Inconnue.
Les modes de reproduction des Eunicidés sont assez variés : certaines espèces déposent des pontes en masses gélatineuses et les abandonnent, d'autres pratiquent une forme d'incubation, d'autres dispersent leurs œufs au cours de danses nuptiales synchronisées avec les phases de la lune, comme Eunice fucata (le « palolo atlantique »).
Le ver géant antillais est très sensible à la lumière et ne sort que de nuit, sauf accident ou maladie. De jour il reste caché dans un abri rocheux ou une fissure du corail, roulé sur lui-même comme une pelote de ficelle.
Selon un témoin qui l'a vu en Guadeloupe, dans une grotte : "la chose était en boule, et avait l'apparence d'un ver de feu énorme".
Comme toutes les Polychètes et les Annélides en général, ces vers ont une très bonne faculté de régénération. Ils sont capables de se séparer d'une grande partie de la région postérieure par autotomie*, quand ils sont attaqués par un prédateur par exemple.
Par la suite la partie avant épargnée peut "faire repousser" les segments manquants. La partie régénérée marque une nette différence de diamètre avec le reste du corps, plus épais. (voir photos).
Selon des expériences faites en laboratoire, la partie postérieure abandonnée serait également capable de régénérer un segment céphalique, à condition d'être protégée des prédateurs.
Des témoignages répétés et convergents rapportés par les plongeurs font état de "nids" dans lesquels se réfugient les vers géants pendant la journée. Il s'agit plus exactement d'anfractuosités ou espaces (entre deux blocs coralliens, sous des rochers éboulés par exemple) légèrement aménagés : les parois sont tapissées d'une nappe de soie très fine qui débouche à l'extérieur par un manchon, lui-même arrimé par un réseau de fils aux reliefs avoisinants.
La fabrication du "nid" n'a pas encore été observée.
Le ver géant antillais est plutôt timide, sa rapidité et sa tendance à fuir la lumière sont sa meilleure défense. Si vous le rencontrez en plongée de nuit, ne l'éclairez pas directement avec un phare, ce qui risque de le désorienter : masquez votre lampe avec la main et éclairez à côté de lui, le halo lumineux sera suffisant pour l'observer sans le gêner.
Ne le touchez pas car il peut se séparer d'une bonne partie de ses anneaux par autotomie réflexe s'il est effrayé !
Contentez-vous d'admirer ce spectacle qui en vaut la peine, voici sa description par un observateur qu'on devine fasciné :
"La couleur générale est d'un brun-marron très chaud et velouté avec des reflets d'or et d'azur d'une richesse incroyable. [...] Les cirrhes assez longs pour dépasser les branchies sont violacés à leur base et ont l'extrémité d'un jaune d'or. Les branchies d'un rouge vif, sans cesse en mouvement et se tordant en S ou en hélice, font ressortir cet ensemble dont la peinture la plus parfaite aurait peine à donner une idée exacte.
Mais l'alcool détruit toute cette parure. Le fragment que j'ai déposé dans les collections du Museum est d'un blanc grisâtre uniforme, comme tout ceux qu'on a rapportés de la Martinique". (Armand de Bréau de Quatrefages).
Eunice géante, Ver géant des Antilles sont des propositions du site DORIS.
Eunice : comme beaucoup de noms de genres de Polychètes, c'est un nom tiré de la mythologie gréco-latine (il s'agit d'une gracieuse nymphe, une des Néréides, citée par Apollodore).
Numéro d'entrée WoRMS : 327810
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Annelida | Annélides | Vers segmentés (annelés) à section cylindrique, à symétrie bilatérale constitués de segments semblables. Le premier segment porte la bouche et le dernier l’anus. Nombreuses formes marines, dulcicoles ou terrestres, libres ou parasites. |
Classe | Polychaeta | Polychètes | Annélides marines. Chaque segment porte des excroissances locomotrices (les parapodes) plus ou moins développées, munies de touffes de soies chitineuses rigides. Chez la plupart des espèces, la tête porte plusieurs organes sensoriels, des mâchoires, et souvent un panache branchial coloré. Animaux libres dans la colonne d'eau ou sur les sédiments mais aussi galéricoles ou tubicoles. |
Ordre | Eunicida | Eunicides | Polychètes carnassiers qui possèdent: trois antennes souvent entourées par deux palpes, des branchies bien développées sur les parapodes, une métamérie bien conservée, pas de véritable trompe exsertile mais des mâchoires exsertiles constituées d'au moins une paire de pièces calcifiées. |
Famille | Eunicidae | Eunicidés | Polychètes libres et carnassiers possédant 1, 3 ou 5 antennes céphaliques, animaux avec de nombreux segments. dans les sables et graviers. |
Genre | Eunice | ||
Espèce | sp. |
Ver géant
Ce long ver marin d'une longueur estimée à plus d'un mètre a été photographié de nuit.
"Quant à ce "ver", quand je dis 1 m j'ai été modeste, à mon avis, mais je n'ai pas pu voir ni sa tête ni sa queue. Pourtant je suis resté plusieurs minutes à le regarder défiler devant moi. Mais il fallait bien rejoindre les autres membres de la palanquée..."
Martinique, côte Caraïbes (972), de nuit
09/03/2007
Interminable !
Le ver géant est si long que le plus souvent on n’aperçoit pas en même temps sa tête et son extrémité postérieure, cachés sous des blocs coralliens : ceci joint à sa vélocité fait qu’on peut se demander parfois s’il ne défile pas en boucle !
Martinique (972)
01/06/2008
Le corps : face dorsale
Les photographes de la CREBS Martinique ont l'œil pour les détails !
Diamètre : approximativement 3 cm.
Sur ce remarquable gros plan, la structure entrecroisée du tégument et les irisations de la lumière sur les couches superficielles sont particulièrement visibles.
Les longues pointes blanchâtres alignées le long des segments sont les cirres dorsaux des parapodes.
Martinique (972), 14 m, de nuit
28/06/2008
Le corps : face ventrale
Face ventrale d’un individu en train de se retourner dans un petit creux de roche. La face ventrale est plutôt aplatie, blanchâtre, et montre de superbes irisations à la lumière.
Martinique (972)
01/06/2008
Les branchies
Les branchies palpitent sans arrêt : sur cette image, on voit du côté de l'observateur les branchies contractées (comme de petits plumets grisâtres), et du côté opposé les branchies déployées (ce sont les petits rameaux rose orangé).
A gauche une crevette nettoyeuse Stenopus, presque transparente.
Pointe Lézarde, Martinique (972), 10 m, de nuit
29/06/2008
Les parapodes
Sur cette remarquable photo de détail, on aperçoit nettement, en haut, les fibres entrecroisées du tégument, et en bas les parapodes, appendices latéraux avec chacun une touffe de soies raides, une branchie (ici rétractée) et un tentacule.
(Il s'agit d'un animal trouvé mort, sur le dos : on voit la face ventrale).
Case Pilote, Martinique
Romain (OCEANvironnement) FERRY
24/05/2013
Tête d'Eunice
Plongée de nuit, formation N1B, vers 21h45 : trois individus ont été observés hors de leur trou lors de cette plongée !
Martinique (972), 12 à 15 m, de nuit
28/06/2008
Tête
Gêné par l’éclairage des plongeurs, ce ver cherche à se réfugier dans un trou entre les blocs coralliens. Longueur totale environ 3 m.
Martinique (972), 8 m
01/06/2006
Tête gros plan
Sur ce plan rapproché on voit nettement les 5 antennes céphaliques, caractéristiques du genre Eunice. Remarquez aussi les deux cirres à la base du deuxième segment.
La tache bleue entre les deux antennes externes est un ocelle.
Martinique (972), vers 8 m, de nuit
01/06/2008
Les tentacules
Ce ver géant a été surpris de jour, sous une dalle faisant office de corps mort. Admirez la magnifique irisation du tégument, les cinq antennes céphaliques et les 2 palpes s'insérant sur le 2ème segment.
St Kitts, Caraïbes, 18 m
16/12/2009
De face
Voici le ver dans sa position d'exploration : les cinq antennes céphaliques et les deux palpes de la base du 2e segment largement déployés.
Pointe Lézarde, Martinique (972), 10 m, de nuit
29/06/2008
De jour
Spécimen photographié de jour, à découvert, par 8 m de fond. Longueur estimé à un peu plus d'un mètre.
« Il était plutôt calme et immobile, mais quand mon binôme l'a touché (pas avec les mains), il a commencé à bouger avec des mouvements brusques ».
La situation inhabituelle (de jour, à découvert), l’immobilité puis les mouvements spasmodiques au contact semblent indiquer qu’il s’agit d’un individu malade ou blessé.
Cap enragé, Martinique (972), 8 m
25/01/2008
Fragment
Autre photo prise de jour. Ce fragment de ver (sans doute une extrémité postérieure abandonnée suite à une attaque par un prédateur), s’agitait sur place sans s’enfuir avec sa vélocité habituelle. Notez la présence du ver de feu (Hermodice carunculata), charognard bien connu, probablement attiré par l’espoir d’un bon repas. L’ensemble du spécimen mesurait environ 60 cm.
Photo du haut : cette extrémité sans antennes ni palpes est sans doute l'extrémité caudale (le "bout" de la queue ) ;
Photo du bas : cette extrémité aplatie (comme écrasée), décolorée et tronquée net pourrait être le résultat d’une autotomie (séparation volontaire d’une partie des segments postérieurs).
Vieux Fort, Guadeloupe (971)
09/08/2008
Accident ?
Autre fragment d’une quarantaine de centimètres, de nuit. Les bords déchiquetés du segment visible au premier plan font penser fortement au résultat d’une attaque par un prédateur.
Anses d'Arlet, Martinique (972), 15 m
03/04/2005
Queue en régénération
On a bien l’impression que ce ver a subi déjà deux attaques, et qu’il en est à la deuxième régénération de sa partie terminale… Ce spécimen faisait environ 1,50 m de long.
A noter sur le dernier segment (pygydium) : un des deux petits cirres anaux est bien visible.
Martinique (972), 14 m, de nuit
28/06/2008
Un juvénile ?
Avant d'être géants, les vers doivent commencer par être petits ! C'est peut-être un juvénile de ver géant qui a été saisi ici par le photographe, de jour (la taille du sujet peut s'évaluer par référence à l'oursin diadème à côté).
Noter que les porportions du corps sont un peu différentes de celles des adultes.
Ilet Pigeon, Guadeloupe
06/07/2009
La tête : vue ventrale
Eunice aphroditois (Pallas, 1788) - Spécimen prélevé en Nouvelle-Calédonie en 1928 par A. Pruvot-Fol, déterminé par L. Fauvel.
La décoloration est dûe au séjour prolongé dans le formol.
Les cinq antennes (dont l'une pliée vers l'arrière) sont ici bien visibles.
Photo prise dans un bocal (A 128) de la collection des annélides polychètes du Muséum national d'Histoire Naturelle (Paris)
06/03/2009
La tête : vue latérale
Eunice aphroditois (Pallas, 1788) - Spécimen prélevé en Nouvelle-Calédonie en 1928 par A. Pruvot-Fol, déterminé par L. Fauvel.
Dans le même bocal que le spécimen précédent ; celui-ci est vu de côté et la trompe partiellement sortie permet de voir les détails anatomiques.
Remarquez que les parapodes des premiers segments du corps (les seuls visibles ici) ne portent pas de branchie plumeuse sur leur partie dorsale.
Photo prise dans un bocal (A 128) de la collection des annélides polychètes du Muséum national d'Histoire Naturelle (Paris)
06/03/2009
L'entrée du nid
Voici l'aspect typique d'un terrier de ver géant : un boyau d'aspect soyeux qui s'enfonce sous des blocs coralliens, et dont l'ouverture est suspendue par un réseau de fils comme une toile d'araignée. Ces fils sont de consistance très résistante et pas du tout collante.
La Citadelle, Saint Pierre, Martinique, 14 m
13/12/2008
Rédacteur principal : Anne PROUZET
Correcteur : Patrick SCAPS
Responsable régional : Anne PROUZET
Carrera Parra L.F., Salazar Vallejo S.I., 1997, Eunicids (Polychaeta) of the Mexican Caribbean with Keys for the species of the Grand Caribbean : Eunice, Revista de biologia tropical, 45, 4, 1499-1521.
Cuvier G., Latreille P.-A., 1830, LE REGNE ANIMAL DISTRIBUE D'APRES SON ORGANISATION : POUR SERVIR DE BASE A L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX ET D'INTRODUCTION A L'ANATOMIE COMPAREE, Tome 3, ed. Déterville (Paris), 560p.
Fauchald K., 1979, The Diet of worms : a study of polychaete fedding guilds, Oceanogr. Mar. Biol. Ann. Rev., 17, 193-284.
Fauchald K., 1992, A REVIEW OF THE GENUS EUNICE (POLYCHAETA : EUNICIDAE) BASED UPON TYPE MATERIAL, Smithsonian contributions to Zoology, 523, 422 p.
Quatrefages A. de, 1866, HISTOIRE NATURELLE DES ANNELÉS MARINS ET D'EAU DOUCE. ANNÉLIDES ET GÉPHYRIENS, vol. 1, Librairie Encyclopédique de Roret (Paris), 335p.
Richards T.L., 1967, Reproduction and development in the Polychaete Stauronereis rudolphi, including a summary of development in the superfamily Eunicea, Marine Biology, 1, 124-133.
Zanol J.P., Bettoso N., 2006, Identity of Eunice roussaei (Eunicidae : Polychaeta : Annelida) from the Adriatic and Mediterranean Seas, J. Mar. Biol. Ass. U.K., 86, 1017-1024.